Il y a des compositeurs qui mettent du temps à trouver un
langage musical personnel, commençant par imiter avec plus ou moins de
succès de grands noms du paysage musical les entourant. Quelle surprise
par exemple de voir qu'un Schönberg a commencé avec de la musique
post-romantique, ou même de confondre les premières oeuvres de Beethoven
avec du Mozart ou du Haydn. Pour d'autres, au contraire, la personnalité
musicale est reconnaissable dès les premières oeuvres. Pour ne citer qu'un
exemple évident, Mahler a fait du Mahler à partir de ses premières notes.
C'est aussi le cas de Prokofiev, un bon exemple de talent de compositeur
très précoce. Ses premiers pas dans le domaine de l'orchestration sont
même carrément impressionnants, tant la violence et la luxuriance de
l'instrumentation qui le caractériseront dans toute son oeuvre sont déjà
présents. Ainsi, cette Suite scythe, un de ses premiers grands
projets, formidable d'audace et d'exubérance, chef-d'oeuvre de jeunesse
d'un des plus grands compositeurs du vingtième siècle.