Parcours de développement de l'Équateur

Laurent Tyers et François Durand

Cours de Jean-Jacques Gabas, DESS DCAH, 2004–2005


L'Équateur est aujourd'hui classé, suivant le CAD, parmi les PRITI (pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure). Ce groupe comprend tous les pays qui avaient un revenu national brut par habitant compris entre 746 et 2975 dollars en 2001. À titre d'indication, le RNB de l'Équateur en 2001 était de 1370 dollars. En Amérique Latine, il y a 12 PRITI, dont la Bolivie, le Pérou et la Colombie, pays Andins limitrophes.

Outre les PRITI, l'économie de l'Équateur peut être classée dans plusieurs groupes informels distincts.
  1. Sa dépendance sur l'exportation de matières premières est assez typique des économies d'Amérique Latine. Outre le problème de la détérioration des termes de l'échange, cette dépendance rend l'économie vulnérable aux importantes fluctuations des prix des produits bruts.
  2. C'est est un pays exportateur de pétrole, membre de l'OPEP jusqu'en 1992. L'économie est ainsi similaire à celle de nombreux autres pays pétroliers, victimes du «dutch disease». Une part importante des exportations et du PIB est générée par le secteur pétrolier, alors que l'économie reste peu diversifiée et le niveau de développement, assez bas.
  3. L'Équateur est victime d'une grande volatilité des apports financiers. L'investissement et la croissance sont très instables, freinant le développement économique, et générant des crises macro-économiques assez fréquentes. L'Équateur a fait défaut sur son remboursement de la dette deux fois en vingt ans (en 1983 et en 1999).
Dans cette étude, nous examinerons plus en détail le contexte politique et économique de l'Équateur depuis 1988 afin de bien comprendre l'évolution du pays et d'illustrer les divers problèmes économiques et financiers dont il souffre. Ensuite, nous analyserons spécifiquement comment l'aide internationale et les politiques de développement locales tentent de remédier à ces problèmes.

1  Présentation générale

Pour une présentation chiffrée du pays, on pourra consulter [].

1.1  Contexte politique et social

1.1.1  Indicateurs démographiques et sociaux


Population (2005) 13 364 000
Taux d'accroissement démographique (2005) 1,24 %
Taux d'immigration net (2005) −6,07 
Espérance de vie à la naissance (2005) 76,21 ans
Alphabétisme1 (2003) 92,5 %
Population sous le seuil de pauvreté (2001) 45 %
IDH (2002) 100


Tableau 1: Indicateurs démographiques et sociaux de l'Équateur



En Équateur, le taux d'alphabétisation et l'espérance de vie sont très élevés (cf. Tab. 1). En revanche, le pays est assez pauvre et, surtout, les inégalités sont importantes: 40 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.

1.1.2  Une histoire mouvementée

L'Équateur est depuis 1979 un pays «démocratique». Il est dirigé par le président, qui est chef d'État et chef du gouvernement, et le pouvoir législatif est détenu par le Congrès national (système unicaméral). Les élections libres se font au suffrage universel, et même obligatoire pour les personnes éduquées entre 18 et 65 ans. L'État central jouit d'une réelle alternance politique et la population, assez fortement politisée, joue un rôle important même hors des années électorales.

Président Années Remarque
Jaime Roldos 1979–1981 Mort dans un crash aérien
Osvaldo Hurtado 1981–1984 Vice-président de Roldos
Leon Febres Cordero 1984–1988 Kidnappé et maltraité par l'armée en 1987
Rodrigo Borja Cevallos 1988–1992 Mandat achevé
Sixto Durán Ballén 1992–1996 Mandat achevé
Abdalá Bucaram 1996–1997 Évincé après 6 mois pour cause de «folie»
Rosalia Arteaga 1997 Présidente par intérim pendant 3 jours
Fabian Alarcon 1997–1998 Élu Président par intérim par le congrès
Jamil Mahuad 1998–2000 Évincé par la foule le 21 janvier 2000
Gustavo Noboa 2000–2002 Vice-président de Mahuad
Lucio Gutierrez 2002–2005 Évincé par la foule le 20 avril 2005
Alfredo Palacio 2005–... Vice-président de Gutierrez


Tableau 2: Présidents de l'Équateur depuis 1979



L'histoire politique de l'Équateur est une histoire mouvementée: il y a eu de nombreux présidents successifs ces dernières années (cf. Tab. 2) et les défections des membres du Congrés National sont courantes, ce qui entraîne des changements fréquents dans le nombre de sièges occupés par les différents partis. Cette instabilité politique a fortement influencé la mise en oeuvre des politiques de développement ainsi que les flux financiers à destination ou en provenance de l'Équateur.

Depuis 1983, année de la première crise de la dette en Équateur, le Fonds monétaire international a une influence importante sur l'élaboration de la politique économique du pays. Ainsi, s'il y a une alternance politique prononcée, les politiques économiques n'évoluent que de manière limitée, frustrant l'électorat, et créant le climat d'instabilité politique qui a caractérisé le pays ces 20 dernières années. L'impopularité des politiques économiques a été, manifestement en 2000 et de manière soujacente en 2005, cause du renversement populaire d'un président élu.

Cette conjoncture nous permet de supposer que les politiques économiques et de développement n'ont que rarement bénéficié d'une coordination et d'une continuité sur le long terme. Comme nous le verrons, cette précarité politique est un des symptôme du principal fléau dont souffre l'Équateur: la volatilité économique.

1.1.3  Des perspectives mitigées

Le maintien voire l'aggravation de la pauvreté et des inégalités sociales sont des facteurs d'agitation sociale et de perte de légitimité des gouvernements. Ceci rique de conduire, dans les prochaines années, à une désaffection et une fragmentation des partis, une montée en puissance du pouvoir de fait au détriment de celui issu des urnes, ainsi qu'à des gouvernements faibles, à des politiques clientélistes, ou à un retour de personnalités autoritaires.

Les minorités ethniques indigènes ont eu un rôle important dans la chute de deux présidents de la République, Abdalá Bucaram et Jamil Mahuad. Les partis traditionnels s'avèrent incapables de prendre en compte cette demande de représentation, et les mouvements indiens se regroupent en divers partis spécifiques. Cette exclusion est un facteur supplémentaire d'instabilité, et on peut espérer qu'elle ne conduira pas les minorités à recourir à d'autres modes d'actions, comme l'insurrection armée ou la violence politique.

L'insécurité, phénomène relativement nouveau en Équateur, devient inquiétante: le taux d'homicide par an a augmenté de 50 % en 10 ans, atteignant 14,8 pour 100 000 habitants2. On peut avancer plusieurs explications à cela: Ce problème risque de conduire à une rendication sécuritaire et de favoriser les candidats tenant d'une politique «de la main dure».

1.2  Structure sectorielle de l'économie

1.2.1  Répartition de la main-d'oeuvre et de la production

L'agriculture, un des secteurs les plus importants, occupe environ 30 % de la population active et génère 10 % du PIB. L'Équateur est le numéro un mondial de la production de banane, avec un quart de la production mondiale. Citons aussi le café, le cacao, les fleurs et le bois de construction. Le pétrole a constitué un grand espoir de développement pour le pays, à tel point qu'en 1972, un oléoduc de plus 500 km a été construit. Le taux de chômage est d'environ 10 %, mais on estime que la moitié de la population est sous-employée, souvent dans l'économie informelle3. Ceci entraîne que la répartition de la population entre les différents secteurs est difficile à évaluer, et que les différentes sources présentent des chiffres très variables.

1.2.2  Structure sectorielle des exportations

Afin de bien comprendre la situation économique de l'Équateur, il convient de savoir avec quels produits le pays améliore sa balance commerciale. Les données ici proviennent de la CNUCED.



Figure 1: Structure des exportations de l'Équateur



La figure 1 nous illustre tout d'abord que l'Équateur est un pays très dépendant de l'exportation de matières premières. Mise a part un petit volume de produits pétroliers raffinés et de poisson préparé, les principaux produits d'exportation sont tous bruts.

De plus, le graphe rend évident la dépendance du pays vis-à-vis des exportations de produits pétroliers. Ceux-ci ont généré environ 40 % des recettes d'exportation en 2002. Cette tendance s'est accrue depuis, avec la hausse du prix du pétrole: en 2004, le pétrole a représenté la moitié des recettes d'exportation et permis à la balance commerciale de devenir excédentaire (261,1 millions de dollars).

Enfin, nous remarquons tout de même que la part des «autres» produits (ceux qui ne dépassent jamais les 5 % du total) augmente de manière assez régulière, comptant aujourd'hui pour 20 % des exportations. Afin de pérenniser le développement, les observateurs s'accordent pour dire que l'Équateur doit réduire sa dépendance sur ses 5 produits de base (poissons/crevettes, pétrole, fruits/bananes, café, cacao), et favoriser une diversification des produits d'exportations.

Le manque de diversité économique de l'Équateur fut une cause importante de la crise financière de 1999. Outre la crise en Asie, 1999 à vu une hausse de catastrophes climatiques (généralement dus au phénomène climatique el Niño, qui a un effet prononcé sur l'Équateur), une baisse importante du prix de pétrole et du café, et des maladies dans les élevages de crevettes. Dans une telle conjoncture, et compte tenu de sa dépendance sur l'exportations de produits agricoles, pétroliers et poissonniers, le résultat était prévisible.

1.2.3  Dutch disease

Le dutch disease4 a lieu quand la rente émanant d'une ressource naturelle (surtout le pétrole) augmente la valeur de la devise nationale, réduisant la compétitivité des autres secteurs de l'économie, augmentant les importations de biens de consommation, au détriment des exportations et de l'investissement.

De 1973 à 1976, le niveau exceptionnel des cours du pétrole donne en Équateur l'espoir d'un développement accéléré, avec un taux de croissance annuel du PIB de 9 % en moyenne. Ceci entraîne une hausse des dépenses publiques et des prix du secteur abrité (service public en particulier), alors que les revenus fiscaux stagnent puis diminuent.

Il en résulte une forte poussée inflationniste, jusqu'à 25 % en 1982. Comme, en outre, le gouvernement refuse d'abaisser le taux de change, les exportations de biens industriels sont de moins en moins rentables, privant ainsi le secteur industriel de ses espoirs de développement, d'autant plus que les importations se font à faible coût. Le secteur agricole, quant à lui, subit le même type de mécanisme.

Après une première alerte en 1975, quand certains pays industrialisés (dont les États-Unis) annoncent un boycott contre l'OPEP, la baisse des cours à la fin des années 1970 montre que, loin d'avoir donné un nouvel essor au développement, le recours à l'or noir a surtout aggravé certains deséquilibres structurels de l'économie. Les secteurs agricole et industriel, souffrant de leur désaffection et de leur manque de compétitivité, ne parviennent pas à combler le manque à gagner. Quant au secteur public, il a attiré une part importante de la main d'oeuvre, mais celle-ci est sous-employée et ne peut être financée que par une dette publique en progression.

On peut donc attribuer nombre des problèmes économiques à une dépendance dangereuse sur le secteur pétrolier et un réinvestissement insuffisant de la rente dans les autres secteurs de l'économie (en particulier les secteurs de transformation).

1.3  Relations politiques et commerciales

L'Équateur est membre de la CAN, du groupe de Rio et membre associé du Mercosur. Il fait également partie de l'OEA, de l'ALADI, du SELA, de la Commission Permanente du Pacifique Sud, du TIAR et de l'OTCA5.

1.3.1  Relations avec les autres pays andins

La Pacte andin est créé en 1969 en réaction au succès mitigé de l'Association latino-américaine de libre-échange (ALALE, actuellement ALADI). Il s'agit au départ d'une union douanière (avec cependant un traitement préférentiel pour l'Équateur et la Bolivie en raison de leur fragilité) dans le but final d'instaurer une zone de libre-échange. En 1991, l'accord de Barahona instaure un véritable marché commun andin. En 1996, le groupe devient la Communauté andine des nations, qui étend son mandat et se dote d'objectifs politiques et sociaux. En outre, on passe d'un régionalisme «fermé» à un régionalisme «ouvert», dont l'objectif est de développer les relations commerciales avec le reste du monde.

Outre l'Équateur, la CAN regroupe actuellement le couple moteur Colombie-Vénézuela, le Pérou, et la Bolivie. Ces pays représentent 13 % des exportations de l'Équateur, qui montre une certaine volonté de renforcer ce lien. Cependant, les relations politiques avec la Colombie (deuxième partenaire commercial, avec 5,6 % des exportations et 12,4 % des importations) sont fortement marquées par le conflit colombien. Quant au Pérou, une querelle frontalière datant de 1942 a entraîné en 1995 une guerre qui n'a été résolue qu'en 1999. Depuis, les relations semblent se détendre, et l'enjeu majeur de l'Équateur va se situer au niveau des liens entre les pays andins et le reste du monde.

1.3.2  Le Mercosur

Le Mercosur6 a été institué en 1991 par le traité d'Asunción. Il est constitué de membres fondateurs (le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay) et de membres associés: d'abord le Chili, la Bolivie et le Pérou, puis l'Équateur, la Colombie et le Venezuela (en 2004). Le Panama et le Mexique ont également annoncé leur volonté d'intégrer l'organisation.

Le Mercosur s'est développé rapidement autour du tandem Brésil-Argentine, même si celle-ci connaît quelques difficultés. C'est à présent le troisième marché intégré au monde, après l'Union européenne et l'ALENA. Il se dote peu à peu d'un contenu politique et social, comme cela a été souligné au cours du sommet de 2004 à Ouro Preto.

Cependant, le Mercosur est composé de pays très différents, et cette différence semble en train de s'accentuer, ce qui pose le problème du choix entre approfondissement et élargissement. Sous la pression des États-Unis, cette dernière option semble adoptée: le sommet de 2004 à Puerto Iguazú a défini les modalités des alliances régionales et extra-régionales du Mercosur.

1.3.3  Intégration régionale à l'échelle du sous-continent

À sa création en 1986, le groupe de Rio était essentiellement un groupe de consultation et de concertation politique et comprenait huit membres. Actuellement, il couvre toute l'Amérique Latine, compte des représentants des Caraïbes et s'est enrichi d'une coopération économique.

Cependant, l'intégration régionale reste médiocre: les échanges régionaux atteignent à peine 30 milliards de dollars, alors que les exportations hors Amérique du Sud sont de 182 milliards de dollars. C'est pourquoi des tentatives de rapprochement plus étroit ont été faites entre le Mercosur et la CAN. Un traité de libre échange, qui aurait dû entrer en vigueur en juillet 2004, a été retardé à cause de problèmes dans les listes de dégrèvements.

Cependant, le 8 décembre 2004 a été signée la Déclaration de Cuzco, qui établit la Communauté sud-américaine des nations (CSAN). La CSAN réunit douze États d'Amérique du Sud: les quatre membres fondateurs du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), les cinq États de la CAN (Pérou, Colombie, Venezuela, Bolivie et Équateur) ainsi que le Chili, la Guyana et le Surinam.

Le projet de la CSAN est d'établir une zone d'intégration commerciale mais aussi, à terme, de créer une unité politique et physique. Le président péruvien Alejandro Toledo a même déclaré: «Dans un futur proche, nous aurons une monnaie unique, un seul passeport et un Parlement sud-américain élu par un vote direct.»

Du point de vue du Mercosur, et en particulier du Brésil, l'objectif est clair: favoriser les échanges intra-régionaux au détriment de la politique d'influence des États-Unis, et développer le leadership régional du Brésil. L'Équateur, dont les liens commerciaux avec les États-Unis sont importants, est un exemple typique de pays que le Brésil aimerait ramener dans son giron.

Cependant, la politique des États-Unis n'est pas le seul facteur qui menace l'intégration régionale. En effet, les entreprises nationales ou multinationales exercent une pression importante sur les gouvernements pour imposer leurs intérêts. De plus, les crises politiques et économiques des différents pays témoignent d'une instabilité qui ne favorise pas l'établissement d'une politique commune. Enfin, l'importante asymétrie des pays de la région risque de rendre des pays comme l'Équateur en retrait du Brésil dans la voie vers l'unité.

1.3.4  Relations avec les États-Unis

Avec 43 % des exportations, le principal partenaire commercial de l'Équateur reste le géant nord-américain. Celui-ci, décidé à renforcer son influence en Amérique Latine, avait pour projet de mettre en place la Zone de libre échange des Amériques (ZLÉA), qui aurait dû entrer en vigueur en 2005. Cependant, cette tentative semble rencontrer un succès mitigé en raison de la résistance de plusieurs pays menés par le Brésil (sous l'oeil bienveillant de l'Europe7, qui a déjà vu l'effet de l'ALENA sur ses parts de marché au Mexique), mais aussi de la réticence de certains secteurs dirigeants et de la société latino-méricaine. Ainsi, depuis la rencontre de Miami en 2003, le projet semble relativement bloqué.

Les États-Unis sont donc contraints de se replier à nouveau sur une option plus locale, voire bilatérale. De ce point de vue, les pays andins constituent l'extension naturelle de la zone d'inflence comprenant le Mexique et l'Amérique Centrale8. Cette politique n'est pas nouvelle: en 1990 avait été signé l'Andean Trade Preferential Act (ATPA), instituant des tarifs douaniers préférentiels pour les produits andins en échange d'une coopération dans la lutte contre la drogue — même si cet aspect est vite passé au second plan. En 2002, l'accord a été renouvelé pour une durée de 4 ans, sous le nom d'Andean Trade Preferential Drug Eradication Act (ATPDEA). Il affirme de manière plus forte la composante sécuritaire et militaire, toujours en échange de dispositions commerciales préférentielles.

En effet, l'ATPDEA implique l'appui au Plan Colombie, qui prévoit la construction de bases américaines dans toute la région. En particulier, la plus grosse base américaine de l'Amérique Latine est située à Manta, en Équateur. Pendant la présidence de Lucio Gutierrez, le pays a renforcé sa collaboration avec les États-Unis au niveau de sa frontière avec la Colombie. Cependant, Washington reste préoccupé par le traffic de drogue, l'infiltration de la guérilla colombienne dans le pays et l'immigration illégale (plus de 2 millions d'Équatoriens vivent aux États-Unis). D'un point de vue commercial, l'impact au niveau des matières premières, du textile et de l'agro-industrie a été important: en 2003, le quart des exportations mondiales de l'Équateur étaient concernées par l'ATPDEA.

Selon une clause de l'ATPDEA, les pays andins doivent participer aux négociations de la ZLÉA. Cependant, ils craignent, dans le cadre de celle-ci, de perdre leur avantage comparatif au niveau douanier et l'ATPDEA ne sera pas nécessairement reconduit en 2006. Les pays andins cherchent donc un autre moyen de garder un accès au marché américain. Depuis 2003, les pourparlers des États-Unis avec la Colombie, le Pérou et l'Équateur ont commencé pour établir un accord de libre-échange, l'Andean Free Trade Agreement (Andean FTA). Cependant, ce projet divise la CAN, puisque la Bolivie et le Vénézuela sont pour l'instant exclus des négociations et plus proches de l'approche brésilienne.

Les États-Unis tentent ainsi de contourner les difficultés rencontrées par la ZLÉA. À l'avenir, la hausse de la proportion d'«Hispanos» aux États-Unis pourrait entraîner l'accroissement des liens avec l'Amérique Latine. En revanche: Ces facteurs s'opposeront à l'influence américaine dans la région, mais la division autour de la coopération avec les États-Unis risque également de rendre difficiles des politiques communes au niveau sud-américain9.

1.4  Évolutions de l'économie

1.4.1  Tendances récentes

Notre analyse couvre le parcours de l'Équateur depuis 1988. Nous avons choisi cet écart car depuis 1988 l'économie à essentiellement vécu un cycle complet, comme nous allons le voir. Notre analyse se focalisera néanmoins sur les 5 dernières années pour lesquels les chiffres sont disponibles, c'est-à-dire 1998–2003. Pour commencer, nous avons écrit une brève synthèse des différentes phases du cycle, illustrés dans le graphe du revenu national brut par habitant (Fig. 2).



Figure 2: RIB par habitant de l'Équateur



  1. 1988–1993: stagnation

    De 1988 à 1993 le RNB/habitant n'a augmenté de seulement 50 dollars, soit d'un taux de croissance d'environ 0,01 % par an. Alors que l'on a appelé les années 1980 «la décennie perdue» en Amérique Latine, celle des années 1990 était censée rattraper le temps perdu. Jusqu'en 1993, cela ne paraissait pas se matérialiser.

  2. 1993–1997: croissance

    La «bonne gestion» économique du président «conservateur» Sixto Duran Ballan, élu de 1992 à 1996 a relancé la croissance, due en partie à une forte dévaluation du sucre et à une expansion des exportations de pétrole brut (suite à la décision de quitter l'OPEP en 1992). Ballan pratique à merveille la politique de rigueur prêchée par le FMI. Malgré une hausse des tensions sociales, entre 1993 et 1997 le PIB par habitant de l'Équateur a augmenté de plus de 50 %.

  3. 1997–2001: crise, récession

    Une série de chocs externes en 1998 et 1999 a généré une crise économique majeure en Équateur. La chute importante des cours du pétrole, une maladie dans les crevettes, la crise financière en Asie et les ravages du phénomène climatique el Niño ont tous participé à une baisse de 35 % du RNB, à un effondrement du système bancaire et à un défaut sur les paiements de remboursement de la dette. La monnaie ayant été dévaluée de 70 % en 1999, l'une des mesures prises pour redresser la situation monétaire et lutter contre l'hyperinflation fut la dollarisation de l'économie. En 2000, l'Équateur bénéficia aussi d'un «haircut» de 40 % de la dette.

  4. 2001–2005: la reprise

    La chute du dollar et la forte hausse du prix du pétrole ont permis une hausse des revenus d'exportation, alors que l'éradication de 40 % de la dette facilite la gestion budgétaire de l'État. En 2003, le RNB/habitant avait presque ré-atteint le sommet de 1997. En 2004, le taux de croissance a atteint 6,3 %, accompagné d'un rétablissement des grands équilibres. Cependant, des estimations donnent 3,5 % pour 2005, et les dispositions prises pour éviter de nouvelles crises semblent limitées.

1.4.2  Dollarisation

L'un des principaux changements dans la politique économique et monétaire depuis 1988 a été la dollarisation de l'économie10. En 2000, après la crise de 1998–1999, le président Mahuad a eu recours à ce mécanisme pour limiter l'inflation, atténuer l'impact de chocs externes sur la devise, et pour favoriser le maintient des épargnes en Équateur. En effet, après la crise, la chute catastrophique du sucre ne remplissait plus sa fonction «d'unité de réserve».

Jusqu'à présent, la politique semble avoir eu un effet stabilisant sur l'économie, permettant une relance de la croissance (6,3 % en 2004), une reprise de l'investissement (cf. Tab. 3), une croissance réelle des salaires, tout en limitant l'inflation, fléau historique en Équateur, qui est passée de 91 % en 2000 à 2 % en 2004. De plus, on peut supposer que la récente politique du dollar faible menée par les États-Unis convient tout a fait à l'Équateur aujourd'hui.

Année 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 200411
IDE (M$) 452 500 724 870 648 720 1 330 1 275 1 555 1 200


Tableau 3: Investissements directs en Équateur



En contrepartie, avec l'adoption du dollar, l'Équateur à abdiqué le contrôle de sa politique monétaire, ce qui l'oblige à faire reposer tout l'ajustement sur la politique budgétaire. De plus, la croissance de la masse monétaire est fonction de l'entrée de devises dans le pays, ce qui oblige à une politique fiscale austère12. La dollarisation a en outre entraîné une augmentation du coûit de la vie et réduit la compétitivité du secteur non-pétrolier. L'économie est donc encore davantage dépendante de son secteur principal d'exportation.

1.4.3  Perspectives économiques

L'économie de l'Équateur doit encore faire face à nombre de défis13. Concernant le secteur pétrolier, les dégâts écologiques dans la région amazonienne ralentissent l'augmentation de la production et la réforme de la loi sur les hydrocarbures se fait attendre. Les autres secteurs souffrant d'un manque de compétitivité, des réformes importantes sont à venir, en particulier pour le secteur électrique.

Le pays souffre également de l'instabilité politique et juridique, et de la fragilité de son système fiscal. La réforme du cadre légal des finances publiques et celle de la sécurité sociale devraient être de toute première importance. Il faudra également lutter contre la volatilité des cycles d'investissement et la dépendance vis-à-vis du pétrole.

Si le pays se maintient dans l'état actuel, sa croissance restera entravée et il lui sera difficile d'encaisser de nouvelles crises, avec les conséquences sociales que cela implique. En outre, la part importante de l'économie souterraine risque d'entretenir l'inégalité, l'exclusion et les deséquilibres fiscaux.

2  L'aide au développement en Équateur

Dans cette partie de l'étude, nous allons couvrir les fluctuations de l'aide en Équateur, en analysant son impact et ses variations14; mais avant tout, nous pouvons donner un bref panorama des financements du développement en Équateur. Pour cela, nous avons pris comme année de référence 2003, la plus récente dans les données du CAD, et nous avons tracé un histogramme comparatif avec les autres PRITI d'Amérique Latine (cf. Fig. 3).



Figure 3: Aide au développement dans les PRITI d'Amérique Latine en 2003



En ce qui concerne l'aide totale, l'Équateur se situe dans la médiane. L'APD reçue est très voisine de celle de ses voisins andins, à l'exception de la Bolivie, dont on sait qu'elle est en très bons termes avec les États-Unis (cf. 1.3). Les AASP sont faibles, mais nous verrons qu'en fait il s'agit d'un poste soumis à d'importantes variations, qui peut dépasser l'APD suivant les années. Enfin, les apports privés sont parmi les plus importants dans ce groupe de pays: il faut y voir l'influence positive de la dollarisation de l'économie (cf. 1.4.2).

À présent, nous allons pouvoir étudier les caractéristiques de l'APD en Équateur de manière globale, puis en nous attarder sur les principaux bailleurs d'APD. Ensuite, nous verrons les autres types de financement du développement, privés et publics. Enfin, nous essaierons de comprendre les politiques de développement qui ont tenté et tentent de faire «décoller» le pays.

2.1  Profil général de l'APD

2.1.1  APD totale

L'aide publique au développement (APD) est une aide allouée par un bailleur public à un taux de 25 % plus avantageux que les taux du marché. Elle peut consister en une aide bilatérale, multilatérale, liée ou non, ventilable, spécifique, sous forme de prêt ou de don. Notons que dans les statistiques actuelles, elle ne comprend pas encore les flux de coopération décentralisée, qui sont malheureusement difficiles à mesurer.

Bien qu'universellement reconnue comme étant un apport positif, l'aide même est parfois source de déséquilibres économiques. Les pays dépendants de l'aide sont souvent victimes de l'instabilité des flux d'aide, qui évoluent selon les années et les priorités changeantes des bailleurs. Cette variabilité est particulièrement néfaste pour les pays comme l'Équateur qui souffrent de volatilité financière importante.



Figure 4: Évolution de l'aide publique



Pour mettre en contexte les tendances de l'APD en Équateur, il faut connaître les fluctuations de l'aide publique à l'international (Fig. 4). On constate qu'en première approximation, la courbe de l'APD en Équateur suit sensiblement celle de l'aide publique totale, décroissant jusque dans la fin des années 1990 et reprenant ensuite.

2.1.2  Dons et Prêts

Il y a aujourd'hui débat sur l'amélioration de l'efficacité de l'aide au développement. L'une des questions porte sur l'emploi en priorité de dons ou de prêts pour le développement. Le consensus actuel, si telle chose existe, encourage les dons pour les pays fortement endettés. Dans l'idéal, les dons seraient attribués dans les secteurs sociaux, pour réduire la pauvreté. Les prêts, quant a eux, demeurent préférables dans les secteurs générateurs de profits, tels les télécommunications ou l'électricité. Cette distinction entre dons et prêts ne vaut que dans le cas de l'APD. Les autres apports publiques sont toujours des prêts.



Figure 5: Dons et prêts à l'Équateur



La figure 5 illustre une tendance nette de diminution des prêts. Cependant, nous l'avons vu, celle-ci a été accompagnée jusqu'en 2000 par une baisse de l'APD totale. Comme nous l'avons indiqué, le principal avantage des dons, c'est qu'ils ne contribuent pas à l'endettement. Ainsi, les chiffres négatifs des prêts négatifs après 2000 correspondent au paiement du service de la dette: le montant des nouveaux prêts après 2000 sont inférieurs aux paiements.

2.1.3  Une aide avant tout bilatérale

Comme nous le verrons dans la suite de ce rapport, l'Équateur bénéficie d'une diversité importante de bailleurs bilatéraux. Cependant, d'après l'OCDE et les institutions financières internationales, l'aide multilatérale est plus efficace. En effet, elle est censée être attribuée par un organisme compétent, qui effectue une planification centrale de ses versements, assurant une coordination efficace entre les divers secteurs privilégiés. Ainsi, le CAD cherche à encourager une hausse de la proportion de l'APD distribuée par les organismes multilatéraux.



Figure 6: Aide bilatérale et multilatérale



La figure 6 nous montre que dans le cas de l'Équateur, la part de l'aide multilatérale tend à diminuer depuis 1997. Reste à déterminer si l'aide depuis 2003 reflète la tendance pour une plus grande multilatéralisation de l'aide. Cependant, l'importance du bilatéral confirme que l'Équateur est situé dans une zone où les intérêts stratégiques ne sont pas négligeables, comme en témoigne la volonté des États-Unis de s'implanter de manière plus ferme dans la région.

2.2  Origine de l'APD

2.2.1  Engagements et versements

Dans un contexte général, les écarts entre les engagements des bailleurs d'aide publique et les versements (c'est-à-dire de l'aide reçue) sont souvent significatifs. Cela est généralement expliqué par des raisons rationnelles, tel un manque de capacité d'absorption dans le pays bénéficiaire, ou un changement des priorité de développement. Néanmoins, les écarts importants tendent à interdire une planification budgétaire exacte, et compliquent la gestion des projets de développement.



Figure 7: Engagements et versements d'APD



La figure 7 nous montre que si les engagements sont extrêmement variables, les versements, finalement, ont l'avantage d'être assez constants, de l'ordre de 200 millions de dollars (2002).

La comptabilité du comité d'aide au développement mesure les engagement année par année sans prendre en compte le temps nécessaire pour verser les sommes. Ainsi, les engagements des donateurs en 1990 ont équivalu à plus du double des versements réels pour l'année. En conséquence, les trois années suivantes ont vu les versements dépasser les engagements.

Cela étant dit, pour l'Équateur les engagements excèdent largement les versements dans 9 des 15 dernières années, alors que le contraire est vrai pour 4 années (les excédents étant d'ailleurs plus modestes). Il y a, de toute évidence, de nombreux donateurs qui ne tiennent pas leurs engagements.

2.2.2  Principales origines des engagements

Dans le cas de l'Équateur, les sommes d'aide publique engagées, les secteurs privilégiés, et les origines de l'aide sont extrêmement variables, laissant supposer un manque de coordination des bailleurs et une absence de politique de développement à long terme.



Figure 8: Engagements d'APD pour l'Équateur



L'Équateur a reçu de l'aide de la plupart des pays du CAD depuis 1988. Parmi les bailleurs bilatéraux les plus importants, on compte les États-Unis, le Japon, et l'Espagne (cf. Fig. 8). Les apports multilatéraux proviennent principalement de la Banque Interaméricaine de Développement.

Parmi les donateurs, quelques pays, tels la France, l'Italie, et la Suisse sont ponctuellement de grands contributeurs, mais leur participation ne se reproduit pas tous les ans. Ces engagements sont en partie responsables des fluctuations importantes dans les sommes d'aide engagés pour l'Équateur.

L'origine diversifiée des apports d'aide est importante. D'un coté, elle limite la dépendance de l'Équateur vis-à-vis d'un bailleur spécifique et elle garantie un flux relativement stable, puisque une réallocation de l'aide d'un seul pays ne risque pas de changer la donne de manière trop brutale. Cependant, la diversité de l'aide pose un obstacle majeur à la coordination des projets de développement.

2.2.3  Versements

S'il est intéressant de mettre en relief les divergences entre les engagements et les versements, il nous importe de voir d'au vient l'important écart entre les deux (Fig. 9).



Figure 9: Versements d'APD à l'Équateur




Donneur Engagements Versements   V/E  
États-Unis 40,34 31,09 77 %
Espagne 20,73 24,73 119 %
Japon 47,87 22,65 47 %
Allemagne 22,55 16,88 75 %
France 15,93 13,80 87 %
BID fonds sp. 16,56 11,83 71 %
Pays-Bas 9,12 10,19 112 %
Italie 11,68 9,67 83 %
CE 12,54 8,58 68 %
Belgique 6,11 6,82 112 %
Suisse 7,46 5,59 75 %
Autres 18,08 26,76 148 %
Total 228,97 188,58 82 %


Tableau 4: Moyenne annuelle, sur 1988–2003, des engagements et des versements par pays (millions de dollars constants 2002)



Objectivement, nous concluons facilement du tableau 4 que tous les donateurs ne sont pas d'une rigueur égale. Le Japon, qui par ses engagements est le plus grand donateur pour la période 1988–2003, n'est que troisième quand on compte les versements. À l'inverse, certains pays dont l'Espagne et les Pays-bas ont versé plus que ce qu'ils ont engagés. Au final, dans le cas de l'Équateur, les versements comptent pour 82 % des engagements.

2.3  Autres types de financement du développement

2.3.1  Autres Apports du Secteur Publique

Les autres apports sont des apports publiques ne constituent pas de l'aide au développement. En pratique, ce sont essentiellement des prêts d'organismes publics (banques de développement, agences...) aux taux du marché.



Figure 10: Autres apports du secteur public



La figure 10 nous illustre a quel point les AASP sont variables. Une partie de cette variabilité est expliqué par le faite que les AASP sont sous forme de prêts. Ainsi, dans l'analyse des apports nets, sur le long terme, ceux-ci devraient être négatifs (remboursement du capital de la dette plus les intérêts). L'impact de ces apports n'est pas a négliger, puisqu'en apports bruts, il peut excéder l'APD. Cependant, la faiblesse (en moyenne) des AASP par rapport à l'APD témoigne du manque d'attractivité de l'économie équatorienne.

2.3.2  Privé : la volatilité




Figure 11: Apports privés en Équateur



L'histoire économique de l'Équateur depuis 1988 nous montre a quel point le pays est victime d'instabilité et vulnérable aux chocs externes. Le parcours politique du pays ne contribue pas à stabiliser l'économie. Ainsi, comme nous l'avons indiqué, l'un des obstacles principaux au développement de l'Équateur demeure l'instabilité: instabilité politique, inflation, volatilité des revenus d'exportations, variations des montants d'aide publique au développement...

Ces facteurs sont critiques puisqu'au-delà des strictes variations monétaires, la volatilité génère un manque de confiance parmi les investisseurs privés. Ceux-ci cherchent évidemment un climat d'investissement sûr, qu'ils ne trouvent pas en Équateur: la figure 11 illustre à quel point les apports ont été capricieux. Dans une économie de marché libérale, la capacité d'un pays à attirer du capital est clairement essentielle à sa réussite économique. L'investissement crée de l'emploi, forme la main d'oeuvre, agrandit la base fiscale de l'état, et encourage le transfert de technologies de pointe. L'Équateur, souffrant de flux de capitaux imprévisibles est ainsi sérieusement désavantagé en matière de développement.

2.3.3  Transferts privés sans contrepartie

Les transferts privés sans contrepartie jouent un rôle important dans le développement économique. Ces transferts proviennent généralement de personnes ou de familles qui travaillent à l'étranger. L'avantage de ces transferts est qu'ils vont directement aux habitants (même si une part importante a tendance à être allouée aux frais de transaction bancaires).



Figure 12: Transferts privés sans contrepartie



En Équateur, le rôle de ces transferts est particulièrement important (cf. Fig. 12) puisqu'il y a eu pendant les années 1990 d'importantes migrations à l'Étranger (surtout en Espagne). Ainsi, le volume de cette forme d'aide à augmenté considérablement, dépassant largement les sommes totales d'aide publique au développement.



Figure 13: Transferts privés sans contrepartie, rapportés au PIB



Ces transferts représentent aujourd'hui plus de 5,5 % du PIB de l'Équateur (cf. Fig. 13). Le pic de plus de 8 % atteint en 2000 est principalement dû à la crise financière de 1999 et la chute subséquente du RNB. Si l'origine, la quantité et l'impact de ces transferts sont difficiles à mesurer, ils sont de plus en plus pris en compte par les professionnels du développement.



Figure 14: Dépendance de l'Équateur par rapport à l'APD



A titre de comparaison, on remarque (Fig. 14) que les seuls transferts privés ont un plus grand impact sur l'économie (ou en tout cas, représentent une part beaucoup plus importante) que l'APD. En comparant l'influence des transferts à celle de l'APD, on remarque, de surcroît, que les tendances sont contraires. Depuis 1988, l'aide tend à diminuer en pourcentage du RNB, alors que les transferts privées affichent une nette progression, même si leur impact sur le développement est difficile à évaluer.

2.4  Politiques de développement

2.4.1  Historique des politiques de développement

Jusqu'en 1972, l'Équateur pratique essentiellement un modèle de développement agro-exportateur. Après le boom de la banane dans les années 1950, ce modèle qui a connu momentanément quelque succès ne semble pas suffisant pour lancer véritablement le pays.

Dans les années 1970, la découverte de nouveaux gisements d'hydrocrabures donne un nouvel espoir: celui d'une industrialisation par substitution aux exportations. Après le choc pétrolier de 1973, l'État devient riche et soutient fortement les industries en plein essor. L'industrialisation fonctionne en partie, et il se façonne un tissu économique assez structuré.

Cependant, ces industries protégées ne sont pas suffisamment compétitives, le cercle vertueux de l'auto-financement ne s'enclenche pas: le pays commence à ressentir les effets du dutch disease (cf. 1.2). Le secteur agricole subit le même genre d'obstacles. En outre, le refus des grands propriétaires terriens empêche la réforme agraire prévue en 1973. À partir de 1976, la déception est donc grande. On essaie alors d'ouvrir le pays aux capitaux étrangers, mais cela ne suffit pas et entraîne un endettement important.

Dans la lignée du Mexique de 1982, l'Équateur va donc connaître la crise de la dette en 1983. Le pays présente de nombreux deséquilibres: entre secteurs modernes et traditionnels, entre agriculture d'exportation productive et agriculture vivrière pauvre, entre couches sociales de la population.

En 1984, l'Équateur, dirigé par le conservateur ultralibéral Febres Cordero, entre dans l'ère de l'ajustement structurel. La collaboration avec le FMI et la Banque Mondiale s'avère payante du point de vue macroéconomique, mais les déséquilibres entre les secteurs restent important, et le coût social de ces politiques a rendu populaire la formule «décennie perdue du développement».

Aujourd'hui, les politiques d'ajustement structurel sont toujours en vigueur, mais elles ont été nuancées par la prise en compte de paramètres sociaux, qui reste hélàs largement insuffisante.

2.4.2  Aide par secteur




Figure 15: Répartition de l'aide par secteurs



Le CAD répertorie l'aide par secteur d'allocation. Une telle analyse, bien que floue, est intéressante dans la mesure ou elle indique les priorités de développement du pays (Fig. 15). Une tendance vers un investissement dans «l'infrastructure sociale» est marquée pour la période 1991–2003. En 2002–2003, cette aide s'est stabilisée aux alentours de 60 %. L'aide pour l'infrastructure économique à diminué après 5 ans d'investissements importants (1992–1997).



Figure 16: Coopération technique par secteur



Dans la figure 16, nous avons cumulé l'aide technique reçue par l'Équateur depuis 1992, répartie par secteur. Notre analyse de l'Équateur a jusqu'alors montré que c'est un pays dépendant des exportations de matière première. Les deux crises de la dette ont en partie été provoqués par une baisse des revenus d'exportation à cause d'un marché international défavorable. L'une des priorités pour l'Équateur est ainsi de diversifier ses sources de revenus. Dans ce contexte, il est surprenant que l'aide aux secteurs secondaires et tertiaires représente une si faible proportion de l'aide technique au développement (environ 8 %).

Nous pouvons, a priori voir dans l'allocation de l'aide une adhérence aux priorités de la «lutte contre la pauvreté», assez typique dans le cas des pays très endettés et assujettis au FMI. Ainsi, 38 % de l'aide technique est attribuée pour l'assainissement, la santé et les «infrastructures sociales diverses».

2.4.3  La question de la dette




Figure 17: Importance de l'endettement en Équateur



Comme nous l'avons, les politiques menées depuis les années 1970 ont conduit à un endettement important de l'Équateur. Pour mesurer le poids de la dette, on peut considérer le rapport entre l'en-cours de la dette et le PIB (cf. Fig. 17, source: []). Globalement, ces dernières années, le problème de la dette tend à s'atténuer. On observe un pic important en 1999, qui est en fait uniquement lié à la chute du PIB liée à la crise, la dette ayant légèrement diminué cette année. En 2000, le pays bénéficie d'une importante réduction de dette, alors que le PIB diminue légèrement. Par la suite, les effets positifs de la dollarisation et la reprise des investissements entraînent une croissance supérieure à l'augmentation de la dette. À la fin de la période, on s'approche ainsi de la barre indicative des 60 %. Selon la Deutsche Bank Research, la dette pourrait même atteindre 55,8 % du PIB en 2004.



Figure 18: Capacité de remboursement de la dette en Équateur.



La capacité de ramboursement de la dette est estimée grâce au rapport entre le service de la dette et les exportations (cf. Fig. 18). Ces dernières années, cet indicateur a diminué, et on s'approche de la barre des 25 %, considérée comme une limite aux capacités de remboursement. Cependant, selon la Deutsche Bank Research, ce ratio pourrait de nouveau atteindre 26,9 % en 2004: il convient donc de rester attentif à l'évolution de cet indicateur.

Malgré tout, les perspectives semblent plutôt positives, d'autant plus qu'en 2003, l'Équateur a conlu avec le FMI un accord pour un crédit de 205 millions de dollars pour réduire le déficit budgétaire et le poids de la dette. En contrepartie, le gouvernement s'engage à une stricte orthodoxie budgétaire, une réforme des douanes et de la fonction publique, une révision du système fiscal et la liquidation des banques en faillite dépendant de l'État. En outre, un fonds, consacré à 70 % au désendettement, est à présent approvisionné dès que le prix du baril dépasse 18 dollars. Ces dispositifs ont pour but de réduire la dette publique, qui représentait 49,2 % du PIB en 2004, à 40 % d'ici fin 2007. Cependant, on peut craindre les retombées sociales de cette rigueur budgétaire.

Conclusion

Nous avons vu, dans notre étude, le parcours de l'Équateur à travers un cycle économique entier. Il parait donc pertinent de conclure sur l'avenir du développement économique du pays.
Notre première constatation dans cette étude, c'est que l'Équateur est un pays qui aurait besoin d'une stabilité financière, sociale et politique accrue. Depuis l'adoption du dollar américain comme devise nationale, la stabilité monétaire semble acquise (malgré le manque de contrôle local sur la politique monétaire). Cependant, les événements politiques du mois d'avril démontrent qu'une stabilité politique est loin d'être atteinte. Afin de réellement profiter d'une politique nationale de développement, cet aspect politique paraît primordial.

Quant à la structure économique du pays, nous avons vu que l'Équateur est toujours dépendant de l'exportation de quelques ressources primaires. Cette dépendance a été, en grande partie, responsable de la crise de 1999. Si la part des biens manufacturés produits en Équateur augmente modérément, celle-ci doit continuer à croître afin d'éviter au pays d'être assujetti à des chocs de prix externes, auxquels le pays est particulièrement vulnérable.

Socialement, malgré la grogne et les tensions sociales évidentes, surtout au sein de la communauté indigène, l'Équateur semble avoir un niveau de développement relativement avancé, comme le montrent les indicateurs d'espérance de vie et le taux d'alphabétisation en particulier. Ici, c'est surtout la grande inégalité entre riches et pauvres qui doit diminuer.


En ce qui concerne l'APD, les informations statistiques que révèle notre analyse peuvent nous mener vers deux conclusions. Premièrement, les informations disponibles indiquent que les bailleurs ont tendance à adhérer aux conseils pour améliorer l'efficacité de l'aide. Il y ainsi un emploi plus important de dons. Si on ne voit pas encore une hausse de la part de l'aide multilatérale, nous pouvons supputer qu'avec l'élimination d'une partie de la dette, celle-ci va augmenter dans les années à venir. Cependant, toutes ces évolutions positives de l'APD négligent l'indicateur d'importance première: la quantité totale d'aide allouée, qui stagne. Il semble que plutôt que d'augmenter la quantité d'aide efficace, on ait opté pour l'élimination de l'aide moins «efficace». Ainsi, peut-on vraiment parler de progrès?

Notre étude à aussi porté sur les apports financiers externes, dont les IDE et les autres AASP. La volatilité d'année en année de ces apports est inquiétante. Néanmoins, nous avons également vu à quel point les transferts privés sans contrepartie représentent désormais un apport important. Malgré le peu d'études effectués à ce sujet, nous pouvons supposer qu'elle aura un effet très positif sur la distribution des ressources et, au final, sur le développement économique de l'Équateur. La part importante de ces transferts compense la stagnation des apports publics.


Enfin, la gestion des ressources pétrolières qu'engrange l'Équateur sera un point clé pour le développement du pays. Cette ressource n'est pas illimitée, et les prix élevés d'aujourd'hui représentent un rare et massif apport de devises, une opportunité unique de faire un «grand pas» dans le développement. Nous avons vu, en étudiant le dutch disease, à quel point ces apports peuvent être gaspillés. Un investissement rigoureux des petrodollars dans le développement d'autres secteurs de l'économie nationale est impératif.

L'élimination d'une part de la dette Équatorienne à la suite de la crise financière de 1999, l'adhésion de l'Équateur à une doctrine de «bonne gouvernance» et l'adoption d'une devise stable sont des facteurs qui laissent espérer une amélioration à venir.




1
Personnes âgées de 15 ans et plus sachant lire et écrire.
2
France: 3,6 homicides pour 100 000 habitants (en 2000).
3
Une modélisation poussée du secteur informel de l'Équateur, sortant largement du cadre de notre étude, est l'objet de [].
4
Dans [], on trouvera une analyse du «dutch disease», et du rôle du pétrole en général, dans l'économie de l'Équateur. On aura aussi un historique très clair du parcours de développement de l'Équateur sur le long terme.
5
Cf. [].
6
Pour une présentation rapide du Mercosur, cf. []. Les textes légaux, en particulier le traité d'Asunción, peuvent être lus dans [].
7
Pour une brève présentation de la lutte d'influence entre Brésil, États-Unis et Union Européenne en Amérique Latine, cf. [].
8
Pour une analyse de la politique américaine dans les pays andins, cf. [].
9
Cf. []
10
Cf. [, , ].
11
Chiffres provisoires.
12
Cette politique fiscale est également exigée par la Ley Orgánica de Resposnsabilidad, Estabilización y Transparencia Fiscal (LORET), qui limite l'augmentation des dépenses publiques à 3,5 % (en termes réels) par rapport à l'année fiscale précédente. Cette loi a pour but d'orienter les surplus du pétrole vers le paiement de la dette extérieure.
13
Cf. [].
14
La plupart des données de cette partie proviennent de [].

Ce document a été traduit de LATEX par HEVEA