71 fragments d'une chronologie du hasard,

film de Michael Haneke (1994)



Avis général : 4/10
:-) L'ambiance toujours aussi glaçante créée par Haneke. Quelques scènes très fortes.
:-( Un paquet de scènes franchement chiantes. La mécanique semble un peu tourner à vide.

J'avais il y a maintenant plus de sept mois de cela commencé une retrospective des débuts de carrière de Michael Haneke en regardant coup sur coup ses deux premiers films. Il me restait encore une troisième oeuvre qui trainait au fond d'un coffret et que j'ai fini par me décider à regarder l'autre jour. Avantage indéniable du titre à rallonge de cet opus : si on ne sait pas quoi raconter dans sa critique, il suffit de le sortir toutes les trois lignes et ça remplit rapidement la page. En même temps, ce ne devrait pas être vraiment nécessaire dans la mesure où le cinéma du maitre autrichien, bien que rarement trépidant, fournit toujours matière à discussion.

La veille de Noël 1993, Maximilien B., étudiant de 19 ans, a flingué à tout va dans une banque puis dans la rue, tuant trois personnes, puis s'est suicidé dans sa voiture d'une balle dans la tête. C'est par cette annonce que débute le film. On a ensuite droit à une tranche d'infos télévisuelles puis à un retour dans le temps pour suivre dans leur vie quotidienne quelques autrichiens apparemment sans rapport les uns avec les autres : un couple qui adopte, un vieillard, un jeune roumain qui vit de vols, et un autre couple dont la vie ne donne pas vraiment envie. On s'en doute, ces gens-là sont tous reliés d'une façon ou d'une autre au drame précité.

Au niveau du fond, le troisième film de Haneke est très proche de ses deux précédents, analysant, ou plutôt observant simplement la vie quotidienne de gens ordinaires, mais qui sont impliqués dans un drame atroce. Comme dans le Septième continent, l'événement arrive en fin de film et ne suscite essentiellement pas de commentaires, mais à la différence de ce dernier, il se compose d'un simple accès de violence très bref, qui n'occupe que les derniers instants du film. Le reste du temps est consacré à la contemplation, comme le titre l'indique, de 71 fragments de vie où il ne se passe pas grand chose. Autant dire qu'Haneke pousse ici sa formule à l'extrême, produisant un film qui pendant 95% de sa durée ne raconte à peu près rien. Encore plus dur pour les néophytes, l'absence de dialogues est encore plus marquée qu'à l'habitude, et il fait lorgner certains de ses fragments assez franchement du côté de l'expérimentation, notamment à cause de la durée interminable d'un ou deux plans séquences. Très sincèrement, j'ai plus d'une fois décroché, notamment lors de la séquence de ping-pong, qui va se positionner en très bonne place dans ma liste des scènes les plus absurdes que j'aie vues au cinéma.

Un film qui se mérite donc (ou qui fait fuir en courant, question de point de vue), mais qui recèle tout de même son petit lot d'observations très justes (les scènes avec le gamin roumain notamment), sa maitrise technique indéniable, quelques scènes très fortes (hélas trop rares, mais on a tout de même droit notamment à un "Je t'aime" qui ne ressemble à aucun autre), et un questionnement inévitable sur le geste final. Ceci dit, même de ce point de vue, le film me semble loin d'arriver à la cheville du Septième continent, tentant de forcer de façon un peu curieuse des rapprochements douteux via ses séquences de journaux télévisés, et poussant même du côté d'un misérabilisme un peu facile par le choix de ses protagonistes : la famille du Septième continent était simplement banale à pleurer, là les personnages penchent sérieusement du côté "pas favorisés par le sort".

Peut-être tout simplement Haneke a-t-il chercher à se renouveller un peu, et pour cela a-t-il forcé son trai dans la forme que dans le fond, mais ça ne s'est traduit que par une chute de qualité qui rend le film à mon sens peu recommandable malgré son intérêt. Sûrement a-t-il eu raison de changer ensuite un peu de terrain avec Funny Games.

Roupoil, 5 avril 2009.



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