J'avais il y a maintenant plus de sept mois de cela
commencé une retrospective des débuts de carrière de Michael Haneke en
regardant coup sur coup ses deux premiers films. Il me restait encore une
troisième oeuvre qui trainait au fond d'un coffret et que j'ai fini par me
décider à regarder l'autre jour. Avantage indéniable du titre à rallonge
de cet opus : si on ne sait pas quoi raconter dans sa critique, il suffit
de le sortir toutes les trois lignes et ça remplit rapidement la page. En
même temps, ce ne devrait pas être vraiment nécessaire dans la mesure où
le cinéma du maitre autrichien, bien que rarement trépidant, fournit
toujours matière à discussion.
La veille de Noël 1993, Maximilien B., étudiant de 19 ans, a flingué à
tout va dans une banque puis dans la rue, tuant trois personnes, puis
s'est suicidé dans sa voiture d'une balle dans la tête. C'est par cette
annonce que débute le film. On a ensuite droit à une tranche d'infos
télévisuelles puis à un retour dans le temps pour suivre dans leur vie
quotidienne quelques autrichiens apparemment sans rapport les uns avec les
autres : un couple qui adopte, un vieillard, un jeune roumain qui vit de
vols, et un autre couple dont la vie ne donne pas vraiment envie. On s'en
doute, ces gens-là sont tous reliés d'une façon ou d'une autre au drame
précité.
Au niveau du fond, le troisième film de Haneke est très proche de ses deux
précédents, analysant, ou plutôt observant simplement la vie quotidienne
de gens ordinaires, mais qui sont impliqués dans un drame atroce. Comme
dans le Septième continent, l'événement arrive en fin de film et
ne suscite essentiellement pas de commentaires, mais à la différence de ce
dernier, il se compose d'un simple accès de violence très bref, qui
n'occupe que les derniers instants du film. Le reste du temps est consacré
à la contemplation, comme le titre l'indique, de 71 fragments de vie où il
ne se passe pas grand chose. Autant dire qu'Haneke pousse ici sa formule à
l'extrême, produisant un film qui pendant 95% de sa durée ne raconte à peu
près rien. Encore plus dur pour les néophytes, l'absence de dialogues est
encore plus marquée qu'à l'habitude, et il fait lorgner certains de ses
fragments assez franchement du côté de l'expérimentation, notamment à
cause de la durée interminable d'un ou deux plans séquences. Très
sincèrement, j'ai plus d'une fois décroché, notamment lors de la séquence
de ping-pong, qui va se positionner en très bonne place dans ma liste des
scènes les plus absurdes que j'aie vues au cinéma.
Un film qui se mérite donc (ou qui fait fuir en courant, question de
point de vue), mais qui recèle tout de même son petit lot d'observations
très justes (les scènes avec le gamin roumain notamment), sa maitrise
technique indéniable, quelques scènes très fortes (hélas trop rares, mais
on a tout de même droit notamment à un "Je t'aime" qui ne ressemble à
aucun autre), et un questionnement inévitable sur le geste final. Ceci
dit, même de ce point de vue, le film me semble loin d'arriver à la
cheville du Septième continent, tentant de forcer de façon un peu
curieuse des rapprochements douteux via ses séquences de journaux
télévisés, et poussant même du côté d'un misérabilisme un peu facile par
le choix de ses protagonistes : la famille du Septième continent
était simplement banale à pleurer, là les personnages penchent
sérieusement du côté "pas favorisés par le sort".
Peut-être tout simplement Haneke a-t-il chercher à se renouveller un peu,
et pour cela a-t-il forcé son trai dans la forme que dans le fond, mais ça
ne s'est traduit que par une chute de qualité qui rend le film à mon sens
peu recommandable malgré son intérêt. Sûrement a-t-il eu raison de changer
ensuite un peu de terrain avec Funny Games.
Roupoil, 5 avril 2009.