Un système de financement participatif pour les traductions de livres

Introduction

Je vais décrire ici mes idées pour un système de financement participatif pour les traductions de livres étrangers, tout particulièrement les livres grand public / de loisir : romans, recueuils de nouvelles, etc. Ce système pourrait être mis en place par un grand éditeur, et lui être rentable.

Préambule : qu'est-ce que le financement participatif

Le financement participatif consiste à faire appel, pour financer un projet industriel ou commercial, non pas à quelques gros investisseurs intéressés par le retour sur investissement mais à beaucoup de particuliers intéressés par les fruits du projet.

Le financement est en général coordonné par un opérateur, typiquement sous la forme d'un site web. Le plus connu mondialement est probablement Kickstarter; en France, KissKissBankBank est assez connu.

Quelqu'un ayant un projet peut venir le déclarer à une de ces sites, avec une estimation des coûts, par exemple « il me faudrait 40 000€ pour développer une chatière qui aboie quand le chat des voisins s'approche ; elles coûteraient alors 80€ pièce ». Des internautes qui visitent le site peuvent alors déclarer « ça m'intéresse », s'engageant ainsi sur les 80€. Si le capital est réuni dans le temps imparti, le site débloque les fonds à l'instigateur du projet, qui peut alors se mettre au travail. Si le projet réussit, les contributeurs reçoivent leur chatière et tout le monde est content ; si le projet échoue, le site rembourse les contributeurs et s'efforce de recouvrer les fonds.

Pourquoi ce modèle marcherait très bien pour les traductions

Il se publie tellement d'œuvres à l'étranger que de nombreux excellents livres passent sous le radar des éditeurs et ne sont jamais traduits, même s'il existe un réservoir de lecteurs déjà intéressés suffisant pour rendre la traduction immédiatement rentable.

En principe, le financement participatif pourrait débloquer la situation. C'est déjà très employé par des auteurs pour financer leurs propres œuvres en auto-édition. Mais c'est un travail énorme. Pour une traduction, il faut négocier les droits, embaucher un traducteur, gérer la composition, l'impression, la logistique. Personne ne va prendre ça à sa charge juste pour lire un livre étranger, aussi bon soit-il.

En revanche, pour un grand éditeur qui a des collections de traductions, tout ceci est la routine, une mécanique bien huilée où les réseaux et les économies d'échelles jouent à plein.

Mettre en place un système de financement participatif spécialisé permettrait donc à un éditeur de dénicher des œuvres à la rentabilité garantie, et en même temps de satisfaire plus de lecteurs.

Comment le système pourrait marcher

Un internaute porte à l'attention du système une nouvelle œuvre, par exemple en indiquant son ISBN. Le système estime automatiquement les coûts, fixes et par exemplaire, à partir des informations publiquement disponibles sur l'œuvre : langue originale, nombre de pages, etc.

D'autres internautes s'inscrivent et s'engagent à payer un exemplaire, éventuellement avec des préférences de format (grand / petit / électronique).

Si et quand les promesses de financement atteignent 75% (par exemple) du coût estimé, l'éditeur fait établir une estimation plus précise. Quand le total est atteint, l'éditeur acquiert les droits et met en route le travail de traduction.

Variante : autre organisation possible

Un système similaire mais séparé de tout éditeur est envisageable : la plateforme bloque et recense les promesses de financement, mais ne se mêle pas du tout du travail éditorial. Si un éditeur acquiert les droits de l'œuvre, il peut réclamer les fonds à condition de s'engager à fournir les exemplaires correspondants aux contributeurs.

Cette variante a le mérite de mieux supporter la concurrence : plusieurs campagnes peuvent être lancées pour la même œuvre sur des plateformes concurrentes, ça ne pose pas de problème, il suffit à l'éditeur qui a acquis les droits (là, il n'y en aura qu'un) de réclamer les fonds de toutes les campagnes.

Le défaut, en revanche, est que la plateforme n'est pas adossée à un gros éditeur, donc elle a besoin d'avoir sa propre stabilité financière. Ça requiert une certaine quantité de capital-risque à mettre en place.

Un premier pas plus facile peut être un site qui compile les envies de traductions des lecteurs et permet aux éditeurs d'estimer à priori la rentabilité, mais sans gérer d'argent.