On continue notre tour des sorties cannoises avec ce
film, l'un des films français inévitablement sélectionnés dans ce
festival (je suis méchant, admettons qu'on arrive à sauver chaque année
quelques titres de notre production hexagonale pour les montrer sans
être trop ridicules), qui n'est pas vraiment celui qui a le plus fait
parler de lui dans cette sélection, que ce soit en bien ou en mal
d'ailleurs. Comme de toute façon je ne connaissais absolument pas
l'oeuvre antérieure du sieur Giannoli, autant juger sur pièce devant
l'écran.
Un escroc à la petite semaine s'est spécialisé dans l'arnaque au
matériel de chantier. Un jour, il tombe sur un chantier d'autoroute
déserté et voit là une bonne occasion de se faire un petit pactole en
exploitant les fournisseurs locaux. La petite ville du Nord où il vient
faire ses magouilles l'accueille en héros, espérant sortir grâce à lui
du marasme économique qui a suivi la fermeture du chantier. Philippe (ce
n'est pas vraiment son nom, mais cette identité lui colle désormais à la
peau) lance une machinerie énorme, qu'il va avoir bien du mal à
contrôler.
Ca vous intéresse, un film qui se passe pour les trois quarts sur un
chantier d'autoroute au milieu de nulle part dans le Nord de la France ?
Non ? Ben vous avez peut-être tort, en fait. Car ce chantier est,
indiscutablement, quelques choses de fascinant, et le ballet des
pelleteuses et autres grosses machines est fort bien orchestré par
Giannoli qui, à l'aide de plans étonnants et d'un montage serré, nous
concocte des séquences de construction qui sont sûrement les plus belles
du film. La poésie de la bétonneuse, il fallait y croire, mais oui, ça
existe !
Quant au contenu de l'intrigue proprement dite, le fait divers dont le
scénario s'inspire est suffisamment étonnant et incroyable (au sens
premier du terme : on a du mal à y croire) pour fournir matière à un
suspense qui s'entretient assez bien tout seul. Les deux heures passent
donc sans qu'on y fasse attention, même si on peut déplorer quelques
facilités scénaristiques qui pour le coup sont sûrement dues aux ajouts
des scénaristes. L'histoire avec la maire est assez peu palpitante, et
le jeune couple de paumés un peu trop beau pour être vrai. Et puis
était-il nécessaire de doubler la scène d'aveux d'un accident sur le
chantier (certes, la tension dramatique est là) ou de conclure sur un
lever de soleil un peu voyant ?
Ce n'est pas un film hollywoodien, que diable ! On aurait aimé un
contexte social plus approfondi et plus vraiment réaliste. Pourtant, on
ne peut pas dire que Giannoli ne prend pas le temps d'introduire ses
personnages (la première demi-heure est même à la limite du longuet),
mais ça semble un peu artificiel. Ce n'est d'ailleurs pas arrangé par le
jeu hermétique de Cluzet dans le rôle principal. Ok, son personnage est
perdu, mais ce n'est pas une raison pour ne pas laisser paraitre une
seul émotion tout le long du film... C'est peut-être ce genre de détails
qui n'en sont pas qui font passer le film d'un statut potentiel d'oeuvre
passionnante à celle moins désirable de film intéressant. C'est
toutefois déjà une réussite sur unsujet pas si facile.
Roupoil, 14 novembre 2009.