Brahms était un personnage d'une fascinante complexité, pétri de
contradictions. Il fut toute sa vie un homme très bourru, dont les
manières ont traumatisé la bonne société viennoise, mais il écrivait une
musique exquise ; il gérait son argent avec une économie étonnate
(s'habillant la plupart du temps de façon très négligée) mais était d'une
générosité presque sans bornes, quoique discrète, pour ses amis dans le
besoin. Il composa de la musique violente dans sa jeunesse, quand il
portait encore ses longs cheveux blonds d'adolescent romantique, puis des
choses beaucoup plus sages alors qu'il ressemblait à un vieux loup
hirsute. Plus qu'aucun autre compositeur peut-être, Brahms a transcendé
toutes les insatisfactions de sa vie affective dans sa musique. Qui sait,
s'il avait été plus heureux dans sa vie sentimentale, nous aurions
sûrement perdu quelques-uns de ses plus beaux chefs-d'oeuvre.
L'extrait présenté ici ne fait peut-être pas partie de cette dernière
catégorie, mais on souvent tendance à oublier qu'en plus de ses oeuvres de
grande envergure, Brahms composa un grand nombre de petites pièces
(plusieurs centaines de lieder, notamment), souvent très
charmantes. Cette petite valse est l'une des plus connues, elle a été
reprise dans Le Festin de Babette de Gabriel Axel.