Comme pour son compère Amenabar (avec lequel il n'a
d'ailleurs en commun que le nom à consonnance latine et le fait d'être
déjà un peu plus qu'un jeune cinéaste prometteur), je me fais la
filmographie de mister Gonzalez (non, désolé, il a un nom vraiment trop
long, je ne me le taperai pas en entier à chaque fois) dans un certain
désordre, après avoir commencé par son dernier film, Babel, au
ciné, pour ensuite remonter le temps.
Il s'agit donc d'un homme qui est sur le point de mourir. Même que sa
femme veut avoir un bébé de lui tant qu'il en est encore temps. Et aussi
d'un autre gars très orienté religion, mais il semblerait que ça n'ait pas
toujours été le cas. Ah, et il y a aussi cette femme blonde qui se drogue
et qui a deux fillettes adorables. Ah, mais en fait le premier gars la
connait, et ils sortiraient même ensemble. Mais quel rapport avec le
mexicain, qui a changé de coiffure depuis tout à l'heure ?
Regarder le début de 21 grammes, c'est un peu cet effet que ça
fait. De bribes de scènes faisant intervenir principalement trois
individus (allez, quatre en comptant la femme de Paul), mais qui semblent
montées dans un ordre très aléatoire, et sans la moindre indication
concernant leurs liens, temporels notamment. C'est au spectateur de
reconstituer comme il le peut le puzzle, qui finira tout de même par
s'assembler complètement. On savait déjà que le réalisateur aimait les
constructions visant à rassembler plusieurs personnages aux histoires bien
distinctes autour d'un événement central. Là, il y ajoute une
complexification formelle qui risque d'en rebuter plus d'un (on est
vraiment très loin d'une simple utilisation de quelques flashs-backs).
Je n'ai a priori rien contre ce genre d'expérimentation visant à
chambouler un peu le confort du spectateur pour, peut-être, mieux
l'immerger dans le film, mais quand c'est à ce point, on se demande tout
de même quel est le but. Permettre des transitions brutales d'une scène
dramatique vers quelque chose de plus joyeux ? La première fois, ça
marche, mais à la cinquième, ça finit par lasser. Peut-être est-ce là pour
dynamiser une intrigue qui par moments se traine franchement, surtout dans
la deuxième moitié ? Ca marche presque, mais le fait de mettre des bouts
de scènes de fin dès le début fait qu'on finit par deviner ce qui va se
passer au milieu, et quand les scènes en question débarquent, c'est bien
dur de s'y accrocher. Bref, pas très convaincant tout ça.
Par ailleurs, ce n'était sûrement pas nécessaire, dans la mesure où ce qui
convainc le plus dans le film, c'est ce qui fait souvent la base d'un bon
cinéma : les acteurs, excellents, et les scènes émouvantes qui arrivent à
faire passer un scénario qui a un peu tendance à charger la barque (c'est
déjà assez noir comme ça, avait-on vraiment besoin que les trois
protagonistes soient une droguée, un ex-taulard et un gars dont le couple
tombe en ruine ?). Comme quoi finalement ça reste dans les vieux pots
qu'on fait les meilleures soupes. Enfin, si vous êtes courageux, essayez
tout de même, car sur le fond le film de Gonzalez Inarritu est loin d'être
mauvais.
Roupoil, 4 aout 2008.