Les pionniers de l'hydrogène

I ère Partie, en 2050 :

    Le jour commençait à poindre sur New-York. La ville entrait en effervescence, alors que James Hertes venait juste de se lever. Les ondes tranquillisantes, déclenchées lors du sommeil paradoxal, semblaient avoir fait leur effet, et il se levait du bon pied pour s'apprêter à travailler.
James Hertes était pilote de ligne de Aerospace America. Cette entreprise effectue les nombreuses liaisons New-York - Paris, New-York - Tokyo, Washington - Paris, et bien d'autres, en à peine une heure. En effet, depuis trente ans environ, la technologie atomique est pleinement utilisée, et est devenue le carburant universel des avions de lignes, des trains et autres bateaux. Aerospace America s’est donc transformée en société de transport en commun. De nombreuses personnes habitent en effet Paris, et travaillent à Washington par exemple. Les liaisons s’effectuent toutes les demi-heures.
James Hertes était un employé normal, régulier, modeste, sans grandes ambitions. Agé de trente-cinq ans, il commençait à avoir les cheveux blancs, et un ventre un peu saillant. Il avait les yeux verts, et le teint mat.
Aujourd'hui, James devait effectuer la liaison New-York - Paris, puis celle de Paris-Tokyo. D’autres vols étaient au programme. Il ferait le premier, mais il n'aurait pas le loisir d'effectuer les prochains.
Il partit de chez lui à huit heures, et alla à la gare des transports à pied. C'était assez rare, et il n'y prenait jamais goût.
“Je trouve ça fatigant” se disait-t-il, et il préférait prendre l'aérobus, qui le menait en deux minutes de chez lui à l'autre bout de la ville. Mais aujourd'hui, la S.N.Y.T.A. ( Société New-yorkaise des Transports en Aérobus ) encaissait une grève générale de ses chauffeurs.
“Comme d'habitude, les salariés d'état veulent toujours plus” pesta-t-il, et il arriva à la gare en grommelant. Sa bonne humeur avait disparu.
“_ Bonjour James ! Ca va ? Belle journée hein ?
_ Oui, oui, ça va, ça va, répondit James en grognant. Si les employés des aérobus n'étaient pas en grève, ça irait mieux. Bon, allons-y.”
La personne à qui il s'adressait se nommait Francis Scontin. D'origine sud-américaine, il adorait son travail. Il était légèrement plus jeune que Hertes, et avait beaucoup de succès auprès des femmes, avec ses yeux bleus et ses cheveux d'un brun profond. Il était le copilote et ami de James Hertes. Il lui demanda où ils allaient.
“_ Nous allons à Paris. Prépare-toi. Nous partons dans une heure.
_ J'espère que le temps sera bon. Je n'aime pas lorsqu’on voyage par mauvais temps. Avec tous ces progrès, on arrive même pas à prédire le temps correctement.
_ C'est vrai. Tu te souviens d'avant-hier ? Ils avaient prévu un soleil éclatant, et nous voulions jouer au tennis. Résultat des courses : un orage violent, une pluie battante, et nous trempés jusqu'au os. Et ta femme qui croyait que nous avions plongé dans une piscine tout habillés, car il faisait très chaud !
_ Ah oui, je m'en souviens ! s'écria Francis. On avait bien ri tout de même !”
Et ils éclatèrent de rire à ce souvenir. James était de nouveau de bonne humeur, avec son ami.
Il alla se changer, et, une heure après, à huit heures cinquante exactement, Francis et lui prirent place dans le AA 2152. Il y avait mille-cinq-cents personnes à bord. Ils décollèrent deux minutes après. Il n'y avait plus qu'à diriger l'appareil vers Paris.
Quand ils arrivèrent au dessus de la capitale française, une heure après, à dix heures du matin, James eut un pressentiment. Quelque chose ne collait pas. “Mais quoi ? se dit-il. Je trouverai bien.”. Quelques minutes après, cela lui revint en tête. La tour de contrôle devait normalement le contacter, pour un contrôle de routine ! Mais aujourd'hui, le récepteur restait silencieux.
“_ Francis ! Appelle la tour de contrôle de Paris, s'il-te plaît.
_ Bien sûr. Allo ? Allo ? Ici le AA 2152. Vous m'entendez ? Ils ne répondent pas. C'est bizarre. J'entends absolument rien.”
Le ton de sa voix marquait son inquiétude.
Le pressentiment de James se concrétisait. Il commençait à avoir des sueurs froides.
“_ Appelle celle de New-York. On va leur dire que ça répond pas à Paris.
Francis s'exécuta, mais aucune réponse ne lui parvint.
_ C'est pareil. Aucune réponse.”
James se demandait ce qui pouvait bien arriver. D'habitude, les tours de contrôle répondaient lorsqu'on les appelait !
Et en perçant les nuages, une chose effroyable les attendait : il ne restait pas un seul immeuble de Paris debout. Le sol était jonché de ruines. Un petit nuage radioactif traînait encore au-dessus de ce qui avait été la capitale de la France.
Et tous comprirent. C'était la guerre. Tous les occupants du AA 2152 prirent conscience du désastre qui se jouait sous leurs yeux, et dans le monde entier. Mais pourquoi ? Tous les passagers blêmissaient et ne comprenaient pas. Qui ?
Ils ne le surent jamais. Et ne le connurent jamais, tant il y avait de puissances détenant la bombe atomique.

*

    Cent ans plus tôt, après la Seconde guerre mondiale, deux superpuissances s'installèrent à la tête du monde, les Etats-Unis, et l'U.R.S.S. Elles cohabitaient toutes les deux dans un climat de tension régi par l'existence de la Bombe Atomique, et fondé sur l'équilibre de la terreur. Cette période s'appelait la Guerre Froide.
Jusqu'à la chute de l'Union Soviétique, et la fin de la Guerre Froide en 1990, plusieurs autres puissances découvrirent le secret de cette bombe effroyable, qui terrifiait, car l'on se souvenait de Hiroshima, et de Nagasaki, en 1945. Ainsi, l'équilibre de la terreur fut légèrement déstabilisé. En 1991, avec le suicide de la Yougoslavie, et en 1999, avec la guerre du Kosovo, on vit alors la montée de l'ultra-nationalisme dans les Balkans, véritable poudrière. Le XXème Siècle se terminait comme il avait commencé : sur l'embrasement des Balkans.
En 2010, tous les pays du monde possédaient la Bombe Atomique. Les chefs d'Etats présents à l'O.N.U. signèrent cette même année le Traité Non Nucléaire Humain, le T.N.N.H., qui consistait à garantir la non-utilisation de la bombe atomique, et à la garder inoffensive. On se disait que si elle existait, c'est qu'elle pourrait servir, et on la garda, malgré ce traité. C'était stupide, puisque le traité garantissait la non-utilisation de cette arme, mais ce fut ainsi.
Les gens se sentaient ainsi libérés d'une menace qui pesait sur leur vie. Il étaient heureux, et décidèrent de célébrer ce jour comme fête Mondiale. Mais cette menace existait quand même, dans l'ombre, à cause de personnes aux idées sombres, qui risquaient d'accéder à des positions d'importance.
C'est pour cela, en cette année 2050, dans les Balkans, que la situation était critique : en effet, Draxan Milustavic était arrivé au pouvoir, et il était ultra-nationaliste. La situation redevenait comme en 1999. En 2050, la Serbie formait un état indépendant, et autour de ce puissant état se retrouvait le Kosovo, état né de la guerre de Yougoslavie en 1999, le Monténégro, qui avait quitté la Fédération Yougoslave en 2005, et provoqué sa chute, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et la Croatie.
Milustavic ne pouvait pas digérer la perte du Kosovo, cinquante ans plus tôt. Il instaura une dictature militaire en Serbie, et chercha à obtenir le Kosovo diplomatiquement. La Russie, qui était redevenu une grande puissance, avec une industrie lourde conséquente, et la Chine, communiste depuis Mao Zedong, soutenait la Serbie, tandis que le monde occidental, l'Inde et le Japon soutenaient l'indépendance du Kosovo.
Malgré le T.N.N.H., les Balkans s'embrasèrent une nouvelle fois, et pour la dernière fois sans doute. Ils furent à l'origine de la Troisième Guerre Mondiale, qui arriva pendant une ère de paix relative, à cause d'un homme : Milustavic. Et cette guerre aurait des conséquences cent fois plus grave sur l'humanité, que la seconde en a eu, à cause de cette bombe atomique qu'on voulait “inoffensive”.
Les solutions diplomatiques échouèrent, et l'OTAN envisageait des frappes aériennes sur la Serbie, comme en 1999. Mais cette fois, la Russie soutenait la Serbie, et la Russie était une grande puissance. La Chine avait un impressionnant arsenal militaire, et celui-ci pouvait être dirigé sur les Etats-Unis. Les américains envisageaient de graves conséquences pour leur territoire, qui n'avait jamais connu de bombardements.
Ainsi, au début du mois de mars 2050, la Serbie déclara la guerre au Kosovo, et Milustavic savait qu'il pourrait gagner en toute impunité, car le monde était divisé face à ce nouveau conflit, et n'osait pas intervenir, craignant un embrasement de la situation. Mais malheureusement, la Bosnie déclara la guerre à la Serbie, et sombra en même temps dans une lutte entre Serbes de Bosnie et l'union croato-musulmane. La Croatie soutint la Serbie, et l'Albanie et la Macédoine soutinrent le Kosovo. Tous les Balkans étaient en guerre, et l'intervention de l'OTAN était obligatoire.
La Grèce se sentait menacée, et en référa à l'OTAN. Mais les occidentaux ne pouvaient réagir, car le le bloc asiatique était favorable à la Serbie, et l'OTAN ne pouvait pas courir le risque de déclencher un conflit peut-être nucléaire avec les russes et les chinois. Et la surprise vint de là.
Le douze juin, la Chine déclara la guerre aux Etats-Unis, à la stupeur générale, et la Russie la soutint. A neuf heures du matin, un missile nucléaire chinois frappa New-York de plein fouet, alors que le AA 2152 était dans les airs, en direction de Paris, et l'avait échappée belle. La Chine ne perdait pas son temps, et elle lança plusieurs autre missiles en direction des métropoles européennes et américaines. L'OTAN riposta en lançant une Bombe Atomique sur Pékin, puis sur Shangaï : le T.N.N.H. était brisé. Toute l'Amérique du Sud se rallia aux américains, ainsi que le nord de l'Afrique. Le sud, en pleine récession économique après un bond spectaculaire en 2015, se rallia aux asiatiques, pensant ainsi recevoir d'eux une aide économique. La guerre éclata donc en Afrique, et tout cela en moins d'une heure. En Asie aussi, il y eu de graves conflits : ainsi le Pakistan déclara la guerre à l'Inde. Le Monde vivait une Troisième Guerre Mondiale.
A neuf heures trente, Paris fut soufflé par une bombe russe : la capitale française était rayée de la carte. A onze heures, après que la croûte terrestre eût reçu pas loin de mille bombes atomiques, il n'y avait plus un seul être humain vivant sur toute la Terre, excepté les occupants de l'AA 2152, qui avaient découvert une heure plus tôt les ruines parisiennes. Cette Troisième Guerre Mondiale avait duré un peu plus de trois heures, et la race humaine était quasiment anéantie de façon radicale et rapide.
Toutes ces bombes lancées par les grandes puissances avaient modifié l'éco-système de la Terre, et accéléré l'évolution des plaques terrestres. Ainsi, l'Afrique se rapprocha de l'Europe, et la mer Méditerranée disparut. L'Antartique fut dégelé, et l'Océanie, le sud du Chili et de l'Argentine ainsi que le Groenland disparurent sous les eaux. L'est de l'Asie se détacha avec grand fracas du reste du continent asiatique, et forma un nouveau continent.
Les occupants de l'AA 2152 étaient en majorité occidentaux ou maghrébins, et une minorité de russes était présente. Aucune de ces personnes ne comprenait l'initiative de leur pays à se faire la guerre. Il y avait aussi à bord le professeur Jean Roul de la Cour, qui était biotechnicien en hydrogénie. De nationalité française, il habitait New-York. Il partait tous les matins à Paris pour travailler. Il s'occupait des recherches sur l'énergie hydrogénique, à l'Institut Mondial pour la Recherche Energétique. Dans l'appareil se trouvait aussi le physicien Pedro Alvarez, un espagnol de renommée mondiale, ce qui installa un calme respectueux dans l'avion atomique, après le brouhaha qui s'était déclenché lors de la découverte des ruines de Paris.
Alvarez indiqua aux deux pilotes la direction à suivre, car il connaissait bien son métier, et les conséquence de l'éclatement d'un conflit nucléaire mondial, qu'il avait étudié dans sa thèse :
“_ Selon mes calculs, l'Antartique devrait être épargné par le cataclysme, et  dégelé. Atterrissons à cet endroit, messieurs.
_ Etes-vous sûr de ce que vous dites ? demanda Hertes.
_ Sûr et certain. Tenez, nous y voilà.”
Sous l'appareil se dévoila un paysage idyllique. Le soleil brillait de tous ses feux, et il régnait un calme que seul la voix brutale de l'homme pouvait briser tel un miroir. On voyait une forêt bordée par la mer d'un bleu profond. Des champs de blé s'étalaient près de la forêt à perte de vue. Plus loin, James repéra une couleur rouge, qu'il définissait comme étant un verger de cerises. Le sable de la plage qui se trouvait à quelques mètres de là semblait très fin.
Cette vision contrastait singulièrement avec le reste du monde, apocalyptique, survolé par l'avion nucléaire. D’énormes raz-de-marée se formaient, soufflant les rares survivants aux bombes atomiques, les ensevelissant sous des tonnes d’eaux boueuses. Les tornades se formaient par centaines, et tous les volcans éteints du monde se réveillaient, déversant une lave en fusion sur des villages de survivants, les brûlant et les asphyxiant dans d'horribles douleurs.
Le AA 2152 atterrissait deux minutes plus tard, alors qu'une petite brise soufflait, et ses occupants pouvaient enfin toucher la terre. Tous se tinrent calme, attendant les consignes. Ils étaient émerveillés par la splendeur du paysage. Hertes et Scontin prirent le commandement des opérations, en tant que pilotes de l'avion. Ils étaient secondés par de la Tour et Alvarez.
De la Tour avait réussi à trouver dans ses recherches le moyen d'exploiter l'hydrogène comme énergie. Elle serait non-polluante. Mais il avait manqué de moyen technique pour l'adapter à la vie pratique. Alvarez, en qualité de physicien nucléaire et donc travaillant sur une énergie pratique, décida d'aider de La Tour. Ils abandonnèrent l'énergie nucléaire, trop dangereuse pour l'homme, et décidèrent d'en rester au stade théorique. Ils entreprirent, avec les mille-cinq-cents autres survivants de toute l'Humanité, de construire une nouvelle civilisation : la civilisation hydrogénique.

*


2 ème Partie, 500 ans plus tard:

    Constantin Brambik déjeunait au Central de Libertown, la capitale de l'Union Eurafriquaine. En effet, il existe quatre grandes nations sur Terre en 2551 : l'Union Eurafriquaine, l'Orient, la Fédération des Etats-Américains, et l'Antartique.
Ces quatre états gigantesques sont évidemment issus du découpage de la Terre après le cataclysme dû à la Troisième Guerre Mondiale, épisode de l'Histoire maintenant écrit dans tous les manuels du monde. Les références aux plans de la Bombe Atomique disparaissent peu à peu de ces manuels, de peur qu'ils ne tombent aux mains d'hommes peu scrupuleux, car il en existe encore sûrement. Ces quatre puissances vivent une ère économique, culturelle et scientifique florissante, et la paix règne depuis près de cinq-cents ans. Elle sont toutes régies par une seule chose : l'hydrogène.
En effet, depuis de La Cour et Alvarez, présentés dans l'Histoire comme les précurseurs de cette merveille technologique, l'hydrogénie avait considérablement évolué, et s'était perfectionnée.
La nature avait peu à peu retrouvé son chemin après l'apocalypse de la guerre. Les cinq continents étaient verdoyants, et les plantations humaines s'étaient régénérées par milliers. Mais la température s'était élevée, sous l'effet de la forte radioactivité dégagée cinq-cents ans plus tôt, et pouvait grimper jusqu'à soixante degrés. La flore s'était donc adaptée au fil du temps, et certaines espèces disparues depuis le Jurassique et le Trias refaisaient leur apparition.
Brambik était hydrogéniste au Centre de Recherche de l'Union Eurafriquaine. Il était arrivé à une découverte stupéfiante : une bombe hydrogénique, si elle était construite, et cela, heureusement, ne pouvait se faire, du moins pour l'instant, car la paix régnait, serait mille fois plus puissante que la Bombe Atomique ! Il décida de conserver son étude secrète.
Brambik avait cinquante ans, et était à la fleur de l'âge. Il possédait en outre cent grammes d'hydroton, ce qui lui permettait de bien vivre, car il était très riche avec ceci.
A cette époque, l'argent n'existait plus. Il était remplacé par l'hydroton. L'hydroton était un dérivé de l'énergie hydrogénique, bien plus faible, et permettait la vie courante, qui était extrêmement automatisée. L'énergie hydrogénique pure ne servait qu'aux vaisseaux de colonisation, car la Terre commençait à coloniser le Système Solaire, et comme carburant des machines robotisées qui faisaient fonctionner le système hydrotonique.
Pour faire ses courses, par exemple, on introduisait cinq milligrammes d'hydroton dans une machine, on sélectionnait les biens voulus, et on attendait dix minutes. Passé ce délai, toutes la nourriture se déversait dans votre sac anti-gravité que vous ne portiez pas, et qui marchait à l'hydroton bien sûr.
Pour son travail, Constantin recevait dix centigrammes par mois, ce qui était fort bien payé. Il était un des dix hommes les plus importants de l'Union Eurafriquaine. Les membres du Congrès des Lois le respectaient et l'admiraient.
Le Congrès des Lois réunissait cent-cinquante personnes élues au suffrage universel direct, parmi les habitants du pays. Ce Congrès régissait les lois, les contrôlait, en un mot il était le corps exécutif du pays. Il nommait aussi le Corps de Justice, chargé des tribunaux, et qui correspondait au ministère de la Justice des institutions de l'ancienne France.
Le travail était réduit à sa plus faible tâche : seulement dix heures par semaine. Pour payer leurs impôts, les citoyens versaient de l'hydroton dans une machine spéciale et c'était tout.
Il était arrivé à Constantin de travailler en Orient, mais très rarement. Par contre, il y allait souvent pour ses loisirs, car un voyage de Libertown, qui se situe à la place de l’ancienne Berne, jusqu'à Kem, capitale de l'Orient, située sur les ruines de Shanghai, prenait environ vingt minutes.
Vers dix-sept heures, il décida de rentrer chez lui. Il pouvait enfin décompresser, et mieux réfléchir sur sa stupéfiante découverte. Celle-ci pouvait en effet se révéler dangereuse : la Fédération des Etats-Américains commençait à manifester de l'hostilité envers l'Antartique, berceau de la civilisation actuelle, et qui était extrêmement puissante.
L'Orient, ainsi que l'Union Eurafriquaine, préféraient ne pas se mêler de cette lutte indirecte qui prenait naissance, car elles bénéficiaient toute deux d'aides économiques, aussi minimes soient-elles. Et cela était important.
La Lune avait été la première “nouvelle Terre”, en 2482. Sa rotation autour de la Terre avait été ralentie, pour bénéficier d'une gravité plus forte, presque égale à celle de la Terre, grâce aux vaisseaux hydrogéniques. L'introduction d'atmosphère viable par le biais des vaisseaux avait permis une terraformation parfaite. Ensuite, ce fut au tour de Vénus d'être colonisé, puis Mars. Celle-ci était une colonie de la Fédération des Etats-Américains, alors que Vénus et la Lune appartenaient à l'Antartique, qui avait été la première à commencer la colonisation interstellaire. Les trois nouvelles planètes soeurs de la Terre étaient des enjeux importants pour les deux puissances terriennes. On aspirait à en coloniser plusieurs autres, dont Saturne, Jupiter, et Mercure en premier, qui étaient aussi des enjeux considérables pour ces deux puissances. Brambik avait peur, car les élections présidentielles allaient bientôt se dérouler dans l'Union Eurafriquaine et dans la Fédération des Etats-Américains. Et dans l'Union Eurafriquaine, un homme assez particulier se présentait : Tristan Xavier. Cet homme avait malheureusement des idées assez nationalistes, et était un de ces personnages malveillants de cette époque. Mais il ne faisait pas transparaître sa véritable nature, et était très charismatique. Ce qui en faisait un homme charmant, et surtout très persuasif.
Si jamais il parvient au pouvoir, se disait Constantin, il pourrait s'emparer de mes recherches, et les utiliser d'une manière désastreuse, n’étant pas un grand secret ! Il fallait absolument cacher les études sur une hypothétique bombe hydrogénique. Xavier pouvait très bien s'en servir pour en fabriquer une.
Demain avait lieu les élections, et Constantin avait une grande appréhension, car les sondages donnaient Xavier gagnant.

*

    “_ Que pensez-vous de la victoire de Xavier aux élections ?`
_ Je n'en pense rien, madame. Je suis triste de voir les citoyens ne pas apprécier mon travail de président au point de me “mettre à la porte”. L'ex-président parlait au journaliste d'une voix énervée.
_ Et pensez-vous que Xavier sera bon ? s'écria un autre.
_ Avez-vous des commentaires à faire sur les élections américaines ? s'écria encore un journaliste.
_ Je n'ai plus rien à vous dire.”
Il s'en alla sous les flashes et les journalistes le poursuivirent jusqu'à qu'il soit hors de vue.
En effet, Tristan Xavier avait gagné aux élections. Et Brambik devenait de plus en plus paniqué, car des agents présidentiels lui avait ordonné de livrer un compte-rendu officiel de ses recherches pendant ses dix derniers mois au nouveau président. A croire que Xavier lisait dans les pensées !
Il devenait de plus en plus évident que Xavier allait briser la douce paix qui existait dans le monde jusqu'alors, et qui avait commencé à s'effilocher avec la venue des hostilités entre l'Antartique et l'Union des Etats-Américains.
Vers quinze heures, ces mêmes agents revinrent, et Brambik dût donner ses notes, en omettant ses dernières conclusions. Si il n'avait pas donné ses notes, il risquait la prison, car il travaillait pour l'Etat, et donc pour Xavier en quelque sorte. Il avait remplacé ses dernières conclusions par la négation de la puissance théorique d'une bombe hydrogénique, et cela lui donnait un peu de répit pour préparer sa fuite dans sa maison de campagne à Orionez, en Orient. Bien vite, Xavier s'apercevrait de sa fausse conclusion en donnant ses recherches à un autre hydrogéniste, qui vérifierait et trouverait l'erreur.
Il avait très peur, mais espérait. Espérait.

*

    Xavier s'aperçut de l'erreur, et entra dans une rage folle, car il se doutait bien qu'elle était délibérée. Il lança des agents à la recherche de Brambik, et envenima ainsi les relations internationales, Brambik étant respecté dans le monde entier.
Finalement, Brambik, fut retrouvé, et condamné à la prison à vie, pour manque de respect grave au pouvoir exécutif suprême. Cette sentence montrait bien le caractère dictatorial du régime de Xavier.

*

    Quinze jours plus tard, un groupe de terroristes armés révolutionnaires tua le 121 président du conseil exécutif de l'Union Eurafriquaine, Tristan Xavier, sur les renseignements de Constantin Brambik, qui voulait sauver la nation, et  qui mourut le jour suivant d'une crise cardiaque assez louche.
Cet assassinat, ainsi que la mort de Brambik, jeta un trouble dans la géopolitique mondiale. L'Union Eurafriquaine décida de former une fédération avec l'Orient, l'Union des Républiques de l'Ancien-Continent, l'U.R.A.C., pour contrer la lutte économique entre l'Antartique et la Fédération des Etats-Américains. Ainsi été né la deuxième puissance mondiale, car l'U.R.A.C. dépassait alors la Fédération des Etats-Américains, et se rapprochait de l'Antartique.
Un an plus tard, la Fédération des Etats-Américains passa un accord économique avec l'Antartique, et ils fondèrent avec celui-ci et avec l'U.R.A.C. le Conseil de l'Ordre Mondial, pour empêcher ainsi toute lutte économique dans le futur, et permettre une vie plus tranquille pour tous les Terriens : c'était le retour à la paix après une période de tensions menaçantes. L'hydrogène était encore une fois le maître de la Terre, merveille des merveilles, et les hommes maîtres de leur avenir.





3 ème Partie, journal de l’arrière-petit-fils de Brambik
mille ans plus tard :


Ier Juin:
Horreur ! Damnation ! Saturne et Jupiter se déclarent indépendantes et alliées, et déclarent la constitution de l'Humanité comme illégitime dans leur planètes ! Va t'il y avoir la guerre ?
Venons-en aux causes de cette déclaration. Nous sommes en 3587, au mille-trois-cent-cinquante-quatrième an de paix et de liberté. Le Système Solaire est entièrement colonisé. La Terre pense déjà à Alpha Centaure comme autre système de colonies.
Un an plus tôt, Didier Electroi était arrivé au pouvoir dans la planète de Jupiter. En effet, les puissants maîtres terriens donnent une certaine autonomie dans leurs colonies, et permettent l'élection d'un gouverneur. Quelle folie ! Celui-ci entraîne six-cent-trente milliards d'homme qui peuplent la planète dans son désastre !
Electroi s'était entouré de personnes peu scrupuleuses, et bientôt, un hydrogéniste et un physicien, nommé Barberoy, découvrirent le moyen de fabriquer une bombe puissante au moyen de la puissance atomique, depuis longtemps abandonnée, une bombe qu'ils appelèrent Bombe Atomique. En fait, je découvris bientôt que cette bombe n'était autre que la bombe atomique à l'origine de la Troisième Guerre Mondiale.
Ces deux personnes dévoilèrent leur projet à Electroi, et ils le persuadèrent de se constituer indépendant. Barberoy vint sur Terre deux mois plus tôt, et me menaça de faire disparaître ma famille si je ne lui donnais pas les recherches de Grand-Père. Je n'avais pas d'autre choix que de les lui donner.
Grâce à celle-ci, il pouvait fabriquer une bombe hydrogénique, cent fois plus puissante que la Bombe Atomique ! Que va-t-il se passer ?

28 Juin:
Ça y est ! C'est la guerre ! L'ultimatum de Jupiter a expiré aujourd'hui ! Saturne se déclare allié de Jupiter !
Toutes ces nouvelles étaient attendues, mais elle surprennent quand même. Cela faisait depuis si longtemps que le monde n’avait pas connu la guerre ! Pour l'instant, Jupiter ne semble pas employer la bombe hydrogénique. Tant mieux.
Je dois travailler cinq heures de plus par semaine, et payer dix centigrammes d'hydroton en plus, pour l'effort de guerre. Cela ne me gêne pas trop, car je suis patriote. Vive la Terre !
Sur celle-ci, il n'y a plus qu’une seule nation, la Confédération Terrienne, qui est donc à la tête de sept colonies. Toutes ces colonies sont en fait les ancêtres des premières colonisations terriennes, qui remontent à plus de mille ans. Ces colonies ont peu à peu perdu leurs origines, ce qui explique la situation actuelle.
Ah ! Je dois partir travailler ! J'espère contribuer à notre victoire, et écraser ces chiens ! Vive la Terre ! Vive l'Homme !

5 juillet :
Nous avons lancé le premier missile hydrogénique aujourd'hui, fabriqué par mes soins ! Mais il a été stoppé par la défense anti-planétaire. Ces scélérats ne perdent rien pour attendre !
Mercure s'est aussi déclarée indépendante, et alliée des deux planètes rebelles. La Terre a aussitôt accordé l'indépendance à Vénus et à La Lune, sous conditions d'être les alliées de celle-ci. Les deux colonies ont aussitôt acceptées, évidemment ! La Terre leur fournit les armes. Elle a fait ainsi pour parer toutes indépendances rebelles de ses voisines, car cela pourrait entraîner de graves conséquences. La guerre oppose donc La Terre et ses colonies, alliée de La Lune, et de Vénus, contre le bloc rebelle formé par Mercure, Jupiter et Saturne. Puisse faire que nous gagnions !
D'après mes renseignements, de nombreux mouvements d'indépendance se forment dans nos colonies. Je me demande quelle va être la politique de la Terre vis-à-vis de ceux-ci !

10 septembre :
Toutes les colonies terriennes sont indépendantes, hormis Pluton, dernière à être colonisée, ce qui explique sa passivité vis-à-vis des mouvements d'indépendance. Il y a eu des décolonisations violentes, comme celle d’Uranus qui s'est ensuite rallié avec les rebelles d'ailleurs.
Malgré leur indépendance, les anciennes colonies de la Terre qui sont dans son camp gardent un certain lien avec la planète-Mère : elles ont toutes conservé la Constitution Des Lois de l'Humanité, rédigée mille ans plus tôt par les anciennes nations terriennes. Les planètes rebelles ont en outre une autre constitution et un marché d'échange entre elles.
Aujourd'hui, je doit payer mes impôts : deux grammes d'hydroton. C'est évidemment énorme ! mais je dois payer. Je veux que la Terre gagne cette guerre, et je ferai tout pour cela.
J'avais peur avant, mais maintenant c'est différent. Les hommes libres se doivent de gagner la guerre contre les dictateurs et les anticonstitutionnels.
Ce midi, au journal satellisé, qui correspond à l'archaïque journal télévisé, j'ai appris que la Terre allait envoyer un missile capable de détruire les champs antiplanétaires. Ce serait formidable !
Electroi, quant à lui, a annoncé qu'il avait fabriqué une arme effroyable, dont la Terre ne se relèverait plus. J'espère que ce n'est pas la bombe hydrogénique ! Je me sens coupable.

1er octobre :
Horreur ! Electroi a fabriqué une bombe terrible, nommée Bombe Hydro-Atomique, ou BHA !
Cette arme terrible a été présenté hier aux alliés rebelles, et nos espions l'ont vue. Elle peut faire disparaître la Terre en une seconde !
La Terre a pris toutes les dispositions nécessaires. Exceptionnellement, je travaille le mercredi. Je contribue à créer rapidement une défense contre cette arme si effroyable.
Celle-ci est en fait un concentré de la grande puissance dévastatrice atomique et de la grande portée de la puissance hydrogénique. Elle a dû être construite à l'aide des notes de Grand-Père. Quelle ironie du sort ! Il voulait la paix sur Terre, et contribue indirectement à la menace de la fin du Système Solaire !
Cette arme sera-t-elle lancée ? J'en doute, car Jupiter pourrait en ressentir les conséquences peut-être désastreuses.

3 octobre :
Aïe ! Aïe ! Aïe ! Le lancement de la fameuse bombe pourrait se faire ! Qu'allons-nous faire ? Notre défense n'est pas prête !
Ça y est ! La Bombe est lancée ! Nous avons terminé à temps. Mais cela suffira-t-il ? Dieu seul le sait.
Quel coup de théâtre ! La BHA avait été mal programmée ! Elle est maintenant lancée à toute vitesse sur Mercure. D'ailleurs, cette planète a aussitôt effectué un renversement d'alliance, espérant de l'aide de notre part, mais que pouvons-nous faire ?
Ce changement d'alliance n'a servi à rien. En effet, Mercure n'a aucune défense, et la Bombe va ainsi exploser en anéantissant Mercure. Mais cette Bombe superpuissante passe très près du Soleil, et peut le faire exploser, et avec lui, tout le Système Solaire, et nous avec ! J'ai peur !!
Je suis un Homme. Et l'Homme restera toujours ce qu'il est : l'Homme.