Mon avis personnel sur les disques de Testament
- Testament - The Legacy (1987) ★ ★ ★
Encore un petit tour par la case "seconde zone du thrash metal" pour les
semaines à venir. Mais si Testament n'a pas totalement réussi à se faire
sa place dans le panthéon du genre, c'est peut-être tout simplement
parce qu'il est arrivé un peu tard. Quand sort ce premier disque, les
géants du Big Four sont déjà installés, et on peut ne considérer le
groupe américain que comme un suiveur de ses illustres aînés. Alors oui,
c'est vrai, les ingrédients ressemblent à des choses déjà entendues
ailleurs, mais pour autant leur mixture est assez personnelle, avec ces
solos étonnants, très mélodiques, qui partent parfois carrément dans une
direction néoclassique (celui de First strike is deadly)
surprenante vu l'enrobage quand même assez brut de l'album (qui
constitue d'ailleurs une de ses grosses limites, le son est quand même
vraiment trop typé années 80, et les titres les plus rapides comme Do
or die tournent un peu à la bouillie sonore). Et il y a quand même
une certaine variété dans les riffs, comme sur Burnt offerings
(que je trouve à vrai dire assez raté, mais au moins c'est différent),
et une énergie (le titre d'ouverture Over the wall, très bon) qui
rend l'album intéressant même si très imparfait.
- Testament - The New order (1988) ★ ★ ★ ½
Un deuxième album dans la droite ligne du premier : du thrash bien carré
mais avec un son assez brut (c'est toujours pas folichon de ce point de
vue), avec une influence Metallica (période Ride the
lightning) encore plus évidente : intros avec quelques arpèges
acoustiques assez fréquentes, et surtout une dernière piste
instrumentale qui ne peut que faire penser à Call of Ktulu et
Orion. Sauf qu'évidemment ça n'arrive pas à leur cheville, et que
ça renforce donc l'image de Testament comme étant un groupe qui imite
avec moins de talent. Et pourtant, l'album dans son ensemble est
vraiment pas mal, il y a du titre bien frontal et direct (Into the
pit) mais aussi une recherche d'atmosphère plutôt sympathique au
niveau des introductions (la première piste Eerie inhabitants est
une franche réussite, Disciples of the watch est bien également)
et, comme dans le premier album, une pincée d'orientalisme (ici sur la
chanson titre) qui aurait sûrement mérité d'être développée pour
renforcer un peu l'identité du groupe. Mais tel quel, si on oublie un
peu les références écrasantes, on tient déjà un album bien solide.
- Testament - Practice what you preach (1989) ★ ★ ★ ½
Avec ce troisième album, Testament continue son petit bonhomme de chemin
et semble trouver une sorte d'équilibre : le son est nettement meilleur,
les tempi assez tranquilles (sauf sur la salement brutale
Nightmare), et l'influence Metallica est plus que présente
une fois de plus (au niveau des lignes vocales, on a très souvent
l'impression d'entendre des chutes des premiers albums des Horsemen).
Bref, aucune surprise dans tout ça, mais quand c'est bien fait on n'a
pas vraiment de raison de se plaindre, et il y a du bon là-dedans : la
basse bien audible, un caractère mélodique sympathique avec quelques
refrains bien sentis (j'aime notamment l'atmosphère de Time is
coming) et même un instrumental final nettement plus original (et
donc convaincant) que sur l'album précédent (là, pour le coup, on n'est
pas dans l'ombre de Metallica, et c'est fort bien). Dommage tout de même
que le groupe se soit cru obligé d'introduire une ballade brillamment
intitulée The Ballad et à peu près aussi inspirée que son titre
(on a vraiment l'impression qu'ils ne savent pas quoi en faire !).
Encore un album qui, sans atteindre le chef-d'oeuvre, est très
recommandable pour Testament.
- Testament - Souls of black (1990) ★ ½
Après un début de carrière d'une remarquable régularité, ça devait
arriver, à force de se contenter de produire un thrash metal générique
bien troussé mais assez répétitif, Testament a foiré un album pour la
première fois. Pourtant, l'introduction en mode "galopade flamenco" à la
guitare sèche, quoique totalement incongrue, laissait imaginer un
certain renouveau. En fait, pas du tout, le groupe aligne ensuite sa
dizaine de titres thrash plus ou moins inspirés (tout n'est pas mauvais,
Face in the sky ou Malpractice s'écoutent très bien) mais
qui se ressemblent beaucoup trop, et surtout plombés par un son très
saturé franchement pénible à la longue. On a d'ailleurs presque
l'impression que les solos toujours aériens de Skolnick ont été plaqués
par-dessus et pas enregistrés au même moment (leur son étant très pur
comparé au reste). Ajoutez à ça une ballade assez affligeante de
niaiserie prévisible, et on se retrouve avec un disque qui, sans être
désespérant, est essentiellement sans intérêt.
- Testament - The Ritual (1992) ★ ★ ½
En 1991, Metallica bat tous les records de vente pour un album
metal avec son black album. Du coup, en 1992, presque tous les groupes
pratiquant un thrash sur la pente descendante s'engouffrent dans la
brèche et y vont de leur album commercial au tempo ralenti. Testament ne
fait pas exception à la règle, ce qui ne surprendra d'ailleurs personne
tant l'influence de Metallica était déjà patente dans les premiers
albums du groupe. Mais, sans surprise également, ils proposent une copie
soignée mais qui manque tout simplement de talent. À part dans le très
bon Electric crown qui ouvre le disque, les titres sympathiques
mais un brin poussifs (typiquement, la chanson titre peine à vraiment
instaurer l'atmosphère sombre qui est manifestement voulue)
s'enchaînent, au point que la ballade de fin d'album semble cette
fois-ci particulièrement raffraîchissante. Et puis bon, on sent que les
musiciens ne sont pas totalement dans leur élément, notamment le
chanteur qui s'accommode comme il peut de ce tournant très mélodique
(c'est à des années-lumière de ce qu'il proposera sur les albums
suivants du groupe !). Les solos de Skolnick, par contre, trouvent ici
une place assez naturelle pour se mettre en valeur. Bref, une curiosité
finalement pas si ratée que ça.
- Testament - Low (1994) ★ ★ ★ ★
Après un virage heavy commercial qui n'a pas plu à tout le monde,
Testament a explosé, perdant une partie de ses musiciens et en
particulier son guitariste prodige Alex Skolnick parti faire
complètement autre chose (bon, les mauvaises langues diront qu'il
faisait déjà complètement autre chose que ses camarades quand il
enregistrait avec eux). Déjà la fin d'un groupe qui n'aura finalement
pas vraiment eu le temps de proposer une musique personnelle ? Eh bien
pas du tout, c'est au contraire l'occasion pour Testament d'une
renaissance inattendue. On change à nouveau de style en revenant à un
thrash vraiment moderne (pour l'époque), qui lorgne même vers l'extrême
sur certains points (le chant plus qu'agressif de Chuck Billy sur
Legions), et porté par une production puissante qui envoie
vraiment du pâté (ça change très agréablement de ce à quoi on avait
droit sur les premiers disques du groupe). Et comme une bonne partie des
titres est sacrément efficace (la chanson titre, Dog faces gods,
Ride), ça donne tout simplement un excellent album qui ne pêche
que par son côté un peu trop primaire et quelques titres plus
discutables (l'instrumental Urotsukidôji est vraiment spécial
avec ses samples de voix japonaises intégrées, mais surtout la ballade
niaise Trail of tears a pour unique intérêt de calmer un peu le
jeu). Encore un peu inégal, mais quand même une bonne baffe dans la
tronche inattendue pour un groupe qui semblait au bord de la rupture !
- Testament - Demonic (1997) ★ ★ ½
Après le changement de cap surprenant mais réussi de l'album précédent,
Testament entend bien enfoncer le clou sur celui-ci, et même aller un
peu plus loin en direction du metal extrême. Encore quelques changements
de personnel pour ce disque (preuve que le groupe est en recherche de
stabilité), et surtout un chanteur qui franchit complètement le pas du
growl, désormais omniprésent. Bon, je ne suis toujours pas un grand fan
de ce type de chant, mais ça ne fait pas une si grande différence par
rapport au chat déjà agressif de Low. Niveau instrumental, c'est
du lourd (le son est à nouveau énorme), bien pesant et poisseux, le
tempo s'emballe rarement, mais le groupe a eu la bonne idée de jeter la
ballade traditionnelle à la poubelle (ça aurait vraiment fait tâche vu
l'ambiance de ce disque). Pas mal dans l'ensemble, avec même une
chanson-titre vraiment très efficace, mais peu de titres totalement
emballants, et des choeurs qui s'insèrent mal sur quelques pistes
(Together as one), on reste dans le passable mais c'est un recul
assez clair par rapport à l'album précédent.
- Testament - The Gathering (1999) ★ ★ ★
Pour son huitième album, Testament continue à tourner autour d'un thrash
teinté de death à l'équilibre pas toujours totalement convaincant (c'est
moins extrême que sur le Demonic précédent, mais on se demande
d'autant plus pourquoi par exemple un break avec growls très moches a
été inséré dans un titre très mélodique comme True believer, ça
ne colle pas du tout), mais avec encore un changement de line-up. Cette
fois-ci c'est Dave Lombardo qui vient s'occuper de la batterie, et le
moins qu'on puisse dire est qu'il prend pas mal de place (énormément de
double, et l'instrument est mis en avant dans un mixage par ailleurs
plus brouillon que sur les deux disques précédents du groupe, ce qui est
bien dommage). Bon, il fait bien son boulot, et le disque fait preuve
d'une variété appréciable, qui le place au-dessus de son prédécesseur,
sans atteindre toutefois la puissance et l'efficacité de Low. De
bons moments quand même, notamment sur Eyes of wrath (intro
morbide, sonorités orientales), mais on a quand même un peu l'impression
que Testament a retrouvé sa place de bon artisan du metal, aux disques
solides mais pas inoubliables.
- Testament - The Formation of damnation (2008) ★ ★ ½
Alors qu'il semblait avoir retrouvé une certaine continuité dans sa
seconde vie de groupe de metal presque extrême, Testament a fini par
exploser. Il faut dire aussi que le cancer de son chanteur n'a pas aidé,
mais ce dernier s'en est sorti, et voilà que, près de 10 ans après le
précédent album, le groupe est de retour, et qui plus est dans sa
formation d'origine ou presque (avec notamment le retour de Skolnick à
la guitare). On se doute que le virage death va être oublié (de fait,
quasiment pas de growl sur ce disque), mais on n'a pas pour autant droit
à un vrai retour au thrash crasseux des origines du groupe, on est
plutôt dans une sorte de heavy passe-partout et même franchement mou du
genou (les tempi sont dans l'ensemble bien tranquilles, la batterie en
arrière-plan, il faut quasiment attendre FEAR, l'avant-dernière
piste, pour que ça s'énerve un peu). On a en fait vraiment l'impression
que le groupe n'a pas voulu prendre le moindre risque pour son retour,
proposant un metal consensuel noyé dans une production moderne au son
très riche (c'est à mon avis trop clinquant pour du Testament) et en
même temps souvent synthétique (niveau son on est assez proche de ce que
fait Megadeth depuis un bon moment maintenant). Rien de
déshonorant là-dedans (même si ça manque de puissance, les compositions
tiennent la route), mais un sentiment mitigé face à un album qui
s'oubliera très vite.
- Testament - Dark roots of earth (2016) ★ ★ ★ ★
Après un retour en mode mineur en 2008, on pouvait imaginer que la
reformation de Testament verrait le groupe finir sa carrière dans une
certaine indifférence. Grosse erreur, puisque ce galop d'essai est suivi
quatre ans plus tard (ils ont appris à prendre leur temps, ce sera
désormais la durée standard entre deux de leurs albums) de la sortie
inattendue d'un classique immédiat qui vient sans problème concurrencer
les premiers disques du groupe en termes de qualité, la production
moderne et efficace en plus. Rise up met tout le monde d'accord
dès l'entame, redoutablement entraînant et efficace. Il marque le début
d'une série de titres maîtrisés, suffisamment variée pour ne pas lasser
(le côté épique de Throne of thorns, la ballade Cold
embrace qui met tout de même trop de temps à décoller) bien que tout
ça ne soit pas d'une originalité folle (en même temps, un bon thrash à
l'ancienne en 2012, ça fait plaisir !). Le tout est conclu par une série
de reprises pas franchement indispensables mais bien fichues (ça fait
toujours plaisir d'entendre Powerslave même si cette version
n'apporte rien à l'originale). Tout ça donne vraiment envie de continuer
à écouter ce que Testament a à nous proposer.
- Testament - Brotherhood of the snake (2012) ★ ★ ★ ½
Après avoir créé la surprise avec un Dark roots of earth
excellent, Testament était forcément à nouveau attendu au tournant,
peut-être même plus qu'il ne l'avait jamais été dans la première partie
de sa carrière. Le groupe a de nouveau pris son temps (quatre ans pour
un album, on vous a dit !), mais c'était pour mieux assurer, puisque le
nouveau cru est tout à fait satisfaisant, presque aussi bon que son
prédécesseur. Il lui manque peut-être un ou deux titres vraiment
emballants (seul la chanson titre qui ouvre l'album tambour battant a le
côté "classique immédiat" qui caractérisait une majorité des pistes de
l'album précédent), mais ça reste en permanence solide et maîtrisé, avec
une accélération globale du tempo qui montre que les dinosaures du
thrash ne sont pas le moins du monde rouillés (le très vitaminé The
Number game qui conclut l'album, entre autres). Je regretterai quand
même certaines tentatives pas très heureuses côté vocal (le passage
parlé de The Pale King par exemple), mais, porté à nouveau par un
son moderne qui claque parfaitement, voilà du bon boulot, sans grand
génie mais diablement efficace.
- Testament - Titans of creation (2020) ★ ★ ★ ★
Quatre ans pile poil après le précédent, voici donc le nouveau (et donc
dernier en date... en attendant 2024 ?) album de Testament, qui a
désormais revêtu le costume du groupe qui défend avec une solidité
remarquable un thrash bien traditionnel avec un son tout ce qu'il y a de
plus moderne. On a même l'impression avec ce dernier disque qu'ils
prennent un malin plaisir à placer dans un écrin bien de son temps
(production énorme une fois de plus) une musique aux accents vintage en
refusant totalement d'y faire poindre la moindre parcelle d'imprévu. Et
en même temps, on ne peut pas leur en vouloir tant c'est carré, maîtrisé
et surtout redoutablement efficace. Les titres sont consistants (souvent
cinq à six minutes par morceau) sans jamais être lassants (même si on
peut regretter une uniformité de style qui est clairement volontaire),
et les excellents morceaux abondent (Children of the next level
en ouverture, Symptoms, Curse of Osiris). Il manque
peut-être encore la touche de génie qui rendrait l'album totalement
inoubliable, mais franchement, on passe un très très bon moment à son
écoute.