Chronologie des films d'animation français


Des Douze travaux d'Astérix (1976) aux Triplettes de Belleville (2003), toute l'histoire du *grand dessin 
animé français* !

Voici une chronologie sommaire des longs-métrages d'animation français, des origines jusqu'à nos jours ; chaque titre est suivi du nom du ou des réalisateurs. La première chose qui saute aux yeux est que la liste est bien courte. Mais la seconde est qu'elle comprend beaucoup de films peu connus qu'il est grand temps de (re)découvrir. Et la troisième, c'est qu'il y a eu plusieurs très belles surprises ces dernières années. On ne peut qu'espérer que ça va continuer comme ça !
Rendons à César... : cette chronologie est à l'origine une version élargie, complétée et mise à jour de la liste des longs-métrages d'animation français disponible sur l'excellent site de l'AFCA, l'Association Française du Cinéma d'Animation, dans la rubrique Centre de documentation, page "Filmographie". Le site consacre en plus à chaque film une page complète : je vous invite donc à vous y reporter.

Décembre 2008 : À la chronologie elle-même s'ajoutent désormais quelques mots de critique sur chacun des films que j'ai pu voir.

28 octobre 1892 - 1900 : Emile Reynaud, inventeur du théâtre optique, projette en public ses premières pantomimes lumineuses, ancêtres du dessin animé, au musée Grévin, accompagné au piano par Gaston Paulin pour la musique.
17 août 1908 : Fantasmagorie d'Emile Courtet, dit Emile Cohl, projeté au Théâtre du Gymnase pour la société Gaumont. C'est le plus ancien dessin animé cinématographique connu au monde.
Ces deux premières entrées sont des rappels historiques plus qu'autre chose, car les dessins animés en question ne sont pas vraiment des longs-métrages (Fantasmagorie dure deux minutes).
1930 : Le Roman de Renard, Ladislas Starewitch
1948 : Alice au pays des merveilles, Lou Bunin
1950 : Jeannot l'intrépide, Jean Image
1950 : La Bergère et le ramoneur, Paul Grimault (film désavoué par ses deux auteurs, Paul Grimault et Jacques Prévert, car exploité d'après une version inachevée de ce qui deviendra plus tard "Le Roi et l'Oiseau".)
1953 : Bonjour Paris, ou la tour prend garde, Jean Image
1967 : Le théâtre de Monsieur et Madame Kabal, Walerian Borowcyk
1967 : Astérix le Gaulois, Ray Goossens (d'après la BD éponyme de René Goscinny et Albert Uderzo)
1968 : Astérix et Cléopâtre, René Goscinny, Albert Uderzo et Lee Payant (d'après la BD éponyme de René Goscinny et Albert Uderzo)
1969 : Aladin et la lampe merveilleuse, Jean Image
1969 : Tintin et le temple du soleil (franco-belge), Raymond Leblanc
1970 : Fablio le magicien, par Georges De la Grandière, Attila Dargay, Radka Badcharova et Victor Antonescu
1970 : Pollux et le chat bleu, Serge Dannot
1973 : Joe le petit boum-boum, Jean Image
1972 : Tintin et le lac aux requins (franco-belge), Raymond Leblanc
1973 : La planète sauvage, René Laloux
1974 : La Génèse, Pierre Alibert
1975 : La Honte de la jungle, par Picha et Boris Szulzinger
1976 : Les Douze Travaux d'Astérix, par René Goscinny et Albert Uderzo
1978 : La Ballade des Dalton, par René Goscinny, Morris et Henri Gruel
1978 : Pluk, naufragé de l'espace, Jean Image
1978 : Les Fabuleuses Aventures du légendaire baron de Münchausen, Jean Image
1979 : Le Roi et l'Oiseau, Paul Grimault
1979 : Le Chaînon manquant, Picha
1979 : Minoie, par Jean Jabely et Philippe Landrot
1979 : Ubu et la grande gidouille, Jan Lenica
1981 : Les Maîtres du temps, René Laloux
1982 : Chronopolis, Piotr Kamler
1982 : Le Secret des Sélénites, Jean Image
1983 : Lucky Luke, Les Dalton en cavale, par Morris, Bill Hanna et Joe Barbera
1983 : L'Enfant invisible, André Lindon
1983 : Les Boulugres, Jean Hurtado
1984 : Gwen, le livre de sable, Jean-François Laguionie
1985 : Astérix et la surprise de César, Paul et Gaëtan Brizzi
1986 : Astérix chez les Bretons, Pino Van Lamsweerde
1986 : Le Big Bang, Picha
1988 : Gandahar, René Laloux
1988 : La Table tournante, Paul Grimault
1989 : Astérix et le coup du menhir, Philippe Grimond
1990 : Le Triomphe de Babar, Alan Bunce
1991 : Robinson et Cie, Jacques Colombat
1993 : Les Mille et une farces de Pif et Hercule, par Bruno Desraisses et Charles de Latour
1995 : Le Monde est un grand Chelm (français-allemand-israélien), Albert H. Kaminski (d'après les contes d'Isaac Bashevis Singer)
1998 : Kirikou et la sorcière, Michel Ocelot
1999 : Le Château des singes, Jean-François Laguionie
1999 : Princes et princesses, Michel Ocelot
2001 : Petit Potam, de Christian Choquet et Bernard Deyriès
2002 : Bécassine et le trésor viking, Philippe Vidal
2002 : Tristan et Iseut, Thierry Schiel
2002 : Corto Maltese, la cour secrète des arcanes, Pascal Morelli
2002 : L'enfant qui voulait être un ours, Jannick Astrup
2003 : Kaena, la prophétie, Chris Delaporte et Pascal Pinon (animation 3D)
2003 : Les Enfants de la pluie, Philippe Leclerc
2003 : Les Triplettes de Belleville, Sylvain Chomet
2003 : La Prophétie des grenouilles, Jacques-Rémy Girerd
2003 : Le chien, le général et les oiseaux, Francis Nielsen
2003 : La légende de Parva (franco-italien), Jean Cubaud
2003 : Les trois rois mages (franco-espagnol), Antonio Navarro
2004 : T'choupi, Jean-Luc François
2004 : L'Île de Black Mór, Jean-François Laguionie
2004 : Les Aventures extraordinaires de Michel Strogoff, Bruno-René Huchez
2005 : Le Manège enchanté (animation 3D, franco-britannique), de Dave Borthwick, Jean Duval et Frank Passingham
2005 : Pinocchio le robot (long-métrage d'animation 3D co-réalisé en France, Espagne et Canada), Daniel Robichaud
2005 : Le roman de Renart, Thierry Schiel
2005 : Kirikou et les bêtes sauvages, Michel Ocelot
2006 : Renaissance, Christian Volckman (animation 3D en noir et blanc)
2006 : Astérix et les Vikings, Stefan Fjeldmark et Jesper Møller
2006 : Azur et Asmar, Michel Ocelot
2006 : U, Serge Elissalde et Grégoire Solotareff
2006 : Arthur et les minimoys, Luc Besson
2006 : Franklin et le trésor du lac (franco-canadien), Dominique Monfréry
2006 : Piccolo Saxo & Cie, co-réalisé par Marco Villamizar, Eric Gutierez et Frédéric Lafitte-Matalas
2007 : La reine Soleil (France, Belgique, Hongrie), Philippe Leclerc (d'après Christian Jacq, studios Belokan)
2007 : Persépolis, Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud (d'après la BD de Marjane Satrapi)
2007 : Tous à l'Ouest (Luky Luke, studio Xilam)
2007 : Nocturna, la nuit magique (France, Espagne), Victor Maldonado, Adrian Garcia
2008 (février) : Peur(s) du noir, Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre di Sciullo, Richard McGuire (ensemble de court-métrages)
2008 (mars) : Chasseurs de dragons, Guillaume Ivernel et Arthur Qwak
2008 (juin) : Valse avec Bachir, Ari Folman
2008 (septembre) : Igor, Anthony Leondis
2008 (décembre) : Mia et le migou, Jacques-Rémy Girerd
2009 (avril) : La Véritable histoire du chat botté, Pascal Hérold, Jérôme Deschamps et Macha Makeieff (3D)
2009 (juin) : Lascars : pas de vacances pour les vrais gars !, Albert Pereira-Lazaro et Emmanuel Klotz
2009 (décembre) : Kérity la maison des contes (franco-italien), Dominique Monfery
2009 (décembre) : Arthur et la vengeance de Maltazard, Luc Besson
2010 (juin) : L'Illusionniste, Sylvain Chomet
2010 (octobre) : Arthur 3. La guerre des deux mondes, Luc Besson
2010 (octobre) : Allez raconte ! Jean-Christophe Roger
2010 (décembre) : Une Vie de chat, Jean-Loup Felicioli et Alain Gagnol
2011 (avril) : Titeuf, le film, Zep
2011 (juin) : Le Chat du rabbin, Joann Sfar et Antoine Delesvaux
2011 (juin) : The Prodigies (coproduction internationale), Antoine Charreyron
2011 (octobre) : Un monstre à Paris, Eric Bergeron

Dans l'avenir...
Décembre 2012 ? : Kirikou 3, Michel Ocelot
? : Aya de Yopougon, Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, d'après la BD éponyme (Autochenille Production)
? : Le Jour des corneilles, Jean-Christophe Dessaint, d'après le roman éponyme de Jean-François Beauchemin
? : Windwalkers, d'après le roman La Horde du contrevent d'Alain Damasio (Forge Animation)
? : Stupid Invaders (studio Xilam, d'après la série TV Les Zinzins de l'espace)
? : Pourquoi j'ai mangé mon père, Didier Brunner (d'après le livre de Roy Lewis)
? : L'enfant lion, Patrick Grandperret (d'après le film... et le livre dont le film était tiré)




Quelques mots sur ces films

J'ajoute ici de rapides critiques sur ceux de ces films que j'ai eu l'occasion de voir.

Le Roman de Renart, de Ladislas Starevitch
Noir et blanc, film de marionnettes
Inspiré du Roman de Renart, il s'agit d'un très grand classique de l'animation française. Il a plutôt bien vieilli, les aventures de Renart sont toujours aussi drôles, et j'ai un faible particulier pour la chanson de Tibert le chat ("Tu sais bien que je t'aime / Miaou, miaou / Mon coeur n'est pas bohème / Miaou, miaou / etc.").
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Astérix le Gaulois, de Ray Goossens
Couleur, animation 2D
Le tout premier dessin animé mettant en scène Astérix. Des années après, l'humour est toujours là, mais l'animation a beaucoup vieilli !
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Astérix et Cléopâtre, de René Goscinny, Albert Uderzo et Lee Payant (d'après la BD éponyme de Goscinny et Uderzo) (1968)
Couleur, animation 2D
Un dessin animé culte, le meilleur Astérix à mon avis. L'humour est omniprésent et efficace, et l'animation ingénieuse malgré des moyens limités. Les voix bien choisies et les chansons (dont les célébrissimes "le bain de Cléopâtre" et "le pudding à l'arsenic") y sont aussi pour beaucoup.
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La Planète sauvage, de René Laloux (1973)
Couleur, animation 2D
Sur une planète lointaine, des extra-terrestres, les Draags, vivent une vie paisible ; ils ont à leur service de petits animaux appelés "oms". Peu à peu, les oms sauvages, aidés par les oms domestiques, revendiquent leurs droits à une vie indépendante. Le scénario s'inspire librement du roman de Stefan Wul Oms en série et les dessins sont de Roland Topor. L'animation utilise des dessins découpés, technique déjà employée par Laloux dans ses court-métrages.
Le premier et le plus connu des trois longs-métrages de René Laloux (suivront Les Maîtres du temps en 1981 puis Gandahar en 1986) est sans aucun doute le plus original : à l'univers visuel unique élaboré par Roland Topor s'ajoute la musique étrange d'Alain Goraguer, mélange de cris d'animaux et de sons synthétiques. On navigue entre la vie oppressante et pleine de dangers des humains et l'existence, paisible mais totalement "alien", des Draags. Un chef-d'oeuvre sur tous les plans...
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Les Douze Travaux d'Astérix, par René Goscinny et Albert Uderzo (d'après leur BD éponyme)
Couleur, animation 2D
César défie les Gaulois de lui prouver que la potion magique les rend égaux aux dieux en accomplissant douze travaux équivalents à ceux d'Héraklès. Astérix et Obélix sont naturellement volontaires...
L'un des meilleurs Astérix à mon sens, en particulier au niveau de l'animation ; le scénario, comme celui de la BD, souffre de l'aspect un peu facile des victoires systématiques des Gaulois, qui casse un peu le suspense, mais les douze travaux en question sont... originaux.
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Le Roi et l'oiseau, de Paul Grimault (1979)
Couleur, animation 2D
Le roi V et III font VIII et VIII font XVI de Tachycardie règne en despote sur une ville édifiée en plein désert et entièrement vouée au culte de sa personne. Seul l'Oiseau ose défier son autorité et le tourne en ridicule dès qu'il en a l'occasion. Le Roi est amoureux d'une belle bergère peinte sur l'un des tableaux qu'il conserve dans ses appartements secrets ; mais la bergère préfère son "petit ramoneur de rien du tout". Une nuit, la bergère et le ramoneur s'échappent du tableau et, aidés par l'Oiseau, se cachent dans la ville. Le Roi lance aussitôt sa police secrète à leurs trousses, bien décidé à épouser la bergère.
Paul Grimault à l'animation et Jacques Prévert au scénario : un très grand classique de l'animation française. La cité-état de Tachycardie, la police secrète, la ville haute et la ville basse sont richement animées et pleines de détails, l'histoire parvient à être à la fois sombre et pleine d'humour... aucun défaut dans ce dessin animé, qui a influencé d'autres grands maîtres de l'animation, dont Miyazaki en personne (qui y fait référence entre autres dans Le Château de Cagliostro).
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Les Maîtres du temps, de René Laloux (1982)
Couleur, animation 2D
Pour son deuxième long-métrage après La Planète sauvage, René Laloux s'inspire à nouveau d'un roman de Stefan Wul, L'Orphelin de Perdide, et anime de nouveau les dessins d'un grand illustrateur : cette fois-ci, c'est Moebius (dessinateur entre autres de L'Incal, et de Blueberry sous son vrai nom Jean Giraud). L'histoire raconte le sauvetage d'un petit garçon, Piel, perdu sur la planète Perdide après la mort de son père ; un groupe de navigateurs de l'espace, mené par Jaffar, va tenter de le sauver, tout en le guidant à distance sur la planète à l'aide du micro que lui a confié son père.
Le scénario de SF, avec son monde inquiétant et son suspense bien ménagé, fonctionne très bien. L'animation, en revanche, n'est pas aussi marquante que dans La Planète sauvage ; Laloux déclare avoir manqué de moyens pour transposer à l'écran le style de Moebius à son vrai niveau de détail.
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Gwen, le livre de sable, de Jean-françois Laguionie (1984)
Couleur, animation 2D
Gwen et sa tribu vivent dans un monde post-apocalyptique changé en désert, où une mystérieuse entité passe régulièrement dans le ciel, laissant tomber d'énormes reliques qui ressemblent à des copies gigantesques d'objets de la vie quotidienne : fauteuils, téléphones, cafetières, etc. Un jour, un jeune garçon, que Gwen vient juste de rencontrer, est enlevé par l'entité en question. Gwen part à sa recherche en compagnie d'une vieille dame. Elle découvre alors une autre communauté d'humains, qui vivent dans un étrange culte des objets du passé.
Poétique, mélancolique, voire contemplatif, sont les adjectifs qui viennent à l'esprit pour qualifier ce dessin animé aux antipodes des mastodontes de l'animation. Plus que le rire immédiat ou l'aventure, il s'agit avant tout de se laisser emmener dans un monde étrange, improbable et un peu absurde, qui fait penser aux grandes bandes dessinées d'auteurs tels que Moebius ou Schuiten et Peeters.
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Gandahar, de René Laloux (1988)
Couleur, animation 2D
Sur une planète lointaine, dans un futur éloigné, le pays de Gandahar vit en paix, gouverné par la reine Ambisextra et le Conseil féminin. Un jour, les oiseaux-miroirs qui surveillent le territoire commencent à être tués par les lasers d'une armée qui massacre des villages entiers et menace peu à peu l'ensemble du pays. Le servant Sylvin est envoyé pour découvrir qui sont ces ennemis aussi mal connus que redoutables. En chemin, il fait la connaissance des Transformés, résultats d'anciennes expériences génétiques gandahariennes exilés en raison de leur apparence inhabituelle, puis il se fait capturer par l'armée des implacables hommes-machines. Il fait alors la connaissance de la belle Arielle, et tous deux lèvent peu à peu le voile sur la nature et les buts des hommes-machines, qui vénèrent une entité mystérieuse appelée le Métamorphe.
Le troisième (et malheureusement dernier) long métrage de René Laloux adapte un roman de science-fiction français, Les hommes-machines contre Gandahar, de Jean-Pierre Andrevon ; et, cette fois-ci, Laloux fait appel au dessinateur Caza, habitué des univers de SF et auteur notamment du cycle d'Arkadi. Le résultat est superbe, pour plusieurs raisons. D'abord, la beauté et la singularité du style de Caza, avec ses formes rocailleuses et ses textures travaillées qui ménagent des décors magnifiques, et à qui même l'animation des personnages est parvenue à rendre justice (moyennant des péripéties épiques pendant la production). Les dessins de Caza n'ont pas leur pareil pour nous plonger en quelques traits dans des univers lointains à la beauté hiératique et intemporelle, qui ressemblent à des bas-reliefs de civilisations extra-terrestres... Second atout de ce film : l'univers de Gandahar, que Laloux et Caza ont adapté et (à ce que j'ai lu, sans avoir encore lu le livre) encore enrichi par rapport au roman, sans lui faire perdre sa puissance évocatrice. On retrouve dans Gandahar la force imaginative de La Planète sauvage : une science-fiction où l'exotisme n'est pas qu'un décorum facile, mais arrache complètement le spectateur à ses habitudes pour le confronter à quelque chose de radicalement autre, dans l'habillement, les structures sociales, les modes de pensée et la langue elle-même. Le scénario, quant à lui, s'en tient à des procédés plus classiques, mais parvient à maintenir le suspense tout au long du film, et ménage des rebondissements habiles. Le second meilleur long métrage de Laloux après la Planète sauvage, à mon avis. De Laloux et de Caza, il faut voir aussi le très beau court métrage Comment Wang-Fô fut sauvé, d'après la nouvelle de Yourcenar : une petite merveille.
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Le monde est un grand Chelm, de Albert H. Kaminski (d'après les contes d'Isaac Bashevis Singer) (1995)
Couleur, animation 2D
Le jeune Aaron, accompagné de sa chèvre Zlateh, vient vivre chez son oncle et sa tante au village de Chelm. Il va y découvrir un ancien grimoire et aura maille à partir avec un sorcier maléfique qui tente de créer un golem.
L'animation et l'histoire sont certes un peu conventionnels, mais c'est un vrai plaisir de voir adapté à l'écran le monde des contes d'Isaac Bashevis Singer, dont le dessin animé reprend et mêle plusieurs histoires (dont "Zlateh la chèvre" et "Les sages de Chelm").
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Kirikou et la sorcière, de Michel Ocelot (1998)
Couleur, animation 2D
Dans un village d'Afrique noire, une femme enceinte entend soudain son enfant lui parler de l'intérieur de son ventre. L'enfant, Kirikou, est tout petit, mais se révèle doté d'une intelligence extraordinaire. Il n'aura pas trop de toute son astuce pour venir en aide aux gens de son village, menacés par la sorcière Karaba.
Ce dessin animé, inspiré d'un conte d'Afrique de l'Ouest, avait pour lui l'exotisme qui avait déjà fasciné quatre ans plus tôt dans Le Roi Lion (1994), mais cela n'aurait pas suffi en soi : le succès mérité qu'il a remporté à sa sortie s'explique surtout par la grande beauté de son univers visuel, et par le talent de conteur de Michel Ocelot, qui allie des péripéties habilement ficelées et un style de narration déjà fermement établi, dans l'animation, la mise en scène et les dialogues (et que l'on retrouve dans ses longs-métrages suivants). L'ensemble assure au spectateur un dépaysement qui n'est pas de l'exotisme de surface, mais une véritable plongée dans la culture africaine.
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Le Château des singes, de Jean-François Laguionie (1999)
Couleur, animation 2D
Le singe Kom fait partie de la tribu des Woonkos, qui vivent dans la canopée. Les Woonkos redoutent le monde d'en bas, que l'on dit peuplé de monstres. Un jour, à la suite d'une chute, Kom est bien obligé de découvrir ce monde d'en bas pas si infernal qu'il le pensait, où il rencontre les Laankos, des singes urbanisés qui vivent autour du château de leur roi. Kom entame une nouvelle vie auprès du roi des Laankos.
Certains moments font un peu trop "sous-Disney", notamment les chansons ; mais certaines séquences, plus originales et poétiques, sont de vraies réussites, et l'ensemble reste très honnête. Sur le plan de l'animation, on notera en particulier la grande beauté des paysages à l'aquarelle.
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Princes et princesses, de Michel Ocelot (1999)
Couleur, animation 2D
Dans un cinéma désaffecté, deux enfants imaginent et mettent en scène des histoires en théâtre d'ombre. Six contes sont racontés de cette façon, dans des univers allant du conte de fée à la science-fiction en passant par le Japon médiéval.
A posteriori, ce dessin animé me fait penser au principe du jeu Il était une fois : se raconter des histoires entre amis, en trouvant le moyen de créer quelque chose d'original à partir d'éléments classiques (princes, monstres, transformations...). Les images, de simples ombres sur fond bleu, pourraient paraître dépouillées, mais se révèlent pleines de détails et dotées d'un beau pouvoir de suggestion ; le scénario, de son côté, est rempli de trouvailles ingénieuses et réjouissantes.
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Kaena, la prophétie, de Chris Delaporte et Pascal Pinon (2003)
Couleur, animation 3D
Sur un monde-arbre gigantesque, une tribu d'humains vit sous les ordres de dieux exigeants en offrandes de sève. Kaena, jeune fille rebelle, désobéit au Grand Prêtre et part en exploration pour découvrir la vérité sur les "dieux" de son monde.
Sorti sur les écrans en juin 2003, une semaine avant Les Triplettes de Belleville, et premier d'un nombre de sorties exceptionnel en animation française cette année là (les Triplettes, Les Enfants de la pluie, Le chien, le général et les oiseaux et La Prophétie des grenouilles, sans parler d'autres films qui ont rencontré moins d'écho), Kaena avait tout d'une grosse production : premier film d'animation français entièrement réalisé en 3D, héroïne jeune et rebelle aux belles courbes façon Lara Croft, sortie programmée du jeu vidéo en même temps que le film, roman du film écrit par Pierre Bordage... et pourtant ce sont les Triplettes qui ont marqué l'année 2003. Trop formaté, le blockbuster à la française ? Peut-être bien : les ficelles du scénario sont simplistes et rebattues au possible (une prophétie, une héroïne rebelle à l'autorité, des dieux très méchants, une "élue", etc.) et certaines séquences ont échappé à ma compréhension (je mettrai ça sur le compte de la fatigue et non d'une incohérence du scénario). Pourtant tout n'est pas mauvais dans Kaena : l'animation 3D est bel et bien époustouflante, bien que certains choix, en particulier dans l'éclairage ambré aux ombres un peu trop présentes, rendent certains plans peu lisibles ; et le monde-arbre d'Axis, avec ses curieux vers en combinaison de spationautes, a des aspects originaux. Dommage que les clichés l'aient emporté dans le scénario et qu'on finisse par baîller devant une énième prophétie (celle des grenouilles de Jacques-Rémy Girerd, sortie quelques mois après en décembre, était nettement plus distrayante).
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Les Enfants de la pluie, de Philippe Leclerc (2003)
Skän est un Pyross, le peuple du feu. Chaque année, à la saison des pluies, les Pyross doivent s'enfermer dans leur ville troglodyte pour se prémunir de la pluie, car l'eau les brûle. Leurs pires ennemis sont les Hydross, le peuple de l'eau. Chaque été, sous l'effet de la chaleur, les Hydross se changent en statues de pierre, et l'élite des guerriers Pyross part en expédition vers leur ville dans l'espoir d'en fracasser le plus grand nombre avant le retour des pluies. Lorsque Skän est sélectionné pour partir massacrer les Hydross, il découvre cette guerre sordide qui ne correspond pas vraiment à ses idéaux chevaleresques, et il aperçoit la statue d'une belle Hydross, Kallisto, dont il tombe amoureux. Dès lors, Skän et Kallisto n'ont de cesse de faire cesser la guerre entre leurs deux peuples que tout oppose.
Philippe Leclerc, ancien collaborateur de René Laloux, reprend ici un projet pour lequel Laloux (mort l'année suivante, en 2004) n'avait pas réussi à réunir les financements nécessaires. Le scénario s'inspire librement (en moins sombre) du roman de Serge Brussolo A l'image du dragon. Les dessins ont été conçus par l'illustrateur et auteur de bande dessinée Caza, qui avait déjà collaboré avec René Laloux pour Gandahar en 1988. L'histoire, bien que reposant sur des ressorts très classiques, est honnête, et Caza réussit un gros travail d'adaptation de son style, très détaillé, à la "ligne claire" nécessaire pour le film.
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Les Triplettes de Belleville, de Sylvain Chomet (2003) Couleur, animation 2D
Le plus remarqué des films d'animation français exceptionnellement nombreux sortis en 2003, Les Triplettes de Belleville a fait découvrir au grand public le monde très particulier de Sylvain Chomet : grinçant, fantastique et inquiétant, avec ses dessins plus proches des caricatures façon journaux politiques que des Disney ou des Ghibli, ses couleurs passées, et surtout l'absence quasi complète de dialogues (absence dont on a fait grand bruit quelque temps plus tard à la sortie du Wall-E de Pixar, en oubliant que les Triplettes l'avaient déjà fait en plus radical cinq ans avant), ce qui laisse toute la place à l'animation, aux bruitages et à la musique.
Les Triplettes de Belleville, c'est un groupe de trois chanteuses à succès que l'on va retrouver dans l'histoire. Mais les personnages principaux sont un petit garçon qui veut devenir cycliste, et que sa grand-mère coache "à mort" jusqu'à ce qu'il se retrouve au tour de France. Relégué en fin de peloton avec les lanternes rouges du Tour, il est kidnappé par un groupe de mafiosos qui ont pour lui des projets mystérieux... dès lors, sa grand-mère n'a de cesse de traverser l'océan pour aller le retrouver là où on l'a emmené, à Belleville, sorte de New York improbable. Un chef-d'oeuvre, qui a beaucoup aidé les studios d'animation français en montrant qu'un film original et "exigeant" pouvait avoir du succès.
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La Prophétie des grenouilles, de Jacques-Rémy Girerd (2003)
Couleur, animation 2D
Catastrophées par leurs prévisions météorologiques, les grenouilles décident de rompre leur voeu de silence à l'égard des hommes, et annoncent la venue d'un nouveau Déluge. Ferdinand, nouveau Noé, construit une arche pour abriter sa famille et un couple de chaque espèce animale. Le Déluge survient, et tout ce beau monde se retrouve isolé en pleine mer, avec pour seules provisions un énorme stock de patates. Mais les carnivores commencent vite à grogner, et les choses empirent lorsqu'une tortue maléfique se fait recueillir à bord.
Premier long-métrage de Jacques-Rémy Girerd, La Prophétie des grenouilles adopte un style graphique adressé avant tout au jeune public : corps des animaux en forme de patates, couleurs imitant un coloriage aux crayons de couleur (qui donnent de très belles choses une fois animées). Mais si jeune que soit le public visé, le scénario le prend au sérieux : exit la mièvrerie et les méchants trop fades, nous avons droit à une vraie aventure, avec des moments sombres et effrayants, et un méchant vraiment très méchant, ce qui change agréablement des dessins animés pour enfants façon "sous-Disney" beaucoup trop lisses. Girerd en fait-il trop dans l'autre sens, se montre-t-il inutilement sombre ? Seul le public en question pourrait le dire.
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Le chien, le général et les oiseaux, de Francis Nielsen (2003)
Couleur, animation 2D
Le scénario est une adaptation du livre de Tonino Guerra illustré par Sergueï Barkhin, Le Général et Bonaparte. Un vieux général russe à la retraite vit une vie morose à Saint-Pétersbourg. Dans sa jeunesse, il a défendu la Russie contre l'armée de Bonaparte en enflammant les ailes de centaines d'oiseaux, qu'il a utilisés pour brûler Moscou et en chasse l'armée française : depuis lors, tous les oiseaux qui le survolent lui font dessus. Un jour, le général rencontre un chien qui s'attache à lui et va le tirer de son quotidien mélancolique.
Le film s'adresse avant tout à un public jeune (bien plus jeune que moi quand je l'ai vu en tout cas), et certains moments m'ont paru un peu mièvres, mais l'histoire est originale, et surtout les graphismes adaptés des dessins de Barkhin, lui-même très influencé par Chagall, et mariés à une animation "non réaliste", inspirée des techniques du papier découpé, mettent en place un univers visuel d'une grande poésie.
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L'île de Black Mór, de Jean-François Laguionie (2004)
Couleur, animation 2D
Le Kid, jeune garçon sans famille, est retenu dans un orphelinat sordide à la Dickens ; son seul rêve est de s'enfuir et de prendre la mer, à l'exemple du pirate Black Mór, dont le professeur aveugle leur lit les aventures. Un jour il parvient à s'évader, et récupère une carte au trésor dans le manuscrit des aventures de Black Mór. Il rencontre Ficelle et Mac Gregor, deux naufrageurs ; à eux trois ils volent la goélette des garde-côtes pour partir à la recherche de l'île de Black Mór et de son trésor. En chemin, ils rencontrent Taka, un déserteur, le singe Jim, et un mystérieux garçon, Petit Moine, qui n'est peut-être pas ce qu'il semble être. La chasse au trésor peut vraiment commencer...
Ce troisième dessin animé de Jean-François Laguionie, dont le beau style "ligne claire" s'inspire des tableaux du peintre français Henri Rivière, mêle diverses influences, entre Dickens, Stevenson et Conrad. Une chose est sûre : on est en plein roman d'aventure, et il n'y a pas de quoi bouder son plaisir. Un fort beau dessin animé, qui n'a pas à rougir de ses sources d'inspiration.
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Le Roman de Renart, de Thierry Schiel (2005)
Couleur, animation 3D
Cette adaptation contemporaine du Roman de Renart, qui après tout avait déjà donné d'excellents résultats sur les écrans dès 1930 (voir ci-dessus), tente de donner une nouvelle jeunesse à l'univers renardien à l'occasion du passage à la 3D. Malheureusement, le résultat laisse beaucoup à désirer... Les choix graphiques ne sont pas toujours très heureux : les couleurs sont criardes, les textures et les polygones moyennement fins, et le look des personnages cherche un peu trop à faire "dynamique" ou "à la mode" (je dois avouer que le style de l'ensemble ne me plaît pas). Le scénario, de son côté, reprend les ficelles de base des Disney (par exemple, Renart se voit ajouter un acolyte absent des romans pour remplir le rôle du petit animal mignon et du ressort comique), et l'histoire m'a paru basique et prévisible au possible.
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Renaissance, de Christian Volckman (2006)
Noir et blanc, animation 3D
Dans un futur proche (2054), la France vit à l'ère de la beauté perpétuelle, guidée par la multinationale Avalon. Lorsqu'Ilona Tasuiev, une brillante scientifique employée par Avalon, est kidnappée, Aalon engage Karas, un flic aux méthodes musclées, pour la retrouver. Au fil de l'enquête, Karas découvre le projet sur lequel travaillait Ilona : le protocole Renaissance... qui pourrait bien livrer à Avalon la clé de la vie éternelle.
Original et audacieux, Renaissance l'est à la fois par son graphisme inédit, en noir et blanc "tranché" (sans nuances de gris), et par son scénario où la science-fiction emprunte beaucoup au film noir et très peu aux mastodontes à grand spectacle. L'univers graphique fait le choix de la difficulté, avec des images pas toujours très lisibles, mais une animation sans défaut, pleine de détails et de textures. Le scénario, un peu trop classique, a peut-être manqué du "petit truc" supplémentaire qui en aurait fait un grand succès. Renaissance reste néanmoins un film très honnête et une preuve du potentiel des animateurs en France.
Voir aussi ma critique à chaud
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Azur et Asmar, de Michel Ocelot (2006)
Couleur, animation 3D
Azur et Asmar, élevés par la même nourrice, qui leur parle indifféremment français et arabe, grandissent comme deux frères, voulant toujours les mêmes choses et se disputant pour tout, mais inséparables. Quand ils seront grands, c'est sûr, ils iront libérer la fée des djinns, dont la nourrice leur parle dans leur chanson préférée, et l'un d'eux l'épousera. Mais Azur est le fils d'un prince et Asmar n'est que le fils de la nourrice. Un jour, le père d'Azur le rappelle auprès de lui et finit par chasser la nourrice et Asmar, qui retournent dans leur pays de l'autre côté de l'océan. Des années après, Azur traverse l'océan pour s'y rendre, avec une seule idée en tête : sauver et épouser la fée des djinns...
Les premières images du film, avec leurs visages en 3D assez "jeu vidéo de la fin des années 90", m'avaient laissé sceptique - pourquoi passer à la 3D alors que la 2D classique fonctionnait si bien dans Kirikou ? Mais j'ai changé d'avis en découvrant la suite : les paysages et les décors du pays d'Asmar sont tout simplement éblouissants, et l'animation déploie le même soin que celle des précédents films de Michel Ocelot. L'histoire, de son côté, a pour "morale" la découverte de l'étranger, en l'occurrence l'Orient qu'Azur veut explorer malgré les réticences de son père ; fort heureusement, ce thème "d'actualité" ne devient jamais pesant, car l'invitation au brassage des cultures et des langues est étroitement liée à l'histoire elle-même : nous sommes avant tout dans un conte aux péripéties ingénieuses, mais où les djinns et les oiseaux merveilleux côtoient tout naturellement les réalités du monde arabe, dont l'architecture et la religion, mais aussi les épices, les cornes de gazelles, la chanson de la nourrice, et la langue arabe en général, que le film donne à écouter sans sous-titres dans de nombreuses scènes - mais de manière telle que le spectateur n'a jamais de mal à comprendre ce qui se passe, pas plus qu'Azur et Asmar, naturellement bilingues : un pari audacieux et une belle réussite.
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Persépolis, de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (d'après la BD éponyme de Marjane Satrapi) (2007)
Noir et blanc (quelques séquences en couleur), animation 2D
L'itinéraire autobiographique de Marjane Satrapi, qui passe son enfance dans l'Iran du shah ; elle vit la révolution iranienne de 1979 et l'arrivée au pouvoir de l'Ayatollah Khomeini, puis, envoyée à l'étranger par ses parents, vit son adolescence à Vienne avant de revenir vivre en Iran puis de partir en France.
Ce film a été un immense succès à sa sortie et a accumulé les récompenses (Prix du Jury du Festival de Cannes 2007, Césars 2008 du Meilleur Premier Film et de la Meilleure Adaptation)... et c'est une fort bonne chose, car il est excellent. La BD de Marjane Satrapi l'était déjà, mais il fallait réussir à transposer à l'écran son style particulier (faire de l'animation en 2D et en noir et blanc, en 2007, à l'époque de Pixar, c'était un défi en soi) et à adapter son histoire complexe à la durée d'un long-métrage d'animation. Le pari a été doublement réussi : le film respecte parfaitement l'univers graphique de la BD et la transpose habilement à l'écran avec une grande poésie ; quant à l'histoire, dont des épisodes entiers sont nécessairement supprimés ou restreints à quelques séquences fortes, elle oscille en permanence entre l'humour et l'émotion. Tout comme dans la BD, aucun personnage n'est objectif ni ne fait la morale au spectateur (à part peut-être la grand-mère, mais c'est à Marji qu'elle fait la morale, et puis elle est si sympathique...).
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Chasseurs de dragons, de Guillaume Ivernel et Arthur Qwak (2008)
Couleur, animation 3D
L'histoire est une adaptation, au format long-métrage et en graphismes 3D, de la série animée du même nom réalisée en 2D par Arthur Qwak et que je n'ai pas eu l'occasion de regarder. Elle en reprend l'univers, un monde de fantasy composé d'une myriade d'îles flottant dans le ciel, et les deux personnages principaux, le guerrier Lian-Chu et l'arnaqueur Gwizdo, deux chasseurs de dragons qui gagnent leur pain en débarrassant tant bien que mal les îles des dragons, d'aspects et de tailles très variables, qui viennent régulièrement les dévaster. Un jour, Lian-Chu et Gwizdo se voient confier par le seigneur Arnold la mission d'aller pourfendre le Bouffe-Monde, le plus gros et le plus redoutable des dragons, avant que celui-ci ne provoque la fin du monde. Ils sont accompagnés dans leur voyage par Zoé, la fille d'Arnold.
Nous sommes ici en pleine fantasy humoristique, dans un univers reposant sur des bases classiques, mais qui se démarque par quelques touches d'originalité dans les détails (l'apparence variée des dragons, par exemple). Si le design très caricatural des personnages (Lian-Chu est un colosse dont les bras et le torse énormes reposent sur de toutes petites jambes) peut surprendre ou déplaire, on ne peut qu'admirer la somptuosité des décors, très soignés, qui n'ont rien à envier aux plus grosses productions. Les personnages archétypiques, l'orientation très "jeunesse" de l'humour et le caractère parfois un peu frénétique de certaines séquences, très dans la lignée des séries pour la jeunesse, peuvent fatiguer un peu le spectateur adulte, mais l'ensemble est honnête et accède par moments à une réelle grandeur épique.
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Mia et le migou, de Jacques-Rémy Girerd (2008)
Couleur, animation 2D
La petite Mia, prévenue par un rêve providentiel, veut aller retrouver son père, victime d'un accident sur le chantier où il travaille. Mais la route est bien longue pour y parvenir, et bien des dangers attendent la petite fille sur la route ! Aldrin, de son côté, est le fils du directeur du projet, et découvre peu à peu que le chantier initié par son père est une menace pour l'environnement. Chacun de leur côté, puis ensemble, les deux enfants vont tenter de sauver l'endroit d'un danger encore plus grand qu'ils ne le soupçonnaient...
Après La Prophétie des grenouilles, Jacques-Rémy Girerd montre avec Mia une histoire à mi-chemin entre le voyage merveilleux et l'allégorie écologique. L'animation est magnifique, inspirée des couleurs de Cézanne ou de Van Gogh ; l'intrigue est dense et bien rythmée et le propos la plupart du temps assez mature. Le film n'hésite pas à mettre en scène des moments très sombres, que viennent équilibrer l'humour et la poésie de l'univers. L'ensemble m'a fait penser à une sorte de Princesse Mononoke pour enfants, très influencé par des "thèmes miyazakiens" (l'arbre, les gardiens de la Nature, les êtres un peu divins, et même les enfins volants...). On peut regretter que le message écologique soit un peu sentencieux dans sa noirceur, et que le méchant reste si monolithique malgré les nuances ménagées au début du film, et qui laissaient espérer quelque chose de moins manichéen. L'ensemble reste plus qu'honnête, et d'une grande beauté visuelle.
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Le Chat du rabbin, de Joann Sfar et Antoine Delesvaux (2011)
Couleur, animation 2D
Le chat du rabbin, qui n'a pas de nom, a pour maître le rabbin Sfar, qui vit à Alger dans les années 1930. Le chat aime passionnément la fille de son maître, Zlabya, et n'a qu'un seul désir : rester auprès d'elle pour toujours. Les choses se compliquent lorsque le chat, agacé par l'incessant bavardage du perroquet de la maison, le mange et se retrouve soudain doué de parole. Mais il ne l'a pas mangé, ce perroquet ! D'ailleurs, il n'avait même pas faim... Outré par ce chat qui ne prend la parole que pour dire des mensonges, le rabbin refuse de le laisser fréquenter Zlabya. S'ensuit une âpre discussion théologique au cours de laquelle le chat se met en tête de se convertir au judaïsme et de faire sa bar-mitsva, afin de pouvoir rejoindre sa maîtresse. La convocation du rabbin à une épreuve de dictée, l'arrivée du légendaire Malka des lions et celle d'une caisse de livres au contenu inattendu, font peu à peu basculer le quotidien du chat et de son maître vers l'aventure.
Le Chat du rabbin est l'adaptation, par Sfar lui-même et par le studio Autochenille Productions, créé pour l'occasion, de la BD de Sfar, qui avait obtenu un beau succès critique, à mon avis mérité. L'intrigue du dessin animé fait le choix de s'écarter un peu de celle de la BD, et de sélectionner une partie des nombreux événements qui en remplissent les cinq tomes, en s'inspirant librement des tomes 1, 2 et 5. Ayant beaucoup aimé la BD, j'attendais avec impatience et un peu de crainte l'arrivée du film, les adaptations s'avérant toujours un exercice difficile. Dans l'ensemble, je n'ai pas été déçu : tant les graphismes que l'esprit de la BD sont fidèlement respectés, et le résultat, en tant que film d'animation considéré en lui-même, est honorable. Du côté du dessin, les décors sont d'une beauté et d'un niveau de détail à tomber par terre. Les traits des personnages, contraintes techniques de l'animation sur cellulo obligent, ont été simplifiés pour les besoins du film ; la plupart du temps le résultat reste beau, même si j'ai été un peu gêné parfois par les traits de Zlabya, qui ne gagnent pas à la comparaison avec la BD. L'animation, de son côté, m'a semblé un peu brouillonne au début, mais, par bonheur, s'améliore ensuite. (Le film a connu une version en 3D relief, mais je l'ai vu en 2D et ne me prononcerai donc pas sur la 3D.) Les voix choisies fonctionnent bien, et François Morel, en particulier, parvient à s'approprier le personnage du chat et à lui donner une orientation cohérente. La bande originale m'a paru réussie et renforce bien l'aspect picaresque de l'aventure. Le scénario, enfin, fonctionne bien et trouve sa cohérence propre, tout en recasant avec habileté beaucoup de bons moments de la BD (je l'avais relue juste avant de voir le film, mais je ne me suis pas ennuyé une seconde).
Je pense que le scénario a les mêmes qualités et défauts potentiels que celui de la BD elle-même, avec ses personnages nombreux, son aspect "chronique de la vie quotidienne", et son subtil dosage de satire religieuse, de fantastique, et de réflexion de fond sur la religion et la cohabitation entre populations ; personnellement, le mélange me semble bien prendre. Remarquez que Le Chat du rabbin n'est pas un Disney et risque de plaire davantage aux enfants déjà un peu grands, ainsi qu'aux ados et bien sûr aux adultes, plutôt qu'aux tout petits, à qui on fera voir, en attendant, les films de Michel Ocelot, ou bien, pour rester dans l'imaginaire juif, le joli Le Monde est un grand Chelm, adapté des contes d'Isaac Bachevis Singer. Si j'ai un seul reproche à faire au Chat du rabbin (en dehors du fait qu'on n'y voit pas assez le Malka, mais on ne voit jamais assez le Malka...), c'est son rythme parfois trop précipité : les plans s'enchaînent souvent très vite, là où j'aurais volontiers pris une seconde ou deux de plus pour mieux poser l'ambiance et profiter des superbes décors (mais c'est peut-être aussi parce que j'avais vu le majestueux et posé Gandahar peu de temps auparavant). Là encore, il m'a semblé que la seconde moitié du film parvenait mieux à se poser. Mais en définitive, ce Chat du rabbin, sans atteindre du premier coup le degré d'achèvement d'un Persépolis, fait un passage réussi à l'écran, et les amateurs de la BD peuvent aller le voir en toute confiance, tandis que les autres y découvriront avec profit l'univers de l'une des meilleures créations de Sfar.
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