Le Roman de Renart, de Ladislas Starevitch
Noir et blanc, film de marionnettes
Inspiré du Roman de Renart, il s'agit d'un très grand classique de l'animation française.
Il a plutôt bien vieilli, les aventures de Renart sont toujours aussi drôles, et j'ai un faible
particulier pour la chanson de Tibert le chat ("Tu sais bien que je t'aime / Miaou, miaou /
Mon coeur n'est pas bohème / Miaou, miaou / etc.").
Remonter
Astérix le Gaulois, de Ray Goossens
Couleur, animation 2D
Le tout premier dessin animé mettant en scène Astérix. Des années après, l'humour est toujours
là, mais l'animation a beaucoup vieilli !
Remonter
Astérix et Cléopâtre, de René Goscinny, Albert Uderzo et
Lee Payant (d'après la BD éponyme de Goscinny et Uderzo)
(1968)
Couleur, animation 2D
Un dessin animé culte, le meilleur Astérix à mon avis. L'humour est omniprésent et efficace, et
l'animation ingénieuse malgré des moyens limités. Les voix bien choisies et les chansons (dont
les célébrissimes "le bain de Cléopâtre" et "le pudding à l'arsenic") y sont aussi pour
beaucoup.
Remonter
La Planète sauvage, de René Laloux (1973)
Couleur, animation 2D
Sur une planète lointaine, des extra-terrestres, les Draags, vivent une vie paisible ;
ils ont à
leur service de petits animaux appelés "oms". Peu à peu, les oms
sauvages, aidés par les
oms domestiques, revendiquent leurs droits à une vie indépendante. Le scénario
s'inspire librement du roman de Stefan Wul Oms en série et les
dessins sont de Roland Topor. L'animation utilise des dessins découpés, technique
déjà employée par Laloux dans ses court-métrages.
Le premier et le plus connu des trois longs-métrages de René Laloux (suivront Les
Maîtres du temps en 1981 puis Gandahar en 1986) est sans aucun doute le plus
original : à l'univers visuel unique élaboré par Roland Topor s'ajoute la musique
étrange d'Alain Goraguer, mélange de cris d'animaux et de sons synthétiques. On navigue
entre la vie oppressante et pleine de dangers des humains et l'existence, paisible mais
totalement "alien", des Draags. Un chef-d'oeuvre sur tous les plans...
Remonter
Les Douze Travaux d'Astérix,
par René Goscinny et Albert Uderzo (d'après leur BD éponyme)
Couleur, animation 2D
César défie les Gaulois de lui prouver que la potion magique les
rend égaux aux dieux en accomplissant douze travaux équivalents à
ceux d'Héraklès. Astérix et Obélix sont naturellement volontaires...
L'un des meilleurs Astérix à mon sens, en particulier au niveau de
l'animation ; le scénario, comme celui de la BD, souffre de l'aspect un
peu facile des victoires systématiques des Gaulois, qui casse un peu le
suspense, mais les douze travaux en question sont... originaux.
Remonter
Le Roi et l'oiseau, de Paul Grimault
(1979)
Couleur, animation 2D
Le roi V et III font VIII et VIII font XVI de Tachycardie règne en
despote sur une ville édifiée en plein désert et entièrement vouée au
culte de sa personne. Seul l'Oiseau ose défier son autorité et le
tourne en ridicule dès qu'il en a l'occasion. Le Roi est amoureux d'une
belle bergère peinte sur l'un des tableaux qu'il conserve dans ses
appartements secrets ; mais la bergère préfère son "petit ramoneur de
rien du tout". Une nuit, la bergère et le ramoneur s'échappent du
tableau et, aidés par l'Oiseau, se cachent dans la ville. Le Roi lance
aussitôt sa police secrète à leurs trousses, bien décidé à épouser
la bergère.
Paul Grimault à l'animation et Jacques Prévert au scénario : un très
grand classique de l'animation française. La cité-état de Tachycardie,
la police secrète, la ville haute et la ville basse sont richement
animées et pleines de détails, l'histoire parvient à être à la fois
sombre et pleine d'humour... aucun défaut dans ce dessin animé, qui a
influencé d'autres grands maîtres de l'animation, dont Miyazaki en
personne (qui y fait référence entre autres dans Le Château de
Cagliostro).
Remonter
Les Maîtres du temps, de René
Laloux (1982)
Couleur, animation 2D
Pour son deuxième long-métrage après La Planète sauvage, René
Laloux
s'inspire à nouveau d'un roman de Stefan Wul, L'Orphelin de
Perdide, et anime de nouveau les dessins d'un grand illustrateur :
cette fois-ci, c'est Moebius (dessinateur entre autres de
L'Incal, et de Blueberry sous son vrai nom Jean Giraud).
L'histoire raconte le sauvetage d'un petit garçon, Piel, perdu sur la
planète Perdide après la mort de son père ; un groupe de navigateurs de
l'espace, mené par Jaffar, va tenter de le sauver, tout en le guidant à
distance sur la planète à l'aide du micro que lui a confié son père.
Le scénario de SF, avec son monde inquiétant et son suspense
bien ménagé, fonctionne très bien. L'animation, en revanche, n'est
pas aussi marquante que dans La Planète sauvage ; Laloux
déclare avoir
manqué de moyens pour transposer à l'écran le
style de
Moebius à son vrai niveau de détail.
Remonter
Gwen, le livre de sable, de Jean-françois
Laguionie (1984)
Couleur, animation 2D
Gwen et sa tribu vivent dans un monde post-apocalyptique changé en
désert, où une mystérieuse entité passe régulièrement dans le ciel,
laissant tomber d'énormes reliques qui ressemblent à des copies
gigantesques d'objets de la vie quotidienne : fauteuils, téléphones,
cafetières, etc. Un jour, un jeune garçon, que Gwen vient juste de
rencontrer, est enlevé par l'entité en question. Gwen part à sa
recherche en compagnie d'une vieille dame. Elle découvre alors une autre
communauté d'humains, qui vivent dans un étrange culte des objets du
passé.
Poétique, mélancolique, voire contemplatif, sont les adjectifs qui
viennent à l'esprit pour qualifier ce dessin animé aux antipodes des
mastodontes de l'animation. Plus que le rire immédiat ou l'aventure, il
s'agit avant tout de se laisser emmener dans un monde étrange,
improbable et un peu absurde, qui fait penser aux grandes bandes
dessinées d'auteurs tels que Moebius ou Schuiten et Peeters.
Remonter
Gandahar, de René Laloux (1988)
Couleur, animation 2D
Sur une planète lointaine, dans un futur éloigné, le pays de Gandahar vit en paix, gouverné par la reine
Ambisextra et le Conseil féminin. Un jour, les oiseaux-miroirs qui surveillent le territoire commencent à être tués
par les lasers d'une armée qui massacre des villages entiers et menace peu à peu l'ensemble du pays. Le servant Sylvin est
envoyé pour découvrir qui sont ces ennemis aussi mal connus que redoutables. En chemin, il fait la connaissance des Transformés, résultats d'anciennes
expériences génétiques gandahariennes exilés en raison de leur apparence inhabituelle, puis il se fait capturer par l'armée des implacables hommes-machines.
Il fait alors la connaissance de la belle Arielle, et tous deux lèvent peu à peu le voile sur la nature et les buts des hommes-machines, qui vénèrent une entité mystérieuse
appelée le Métamorphe.
Le troisième (et malheureusement dernier) long métrage de René Laloux adapte un roman de science-fiction français, Les hommes-machines contre Gandahar, de Jean-Pierre
Andrevon ; et, cette fois-ci, Laloux fait appel au dessinateur Caza, habitué des univers de SF et auteur notamment du cycle d'Arkadi. Le résultat est superbe, pour plusieurs
raisons. D'abord, la beauté et la singularité du style de Caza, avec ses formes rocailleuses et ses textures travaillées qui ménagent des décors magnifiques, et à qui même l'animation
des personnages est parvenue à rendre justice (moyennant des péripéties épiques pendant la production). Les dessins de Caza n'ont pas leur pareil pour nous plonger en quelques traits
dans des univers lointains à la beauté hiératique et intemporelle, qui ressemblent à des bas-reliefs de civilisations extra-terrestres... Second atout de ce film : l'univers de Gandahar,
que Laloux et Caza ont adapté et (à ce que j'ai lu, sans avoir encore lu le livre) encore enrichi par rapport au roman, sans lui faire perdre sa puissance évocatrice. On retrouve dans
Gandahar la force imaginative de La Planète sauvage : une science-fiction où l'exotisme n'est pas qu'un décorum facile, mais arrache complètement le spectateur à ses habitudes pour
le confronter à quelque chose de radicalement autre, dans l'habillement, les structures sociales, les modes de pensée et la langue elle-même. Le scénario, quant à lui, s'en tient à des
procédés plus classiques, mais parvient à maintenir le suspense tout au long du film, et ménage des rebondissements habiles. Le second meilleur long métrage de Laloux après la Planète sauvage,
à mon avis. De Laloux et de Caza, il faut voir aussi le très beau court métrage Comment Wang-Fô fut sauvé, d'après la nouvelle de Yourcenar : une petite merveille.
Remonter
Le monde est un grand Chelm, de Albert H.
Kaminski (d'après les contes d'Isaac Bashevis Singer) (1995)
Couleur, animation 2D
Le jeune Aaron, accompagné de sa chèvre Zlateh, vient vivre chez
son
oncle et sa tante au village de Chelm. Il va y découvrir un
ancien grimoire et aura maille à partir avec un sorcier maléfique qui
tente de créer un golem.
L'animation et l'histoire sont certes un peu conventionnels, mais
c'est un vrai plaisir de voir adapté à l'écran le monde des contes
d'Isaac Bashevis Singer, dont le dessin animé reprend et mêle
plusieurs histoires (dont "Zlateh la chèvre" et "Les sages de
Chelm").
Remonter
Kirikou et la sorcière, de Michel Ocelot
(1998)
Couleur, animation 2D
Dans un village
d'Afrique noire, une femme enceinte entend soudain
son enfant lui parler de l'intérieur de son ventre. L'enfant,
Kirikou, est tout petit, mais se révèle doté d'une intelligence
extraordinaire. Il n'aura pas trop de toute son astuce pour venir en
aide aux gens de son village, menacés par la sorcière Karaba.
Ce dessin animé, inspiré d'un conte d'Afrique de l'Ouest, avait pour lui
l'exotisme qui avait déjà fasciné quatre ans plus tôt dans Le Roi
Lion (1994), mais
cela n'aurait pas suffi en soi : le succès mérité qu'il a remporté à sa
sortie s'explique surtout par la grande beauté de son univers visuel, et
par le talent de conteur de Michel Ocelot, qui allie des péripéties
habilement ficelées et un style de narration déjà fermement établi, dans
l'animation, la mise en scène et les dialogues (et que l'on
retrouve dans ses longs-métrages suivants). L'ensemble assure au
spectateur un dépaysement qui n'est pas de l'exotisme de surface, mais
une véritable plongée dans la culture africaine.
Remonter
Le Château des singes, de
Jean-François Laguionie (1999)
Couleur, animation 2D
Le singe Kom fait partie de la tribu des Woonkos, qui vivent dans la
canopée. Les Woonkos redoutent le monde d'en bas, que l'on dit peuplé de
monstres. Un jour, à la suite d'une chute, Kom est bien obligé de
découvrir ce monde d'en bas pas si infernal qu'il le pensait, où il
rencontre les Laankos, des singes urbanisés qui vivent autour du château
de leur roi. Kom entame une nouvelle vie auprès du roi des Laankos.
Certains moments font un peu trop "sous-Disney", notamment les
chansons ; mais certaines séquences, plus originales et poétiques, sont
de vraies réussites, et l'ensemble reste très honnête. Sur le plan de
l'animation, on notera en particulier la grande beauté des paysages à
l'aquarelle.
Remonter
Princes et princesses, de
Michel Ocelot (1999)
Couleur, animation 2D
Dans un cinéma désaffecté, deux enfants imaginent et mettent en
scène des histoires en théâtre d'ombre. Six contes sont racontés de
cette façon, dans des univers allant du conte de fée à la
science-fiction en passant par le Japon médiéval.
A posteriori, ce dessin animé me fait penser au principe du jeu Il
était une fois : se raconter des histoires entre amis, en
trouvant le moyen de créer quelque chose d'original à partir
d'éléments classiques (princes, monstres, transformations...).
Les images, de simples ombres sur fond bleu, pourraient paraître
dépouillées, mais se révèlent pleines de détails et dotées d'un beau
pouvoir de suggestion ; le scénario, de son côté, est rempli de
trouvailles ingénieuses et réjouissantes.
Remonter
Kaena, la prophétie, de Chris
Delaporte et Pascal Pinon (2003)
Couleur, animation 3D
Sur un monde-arbre gigantesque, une tribu d'humains vit sous les
ordres de dieux exigeants en offrandes de sève. Kaena, jeune fille
rebelle, désobéit au Grand Prêtre et part en exploration pour
découvrir la vérité sur les "dieux" de son monde.
Sorti sur les écrans en juin 2003, une semaine avant Les Triplettes
de
Belleville, et premier d'un nombre de sorties
exceptionnel en animation française cette année là (les
Triplettes, Les Enfants de la pluie, Le chien, le
général et les oiseaux et La Prophétie
des
grenouilles, sans parler d'autres films qui ont rencontré moins
d'écho), Kaena avait tout d'une grosse production : premier
film d'animation français entièrement réalisé en 3D, héroïne jeune et
rebelle aux belles courbes façon Lara Croft, sortie programmée du jeu
vidéo en même temps que le film, roman du film écrit par Pierre
Bordage... et pourtant ce sont les Triplettes qui ont marqué
l'année 2003. Trop formaté, le blockbuster à la française ?
Peut-être bien : les ficelles du scénario sont simplistes et rebattues
au possible (une prophétie, une héroïne rebelle à l'autorité, des dieux
très méchants, une "élue", etc.) et certaines séquences ont échappé à ma
compréhension (je mettrai ça sur le compte de la fatigue et non d'une
incohérence du scénario). Pourtant tout n'est pas mauvais dans
Kaena : l'animation 3D est bel et bien époustouflante, bien que
certains choix, en particulier dans l'éclairage ambré aux ombres un peu
trop présentes, rendent certains plans
peu lisibles ; et le monde-arbre d'Axis, avec ses curieux vers en
combinaison de spationautes, a des aspects originaux. Dommage que les
clichés l'aient emporté dans le scénario et qu'on finisse par baîller
devant une énième prophétie (celle des grenouilles de Jacques-Rémy
Girerd, sortie quelques mois après en décembre, était nettement plus
distrayante).
Remonter
Les Enfants de la pluie, de
Philippe Leclerc (2003)
Skän est un Pyross, le peuple du feu. Chaque année, à la saison des
pluies, les Pyross doivent s'enfermer dans leur ville troglodyte
pour se prémunir de la pluie, car l'eau les brûle. Leurs pires
ennemis sont les Hydross, le peuple de l'eau. Chaque été, sous l'effet
de la chaleur, les Hydross se changent en statues de pierre, et l'élite
des guerriers Pyross part en expédition vers leur ville dans l'espoir
d'en fracasser le plus grand nombre avant le retour des pluies. Lorsque
Skän est sélectionné pour partir massacrer les Hydross, il découvre
cette guerre sordide qui ne correspond pas vraiment à ses idéaux
chevaleresques, et il aperçoit la statue d'une belle Hydross, Kallisto,
dont il tombe amoureux. Dès lors, Skän et Kallisto n'ont de cesse de
faire cesser la guerre entre leurs deux peuples que tout oppose.
Philippe Leclerc, ancien collaborateur de René Laloux, reprend ici un
projet pour lequel Laloux (mort l'année suivante, en 2004) n'avait pas
réussi à réunir les financements
nécessaires. Le scénario s'inspire librement (en moins sombre) du
roman de Serge
Brussolo A l'image du dragon. Les dessins ont été conçus par
l'illustrateur et auteur de bande dessinée Caza, qui avait déjà
collaboré avec René Laloux pour Gandahar en 1988. L'histoire,
bien que reposant sur des ressorts très classiques, est honnête, et Caza
réussit un gros travail d'adaptation de son style, très détaillé, à la
"ligne claire" nécessaire pour le film.
Remonter
Les Triplettes de Belleville, de
Sylvain Chomet (2003)
Couleur, animation 2D
Le plus remarqué des films d'animation français exceptionnellement
nombreux sortis en 2003, Les Triplettes de Belleville a fait
découvrir au grand public le monde très particulier de Sylvain
Chomet : grinçant, fantastique et inquiétant, avec ses dessins plus
proches des caricatures façon journaux politiques que des Disney ou
des Ghibli, ses couleurs passées, et surtout l'absence quasi
complète de dialogues (absence dont on a fait grand bruit quelque temps
plus tard à la sortie du Wall-E de Pixar, en oubliant que
les Triplettes l'avaient déjà fait en plus radical cinq ans
avant), ce qui laisse toute la place à l'animation, aux bruitages et à
la musique.
Les Triplettes de Belleville, c'est un groupe de trois
chanteuses à succès que l'on va retrouver dans l'histoire. Mais les
personnages principaux sont un petit garçon qui veut devenir
cycliste, et que sa grand-mère coache "à mort" jusqu'à ce qu'il se
retrouve au tour de France. Relégué en fin de peloton avec les
lanternes rouges du Tour, il est kidnappé par un groupe de mafiosos
qui ont pour lui des projets mystérieux... dès lors, sa grand-mère
n'a de cesse de traverser l'océan pour aller le retrouver là où on
l'a emmené, à Belleville, sorte de New York improbable. Un
chef-d'oeuvre, qui a beaucoup aidé les studios d'animation français en
montrant qu'un film original et "exigeant" pouvait avoir du succès.
Remonter
La Prophétie des
grenouilles, de Jacques-Rémy Girerd (2003)
Couleur, animation 2D
Catastrophées par leurs prévisions météorologiques, les grenouilles
décident de rompre leur voeu de silence à l'égard des hommes, et
annoncent la venue d'un nouveau Déluge. Ferdinand, nouveau Noé,
construit une arche pour abriter sa famille et un couple de chaque
espèce animale. Le Déluge survient, et tout ce beau monde se
retrouve isolé en pleine mer, avec pour seules provisions un énorme
stock de patates. Mais les carnivores commencent vite à grogner, et
les choses empirent lorsqu'une tortue maléfique se fait recueillir à
bord.
Premier long-métrage de Jacques-Rémy Girerd, La Prophétie des
grenouilles adopte un style graphique adressé avant tout au
jeune public : corps des animaux en forme de patates, couleurs imitant
un coloriage aux crayons de couleur (qui donnent de très belles choses
une fois animées). Mais si jeune que soit le public visé, le scénario le
prend au sérieux : exit la mièvrerie et les méchants trop fades, nous
avons droit à une vraie aventure, avec des moments sombres et
effrayants, et un méchant vraiment très méchant, ce qui change
agréablement des dessins animés pour enfants façon "sous-Disney"
beaucoup trop lisses. Girerd en fait-il trop dans l'autre sens, se
montre-t-il inutilement sombre ? Seul le public en question pourrait le
dire.
Remonter
Le chien, le général et les
oiseaux, de Francis Nielsen (2003)
Couleur, animation 2D
Le scénario est une adaptation du livre de Tonino Guerra illustré
par Sergueï Barkhin, Le
Général et Bonaparte. Un vieux
général russe à la retraite vit une vie morose à
Saint-Pétersbourg. Dans sa jeunesse, il a défendu la Russie contre
l'armée de Bonaparte en enflammant les ailes de centaines d'oiseaux,
qu'il a utilisés pour brûler Moscou et en chasse l'armée française :
depuis lors, tous les oiseaux qui le survolent lui font dessus. Un
jour, le général rencontre un chien qui s'attache à lui et va le
tirer de son quotidien mélancolique.
Le film s'adresse avant tout à un public jeune (bien
plus jeune que moi quand je l'ai vu en tout cas), et certains moments
m'ont paru un peu mièvres,
mais l'histoire est originale, et surtout les graphismes adaptés des
dessins de Barkhin, lui-même très influencé par Chagall, et mariés à une
animation "non réaliste", inspirée des techniques du papier découpé,
mettent en place un univers visuel d'une grande poésie.
Remonter
L'île de Black Mór, de Jean-François Laguionie
(2004)
Couleur, animation 2D
Le Kid, jeune garçon sans famille, est retenu dans un orphelinat sordide à la Dickens ;
son seul rêve est de s'enfuir et de prendre la mer, à l'exemple du pirate Black Mór,
dont le professeur aveugle leur lit les aventures. Un jour il parvient à s'évader, et
récupère une carte au trésor dans le manuscrit des aventures de Black Mór. Il rencontre
Ficelle et Mac Gregor, deux naufrageurs ; à eux trois ils volent la goélette des
garde-côtes pour partir à la recherche de l'île de Black Mór et de son trésor. En
chemin, ils rencontrent Taka, un déserteur, le singe Jim, et un mystérieux garçon, Petit
Moine, qui n'est peut-être pas ce qu'il semble être. La chasse au trésor peut vraiment
commencer...
Ce troisième dessin animé de Jean-François Laguionie, dont le beau style "ligne claire"
s'inspire des tableaux du peintre français Henri Rivière, mêle diverses influences,
entre Dickens, Stevenson et Conrad. Une chose est sûre : on est en plein roman
d'aventure, et il n'y a pas de quoi bouder son plaisir. Un fort beau dessin animé, qui
n'a pas à rougir de ses sources d'inspiration.
Remonter
Le Roman de Renart, de Thierry
Schiel (2005)
Couleur, animation 3D
Cette adaptation contemporaine du Roman de Renart, qui après
tout avait déjà donné d'excellents résultats sur les écrans dès 1930
(voir ci-dessus), tente de donner une nouvelle
jeunesse à l'univers renardien à l'occasion du passage à la 3D.
Malheureusement, le résultat laisse beaucoup à désirer... Les choix
graphiques ne sont pas toujours très heureux : les couleurs sont
criardes, les textures et les polygones moyennement fins, et le look des
personnages cherche un peu trop à faire "dynamique" ou "à la mode" (je
dois avouer
que le style de l'ensemble ne me plaît pas). Le scénario, de son
côté, reprend les ficelles de base des Disney (par exemple, Renart se
voit ajouter un acolyte absent des romans pour remplir le rôle du petit
animal mignon et du ressort comique), et l'histoire m'a paru basique et
prévisible au possible.
Remonter
Renaissance, de Christian
Volckman (2006)
Noir et blanc, animation 3D
Dans un futur proche (2054), la France vit à l'ère de la beauté
perpétuelle, guidée par la multinationale Avalon. Lorsqu'Ilona Tasuiev,
une brillante scientifique employée par Avalon, est kidnappée, Aalon
engage Karas, un flic aux méthodes musclées, pour la retrouver. Au fil
de l'enquête, Karas découvre le projet sur lequel travaillait Ilona : le
protocole Renaissance... qui pourrait bien livrer à Avalon la clé de la
vie éternelle.
Original et audacieux, Renaissance l'est à la fois par son
graphisme inédit, en noir et blanc "tranché" (sans nuances de gris), et
par son scénario où la science-fiction emprunte beaucoup au film noir et
très peu aux mastodontes à grand spectacle. L'univers graphique fait le
choix de la difficulté, avec des images pas toujours très lisibles, mais
une animation sans défaut, pleine de détails et de textures. Le
scénario, un peu trop classique, a peut-être manqué du "petit truc"
supplémentaire qui en aurait fait un grand succès. Renaissance
reste néanmoins un film très honnête et une preuve du potentiel des
animateurs en France.
Voir aussi ma critique à
chaud
Remonter
Azur et Asmar, de Michel Ocelot
(2006)
Couleur, animation 3D
Azur et Asmar, élevés par la même nourrice, qui leur parle
indifféremment français et arabe, grandissent comme deux frères,
voulant toujours les mêmes choses et se disputant pour tout, mais
inséparables. Quand ils seront grands, c'est sûr, ils iront libérer
la fée des djinns, dont la nourrice leur parle dans leur chanson
préférée, et l'un d'eux l'épousera. Mais Azur est le fils d'un
prince et Asmar n'est que
le fils de la nourrice. Un jour, le père d'Azur le rappelle auprès
de lui et finit par chasser la nourrice et Asmar, qui retournent dans
leur pays de l'autre côté de l'océan. Des années après,
Azur traverse l'océan pour s'y rendre, avec une seule idée en tête :
sauver et épouser la fée des djinns...
Les premières images du film, avec leurs visages en 3D assez "jeu
vidéo de la fin des années 90", m'avaient laissé sceptique - pourquoi
passer à la 3D alors que la 2D classique fonctionnait si bien dans
Kirikou ? Mais j'ai changé d'avis en découvrant la suite : les
paysages
et les décors du pays d'Asmar sont tout simplement éblouissants, et
l'animation déploie le même soin que celle des précédents films de
Michel Ocelot. L'histoire, de son côté, a pour "morale" la découverte de
l'étranger, en l'occurrence l'Orient qu'Azur veut explorer malgré les
réticences de son père ; fort heureusement, ce thème "d'actualité" ne
devient jamais pesant, car l'invitation au brassage des cultures et des
langues est étroitement liée à l'histoire elle-même : nous sommes avant
tout dans un conte aux péripéties ingénieuses, mais où les djinns et les
oiseaux merveilleux côtoient tout naturellement les réalités du monde
arabe, dont l'architecture et la religion, mais aussi les épices, les
cornes de gazelles, la chanson de la nourrice, et la langue arabe en
général, que le film donne à écouter sans sous-titres dans de
nombreuses scènes - mais de manière telle que le spectateur n'a jamais
de mal à comprendre ce qui se passe, pas plus qu'Azur et Asmar,
naturellement bilingues : un pari audacieux et une belle réussite.
Remonter
Persépolis, de Marjane Satrapi et
Vincent Paronnaud (d'après la BD éponyme de Marjane Satrapi) (2007)
Noir et blanc (quelques séquences en couleur), animation 2D
L'itinéraire autobiographique de Marjane Satrapi, qui passe son
enfance dans l'Iran du shah ; elle vit la révolution iranienne de
1979 et l'arrivée au pouvoir de l'Ayatollah Khomeini, puis, envoyée
à l'étranger par ses parents, vit son adolescence à Vienne avant de
revenir vivre en Iran puis de partir en France.
Ce film a été un immense succès à sa sortie et a accumulé les
récompenses (Prix du Jury du Festival de Cannes 2007, Césars 2008 du
Meilleur Premier Film et de la Meilleure Adaptation)... et c'est une
fort
bonne chose, car il est excellent.
La BD de Marjane Satrapi l'était déjà, mais il fallait réussir à
transposer à l'écran son style particulier (faire de l'animation en 2D
et en noir et blanc, en 2007, à l'époque de Pixar, c'était un défi en
soi) et à adapter son histoire complexe à la durée d'un long-métrage
d'animation. Le pari a été doublement réussi : le film respecte
parfaitement l'univers graphique de la BD et la transpose habilement à
l'écran avec une grande poésie ; quant à l'histoire, dont des épisodes
entiers sont nécessairement supprimés ou restreints à quelques séquences
fortes, elle oscille en permanence entre l'humour et l'émotion. Tout
comme dans la BD, aucun personnage n'est objectif ni ne fait la morale
au spectateur (à part peut-être la grand-mère, mais c'est à Marji
qu'elle fait la morale, et puis elle est si sympathique...).
Remonter
Chasseurs de dragons, de Guillaume
Ivernel et Arthur Qwak (2008)
Couleur, animation 3D
L'histoire est une adaptation, au format long-métrage et en
graphismes 3D, de la série animée du même nom réalisée en 2D par
Arthur Qwak et que je n'ai pas eu l'occasion de regarder. Elle en
reprend l'univers, un monde de fantasy composé d'une myriade
d'îles flottant dans le ciel, et les deux personnages principaux, le
guerrier Lian-Chu et l'arnaqueur Gwizdo, deux chasseurs de dragons qui
gagnent leur pain en débarrassant tant bien que mal les îles des
dragons, d'aspects et de tailles très variables, qui viennent
régulièrement les dévaster. Un jour, Lian-Chu et Gwizdo se voient
confier par le seigneur Arnold la mission d'aller pourfendre le
Bouffe-Monde, le plus gros et le plus redoutable des dragons, avant que
celui-ci ne provoque la fin du monde. Ils sont accompagnés dans leur
voyage par Zoé, la fille d'Arnold.
Nous sommes ici en pleine fantasy humoristique, dans un
univers reposant sur des bases classiques, mais qui se démarque par
quelques touches d'originalité dans les détails (l'apparence variée des
dragons, par exemple). Si le design très caricatural des
personnages (Lian-Chu est un colosse dont les bras et le torse
énormes reposent sur de toutes petites jambes) peut surprendre ou
déplaire, on ne peut qu'admirer la somptuosité des décors, très soignés,
qui n'ont rien à envier aux plus grosses productions. Les
personnages archétypiques, l'orientation très "jeunesse" de
l'humour et le caractère parfois un peu frénétique de certaines
séquences, très dans la lignée des séries pour la jeunesse, peuvent
fatiguer un peu le spectateur adulte, mais l'ensemble est honnête et
accède par moments à une réelle grandeur épique.
Remonter
Mia et le migou, de Jacques-Rémy Girerd
(2008)
Couleur, animation 2D
La petite Mia, prévenue par un rêve providentiel, veut aller retrouver son père, victime d'un
accident sur le chantier où il travaille. Mais la route est bien longue pour y parvenir, et bien
des dangers attendent la petite fille sur la route ! Aldrin, de son côté, est le fils du
directeur du projet, et découvre peu à peu que le chantier
initié par son père est une menace pour l'environnement. Chacun de leur côté, puis ensemble, les
deux enfants vont tenter de sauver l'endroit d'un danger encore plus grand qu'ils ne le
soupçonnaient...
Après La Prophétie des grenouilles, Jacques-Rémy Girerd montre avec Mia une
histoire à mi-chemin entre le voyage merveilleux et l'allégorie écologique. L'animation
est magnifique, inspirée des couleurs de Cézanne ou de Van Gogh ; l'intrigue est dense
et bien rythmée et le propos la plupart du temps assez mature. Le film n'hésite pas à mettre en
scène des moments très sombres, que viennent équilibrer l'humour et la poésie de l'univers.
L'ensemble m'a fait penser à une sorte de Princesse Mononoke pour enfants, très influencé
par des "thèmes miyazakiens" (l'arbre, les gardiens de la Nature, les êtres un peu divins, et
même les enfins volants...). On peut regretter que le message écologique soit un peu sentencieux
dans sa noirceur, et que le méchant reste si monolithique malgré les
nuances ménagées au début
du film, et qui laissaient espérer quelque chose de moins manichéen.
L'ensemble reste plus qu'honnête, et d'une grande beauté visuelle.
Remonter
Le Chat du rabbin, de Joann Sfar et Antoine Delesvaux (2011)
Couleur, animation 2D
Le chat du rabbin, qui n'a pas de nom, a pour maître le rabbin Sfar, qui vit à Alger dans les années 1930. Le chat
aime passionnément la fille de son maître, Zlabya, et n'a qu'un seul désir : rester auprès d'elle pour toujours. Les choses
se compliquent lorsque le chat, agacé par l'incessant bavardage du perroquet de la maison, le mange et se retrouve soudain doué de parole.
Mais il ne l'a pas mangé, ce perroquet ! D'ailleurs, il n'avait même pas faim... Outré par ce chat qui ne prend la parole que pour dire des
mensonges, le rabbin refuse de le laisser fréquenter Zlabya. S'ensuit une âpre discussion théologique au cours de laquelle le chat se met en tête
de se convertir au judaïsme et de faire sa bar-mitsva, afin de pouvoir rejoindre sa maîtresse. La convocation du rabbin à une épreuve de dictée, l'arrivée
du légendaire Malka des lions et celle d'une caisse de livres au contenu inattendu, font peu à peu basculer le quotidien du chat et de son maître vers l'aventure.
Le Chat du rabbin est l'adaptation, par Sfar lui-même et par le studio Autochenille Productions, créé pour l'occasion, de la BD de Sfar, qui avait obtenu un beau
succès critique, à mon avis mérité. L'intrigue du dessin animé fait le choix de s'écarter un peu de celle de la BD, et de sélectionner une partie des nombreux événements qui
en remplissent les cinq tomes, en s'inspirant librement des tomes 1, 2 et 5. Ayant beaucoup aimé la BD, j'attendais avec impatience et un peu de crainte l'arrivée
du film, les adaptations s'avérant toujours un exercice difficile. Dans l'ensemble, je n'ai pas été déçu : tant les graphismes que l'esprit de la BD sont fidèlement respectés,
et le résultat, en tant que film d'animation considéré en lui-même, est honorable. Du côté du dessin, les décors sont d'une beauté et d'un niveau de détail à tomber par
terre. Les traits des personnages, contraintes techniques de l'animation sur cellulo obligent, ont été simplifiés pour les besoins du film ; la plupart du temps le résultat
reste beau, même si j'ai été un peu gêné parfois par les traits de Zlabya, qui ne gagnent pas à la comparaison avec la BD. L'animation, de son côté, m'a semblé un peu brouillonne
au début, mais, par bonheur, s'améliore ensuite. (Le film a connu une version en 3D relief, mais je l'ai vu en 2D et ne me prononcerai donc pas sur la 3D.) Les voix choisies fonctionnent
bien, et François Morel, en particulier, parvient à s'approprier le personnage du chat et à lui donner
une orientation cohérente. La bande originale m'a paru réussie et renforce bien l'aspect picaresque de l'aventure. Le scénario, enfin, fonctionne bien et trouve sa cohérence propre, tout
en recasant avec habileté beaucoup de bons moments de la BD (je l'avais relue juste avant de voir le film, mais je ne me suis pas ennuyé une seconde).
Je pense que le scénario a les mêmes qualités et défauts potentiels que celui de la BD elle-même, avec ses personnages nombreux, son aspect "chronique de la vie quotidienne", et son subtil dosage de satire religieuse, de fantastique, et de
réflexion de fond sur la religion et la cohabitation entre populations ; personnellement, le mélange me semble bien prendre. Remarquez que Le Chat du rabbin n'est pas un Disney et risque
de plaire davantage aux enfants déjà un peu grands, ainsi qu'aux ados et bien sûr aux adultes, plutôt qu'aux tout petits, à qui on fera voir, en attendant, les films de Michel Ocelot, ou bien, pour rester
dans l'imaginaire juif, le joli Le Monde est un grand Chelm, adapté des contes d'Isaac Bachevis Singer.
Si j'ai un seul reproche à faire au Chat du rabbin (en dehors du fait qu'on n'y voit pas assez le Malka, mais on ne voit jamais assez le Malka...), c'est son rythme parfois trop précipité : les plans s'enchaînent souvent très vite, là où j'aurais volontiers pris une seconde ou deux de plus
pour mieux poser l'ambiance et profiter des superbes décors (mais c'est peut-être aussi parce que j'avais vu le majestueux et posé Gandahar peu de temps auparavant).
Là encore, il m'a semblé que la seconde moitié du film parvenait mieux à se poser. Mais en définitive, ce Chat du rabbin, sans atteindre du premier coup le degré d'achèvement d'un Persépolis,
fait un passage réussi à l'écran, et les amateurs de la BD peuvent aller le voir en toute confiance, tandis que les autres y découvriront avec profit l'univers de l'une des meilleures créations de Sfar.
Remonter