De Chopin, si on regarde les quelques portraits les plus connus, on garde
une curieuse impression : entre les portraits de jeunesse et ceux où il a
déjà l'air vieilli et affaibli, rien. Chopin est mort avant d'atteindre
quarante ans, et pourtant il paraissait déjà vieux. C'est que toute la vie
de Chopin (ou du moin l'âge adulte) fut marquée par la maladie. Il
crachait du sang alors qu'il n'avait pas trente ans et, bien que tentant
de fuir Paris pour vivre sous un climat plus clément (à Majorque avec
George Sand notamment), ne fut presque jamais en bonne santé. C'est
sûrement une des raisons de son caractère assez névrosé, fuyant les
réjouissances et réservant sa passion à ses oeuvres.
Comble de l'ironie, le morceau qui a peut-être le plus fait pour la
gloire de Chopin le maladif est une marche funèbre. C'est en fait le
troisième mouvement de sa deuxième sonate pour piano, une des rares
oeuvres de forme classique qu'il ait écrite. Mais même lorsqu'il essaie de
se plier aux règles classiques, il accouche d'une oeuvre hybride,
juxtaposition de quatre morceaux sans grand rapport (le dernier d'entre
eux est par ailleurs certainement le lpus étonnant qu'il ait jamais
écrit). Quoi qu'il en soit, elle est devenue un classique, repris entre
autres dans Fanny et Alexandre d'Ingmar Bergman,
Beetlejuice de Tim Burton, Citizen Kane d'Orson Welles,
ou Space Jam de Joe Pytka.