Mon avis personnel sur les disques de Symphony X
- Symphony X - Symphony X (1994) ★ ★ ★ ½
Je vais faire plaisir aux fans de metal progressif en m'attaquant à l'un
des ténors du genre. Ceci dit, les influences de Symphony X pour ce
premier disque éponyme sont assez variées et parfois surprenantes : une
volonté manifeste de faire du "progressif technique" avec des guitares
qui nous gratifient régulièrement de solos "enfilade de notes" à la
limite de la virtuosité gratuite, une basse bien audible, des claviers
bien présents et variés (clavecin, orgue, piano, on a droit à un peu de
tout, du néoclassique avec citations de Bach à des trucs nettement plus
orientés pop qui font parfois mal aux oreilles, comme sur la très
dispensable ballade Shades of grey), et un chanteur, euh, un peu
à la ramasse hélas (si les titres plus faciles ne passent pas c'est
d'ailleurs aussi parce qu'il est incapable de les porter) qui ne fera
d'ailleurs qu'un album avec le groupe. Mais en plus de tout ça donc, on
a niveau vocal une énorme influence de Queen (les interventions
assez systématiques du choeur sur les refrains sont souvent à la limite
de la copie conforme) qui à mon sens donne une fraîcheur et une sorte
d'évidence mélodique à l'ensemble franchement bienvenues (ça s'écoute
tout seul). En tout cas, ça donne irrésistiblement envie d'y revenir
malgré les maladresses (trop de titres semblables, une piste finale qui
s'essouffle au long de ses 12 minutes, et des transitions pas toujours
adroites, on a souvent l'impression que les solos sont là pour faire un
peu de remplissage), et surtout d'écouter la suite de la discographie.
- Symphony X - The Damnation game (1995) ★ ★ ★
Grosse évolution pour le groupe dès ce deuxième album, en grande partie
due au changement de chanteur. Le nouveau venu, Russell Allen, il faut
le dire, est autrement plus qualifié que le précédent, et donne
clairement une autre dimension aux titres proposés par le groupe. Mais
en même temps, il n'est sûrement pas étranger non plus à un changement
de direction musicale assez net : on a encore des choeurs présents, mais
l'influence Queen est beaucoup moins présente, et surtout le
groupe semble se reposer beaucoup plus sur les lignes vocales d'Allen,
se contentant assez souvent d'accompagner son chanteur (attention quand
même, hein, ça continue à tricoter pas mal niveau instrumental et à
proposer des soli techniques régulièrement). En fait, malgré les
passages néoclassiques encore présents (l'introduction éponyme, bien
fichue, ou la citation de Bach de rigueur sur Dressed to kill),
on se rapproche dangereusement (à mon goût !) d'un metal progressif "à
la Dream Theater", moins mélodique et accrocheur que sur leur
premier album (on a même des sonorités de clavier à la limite du
ridicule par moments, mais ça passe encore). Mais, pour finir sur une
note nettement plus positive après ces bémols, ça reste quand même
bougrement bien fichu, et après une première écoute mitigée, je me suis
laissé prendre (The Edge of forever, le titre le plus développé,
est vraiment sympa, Savage curtain aussi). Pas non plus (ou pas
encore ?) de sommet inoubliable (le dernier titre A winter's
dream, séparé en deux parties qui n'atteignent même pas les 10
minutes au total, ressemble un peu à un pétard mouillé), mais encore un
bon album. Je préfère quand même leur premier.
- Symphony X - The Divine wings of tragedy (1996) ★ ★ ★ ★ ★
Eh non, pour une fois, le ronchon de service ne va pas aller à
contre-courant de la doxa des fans du groupe ! Après un deuxième album
encore un peu hésitant sur la voie à suivre, Symphony X enclenche la
vitesse supérieure, et a même du en griller quelques-unes au passage
tant cet album présente un aboutissement fulgurant par rapport au
précédent. C'est bien simple, ici, l'équilibre entre les différentes
composantes qui fondent maintenant la musique du groupe est parfait :
influence néoclassique bien digérée (Sea of lines, The
witching hour), tricotage technique jamais gratuit, riffing lourd
(plus d'ailleurs que sur leur album précédent), chant maîtrisé (allez,
pour chercher la petite bête, les lignes vocales de Russell Allen
pourraient être un peu moins lisses par moments, mais bon, c'est quand
même sacrément bien interprété), et bien sûr une composante progressive
qui se traduit régulièrement par des breaks complètement inattendus et
qui se fondent pourtant parfaitement dans l'ensemble (le changement
d'ambiance brutal vers la fin de The eyes of the medusa, ou le
passage avec les cloches dans The Accolade). Le tout sans
sacrifier le versant mélodique, bien présent ici (plus que sur The
Damnation game même, par exemple dans le thème qui apparaît après
les citations de Mars dans la chanson-titre, on retrouve même un peu de
choeurs "queenesques" dans l'excellent Of sins and shadows),
c'est une quadrature du cercle parfaitement réussie. Seul très léger
bémol de ma part : la construction de l'album se veut un piédestal pour
la chanson-titre fleuve de 20 minutes qui arrive presque à sa
conclusion, mais cette dernière n'est finalement pas tellement une
apothéose dans la mesure où elle ne se hisse pas vraiment à mon sens
au-dessus du niveau de qualité de toute façon phénoménal de l'ensemble
des titres qui la précédent. Reprendre Holst est par ailleurs une
facilité dispensable (alors que l'intro a cappella qui précède est
superbe). Mais ça reste très bon, à l'image de cet album sans point
faible.
- Symphony X - Twilight in Olympus (1998) ★ ★ ★
Après un troisième album extraordinaire, Symphony X n'a que légèrement
relâché le rythme de ses sorties, voici donc que déboule un quatrième
opus qui vise manifestement les mêmes sommets épiques et progressifs que
le précédent, mais qui n'y arrive pas tout à fait. Pourtant, l'intro de
Smoke and mirrors met bien en jambes, mais on n'est pas encore
arrivés à la fin de ce titre d'ouverture qu'on sent déjà que la
mayonnaise prend un peu moins bien. Déjà, les influences classiques sont
moins subtiles et s'insèrent moins bien dans le propos : passe encore
pour la citation de Bach de rigueur à la fin de ce premier titre, mais
l'interlude Sonata qui se contente de réorchestrer des bribes de
la Pathétique de Beethoven, je trouve ça vraiment complètement raté (le
thème du finale pris au ralenti...). Un peu à l'image de l'ensemble du
disque finalement, où on retrouve bien les ingrédients habituels, mais
avec un certain manque de fluidité (la piste finale, Lady of the
snow, prend même des chemins de traverse curieux avec ses côtés
orientalisants). Restent quand même une réalisation impeccable et
quelques titres qui suffisent à rendre l'écoute plus que sympathique (le
plus court et franchement épique In the dragon's den, et les plus
progressives, un peu inégales, Church of the machine et
Through the looking glass). Un bon album quand même donc, mais on
attendait forcément mieux après le chef-d'oeuvre qui le précède (là on
est en gros au niveau de The Damnation game).
- Symphony X - V : The New mythology suite (2000) ★ ★ ★ ★ ½
Après un quatrième album un peu décevant, Symphony X revient plus
ambitieux que jamais à l'orée des années 2000 : album concept enchaînant
une heure de musique sans interruption, avec des interludes symphoniques
(aux claviers, pas de véritable orchestre convoqué ici) pour servir de
transitions (interludes qui frisent d'ailleurs le mauvais goût par
moment, On the breath of Poseidon a un côté Disney assez
prononcé, qui sera confirmé dans certains passages de l'album suivant du
groupe). Si l'inspiration est là, pourquoi pas, mais le prélude douche
assez vite notre enthousiasme. Déjà, je l'ai déjà dit, les reprises de
tubes classiques sont une facilité qui ne me plaît pas trop, mais il
faudrait au moins bien les choisir : autant Bach sur A Fool's
paradise s'intègre sans souci, autant le requiem de Verdi au clavier
cheap, il est assez évident que ça ne peut qu'être ridicule par rapport
à la puissance de l'original (je suis d'ailleurs très surpris que les
membres du groupe eux-même ne s'en soient pas rendu compte). Et
pourtant, après ce faux départ, on retrouve une musique vraiment super
bien fichue, qui nous convie à un voyage assez fantastiquement
dépaysant, presque au niveau de The Divine wings of tragedy.
Evolution envoie du pâté, l'enchaînement avec l'excellent
Fallen est parfait, et malgré des claviers parfois trop crémeux
(sur Communion and the oracle notamment), pas vraiment de titres
ratés (l'ambiance orientale de Egypt arrive à éviter les clichés,
les passages techniques sont présents mais pas envahissants). C'est
encore un excellent album auquel on a droit là.
- Symphony X - The Odyssey (2002) ★ ★ ★ ★ ½
Sixième disque déjà pour Symphony X, et on sent vraiment désormais un
groupe sûr de sa force et de la qualité de la musique qu'il nous
propose, enchaînant les titres aussi mélodiques que techniques avec une
régularité impressionnante (Wicked par exemple, sans surprise
mais tellement bien fichu). Mieux, les citations d'oeuvres classiques
sont ici beaucoup plus discrètes et intégrées (un petit coup presque
obligé de Dukas dans Incantations of the apprentice, et Uranus de
Holst qui hante la fin de la chanson-titre), et le ton est globalement
plus agressif que dans les disques précédents. Ca ne plaira d'ailleurs
pas nécessairement à tout le monde (le chant d'Allen notamment est plus
rugueux), mais s'il y a moins de claviers crémeux (encore présents ici
dans The Accolade II, par ailleurs très réussi, et
Awakenings, qui pour le coup me semble être un des rares creux de
l'album), je ne vais personnellement pas m'en plaindre (encore une fois,
d'ailleurs, cette nouvelle tendance sera encore nettement accentuée dans
le disque qui suivra, l'évolution globale du groupe est extrêmement
cohérente). Non, la seule chose dont je me plaindrai cette fois-ci, ce
sont les premières minutes de la monumentale The Odyssey (24
minutes pour conclure le disque, la construction générale de l'album
fait fortement écho à celle de The Divine wings of tragedy), qui
convoquent ses claviers en mode "dessin animé" complètement assumé (une
espèce de croisement de musique de Disney années 80 et de Elfman versant
Simpson), c'est pour le moins perturbant, et pourtant après quelques
écoutes on finit par s'y faire et admettre que l'ensemble est assez bien
construit. Un choix tout de même discutable pour un album qui est par
ailleurs une nouvelle grande réussite (plus je l'écoute, plus je
l'apprécie).
- Symphony X - Paradise Lost (2007) ★ ★ ★ ★ ★
Jusqu'ici, Symphony X avait enchaîné les albums à un rythme soutenu
(jamais plus de deux ans entre deux sorties), mais il aura fallu
patienter pas moins de cinq ans pour voir un successeur à The
Odyssey. Autant dire qu'ils ont eu largement le temps de mûrir leur
choix d'évoluer vers un style nettement plus rentre-dedans, plus metal
et moins progressif en gros. C'est déjà nettement visible au niveau de
la production, qui met souvent les claviers en retrait, mais surtout
dans les premières compositions proposées : après une intro pour une
fois réellement symphonique façon Hollywood (avec des choeurs qu'on
retrouvera utilisés avec parcimonie à d'autres moments de l'album), les
trois premiers vrais titres sont très musclés, tout en conservant les
mélodies efficaces et la technique sans faille habituels du groupe, et
autant le dire tout de suite, j'adore. J'irai même jusqu'à placer
Domination comme mon titre préféré du groupe tous albums
confondus. Ensuite ça se calme un tout petit peu, même si seules la
chanson titre (et son piano mélancolique) et The sacrifice jouent
la carte de la (relative) douceur (on retrouve par exemple une ambiance
très épique sur The Walls of Babylon). Et tant mieux car c'est
excellent de bout en bout, tout le temps inspiré, fabuleusement
accrocheur, on voudrait que ça ne s'arrête jamais (et de fait j'ai bien
du mal à ne pas me repasser au moins les trois quarts du disque à la fin
de chaque écoute). Alors bien sûr on y a perdu les longues suites hyper
progressives qui manqueront à certains (rien qui atteigne les dix
minutes ici), et Russell Allen force un peu sur le côté rauque de son
chant, mais honnêtement, ça ne modère même pas mon enthousiasme. Non
seulement il s'agit là de mon album préféré du groupe, mais il va même
se faire une place de choix parmi mes albums de metal préférés.
- Symphony X - Iconoclast (2011) ★ ★ ★ ★
Après l'énorme claque infligée par Paradise lost, il aura fallu
encore quatre ans à Symphony X pour proposer un nouvel album. Signe
d'une nouvelle évolution, peut-être confirmée par la pochette et les
thèmes assez futuristes abordés cette fois-ci (on est plus proche de
Terminator que des histoires mythologiques auxquelles le groupe a
consacré plusieurs de ses premiers albums) ? En fait, pas vraiment, le
thème semble surtout être un prétexte pour proposer une musique
définitivement plus métallique dans la droite lignée de l'album
précédent. On a d'ailleurs l'impression un peu pénible tout au long de
l'album que le groupe a suivi une ligne où la prise de risque est
volontairement limitée : assez peu de variations de tempo, (Light up
the night s'approche quand même dangereusement du speed mélodique),
une ambiance robotique relativement uniforme (jusqu'à When all is
lost et son intro au piano, les titres se ressemblent pas mal), des
refrains hyper mélodiques et parfois un peu faciles (mais toujours
indéniablement efficaces, à l'image de la chanson titre qui ouvre
l'album), et bien sûr des riffs techniques et autres soli estampillés
Symphony X qui ne se démarquent pas de ceux des albums précédents du
groupe mais sont toujours parfaitement calibrés. Le groupe se repose sur
ses acquis ? Oui, un peu, mais il a quand même fait l'effort de proposer
plus de 80 minutes de musique (à vrai dire, c'est peut-être un peu
trop), et surtout ça reste dans l'ensemble de la très bonne musique (en
vrac, Dehumanized, Heretic ou la fin de When all is
lost, c'est excellent). Il repassera moins souvent sur les platines
que le précédent (moins de morceaux qui déchirent vraiment, un effet de
surprise atténué), mais on ne peut vraiment pas dire que l'écoute soit
décevante malgré tout.
- Symphony X - Underworld (2015) ★ ★ ★ ★ ★
Le rythme des sorties a définitivement ralenti puisque cet album, sorti
quatre ans après le précédent, est le dernier en date à ce jour. Mais
tant que la qualité reste à ce niveau, on peut difficilement se
plaindre. Si Iconoclast était un poil trop "facile", le petit
dernier retrouve une inspiration éclatante et se permet même le luxe
d'être plus varié que son prédécesseur. On reste globalement dans un
registre musclé, mais To hell and back (et ses presque 10
minutes) rappellent les tendances les plus progressives du groupe, et
surtout Without you (malgré tout pour moi le point faible de
l'album, les lignes de chant sont vraiment tarte à la crème) et Swan
song (avec son piano très présent) jouent une carte nettement plus
apaisée, qui contribuent à rendre l'album moins uniformément dense et
donc plus digeste. N'empêche que je continue à préférer quand ça envoie
du bois, et là on est franchement servis : après une Ouverture
grandiose qui n'est pas loin de taper dans le kitsch, Nevermore
ouvre le bal de façon classique pour le groupe (avec un refrain un peu
facile) mais tellement efficace, et un peu plus loin, la paire Kiss
of fire (le titre qui déménage le plus, avec des touches
symphoniques crânement assumées)/ Charon (plus subtile mais pour
le coup les lignes vocales sont irrésistibles) enfonce le clou. Peu
importe si la fin de l'album est moins inoubliable (j'avoue ne pas bien
comprendre la fin brutale du dernier titre), peu importe si la chanson
titre tend parfois dangereusement à se rapprocher de ce que produisent
certains groupes de power peu subtils (bon, moi, ça ne me dérange guère,
bien entendu), on a une nouvelle fois eu une dose de musique sacrément
maîtrisée de la part d'un groupe dont la discographie toute entière est
de toute façon assez exceptionnelle.