Observée d'un peu trop loin, l'évolution musicale de Brahms peut paraitre
curieuse. Il semble s'être assagi au cours des années, tendant presque
vers un retour au classicisme à une époque où Mahler et Schönberg
commencaient à effrayer Vienne. C'est un peu plus compliqué que cela. De
fait, Brahms fut toujours opposé à la "musique du futur" (c'est ainsi que
l'on qualifiait Liszt, par exemple, au moment où Brahms commencait à
émerger) et le fit même savoir publiquement. Mais son inspiration est tout
de même indiscutablement romantique (comme en témoignent en particulier
ses oeuvres de jeunesse). C'est au niveau de la forme que Brahms est resté
attaché à une précision dans la structure directement héritée du temps de
Mozart. Il a ainsi tendu toute sa vie durant à effectuer la synthèse des
élans romantiques et de la rigueur d'écriture de maîtres plus anciens.
Synthèse qu'il a d'ailleurs parfaitement effectuée dans ses oeuvres de
la maturité.
Ses deux dernières symphonies sont un bel exemple de l'art brahmsien (dans
la quatrième, il se paye le luxe de composer une passacaille, genre oublié
depuis des décennies, sur un thème de cantate de Bach, pour clore
l'oeuvre). Le fameux thème du troisième mouvement de la Troisième
Symphonie est indéniablement romantique, mais le traitement qu'en fait
Brahms est d'une maitrise implacable. Il a été utilisé dans une musique de
pub il y a quelques années (mais je ne sais plus pour quoi) et dans ...
Aimez-vous Brahms ?, le film d'Anatole Litvak tiré du bouquin de
Françoise Sagan.