Réponse à Jacques Littauer sur les retraites

Monsieur Littauer,

Dans votre colonne de la page 5 du Charlie Hebdo nº1521 du 15 septembre 2021, vous concluez:

« Petit problème : il est impossible de créer une retraite par capitalisation, car cela imposerait aux salariés d'être prélevés deux fois. Une fois pour les vieux d'aujourd'hui — système actuel — et une seconde fois pour leur retraite à eux. »

Je pense que nous sommes tout à fait d'accord sur le fond quant à l'idiotie fondamentale des systèmes par capitalisation, mais les raisons que vous donnez ici en conclusion me semblent faibles et inadaptées, car elles acceptent implicitement les règles du jeu posées par nos adversaires.

Il serait à mon avis bien plus important de rappeler ce point essentiel:

Il ne peut exister de retraites que par répartition. Les histoires de capitalisation sont des pinaillages comptables pour masquer cette réalité.

L'argent ne se mange pas, l'argent ne chauffe pas, l'argent ne protège pas de la pluie : il ne peut que s'échanger contre des biens et des services. Les retraités de 2021 consomment des biens et des services produits en 2021. Les retraités de 2050 consommeront des biens et des services produits en 2050. On ne peut pas « capitaliser » un poulet rôti ou un week-end à la mer.

Tout système de retraite n'est en définitive qu'une réponse à cette question épurée : quelle proportion des biens et des services produits voulons-nous attribuer aux retraités ?

Tout le reste n'est au fond que détails comptables et équilibre de pouvoirs. Instaurer un système par capitalisation ne change rien à la question de fond de la répartition des richesses, ça ne fait que donner le contrôle des détails comptables à des entités privées, qui pourront ponctionner une partie des richesses au passage.

 

Pour répondre à la question de fond, il y a un argument qui me semble très important et pourtant que personne n'envisage. Une personne qui a décidé de travailler toute sa vie à mi-temps et une personne qui a décidé de travailler une année sur deux à plein temps auront en définitive contribué de la même manière à la richesse collective du pays, donc méritent à la fin la même retraite.

Donc un bon système de retraite devrait être globalement linéaire. Il aurait besoin de prendre en compte des indicateurs économiques comme l'inflation, mais par rapport aux sommes cotisées, c'est la linéarité qui devrait être la norme. Or tous les modes de calculs qui font intervenir des histoires de trimestre, un âge de droit de départ à la retraite, etc., sont tout sauf linéaires. À méditer.