Chostakovitch est un des compositeurs les plus fascinants du vingtième
siècle. Non seulement car il a composé un certain nombre d'oeuvres
majeures, mais aussi car il a été énormément influencé politiquement. Il
fait des débuts remarqués dans le milieu moscovite, composant une
première symphonie assez moderne et très maîtrisée à a peine vingt ans.
Il continue sur cette voie jusqu'à ce qu'il subisse un brutal coup
d'arrêt en 1936 sous la forme d'une démolition en règle de son opéra
Lady Macbeth de Mzensk par la Pravda. Dès lors, il mènera un
double jeu constant avec les autorités soviétiques, faisant en apparence
son possible pour se plier aux éxigences du régime (il compose à
intervalles réguliers des oeuvres d'un classicisme pompeux, et occupera
des postes officiels presque toute sa vie) mais continue à écrire en
cachette de la musique plus subversive (certaines de ses oeuvres
attendront la mort de Staline pour être créées). Difficile d'avoir sa
propre opinion sur le sujet, Chostakovitch étant un homme assez austère
et son biographe officiel étant réputé pour avoir déformé beaucoup de
ses propos... Il semble toutefois avoir mis beaucoup de sincérité dans
certaines de ses oeuvres patriotiques (la symphonie Leningrad,
par exemple, écrite pendant le Deuxième Guerre).
Son oeuvre est vaste et extrêmement contrastée. A côté de ses symphonies
et quatuors (qui sont eux-mêmes de style fort différent, certains
académiques, d'autres plus personnels), il a toujours composé de la
musique légère, pour des films notamment, dont le style est à mille
lieues de ses oeuvres sérieuses. C'est ainsi qu'il est connu pour cette
Seconde Valse, extraite d'une de ses Suites de jazz,
curieux assemblements de morceaux n'ayant rien à voir avec le jazz et où
on se demande constamment où est la part de simple amusement et celle de
franche caricature... Ce morceau est devenu célèbre chez nous suite à la
publicité de la CNP (1994, mais le thème a été gardé depuis), mais a
aussi fait une apparition remarquée dans le film Eyes wide shut
de Stanley Kubrick (et moins remarquée dans quelques navets, dont
Bad Santa, de Terry Zwigoff).