L'oeuvre complète de Franz Schubert a mis bien du temps à se reconstituer
après sa mort, et ce pour plusieurs raison : d'une part seule une infime
partie en a été publiée de son vivant (il faut dire que, bien qu'étant
mort très jeunes, il a écrit un petit millier d'oeuvres) ; d'autres part
l'ami Schubert avait la fâcheuse habitude de laisser beaucoup de ses
compositions en plan. En fait, il n'était pas vraiment fait pour la grande
forme, et ses tentatives pour percer à l'opéra, notamment, furent vaines,
avec plus d'oeuvres incomplètes que d'opéras entiers (ces derniers n'ayant
de plus jamais obtenu de succès). Même dans le domaine de la symphonie ou
de la musique de chambre, pas mal de fragments trainent dans les coins du
catalogue schubertien (l'inachevée porte le numéro 8 parmi les symphonies
de Schubert, mais la 7 a été perdue, et il y en a par ailleurs sept
autres qui n'ont pas été menées à terme...).
Est-ce très étonnant dans ces conditions que ce qui est peut-être son plus
grand chef-d'oeuvre soit une symphonie inachevée ? Il en écrivit deux
mouvements, puis s'arrêta au tout début du troisième, sans qu'on sache
très bien pourquoi. Telle quelle, elle témoigne de toute façon d'une unité
impressionnante. Elle mettra longtemps à sortir des cartons où Schubert
l'avait enfermée, et à devenir un des sommets du répertoire. On peut
l'entendre dans Minority Report de Steven Spielberg, Fight
club de David Fincher, Assurance sur la mort de Billy
Wilder, et L'âge d'or de Luis Buñuel.