Comme chaque année ou presque (l'an dernier j'ai réussi à
l'éviter), je suis allé voir la Palme d'or à sa sortie, et pourtant, comme
chaque année ou presque, j'étais assez dubitatif sur l'intérêt que
j'allais porter au film. Il faut dire qu'ils ont quand même un peu la
manie à Cannes depuis quelques années de donner leur récompense suprême à
des films difficiles et à fort relent politique.
Pour cette fois-ci, ça se passe en Roumanie en 1987, et je ne spoilerai
sûrement personne en disant qu'il s'agit d'une histoire d'avortement
clandestin (et pour cause c'est illégal) d'une étudiante. Pourtant, Mungiu
nous laisse dans l'expectative pendant une petite demi-heure. On découvre
d'abord deux étudiantes dans leur résidence universitaire assez sordide,
dont l'une se préparer apparemment à un voyage. Puis on suit l'autre qui
cherche à trouver une chambre d'hôtel, puis va à la rencontre du
mystérieux monsieur Bebe. Le but de tout ce mic-mac devient rapidement
clair, mais tout ne va pas se passer aussi simplement que prévu.
La première demi-heure m'a fait craindre le pire. Au niveau du style,
c'est du cinéma hyper-réaliste et aussi froid que possible. Alternance de
plans fixes et de caméra à l'épaule, pas l'ombre d'un début de musique,
éclairage naturel et parfois inexistant, c'est pour le moins sobre. Comme
en plus il ne se passe pas grand chose à l'écran, le seul intérêt est
celui, documentaire, de découvrir les conditions de vie dans la Roumanie
de l'époque. Pas vraiment suffisant.
Heureusement, Mungiu se décide à donner un peu plus de consistance à son
film, et la réalisation trouve son intérêt dans l'illustration de scènes
éprouvantes par leur longueur et leur sécheresse, mais qui marquent
incontestablement. La scène-clé est la discussion avec l'avorteur dans
l'hôtel, un sommet glauque assez étouffant. Mungiu récidivera ensuite,
notamment avec un repas où les vacheries fusent presque sans répit, qui en
dit long sur les mentalités des participants. Quand à la fameuse image du
foetus dans la salle de bain, ce n'est finalement pas ce qui m'a le plus
marqué (comme d'hab, les images ne me traumatisent pas ; ceci dit, je
trouve impensable de laisser ce film tous publics...).
Je ne suis toujours pas totalement convaincu par ce genre de réalisation
(on pense beaucoup aux Dardenne ou au Keane de Lodge Kerrigan en
regardant ce film), mais notre jeune apprenti roumain maitrise ses effets
comme peu d'autres dans cette catégorie (c'est nettement meilleur à mon
goût que le seul Dardenne que j'aie vu, L'Enfant). Certainement à
voir, donc, du moins si vous êtes prêts à passer un moment assez
difficile.
Roupoil, 2 septembre 2007.