Cette page contient des informations et des conseils à
l'attention de celles et ceux qui seraient intéressés par
les classes préparatoires après la Terminale. Elle ne
prétend ni à l'exhaustivité ni à une
objectivité complète, puisqu'elle ne fait en grande
partie que refléter ma propre expérience dans deux
lycées parisiens. Je crois cependant qu'elle permettra à
qui voudra de se faire une meilleure idée de ce qu'est une
classe préparatoire, de la façon dont on y travaille, des
inconvénients et des avantages qu'il y a à y passer une
ou plusieurs années.
Précision utile : ce qui suit vaut pour les classes prépa
littéraires et non pour les classes préparatoires
scientifiques, que je ne connais pas du tout.
Autre chose, on fait toujours hypokhâgne PUIS khâgne, jamais l'inverse. Si vous entendez parler de quelqu'un qui aurait fait "khâgne et hypokhâgne", sachez que c'est n'importe quoi (je dis ça parce que j'ai déjà entendu et lu ce genre de choses).
Les élèves en hypokhâgne sont appelés les
hypokhâgneux, les
élèves de khâgne sont les khâgneux. Les khâgneux
qui en sont à leur première khâgne sont
appelés les carrés.
Ceux qui ont déjà passé le concours une fois et
font une deuxième khâgne sont appelés les cubes. Enfin, les courageux et
persévérants qui ont déjà deux
khâgnes et deux concours ratés derrière eux et
tentent une troisième khâgne sont admirés sous le
nom de bicas (un bica, des
bicas). L'étymologie de ce jargon est obscure et très
discutée.
Ainsi, même si on ne souhaite pas préparer les concours
des grandes écoles, il peut être très avantageux
d'entrer en classe préparatoire après la Terminale. La
différence entre hypokhâgne et khâgne joue ici
à plein : autant cela ne sert à rien de continuer une ou
plusieurs khâgnes si on n'est pas décidé à
tenter pleinement l'aventure du concours, autant l'hypokhâgne
fournit un bagage solide à un élève
désirant simplement partir à la fac l'année
suivante. Attention, cela ne veut pas dire qu'on peut aller en
hypokhâgne en touriste ! Cela veut simplement dire qu'on ne perd
jamais son temps en prépa, même si on n'a pas assez tenu
le rythme en hypokhâgne pour entrer en khâgne et même
si, une fois en khâgne on a échoué au concours. Les
connaissances et les méthodes de travail personnel acquises en
prépa suffisent à assurer un bon, voire un très
bon niveau à un élève qui retournerait ensuite
à la fac.
Là où ça l'est moins, c'est quand on se trouve
confronté à l'autre versant du mécanisme : comme
il est difficile de savoir si on sait vraiment tout ce qu'on devrait
savoir sur tel sujet à un moment donné, on a l'impression
de ne pas avancer, de ne jamais avoir assez travaillé, et dans
ces cas-là, bien sûr, tout le monde a l'air de mieux
travailler que vous, de mieux s'organiser que vous et d'en savoir
beaucoup plus que vous. C'est logique... mais là, c'est faux !
de sorte que l'élève de prépa s'expose en
permanence au risque du stress excessif, du manque de confiance en sa
capacité de travail et de l'affolement devant tout ce qu'il
pense qu'il aurait dû faire et n'a pas fait, ayant "seulement"
passé la semaine à travailler non stop en rognant sur ses
nuits de sommeil. Il importe de connaître cet engrenage bien
explicable et de ne pas s'y laisser prendre au piège. Quel que
soit l'état du moral d'un élève, il doit pouvoir
chercher conseil auprès de ses professeurs (ou au moins de ceux
qui lui sont le plus sympathiques), et ne jamais céder à
la paranoïa en voyant ses camarades apparemment plus
avancés que lui dans les révisions (c'est faux, je vous
dis !). A partir de là, un équilibre est possible et on
peut tenir.
Non seulement on peut tenir, mais on peut même s'y plaire. J'ai lu plusieurs fois des articles terrifiants à propos de la vie monacale des élèves de prépa, du travail à plein temps, de l'absence totale de distraction, la situation amoureuse idéale "avant" et toujours désastreuse "après"... Il ne faudrait pas exagérer, non plus. Oui, ça prend du temps, on travaille beaucoup, et c'est vrai qu'on a moins de temps à consacrer aux journaux ou au 20 heures, mais ça ne veut pas dire que le travail en prépa est incompatible avec toute forme de vie sociale ! Au contraire, l'hypokhâgne et la khâgne sont deux lieux de sociabilité intense entre élèves et on y rencontre beaucoup de gens intéressants. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, une classe prépa n'est pas un panier de crabes : le fait d'être tous dans la même galère engendre une vraie solidarité et un esprit de groupe propre aux classes prépa, qui passe notamment par de joyeux délires récupérant les cours, des parodies de professeurs, des parodies de dissertations et de sujets de kholles... Plus sérieusement, on discute beaucoup, on s'échange des références, des livres, des disques. En cas de chute de moral, il est rare de ne trouver personne à qui parler. Les fins de dissertations et de concours blancs sont l'occasion d'aller au café ou au cinéma ensemble (de mon temps - ça fait bizarre d'écrire ça - c'était presque un rite annuel : on savait qu'à la fin du premier concours blanc, à la mi-décembre, ce serait une bonne grosse séance de trois heures avec Le Seigneur des Anneaux qui sortait au même moment ; les générations suivantes n'auront plus ce rendez-vous annuel vu que la trilogie est terminée, mais il y aura bien autre chose à la place, je ne sais pas moi, Les Chroniques de Narnia par exemple...). On peut aussi discuter politique, ou non, suivant les groupes. La vie amoureuse n'est pas inexistante non plus - heureusement - et contrairement à la légende, les khâgneux savent aussi s'aimer follement (il y a même des chansons là-dessus). Il paraît qu'aux anciens temps, les khâgneux étaient encore plus agités pendant les cours, encore plus féroces avec leurs profs... il ne faudrait pas croire pour autant qu'ils sont devenus de blancs agneaux dociles et dépourvus d'esprit critique, ce serait une lourde erreur.
Comme je ne vois pas ce que je pourrais ajouter d'autre pour
présenter les classes préparatoires littéraires,
j'en viens à quelques conseils fort basiques à
destination des futurs hypokhâgneux, des hypokhâgneux et
des khâgneux (surtout les hypo et les carrés) concernant
le travail en prépa.
- Vous aviez un bon ou très bon niveau en Terminale, vous avez
fait un bon Bac, mais vous avez peur de ne pas tenir le rythme en
classe prépa ? Ça vaut la peine d'essayer, quitte
à entrer à la fac en seconde année après
l'hypokhâgne. Au pire, il est possible de rester les premiers
mois et de partir à la fac après si vous voyez que la
prépa n'est vraiment pas faite pour vous. En gros, quand on a
tenu deux ou trois mois, on peut tenir toute l'année (et
être épuisé après le premier concours blanc,
c'est normal !). Il faut savoir qu'un élève qui
n'est pas bon en prépa mais suit les cours et travaille
régulièrement s'assure un bon niveau à la fac et
acquiert de toute façon des méthodes de travail qui lui
seront très utiles quoi qu'il fasse par la suite.
- Vous aviez de bonnes notes jusque là et vos notes vous font
peur : c'est normal ! C'est LA chose qui frappe à
l'entrée en hypokhâgne, les notes chutent de façon
spectaculaire. Il faut savoir que les professeurs de prépa
notent volontairement plus bas, parce qu'ils ont une façon de
noter plus proche de celle des jurys de concours (et avoir 10 ou 12
à une épreuve de concours, c'est très honorable
!). Ne vous focalisez pas sur une note. Ce qui compte surtout, c'est de
progresser sur l'année, et personne n'a le même rythme. Il
vaut mieux commencer bas et finir un peu plus haut que commencer
très haut et ne pas arriver à maintenir la note sur
l'année (si, ça arrive aussi). Au besoin, parlez-en
aux professeurs pour leur demander d'expliquer le pourquoi et le
comment de la note.
- De façon générale, parlez avec les gens - les
professeurs comme les élèves - ça va toujours
mieux comme ça. Une chose passionnante en hypokhâgne
était de rester avec quelques autres pour poser plein de
questions au professeur à la fin d'un cours passionnant
(profitez, on n'a pas toujours autant de temps en khâgne). En cas
de problème, ou si vous vous sentez submergé, parlez aux
professeurs, ils sont aussi là pour ça. Et parlez avec
les gens de la classe - ils sont certainement aussi submergés
que vous.
- Utilisez au maximum les CDI, les photocopieuses, les prêts en
bibliothèques, empruntez et prêtez des livres aux autres,
échangez vos impressions, allez fouiner chez Gibert, passez au
crible votre propre bibliothèque et toutes celles auxquelles
vous avez accès... si vous avez une bonne encyclopédie
sur CD-Rom (du type Encyclopaedia Universalis, pour ne pas la citer) et
une imprimante, usez-en sans vergogne : vous pouvez imprimer exactement
les articles ou les morceaux d'articles qui vous intéressent et
annoter/souligner/stabiloter le tout sans complexe.
- N'abusez pas des systèmes de fiches, elles peuvent apporter
une sécurité trompeuse. De façon
générale, ficher un manuel entier ne sert pas à
grand-chose. Il est plus utile de faire une courte fiche sur un article
ou sur un ou deux chapitres. Il est surtout inutile d'emprunter
à quelqu'un les fiches qu'il a prises en lisant un manuel que
vous n'avez pas lu : du concentré d'abrégé de
raccourci d'un texte inconnu, ça ne ressemble plus à
rien, surtout si l'auteur des fiches a un système
d'abréviations très différent du vôtre. Par
contre, lire directement un article ou un manuel sans fiches mais en
soulignant tout et en prenant éventuellement quelques notes sur
tel ou tel point mal connu, c'est mieux. Enfin, il y a certainement des
gens qui ont réussi le concours en faisant le contraire...
- Ménagez votre sommeil ! Assurez-vous deux grandes nuits de
sommeil au moins tous les week-ends. Des siestes brèves peuvent
s'avérer très reposantes (personnellement j'ai
redécouvert la sieste en hypokhâgne).
- Attention à la dépendance au café. Le chocolat
chaud, c'est mieux (Je plaisante. Mais attention tout de même. Et
surtout, restez-en au café : pas d'antidépresseurs, de
reconstituants et autres produits miracles : d'expérience
à voir mes camarades, ça ne sert à rien.)
- En cas de chute de moral, discutez avec vos amis, dormez.
Redécouvrez l'existence du goûter. Les carrés de
chocolat m'ont été officiellement recommandés en
hypokhâgne.
- Entraînez-vous avec vos camarades. Discuter avec quelqu'un sur
un texte lu récemment, ou même essayer d'expliquer
à quelqu'un quelque chose que vous pensiez avoir retenu ou
compris, constitue un réel entraînement et oblige à
avoir une idée claire de ce qu'on sait. Si possible,
arrangez-vous pour organiser des kholles avec un(e)
ami(e).
- Si vous faites du latin et/ou du grec, faites des séances de
"petit latin" et/ou de "petit grec" : prenez un texte,
cachez la traduction, réfléchissez un moment chacun de
votre côté puis faites ensemble la construction d'une
phrase, réfléchissez à voix haute, cherchez aussi
peu de vocabulaire que possible ; après quelques phrases (ou une
seule si la phrase est longue), regardez la traduction, voyez ce qui va
et ce qui ne va pas, refaites la construction là où ce
n'était pas ça, puis passez à la suite, etc., et
profitez-en éventuellement pour noter deux ou trois mots de
vocabulaire (pas trop, l'essentiel est de les retenir). C'est
intimidant au début, mais ça entraîne très,
très bien, et c'est toujours plus agréable avec des amis.
L'essentiel n'est pas d'aller vite ou de tout bien traduire du premier
coup, mais de s'entraîner régulièrement (une ou
deux fois par semaine par exemple). Vous pouvez aussi en faire tout
seul. L'idéal dans ce cas est d'en faire juste un peu, une ou
deux phrases, mais tous les jours. Le but de l'exercice étant de
ne plus se laisser intimider par un texte inconnu, et, à terme,
de pouvoir construire et donner une première traduction
dès après la première lecture.
- Idem en langues vivantes : lisez des oeuvres
anglaises/allemandes/etc. dans le texte. Bien sûr, vous n'aurez
pas le temps de lire un gros roman, du moins pas en dehors des
vacances, mais vous pouvez aussi viser les textes courts, les
nouvelles, les short stories,
les Märchen... Si vous
aimez la SF, les polars ou la fantasy, profitez-en pour lire à
l'occasion du H.G. Wells (The Time
Machine, ou bien The Country
of the Blind and other stories par exemple), du Tolkien (The Lord of the Rings est long et
complexe, mais lire intégralement The Hobbit est très
envisageable), du Agatha Christie... Inutile de chercher tout le
vocabulaire, mais un petit dictionnaire à portée de la
main permet de chercher les mots qui reviennent le plus souvent et de
vérifier en cas d'incertitude. Pour les films, c'est pareil, il
n'y a pas d'hésitation à avoir : allez voir tous les
films anglo-saxons en VO et lisez les sous-titres aussi peu que
possible !
- ...c'est bête à dire, mais pensez aussi à aller
aux cours. Il arrive couramment que des élèves de
prépa sèchent des cours non pas pour faire autre chose,
mais pour travailler ou réviser par eux-mêmes, pensant
être plus efficaces. Cela peut être vrai dans certains cas,
mais ce n'est pas une raison pour le faire trop souvent. Outre les
problèmes légitimes que l'élève risque de
s'attirer si les professeurs se rendent compte de son manque
d'assiduité, aller aux cours permet de garder un rythme
régulier et des repères rassurants, ce qui évite
de se retrouver seul avec son stress. S'imposer un rythme de travail
aussi rigoureux que celui des cours est très difficile, et
surtout, il est tout de même rare d'arriver à faire plus
en deux heures de travail personnel que ce que fournit le cours moyen
de classe prépa dans le même temps. Accessoirement, garder
un minimum de contact avec les autres élèves de la classe
est aussi un moyen facile de passer pour un être civilisé
et un bon garde-fou pour ne pas perdre le moral seul dans son coin.