L’évolution du droit des victimes et de l’aide aux victimes :

L’évolution du droit des victimes et de l’aide aux victimes :

Jusqu’à la fin des années 70, il n’existe aucun texte sur le droit des victimes, aucun service public pour les soutenir, peu de pays connaissent des programmes d’indemnisation par l’Etat des victimes d’infractions.

Les premiers efforts des pouvoirs publics concernant les victimes d’infractions pénales vont porter sur l’indemnisation.

  • la victime en tant que titulaire de droits patrimoniaux

  • La série de réformes judiciaires commence avec la loi du 3 janvier 1977, créant les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), pour leur permettre d’obtenir la réparation du préjudice découlant d’une infraction pénale. C’est un système d’indemnisation collectif financé sur des fonds publics.

    Les conditions d’indemnisation restent longtemps restrictives, elles ne concernent que les infractions les plus graves, il est nécessaire que l’auteur de l’infraction soit identifié, la victime doit apporter la preuve de l’insolvabilité du délinquant et seul le préjudice matériel est pris en compte.

    Pour l’instant, la victime est considérée seulement comme titulaire de droits patrimoniaux. Le rôle de la victime est cantonné à celui de partie civile, donc à une place procédurale.

    Entre 1981 et 1985, Robert Badinter est garde des Sceaux. Il exprime la volonté de mettre en place une politique publique d’aide aux victimes, qui au-delà de l’indemnisation matérielle, va apporter une écoute, une information, et une aide en termes d’accueil et de prise en charge, un accompagnement pendant la procédure. Ceci se réalisera par la mise en place d’une politique interministérielle et pluridisciplinaire.

    2- la victime en tant que personne souffrante

    En 1982, est crée au Ministère de la Justice le « bureau de la protection des victimes et de la prévention », qui a pour mission de constituer un cadre législatif et de définir la politique publique en faveur des victimes.

    Est accompagné de la création d’une « commission d’étude et de proposition dans le domaine de l’aide aux victimes », qui rend un rapport en juin 1982. Ce rapport contribue à faire apparaître une définition plus large de la victime d’infraction, à envisager la victime par rapport à la protection de ses droits fondamentaux et à mettre en place une meilleure indemnisation.

    Ce processus s’inscrit dans un contexte international : en 1985, l’ONU a adopté la « déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et d’abus de pouvoir » et incite par là les états à agir pour concrétiser ses intentions.

    En France, la politique publique d’aide aux victimes avance dans deux direction : Choix de la voie associative et amélioration de l’indemnisation.

    Ce choix se fait dans l’optique d’une prise en charge de la victime au-delà du matériel, pour une avancée vers la réparation du préjudice moral et psychologique causé par l’infraction.

    C’est en 1986, avec la création de l’INAVEM, que se concrétise l’émergence d’un réseau associatif. l’INAVEM fédère la majorité des associations œuvrant dans le domaine de l’aide aux victimes, ceci se fait en collaboration avec le Ministère de la justice, les associations sont subventionnées par l’état et les collectivités locales.

    En 1983 et 1996, le rôle des associations dans la procédure pénale est consacré : extension des articles 2 et s. du CPP, permettant désormais à des associations de victimes de plus en plus nombreuses et défendant des intérêts très divers d’ester en justice et de se constituer partie civiles dans les procès pénaux.

    Parallèlement au développement du réseau associatif, la politique gouvernementale se concrétise dans le sens d’une amélioration de l’indemnisation : une loi de 1986 fixe les conditions d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et permet la réparation intégrale des dommages causés par ces actes par un fonds de garantie. En 1990, est réalisée une réforme en profondeur des commissions d’indemnisation des victimes d’infraction, le fonds de garantie devient le fonds de garantie des victimes de terrorisme et d’autres infraction (FGTI), organisme unique en France et dans le monde, en charge de l’indemnisation des victimes au nom de la solidarité nationale.

    3- La victime en tant que titulaire de droits et d’obligations à tous les stades de la procédure

    A partir de 1998, l’aide aux victimes devient l’une des priorités majeures de la politique pénale engagée par le ministère de la justice. Le gouvernement souhaite une homogénéisation de la politique pénale. La circulaire du garde des sceaux du 13 juillet 1998 préconise la prise en compte des victimes à tous les stades de la procédure pénale.

    La loi du 18 décembre 1998 préconise le développement des maisons de justice et du droit et des antennes de justice, au sein desquels le réseau associatif et notamment celui d’aide aux victimes est systématiquement présent, ainsi qu’un renforcement des dispositifs d’accès au droit, notamment des conseils départementaux d’accès aux droits. Ceci doit se réaliser par une coopération de tous les ministères.

    Le ministère de la justice souhaite homogénéiser la situation : le conseil de sécurité intérieure du 12 octobre 1998 demande la création d’un groupe de réflexion sur l’aide aux victimes : est alors mis en place un groupe interministériel de travail, produisant un rapport remis le 26 mars 1999 au Premier Ministre. Le rapport Lienemann, intitulé « pour une nouvelle politique publique d’aide aux victimes » préconise l’amélioration de l’accueil des victimes par les Services Publics, du traitement des plaintes et de l’information, le renforcement des droits dans la procédure.

    Certaines dispositions seront reprises lors du conseil de sécurité intérieur du 19 avril 1999, d’autres dans la loi du 15 juin 2000.

    La loi du 15 juin 2000 « renforçant la présomption d’innocence et le droit des victimes » introduit un article préliminaire au CPP : « l’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale ».

    Également, dans les serments prononcés par les jurés d’assises, est introduite une référence aux intérêts des victimes : "Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre X..., de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse (L. no 2000-516 du 15 juin 2000, art. 40, applicable à compter du 1er janv. 2001) ni ceux de la victime; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection; (L. no 2000-516 du 15 juin 2000, art. 40, applicable à compter du 1er janv. 2001) de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions."

    Ces déclarations d’intentions se concrétisent par un aspect financier : l’augmentation du budget consacré à l’aide aux victimes.

    Les dispositions de la loi du 15 juin 2000 en faveur des droits des victimes concernent à la fois la victime en tant que telle et à la fois la victime-partie civile, c'est-à-dire la victime comme partie au procès pénal, donc titulaire de droits et d’obligations :

    Pour la victime en dehors ou avant toute constitution de partie civile :

    Pour la victime partie civile :

    Il s’agit d’une loi qui dans l’esprit de législateur va dans le sens d’une amélioration des droits et de l’aide aux victimes, ce qui n’est pas l’avis de tous. Par exemple pour l’APEV (association d’aide aux parents d’enfants victimes), la loi du 15 juin 2000 est une loi qui fait passer la présomption d’innocence avant la recherche de la vérité et avant la protection de la société. Il s’agit d’un recul du droit des victimes. La majeure partie du projet ne concerne que les auteurs présumés. Le droit des victimes, comme la présomption d’innocence, doit être fondamental. Les associations demandent notamment une égalité des victimes et des délinquants, un droit à l’information, d’être écouté, la gratuité de la justice pour les victimes, l’obligation de jugement de toute personne auteur d’un acte criminel, même l’irresponsable pénal.

    La CIVI :

    La commission d’indemnisation des victimes d’infraction est créée par la loi du 3 janvier 1977. Elle a fait l’objet de nombreux remaniements, ayant pour conséquence un accroissement du montant des indemnités allouées.

    Il existe une commission auprès de chaque TGI, les commissions sont composée de trois membres : deux magistrats professionnels et une personne choisie en fonction de l’intérêt qu’elle porte aux problèmes des victimes.

    La requête est déposée par la victime ou son représentant, la requête ne vise pas l’auteur de l’infraction, elle n’est pas dirigée contre lui, elle se borne à réclamer une indemnité auprès d’un Fonds de garantie (le FGTI) disposant de fonds recueillis auprès de chaque assuré lors de la souscription d’un contrat d’assurance de biens.

    Il n’est pas nécessaire que le procès pénal soit terminé pour que la victime puisse obtenir une indemnisation. En effet c’est là que se situe l’intérêt de l’institution : séparer la réparation du préjudice et le procès pénal, la victime n’est pas obligée de se constituer partie civile, elle peut saisir la CIVI sans effectuer de démarches auprès d’une quelconque autre juridiction et sans avoir affaire à l’auteur des faits. Les débats se déroulent à huis clos, hors la présence de l’auteur ou de son conseil, il suffit qu’il n’y ait pas de contestation sur l’existence de l’infraction, la CIVI ne statuant qu’en cas d’absolue certitude sur la réalité des faits. Ainsi, il n’est pas nécessaire que l’auteur des faits soit identifié si l’infraction est certaine, de même si l’auteur bénéficie d’un non lieu ou d’une relaxe pour troubles mentaux. Enfin, la CIVI n’est pas tenue d’allouer le même montant de dommages intérêts que la juridiction pénale si celle-ci a déjà statué, elle apprécie de manière totalement autonome, mais tient compte des sommes qui ont pu être perçues par ailleurs. Ses décisions sont susceptibles d’appel, aussi bien par la victime que par le fonds de garantie. Deux régimes d’indemnisation existent, en fonction de la gravité de l’infraction. Pour les infractions les plus graves (ex : agressions ou atteintes sexuelles, faits volontaires ou non ayant entraîné la mort, ou une incapacité permanente ou totale de travail égale ou supérieure à un mois) il n’y a pas de plafond d’indemnisation, donc des sommes très importantes peuvent être allouées, est pris en compte la réparation du préjudice aussi bien psychologique que matériel. Pour les infractions les moins graves : les conditions sont plus sévères, il existe une liste limitative des infractions concernées, l’indemnisation est établie en fonction des ressources de la personne et il faut que l’infraction ait eu des conséquences importantes sur les biens ou sur la personne de la victime. De plus, cette indemnisation a un caractère subsidiaire, elle est allouée s’il n’y a pas d’autre indemnisation possible et enfin elle n’est pas totale, il y a un plafond. Lorsque le fonds de garantie a été appelé à indemniser la victime, il peut se retourner contre le coupable et récupérer le montant de l’indemnité versée, il dispose pour cela d’une action judiciaire.