La planète Sonata
Arrivé à la base de lancement, je mis
mon scaphandre et montai dans l'Explorer I. Je quittai mon ami qui
regardait le vaisseau décoller. J’avais les larmes aux
yeux. Le vaisseau partit à sept heures du matin. Le voyage
commença vers une planète inconnue. Son nom : Sonata. Ce
nom fut adopté car lors des recherches, les robots
enregistrèrent une musique assez bizarre.
Je commençai à prendre mon petit
déjeuner. Après ce repas frugal, je pris connaissance des
lieux. Il y avait une petite cédéthèque dans ma
cabine, constituée de différents cédéroms
lucratifs, pour le soir, par exemple. Une bibliothèque
était dans l’aile ouest du vaisseau. Celle-ci concernait
les manuels holographiques, en trois dimensions. Une petite
pièce se trouvait au fond de la salle. Le lecteur qui permettait
la lecture des manuels était situé à
l’entrée. A l'intérieur, un écran
géant couvrait tous les murs, le plafond et même le sol de
la pièce. J'y allai, pris un manuel et l'insérai dans le
lecteur. J'immergeai alors dans la période des recherches sur
Sonata, et recommençais son exploration première avec les
robots. La 3D était vraiment de bonne facture ! La plupart
des satellites qui avaient étudiés ont en partie
échoué dans leur mission, ne recueillant que des
données très générales, et c'est pour cette
raison que l'on m'avait envoyé sur place.
Cela a commencé par une histoire de
recrutement. La N.A.S.A. avait besoin d'un assez bon pilote de chasse.
J'en étais un, et comme j'avais toujours rêvé de
devenir cosmonaute, on me recruta. J'étais seul devant la porte
du centre lorsque que l'on m'ouvrit. Je m'attendais à voir une
foule de gens ! Je pense que je n'avais pas bien lu l'annonce. Elle
parlait d'un voyage vers l’un des systèmes solaire les
plus éloignés du nôtre. On me l'expliqua une fois
à l'intérieur, évidemment ! Ils ne voulaient pas
perdre un candidat ! On m'apprit des techniques avancée,
à l'aide des meilleurs physiciens, astronautes et techniciens de
la base. Cet entraînement intensif dura deux ans, au cours
desquels j'étais perpétuellement épuisé, le
soir, après les séances pour m'habituer aux pressions
extrêmes, et les heures de théories astronomiques. Lorsque
je fus enfin prêt, on m'apprit que le départ était
fixé au vingt-trois septembre 2328, à 7 heures, heure
locale.
Une semaine auparavant, j'avais fini de vaquer
à mes affaires, et, le jour J, je me présentai avec mon
meilleur ami vers six heures trente. Les techniciens s'affairaient
autour de la navette. A six heures quarante-cinq, on me dit que je
pouvais monter, car le compte à rebours allait bientôt
commencer.
Je dis longuement au revoir à mon ami et le priai de transmettre à ma femme mon affection :
“_ Dis lui de bien se porter, et de ne pas s'inquiéter pour moi ! lui criai-je.
_ Ouais, ouais. Allez, salut John ! ”
Je montai et partis.
La base amorça le décollage et
commença à guider l'Explorer I dans son voyage. J'allai
alors dans la bibliothèque principale commencer le manuel que
j’avais trouvé. Le voyage débuta.
*
Dans la navette, vers 9 heures, heure terrestre, je
suis allé me laver. Lorsque j'eus fini ma douche, je continuai
à visionner le manuel. J'en étais au chapitre 5, qui
parlait de l'atmosphère de la planète.
Elle était assez bonne, mais le dioxygène était
assez rare, des précautions s'imposaient. Au chapitre 6, le
problème de la gravité et de la température
était abordé. Celle-ci était de -20°. La
gravité, de 0, 72 G exigeait le port de la combinaison.
Le manuel terminé, je revins dans ma cabine me coucher; Je
réglai le réveil à une heure, et m'endormis. Je
fus réveillé à midi et demi par un bruit insolite,
qui ressemblait à un craquement, provenant de la cuisine. Je
découvris sa provenance : une souris s’était
embarquée clandestinement au moment du départ. Je la
caressai, et elle se blottit contre moi. J’avais trouvé un
animal de compagnie ! Je restai éveillé et la souris et
moi regardâmes par le hublot. J’eus l’impression
bizarre d'observer le néant. Je revins dans ma
“chambre” y déposer la souris. Je retournai dans la
cabine de pilotage, et restai assis à contempler Jupiter qui
s'approchait peu à peu. La planète géante
était impressionnante. Son oeil rouge, que je savais être
une tempête gigantesque, nous observait fixement.
J’appelai la base pour lui déclarer que tout se
déroulait parfaitement. Je leur demandai où j'en
étais dans mon voyage. Les techniciens me répondirent que
j'entrerai dans la courbe hyperespace dans trois jours.
Les moteurs de la navette étaient beaucoup plus rapides que ceux
construits auparavant. Ils étaient expérimentaux et
permettaient, d'après les calculs théoriques, de
dépasser la vitesse de la lumière, pour entrer dans
l'hyperespace, où le vaisseau serait dans le noir le plus
complet, car la vitesse rendrait la lumière invisible. Et tout
cela en trois secondes, ce qui était nouveau. Normalement,
après ces trois secondes, le vaisseau
décélérerait, sortirait de l'hyperespace, et
s’approcherait de l'orbite de Trextis, le point le plus important
de relais colonisé par les humains dans le secteur de Sonata.
Je remerciai la base de ces précieux renseignements et allai
dans ma cabine réfléchir sur ma situation. Dans quelques
semaines, l’arrivée. Il faudra à ce
moment-là prévenir Trextis. Soudain, la radio
grésille : il y a un appel:
“_ ......... HOUST.. HOUSTON........ APPELLE EXPLORER I...............APPELLE EXPLO.... RÉPONDEZ !
_ Ici John Mixen, de l'Explorer I. Je vous reçois très mal ! répondis-je.
_ VOUS AVEZ........PROBLEMES DE FLUX PROTONIQUES........PLUS VOUS DIRIGER.....EST-CE-QUE VOUS..........DIRIGEZ TOUT SEUL ?
_ Comment ? Je ne sait pas comment faire !
_ PRENEZ.....CARTES.......ÉTABLI.....UN...........
_ Bien reçu. D’autres informations ?
_ NON....... SEMBLEZ AVOIR..........PROBLEMES........RADIO ?
_ Oui. Je vous reçois très mal. Je vais voir cela dans deux minutes.Terminé. A vous.
_ ...TERMINÉ.”
Et le contact claqua. C’était la panne complète.
*
L’ordinateur central m'indiqua que celle-ci
était dans le panneau solaire numéro un. Je mis ma
combinaison, entrai dans le sas et sortis dans l'espace. C'est
fantastique ! Je me sens enivré par la sensation de
liberté. Mais je me reprend vite. Et soudain, catastrophe ! Je
me souvenais que le pilotage automatique n'était pas mis en
marche ! Le vaisseau déviait de sa route lorsque je pus rentrer
dans le sas.
Je réussis à retourner dans la salle des commandes et le
mis en marche. Je cherchai les cartes dans l'établi
numéro un, les trouvai et retournai à mon panneau de
contrôle. Je rentrai les coordonnées de la planète
et ressortis.
La panne était située en plein milieu du panneau. Les
fusibles étaient tous fondus. J'avais heureusement eu la bonne
idée d’en emporter de rechange avec moi ! Je remis tout en
place, et revins dans le sas. Une fois ma combinaison enlevée,
je me précipitai vers la salle des commandes et essayai un
contact radio. J’appelai la base de Houston :
“_ Houston, ici Explorer I. Vous me recevez ?
_ Ici Houston, réception parfaite. Et vous ?
_ Parfait aussi. Je viens de réparer la panne radio. Je vous
appelais pour vérifier mon contact. Fin de message.”
Et le contact s’interrompit. Je revins dans la cuisine et mangeai
un morceau. Toutes ces émotions m'avaient donné faim ! Il
était déjà quatre heures de
l’après-midi. Je me préparai à une
soirée en solitaire.
*
“_ Bonjour ! ”
Je me levai en sursaut. Et là, devant mon nez, se tenait une
carcasse métallique, de forme humanoïde, surmontée
de deux points lumineux qui furetaient un peu partout.
“_ Qui es-tu ? Et pourquoi viens-tu me réveiller en plein
sommeil ? m'écriai-je, furieux, et en fait étonné
de voir un robot aussi perfectionné.
_ Mon nom est R. Frédéric Clibretsof. Le R désigne
robot. J'ai été désigné par la NASA pour
vous aider dans la 241574 ème mission galactique,
désignée sous le nom de “Mission Sonata I”.
Je suis programmé pour intervenir lors de l'arrivée sur
le sol de la planète, mais une panne de flux protoniques
désignés à l'ordinateur central a programmé
mon réveil. Me voici donc.”
Le ton de sa voix était métallique, et assez didactique.
Je me demandai alors pour quelles raisons on ne m'en avait pas
parlé.
“_ Laisse-moi dormir, et occupe-toi de te trouver une niche. Je
suppose que tu te sers de cela pour te reposer et interrompre ton
flux.” Le ton de ma voix était posé.
“Vous avez raison. J'y vais de ce pas. Si vous avez besoin de
moi, servez vous de ce réactiveur protonique portatif. Il est
branché sur ma longueur d'ondes.”
Et il partit. Je sombrai de nouveau dans les limbes du sommeil.
*
Deux jours après, nous étions au
trois-quarts de la vitesse nécessaire à l'entrée
dans la courbe hyperespace. Clibretsof et moi devînmes
bientôt ce qu'on peut définir au nom d'amis.
J'éprouvais finalement de l'affection pour lui, bien que ce soit
moi qui décidais quand il pouvait être activé. Son
cerveau protonique était remarquablement
développé, et il était une source de plaisir
constant. La souris, que j’avais nommée Alice,
était très bien traitée par
Frédéric, preuve de son intelligence.
J'appréhendais cette entrée dans la courbe hyperespace.
En effet, je suis le premier humain à y pénétrer
trois secondes. L'effet est inconnu...
*
“ _Frédéric ! ”
J'étais dans la salle des commandes. Clibretsof entra.
“ _Oui monsieur ?
_ Connais-tu l'effet produit par une brusque entrée-sortie dans l'hyperespace ? demandais-je, assez inquiet.
_ Non monsieur. Normalement, une entrée dans une courbe
hyperespace dure habituellement une heure, pour arriver à
Trextis, par exemple. Cette entrée donne l’impression que
notre corps reste sur place, alors que l'esprit s'envole dans l'air et
dans le temps. C'est normal, l'espace-temps n'existe plus. La sortie
produit l’effet inverse. D'après mes calculs,
l'entrée-sortie instantanée devrait donner l'impression
de retourner en arrière, dans le temps, du fait de
l'avancée de l'esprit, due à l'entrée, et du
corps, due à la sortie. Cela produit une avancée inverse,
donc un retour arrière.
_ Merci ! ” lui répondis-je, visiblement soulagé.
Ça me sembla assez négligeable, en comparaison de mes
craintes. Le lendemain, vers sept heures, l'entrée dans
l'hyperespace débuterait. Je me sens assez stressé ; ce
sera une grande aventure pour moi.
*
Je me réveillai vers cinq heures le
lendemain. Frédéric était dans sa niche, qui
était large, en métal, et pouvait contenir encore un
robot. Je le réactivai aussitôt. Il me dit bonjour, et
nous allâmes dans la pièce principale. Nous
discutâmes de son passé, qu'il me raconta avec une
émotion sincère.
Il était “né” en 2327, un an plus tôt,
aux usines de Mars. Il fut rapatrié sur Terre aussitôt.
L'équipage du vaisseau le prenait pour un être humain, ce
qui prouvait bien qu'il avait été remarquablement
fabriqué ! Ensuite, sur Terre, il fut chargé par la
société qui l'avait conçue d'exécuter de
l'espionnage industriel. Il fut engagé comme technicien à
l'usine MicroCorp Industries. Encore une fois, on le prit pour un
être humain. Il avait troué sa chemise à l'endroit
de la mini-caméra installée sur le devant de son ventre,
et l'usine concurrente qui l'avait engagée pouvait observer en
temps réel la fabrication des microprocesseurs de MicroCorp,
réputés comme les meilleurs du monde. Mais un accident
révéla sa vraie identité. Il fut
réquisitionné par le gouvernement américain, et
affecté à la N.A.S.A. Et c'est de cette manière
que je le rencontrai.
Dès que Frédéric eut fini son histoire, le
vaisseau plongea dans un noir opaque. L'entrée dans
l'hyperespace s’effectuait. Je sentis alors mon esprit et mon
corps effectuer un retour en arrière sur ma vie. Je vis alors,
en l'espace de trois secondes, ma naissance, mon enfance, la mort de
mon père, mon adolescence, mon mariage, et la naissance de mon
fils, dans un déluge de couleurs. Tous mes sens participaient
à ce moment merveilleux, mais si fugitif. Quand tout revint
à la normale, je me sentis tout retourné. Clibretsof me
demanda alors si j'allais bien. Je lui répondit par
l’affirmative, et me relevai avec peine.
Je remarquais alors, dans le hublot, une planète
éclairée par un pulsar, le Pulsar P2114, de masse voisine
de celle du Soleil terrestre mais avec un diamètre cinquante
fois inférieur, et émettant des ondes
électromagnétiques très intense. Je poussai alors
un cri de joie : cette planète était Trextis, et
j'étais donc à quelques parsecs de Sonata. Dans deux
jours, je serais le premier être humain à fouler cette
planète.
*
L'orbite de Sonata se dessinait à
l’horizon, lorsque je revins dans la salle des commandes.
Celle-ci semblait baignée dans une atmosphère assez
pauvre en dioxygène, et remplie d’azote et de
méthane. La planète contenait en son centre un nuage
rouge, et les calottes polaires étaient orangées. Son
inclinaison autour de son axe semblait plus faible que
l’inclinaison terrestre. Les vents qui parcouraient la
planète semblaient légers.
J'allai alors à la bibliothèque, revisionner le rapport
sur la composition de l’air, pour vérifier mes intuitions.
Il était composé à cinquante pour cent
d’azote, trente-cinq pour cent de méthane, dix pour cent
de dihydrogène, et seulement quatre virgule cinq pour cent de
dioxygène. Les un-demi qui restent étaient
constitués de différents gaz, dont l'argon.
D'après le peu d’études réalisées,
une vie intelligente semblait possible sur cette planète.
C’est pour cette raison que je pensai à emporter mon
pistolet à fusion cryptonique. Son rayon était
dévastateur.
Je décidai alors d'envoyer un message au centre de relais de
Trextis, seule planète du secteur habilitée à
envoyer des messages par ondes fréquenciaires hyperespace (ondes
OFH).
“_ Centre de relais P12452. Ici Explorer I. Me recevez-vous ?
_ Centre de relais P12452 à Explorer I. Réception parfaite.
_ J'approche de Sonata. Vais commencer mission Sonata I. Veuillez transmettre à la Terre.
_ Transmission en cours. Terminé.
_ Coupure de communication. Au revoir ! ”
Et le contact stoppa. Je commençais alors à amorcer la
descente. Je coupai le pilotage automatique, mis en marche les moteurs
auxiliaires, et débutai la phase d’atterrissage.
Dix minutes après, le vaisseau s’arrêta en douceur.
Après environ deux semaines de voyage, et de nombreuses
surprises, j'allai enfin fouler le sol de la planète Sonata.
J'appelai alors Frédéric, pour qu'il vienne m'aider
à mettre mon scaphandre. Je me préparai à
descendre sur le sol de la planète.
Mon premier travail consistait à prélever des
échantillons du sol et éventuellement d’eau de la
planète, et de les soumettre à Clibretsof, qui les
examinerait en détail. Ensuite, je devrais résoudre le
problème de cette fameuse musique bizarre, enregistrée
lors de la première exploration robotique.
*
“_ Frédéric ! Ouvre-moi la porte, s’il-te-plaît !
_ Bien monsieur.”
J'entrai alors dans le sas du vaisseau. Je passai à la salle de
désinfection, puis soumis mes divers échantillons
à Frédéric, qui les entreposa dans le laboratoire
installé à bord. Il était déjà
dix-neuf heures, et mon estomac criait famine. J'allai donc dans la
cuisine prendre mon dîner.
Cela faisait deux jours que nous étions arrivés à
Sonata, et j'avais débuté mes travaux
d'échantillonnages.
La planète était assez montagneuse, mais j'avais pu
marcher dans des étendues plates pendant des heures sans
rencontrer la moindre colline. Deux océans géants
séparaient les trois continents, et une mer intérieure
d'une couleur argent était sur le continent où je me
trouvais.
J'avais récolté tous les composants de l’air, une
bonne partie des composants du sol, et certains plants, qui
étaient d'une couleur brune, et dégageaient une odeur
pestilentielle lorsque on arrachait une feuille. La réaction de
défense de ces plantes m'étonnais, et c'était la
raison pour laquelle j'avait décidé de les
récolter, avec prudence. Je décidai d'examiner tout
ça après le dîner.
Après un bon repas, Frédéric et moi
étudiâmes les échantillons récoltés.
Je soumis les plantes à divers expériences chimiques, et
j'obtins alors un résultat : la sève dont se nourrit
cette variété est transformée dans une partie de
la plante, puis entreposée dans ses réserves. La nouvelle
sève qui en résulte est toxique pour les insectes qui se
nourrissent des feuilles, et est libérée lors d'une
attaque extérieure.
Je décidai alors de me coucher. Clibretsof comprit de
lui-même, et alla dans une niche pour être
désactivé. Je réfléchissais à mon
plan du lendemain, quand j'entendis un bruit suspect. Je pensai que
c’était Alice, qui devait être dans la cuisine pour
la nourriture, et sombrai dans un monde de rêves, où la
Terre avait une large part, car elle me manquait par moment.
*
Je me réveillais le lendemain à sept
heures et demie, et découvris une première surprise :
Clibretsof était déjà debout !
C’est normalement impossible. A moins d’un cas de force
majeur, un robot protonique ne peut être activé que par un
humain, au moyen d’un réactiveur d’ondes. Le fait
que Frédéric soit “réveillé”
avant moi signifiait qu'il y avait un grave problème (ce qui
avait eu comme conséquence l’activation de
Frédéric par l’ordinateur central).
Le robot vint vers moi et me présenta le problème :
quelqu'un s’était introduit dans le vaisseau cette nuit !
L’ordinateur central, toujours en activité quel que soit
le moment, avait détecté une présence organique de
nature inconnue, potentiellement dangereuse. Il avait alors
ordonné le réveil de Clibretsof bien avant moi pour qu'il
tente de trouver l’intrus. Mais celui-ci avait dû repartir,
car Frédéric n'avait trouvé personne.
Je parlai alors à Frédéric d’une voix inquiète :
“_ Il faut vite déjeuner. Nous allons sortir, et commencer
l’exploration, cette fois à la recherche d’une
présence organique, peut-être humaine.
_ Monsieur, il se peut qu'elle revienne en notre absence. Qu’allons nous faire ?
Je me trouvais face à un grave dilemme. Je demandai à
Frédéric comment cette chose s’était
introduite dans le vaisseau.
_ Il a forcé la tôle du sas avec la force de ses membres, semble-t-il.
_ Tu vas rester ici, et monter la garde.”
Je me préparai, pris mon pistolet à fusion cryptonique, et sortis.
*
La peur me tenaillait au ventre. Tout de même,
briser la tôle de ses propres forces ! J’aperçus
alors une forêt, assez touffue. Plus loin, au-delà de la
forêt, je repérai une montagne. La forêt me faisait
penser à celle des jungles tropicales terriennes, avec le
même genre de végétation luxuriante. Je m’y
enfonçai.
J'avais pris avec moi le réactiveur protonique, et une radio. Je
pouvais donc communiquer à tout moment avec
Frédéric.
A cet instant, ma radio grésilla. Frédéric parla d’une voix inquiète :
“_ Monsieur, Alice a disparue !
_ Elle a dû s'enfuir cette nuit par la brèche. Je vais essayer de la retrouver. As-tu vu quelque chose ?
_ Rien pour l’instant. Allez-vous bien ?
_ Oui, pourquoi ?
_ J'ai l’impression que vous êtes fatigué. Vous devriez rentrer.
_ J'ar..Aie !! ”
Quelqu'un m'avait frappé avec ce qui semblait une bûche,
d'une force incroyable. Mon scaphandre éclata en mille morceaux,
et je tombai sans connaissance.
*
Lorsque je me réveillai, j'étais dans une caverne, et j'avais une très forte migraine.
Je regardai autour de moi. Il y avait donc une présence animale
sur cette planète, et qui plus est, d'une force à tout
épreuve ! Sans doute des êtres humains.
Mes “gardes” ne m’avaient pas enlevé le
pistolet à fusion cryptonique. Ils ne comprenaient sans doute
pas son utilité, et avaient préféré me le
laisser. Cela me renforçait dans la conviction que ce devait
être des êtres humains assez primitifs.
Ils m'avaient entièrement nettoyé la figure, et me
laissaient sans liens. Vu leur force, et puisque ils ne savaient pas
servir d'un pistolet cryptonique, je comprenais pourquoi ils me
laissaient sans liens.
Je tentai alors de me relever, mais n'y parvins pas.
J'étais trop éreinté pour cela. La gravité
de cette planète et l’atmosphère assez pauvre en
dioxygène me gênaient. Je me rendormis, au moment
où mes gardes revenaient me chercher.
*
Frédéric était resté au
vaisseau. Il montait fidèlement la garde. Lors de l'appel de son
maître, son cerveau protonique avait réagi au cri de
douleur poussé par John Mixen.
“_ Monsieur ! Monsieur ! Répondez ! Que se passe-t-il ? ”
Clibretsof n'obtenait aucune réponse.
Il sortit alors du vaisseau, dirigé par l'ordinateur central qui
avait détecté un danger menaçant Mixen.
Frédéric mit en marche ses détecteurs de chaleur, et partit à sa recherche.
Après quelques heures, il parvint à une grotte naturelle,
devant laquelle étaient posés quelques outils
rudimentaires.
Pendant ces quelques heures passées à la recherche de
Mixen, Clibretsof avait enregistré, observé et
analysé la nature. Il était arrivé à la
conclusion suivante : une forme de vie humaine existait, et cela
malgré le peu d’oxygène. Assez primitive,
douée d'une force incroyable, elle pouvait communiquer. La
colonisation de cette planète était donc possible, avec
l'aide d'un psychologue étudiant ces êtres, pour
réduire tout danger de rébellion.
Il entra dans la grotte, et commença à l'explorer.
*
Mes gardes m'avaient déposé dans une
sorte de cellule naturelle, et je me réveillai en pleine forme
après un bon sommeil. Mon pistolet à fusion cryptonique
était encore là, mais je ne pouvais l'atteindre. En
effet, on m'avait lié les mains, et je me trouvai sans
défense. Frédéric a dû partir à ma
recherche. J'attendais donc avec patience. Une trentaine de minutes
plus tard, alors que je m'étais assoupi, Frédéric
arriva par une brèche au fond de ma cellule creusée
à partir d'une pièce contiguë, et il se trouva
nez-à-nez avec moi.
“_ Ah ! Te voilà enfin ! Il existe des êtres humains sur cette planète ! Tu as vu ça ?
_ Oui monsieur. Je vous délie les mains, et nous partons.
Un Sonatien arriva alors dans ce coin de la grotte.
_ Pousse-toi, Frédéric ! ”
Le fidèle robot se poussa brusquement, et je tirais.
J'atteignis l'intrus en plein coeur. Malheureusement, alertés
par le bruit, ses compagnons arrivèrent. Je tentais de tirer,
mais n'y parvins pas : une musique féerique avait bloqué
tout mon corps. Tous mes sens étaient focalisés sur cette
musique, aux tons merveilleux, qui me transportait. Je lâchai mon
arme, et m'installai près de la source de musique. Deux
Sonatiens jouaient, avec un instrument de nature inconnue. Le son qui
en sortait était d'une pureté incroyable.
Pendant que ces deux musiciens jouaient de leur instrument, tous les
autres Sonatiens nous lièrent les mains et les pieds, puis nous
enfermèrent dans une cage. Même Clibretsof était
charmé.
Je compris alors la nature de leur arme : cette musique si
merveilleuse. Dès que la mélodie se faisait entendre, les
Sonatiens pouvaient nous subjuguer, car les Terriens n'étaient
pas habitués à entendre un son pareil ; nous sommes sans
défense face à ce genre d’attaque. Je me rappelai
les Sirènes que Ulysse devait affronter lors de son voyage vers
Ithaque, dans la mythologie très ancienne, dont nous avions
perdu, nous, la race humaine, presque tous les écrits. Celle-ci
attiraient tous les êtres humains grâce à leur voix
féerique, pour les tuer ensuite.
Cette arme était à la fois dangereuse et merveilleuse.
Les Sonatiens avaient atteint un niveau élevé de
développement dans la musique et le son. Mais si jamais ils
découvraient le moyen de voyager à travers l'espace
intersidéral, qu'adviendrait-t-il de la Terre ?
*
Deux heures après, je me réveillai
dans une grotte gardée par deux Sonatiens munis de leurs
instruments diaboliques. Frédéric était avec moi.
Ses fragiles circuits n'avaient que partiellement résisté
à la mélodie sonatienne, du fait qu'il avait
été programmé aux sons terriens. Heureusement, sa
mémoire semblait intacte, de même que ses réflexes
primaires, comme la parole. Il répétait sans cesse le mot
musique, car celle-ci l'avait sans doue gravement atteint. Je me
retrouvais donc avec un robot physiquement détruit, car il ne
pouvait plus marcher.
Je repérai un stalagmite bien aiguisé, et coupai mes
liens. J'enlevai ma combinaison en silence, y mis
Frédéric, et tentai de le porter. Il pesait lourd, mais
je parvins à effectuer l'essai. Je projetais de m'enfuir
à la tombée de la nuit.
Mes gardiens s'endormirent quelques minutes après la disparition
du soleil. Je jugeai le moment propice à une fuite à
l'anglaise.
En silence, je m'approchai de mon premier gardien, le plus proche, et
lui brisai la nuque sans qu'il puisse faire un mouvement. Par chance,
le second dormait d'un sommeil profond, et ne se réveilla pas.
Je progressai dans la grotte, dans le noir complet. Je cherchai dans ma
poche des lunettes infrarouges, et par chance en trouvai. Je les
ajustai, et les chaussai. Je trouvai la sortie de la caverne quelques
minutes après, car je voyais comme en plein jour, et je pus
rejoindre le vaisseau.
J'allai à la salle des commandes, déposai le robot, et appelai le centre de relais de Trextis :
“_ Centre de relais P12452. Ici John Mixen, de l'Explorer I, de la planète Sonata. Me recevez-vous ?
_ Ici Centre de relais P12452. Réception cinq sur cinq.
_ J'aurais besoin d'informations pour réparer un robot
protonique humanoïde, du nom de R Frédéric
Clibretsof.
_ Nous allons vous envoyer un technicien sur la planète. Veuillez transmettre les coordonnées.
Je cherchai mes cartes, les trouvai et transmis les coordonnées de Sonata.
_ Fin de message. Merci ! ”
J'allai dans ma cabine, et m'endormis. Le technicien devait arriver le
lendemain, à sept heures trente, heure terrestre. J'attendais
avec impatience le lendemain, pour avoir de nouveau la compagnie de
Frédéric.
*
Je me réveillai à huit heures du
matin. Le technicien arriva quelques minutes plus tard, et
commença la réparation du fidèle robot,
grâce aux instructions envoyée de la Terre.
Je me préparai à lui exposer les dangers de cette
planète. Au bout d'un petit quart d'heure, il comprit et me
demanda de le protéger. Ce que je fis. Nous avertîmes la
Terre des dangers de cette planète, en lui apprenant mes divers
problèmes, et en insistant sur le danger de la musique sonatine.
Je lui demandai de nous apporter un psychologue, qui me relayerait dans
une perspective de colonisation. Elle accepta de bon coeur. Ma mission
était enfin terminée. Je n'avais toujours pas
retrouvé Alice, la petite souris, et je soupçonnais les
Sonatiens de l'avoir capturée et mangée. Clibretsof fut
enfin réparé vers dix-sept heures, et le technicien
repartit à Trextis. Il avait fini son travail. Je projetais de
partir dès que le psychologue serait arrivé, après
une semaine. Je désactivai Frédéric à vingt
heures, et me couchai.
*
Le lendemain, en me réveillant, je me rendis
compte qu'il avait plu . Je réactivai Frédéric
avec joie, et après avoir mangé, nous partîmes
examiner ces êtres humains, non sans prendre de
précautions, en prenant nos pistolets. Nous essayâmes
d'être le plus discret possible, et nous nous cachions souvent.
Dans la grotte, nous nous rendîmes compte qu'il n'y avait
personne. Mon sang se glaça dans mes veines. Où
pouvaient-t-ils bien être ? J'avais très peur qu'ils nous
tombent dessus.
Nous nous préparâmes à rentrer, quand ils nous
découvrirent. Alors s'engagea une véritable
course-poursuite, où nous étions le gibier. Nous
trouvâmes un endroit couvert, et restâmes cachés,
jusqu'à leur passage. Nous rentrâmes bien vite au vaisseau
dès que nous fûmes sûrs qu'ils étaient loin.
Frédéric installa des barricades pour la semaine à
venir, tandis que j'appelai la base de Trextis :
“_ Ici Explorer I. J'appelle la base P12452. Me recevez-vous ? C'est très urgent !
_ Ici la base P12452, de Trextis. Nous vous recevons
parfaitement.” Le ton de la voix qui me répondit
était atone, ce qui m'agaça particulièrement.
“_ Bien. Je vous appelle car j'ai besoin d'aide pour combattre
des indigènes d'une planète en cours d'exploration.
_ Nous ne pouvons accéder à votre requête. Nos
services de sécurité sont débordés en ce
moment.
_ Mais c'est très urgent ! J'en ai vraiment besoin ! ” Je
commençai à crier et à gesticuler sur place.
“_ Nous sommes sincèrement désolés. Je coupe
la communication, répondit fermement l'opérateur.
_ Atten... Flûte, ils ont coupé ! ”
Je pestais contre tous ces bandits qui accaparaient les services de
sécurité. Je me retrouvai seul, face à une horde
de sauvages avec leur force et leurs instruments diaboliques. Ma seule
arme était ma patience et des boules quies.
*
Quelques jours après, les Sonatiens n'avaient
pas réussi à entrer dans le vaisseau. Il restait encore
assez de vivres, et le technicien m'en avait apportées quelques
unes. Le sas tenait bon, ainsi que les portes d'accès.
Il ne nous restait, à Frédéric et moi, que deux
jours à vivre sur cette planète. Après, Clibretsof
sera obligé de rester avec le psychologue, que j'avais averti du
danger des mélodies sonatines, alors que moi, je repartirai sur
Terre. Ce ne sera pas plus mal ! Mais j'était
désolé de quitter le robot, devenu mon fidèle ami.
Il était quinze heures, et nous profitions d'un instant de repos
dans la salle des commandes. En effet, nous devions nous
défendre, malgré les barricades. J'avais bouché
les détecteurs sensoriels de Frédéric, et je me
déplaçais toujours avec une boule quies sur une oreille,
la radio sur l'autre oreille. J'étais ainsi
protégé des instruments diaboliques, et je pouvais
communiquer avec Frédéric.
Tout-à-coup, un énorme bruit se fit entendre : la porte
ouest était enfoncée. J’avais complètement
oublié de vérifier les barricades de l'aile ouest ! Nous
courûmes dans ma cabine pour prendre nos armes. Nous
étions prêts, et nos oreilles étaient
protégées.
Ils arrivèrent cinq minutes plus tard dans la
bibliothèque principale où j'avais visionné le
manuel holographique sur la planète Sonata lors du voyage vers
Sonata. Ils étaient armés de gourdins. Je tuai le
premier, et blessai le second, pendant que Frédéric nous
préparait une retraite. En effet, nous n'étions pas de
taille à en affronter plus de dix. Nous n'étions que
deux, et nos munitions s'épuisaient très vite.
Quelques secondes après, il ne restait plus que trois Sonatiens
debout. Ils appelèrent leurs compagnons. J'en profitai pour
m'enfuir avec Frédéric, par la sortie de secours de la
bibliothèque, que je refermai derrière moi. Ils auraient
du mal à passer ! En effet, cette porte était
blindée.
Nous courûmes à l'aile nord du vaisseau, où se
trouvait notamment la salle des commandes. Je barricadai tous les
accès. Je projetais de rester enfermé dans cette aile du
vaisseau jusqu'à l'arrivée du psychologue.
*
Trois jours après, nous étions
toujours prostrés, Frédéric et moi, dans le faible
espace qu'offrait l'aile nord de l'Explorer I, qui était
malheureusement la plus exiguë du vaisseau.
J'attendais d'un moment à l'autre l'arrivée du vaisseau
du psychologue. Ce vaisseau a pour nom Explorer II. Il est,
d'après mes informations, cinq fois plus grand que ce
vaisseau-là. Il contient toutes sortes de laboratoires,
destinés à l'étude de ces êtres humains
à l'intelligence soit-disant primitive. Mais moi, je sais que
les Sonatiens sont très intelligents. Fabriquer un instrument
pareil, et penser à s'en servir comme d'une arme dénote
une certaine intelligence. Mais pour les terriens, celle-ci n’est
qu’humaine. Ils ne voient pas toutes les autres merveilles des
espèces galactiques.
Il était déjà onze heure du matin, et je venais de
me réveiller une heure plus tôt. Frédéric
s'activait dans la salle des commandes. Il essayait d'entrer en contact
avec l'Explorer II. Deux minutes après, il le contacta, et je me
précipitai pour parler :
“_ Ici Explorer I. J'appelle l'Explorer II, m'entendez-vous ?
_ Ici Explorer II. Je vous reçois cinq-sur-cinq. Nous sommes
à un parsec de Sonata. Nous serons arrivés vers quatorze
heures. Nous espérons que vous serez présent pour nous
accueillir.” L'inconnu qui parlait avait un ton officiel.
_ Vous ne pouvez atterrir en plein jour ! m'écriai-je. Des
indigènes ont investi le vaisseau, excepté l'aile nord
où je me trouve ! Nous avons barricadés les accès.
Attendez la nuit.
_ Bien. Nous atterrirons à vingt-deux heures, dans une
clairière de la forêt qui se trouve près de votre
vaisseau. Et soyez à l'heure ! ”
Cela sonnait comme une menace. La communication coupa. J'attendais avec
appréhension la nuit qui venait. Il me faudrait me glisser
dehors, sans bruit, pour accéder à cette forêt,
où j'avais rencontré pour la première fois les
Sonatiens, et d'une manière si douloureuse.
*
A vingt heures, Frédéric et moi
entamâmes notre sortie hors du vaisseau. Le sas était
heureusement près de la salle des commandes. Nous partîmes
sans bruit, car une sentinelle était postée près
de l'entrée principale du vaisseau, que les Sonatiens avaient
forcée.
Nous arrivâmes bientôt en vue de la forêt. Nous nous
glissâmes à l'intérieur, et rejoignîmes la
clairière principale. Je supposais que c'était l'endroit
désigné par l'Explorer II, pour son atterrissage.
Je me demandais par quel moyen repartir. Il me faudrait l'aide de l'Explorer II pour vaincre les Sonatiens.
Cinq minutes plus tard, un vent terrible se leva : le vaisseau
atterrissait. J'accourus auprès de l’Explorer II en
compagnie de Clibretsof. Un homme d'une trentaine d'années, au
visage buriné, descendit du vaisseau, et courut à ma
rencontre.
“_ Bonjour Monsieur Mixen ! Je m'appelle Enricio Cartessa, et je suis psychologue.
Il parlait d'un ton enjoué, et me parut immédiatement sympathique.
_ Bonjour Monsieur Cartessa. Qui est la personne qui m'a parlée à la radio ?
_ Il s'agit de Strasser, commandant en chef des Forces Spéciales
d'Exploration Psychologique. Ces forces spéciales sont
affectées aux psychologues pour les protéger dans leurs
études des autochtones des nouvelles planètes.
_ Mais c'est parfait ! m'écriai-je, heureux d'entrevoir un
espoir de départ de cette planète avec l'Explorer I.
_ En quoi est-ce parfait ? m'interrogea-t-il, intrigué.
_ Je compte utiliser vos Forces Spéciales pour
reconquérir mon vaisseau. Il est envahi par une horde de
Sonatiens, qui ont une certaine forme d'intelligence. En effet, ils ont
crée un instrument capable d'annihiler complètement vos
forces. Il faut protéger vos oreilles avec des boules quies.
_ D'accord. Je vais le dire à Strasser. Tenez-vous prêt
à commencer l'opération de récupération de
l'Explorer I.”
Un homme m'interpella dès la fin de mon dialogue avec Cartessa.
“_ Un message urgent de la Terre pour John Mixen ! cria-t-il.
_ J'arrive ! ”
J'entrai dans l'Explorer II. Il était effectivement plus grand
que je l'avais imaginé. On me guida à la salle des
commandes.
“_ Ici Trextis. C'est la Terre qui envoie ce message.
_ Dites-le-moi.
_ Votre femme est morte. Un cambrioleur est entré dans votre
maison, et s'est fait surprendre par votre femme. Il l'a tué de
sang-froid, en plein coeur. Je suis vraiment désolé,
monsieur Mixen.” L'opérateur était sincère.
Je ressentais un véritable vide en moi. Je suis coincé
sur une planète à des milliards d'années
lumière de chez moi, et ma femme se fait tuer !
J’étais vraiment abattu.
“_ Mer..Merci. Au revoir.
_ Au revoir, et toutes mes condoléances.”
Je ressortais du vaisseau tel un mort-vivant. J'avais les yeux vides,
et je commençais à pleurer, tandis que Cartessa vint vers
moi.
“_ Que vous arrive-t-il ? Vous avez un problème ?
_ Ma..Ma femme vient de mourir. On l'a assassinée.” J'avais du mal à parler, et je hoquetais.
“_ Je suis désolé ! Venez, nous allons commencer
à reconquérir votre vaisseau, cela va vous changer les
idées.
_ Je...J'arrive.”
Frédéric était resté dans le vaisseau,
désactivé. J'allai le voir une dernière fois, le
réactivai, et nous nous dîmes au revoir.
“_ J'espère te revoir un jour, Frédéric.
_ Moi aussi, monsieur. Cela a été un plaisir d'être
avec vous ces derniers temps. Je ne vous oublierai jamais.” Le
ton de sa voix transcrivait une émotion perceptible.
“Merci ! lui dis-je, d'une voix chaleureuse, chargée
d'émotion, tout en pensant à mon futur, qui me semblait
noir sans ma femme.
Je le désactivai, et rejoignis Strasser et Cartessa. Nous
allions commencer l'attaque de mon vaisseau, et je ne pensai à
plus rien d'autre, ni même à ma femme.
*
A minuit, nous fûmes prêts. Toutes les
forces de sécurité et Cartessa et moi-même avions
des pistolets cryptoniques, et des boules quies. Nous étions
divisés en trois groupes, à trois endroits
stratégiques : un groupe de cinq-cents hommes dirigé par
moi était infiltré à l'intérieur du
vaisseau, par l'aile nord, Cartessa avait deux-cents hommes sous son
commandement, près de l'entrée ouest, et Strasser et le
reste, c'est-à-dire deux-mille-cinq-cents personnes, entouraient
le vaisseau, pour intervenir en cas de difficultés majeures, et
pour empêcher les fuites.
Mon groupe commença l'attaque en premier. J'enlevai les
barricades, et nous forçâmes le passage. Nous tuâmes
trois Sonatiens, qui n'avaient peur de rien et nous fonçaient
dessus. Ils étaient recouverts de poils, et ne portaient aucun
vêtement. Leur visage était féroce. Le reste fut
fait prisonnier, et livré à Strasser. Nous
contrôlions l'aile est, et une partie de l'aile sud. A ce
moment-là, Cartessa attaqua avec son groupe, et parvint à
s'emparer de l'aile ouest. Nous conquîmes bientôt tout le
vaisseau.
Nous relâchâmes tous les prisonniers, qui s'enfuirent en courant. Nous étions vainqueurs.
Je me préparais à repartir. Je dis au revoir à tout le monde.
“_ Au revoir Cartessa, et je vous souhaite bonne chance.
_ Bonne chance à vous aussi ! ”
Je montai, et fis partir le vaisseau.
*
J'étais sur le chemin du retour. J'avais
rentré toutes les coordonnées, et je parvins sans
encombre à Trextis. Je me sentais seul sans
Frédéric !
J'amorçais mon entrée dans l'hyperespace. Tout se passa
très bien, et j’y entrais. Mais un détail clocha :
la procédure habituelle ne s'était pas effectuée.
Mon esprit et mon corps n'avait pas fait le retour en arrière !
Je commençais à paniquer. J'allai dans la salle des
commandes lire les coordonnées. Et j'avais raison : je
n'étais pas du tout arrivé dans le Système Solaire
! J'appelai la Terre. Je n'eus pas de communication. Il n'y avait donc
pas de planète de relais ! Où étais-je
arrivé ?
Je tombais alors sur un livre par terre. C'était le manuel des
coordonnées de chaque planète. Je le parcourus :
j'étais à des milliards d'années-lumières
de toutes planètes habitées par l'homme ! Qu'allais-je
devenir ?
C'est alors que le vaisseau se mit à trembler. Intrigué,
je regardais par la fenêtre et vis une chose effroyable :
j'étais dans le centre de gravitation d'un trou noir. Mes cours
au centre de la N.A.S.A. m'avaient appris que l’interaction
gravitationnelle d'un trou noir était immense.
Je tentais de faire reculer le vaisseau, mais en vain. Et mon vaisseau
fut absorbé par le trou noir. La matière du vaisseau
commença à se désintégrer, et je criais.
Deux minutes après, mon corps tombait en poussière, et
l'obscurité s'était emparée de mon esprit.