Mon avis personnel sur les disques de Slipknot
- Slipknot - Slipknot (1999) ☆
C'est bien beau d'écouter de l'obscur black norvégien ou de l'improbable
metal prog aux influences variées, mais pour faire un tour d'horizon un
peu complet des différentes tendances du metal, il fallait bien aussi
que j'aille un peu plus regarder du côté commercial de la force obscure,
par exemple avec l'album éponyme de Slipknot, qui après tout a du vendre
à lui seul plus de disques que tous les groupes des deux genres cités en
début de critique réunis. Au pire, j'aurai perdu une heure à écouter de
la merde. (Une heure plus tard). Ah ben oui, j'ai perdu une heure à
écouter de la grosse merde (je ne suis même pas honnête, j'ai essayé le
disque plusieurs fois avant de le critiquer). Premier point relativement
anecdotique : je suis très dérangé par le look des membres du groupe,
avec leurs masques. C'est assez curieux dans la mesure où les outrances
nettement plus limite de certains groupes de black, par exemple,
auraient plus tendance à me faire rigoler, mais là ça me rend mal à
l'aise. Deuxième point qui me surprend énormément : que ce groupe ait pu
avoir un tel succès commercial dépasse mes capacités de compréhension.
On est ici très loin d'un metal gentillet ou mélodique accessible au
plus grand nombre, ça lorgne plutôt vers vers les penchants les plus
extrêmes et bordéliques du genre. Déjà, le groupe est constitué de neuf
gugusses, et hélas ça s'entend : bruitages, samples et autres joyeusetés
en permanence, c'est bien simple, c'est le foutoir constamment, dont
émergent à peine quelques riffs médiocres répétés sans inspiration, et
surtout le "chant" de Corey Taylor, qui mérite à lui seul un triple
carton rouge. Les rares fois où on l'entend en voix claire (sur quelques
refrains), ce mec chante tout à fait correctement, mais il passe une
écrasante majorité de l'album à beugler le plus hideusement possible et
à prendre un style slammé complètement atroce (oui, le groupe veut
manifestement faire de temps à un autre une sorte de metal fusion) qui
rendent sa performance sur l'intégralité des pistes de l'album tout
bonnement insupportable. Le pire du pire : la piste finale
Scissors, longue suite de hurlements sur fond de bouillie sonore
indistincte, le premier album de grindcore venu est mieux construit (et
ça dure une minute par chanson et pas huit comme ici). Le mieux : une
indéniable énergie se dégage de certaines pistes, (sic) par
exemple c'est très très bourrin mais presque audible. Globalement quand
même, on peut quand même constater que la fusion du metal et
d'influences urbaines n'est pas donnée à tout le monde : quand on a du
talent à revendre ça donne le génial premier album éponyme de Rage
Against The Machine, quand on en a aucun, ça produit la grosse bouse
malodorante qu'est celui de Slipknot.
- Slipknot - Iowa (2001) ½
Malgré ma critique assassine de ce qui n'était en fait pas le premier
album du groupe (ils avaient apparemment enregistré un premier effort
avant d'embaucher Corey Taylor au chant, peut-être que c'était moins
inaudible mais je n'ai pas eu la curiosité de tenter le coup), je
continue la discographie du groupe, dont la qualité est strictement
croissante au moins sur les premiers disques (je n'ai pas encore terminé
mes premières écoutes). Oui, c'est même très net, on passe de "bouse
absolue avec rien à sauver" à "bouse absolue avec quelques titres
surprenants". L'essentiel de ce disque est en effet à nouveau composé de
titres bourrins et confus où alternent beuglements et chant plus ou
moins rappé complètement insupportable (et puis on atteint quand même un
fond assez indépassable au niveau des paroles avec par exemple
People=shit), mais il y a quelques échappées inattendues qui
laissent penser que Slipknot pourrait être capable avec un petit effort
de produire de la musique (de la vraie, je veux dire) : l'introduction
presque subtile de Gently (hélas, ça se gâte assez vite au cours
de cette piste), les percussions un peu recherchées de Skin
ticket (dommage que ce soit aussi répétitif, mais quand Slipknot a
une idée, en général, ils ne vont pas chercher plus loin ensuite que la
répétition pure et simple), et surtout l'ovni que constitue la piste
finale Iowa. Là, c'est carrément un quart d'heure de musique
quasi expérimentale, avec un espèce d'ostinato de percussion qui évolue
à peine, et pas mal de passages essentiellement bruitistes par-dessus.
C'est beaucoup trop statique pour tenir la longueur, mais il y a
là-dedans un minimalisme étonnant qui arrive à instiller une ambiance
assez spéciale. Bien insuffisant pour sauver le disque, mais on est
quand même en progrès, ce qui me permet d'utiliser pour la première fois
dans ces critiques la note généreuse de 0.5.
- Slipknot - Vol.3 : The Subliminal verses (2004) ★ ★ ½
Le deuxième album du groupe avait laissé entrevoir un léger mieux par
rapport au premier (on partait il est vrai de bien bas), celui-ci sera
le premier à être réellement écoutable. Mais curieusement, pour cela, le
groupe a mis de côté une partie de ce qui faisait son identité pour
proposer quelque chose de nettement plus policé, peut-être curieusement
poussés par un succès dépassant leur attente à proposer quelque chose de
plus commercial pour le justifier a posteriori. En tout cas, le son est
plus propre, c'est moins le bordel, et on a de plus en plus de pistes où
Taylor ne beugle pas (je rassure les fans de la première heure, il en
reste d'assez inaudibles, comme Welcome ou The Nameless).
Un prélude assez mélancolique, les interludes Vermilion (bon, le
chant est trop poseur et pop pour ne pas agacer mais l'effort est quand
même louable), et surtout la très belle Circle avec ses
violoncelles (si on pouvait supprimer le break aberrant, ce serait
parfait), franchement, on n'imaginerait pas du tout du Splipknot. Et
même le reste du temps, il y a de gros progrès, avec des riffs plutôt
efficaces parfois hélas gâchés par un chant encore hystérique (The
Blister exists). Et puis, pour conclure cet album finalement assez
varié, on a à nouveau droit à des trucs expérimentaux assez
invraisemblables mais loin d'être inintéressants (la piste finale
Danger - keep away me plaît bien). Tout ça est encore trop
inégal, mais montre cette fois vraiment que le groupe est capable de
produire de bonnes choses.
- Slipknot - All Hope is gone (2008) ★ ★
C'était latent dans leur album précédent, c'est maintenant complètement
manifeste, Slipknot n'assume plus du tout son côté "bad boys". On a
toujours une partie des pistes qui proposent certes un metal assez
violent, qui louche de plus en plus vers une influence thrash ma foi pas
désagréable (les première et dernière chansons, Gematria et
All Hope is gone, sont assez réussies), mais cette brutalité est
en permanence gommée, d'abord par une production et une organisation des
compositions de plus en plus aseptisées (le foutoir total des premiers
albums est loin, ça on ne s'en plaindra pas, mais on se demande souvent
s'ils sont vraiment encore neuf dans le groupe), mais surtout par
l'adjonction systématique de refrains en chant clair limite pop (pour le
coup, ça devient vraiment un procédé un peu fatiguant) et de petits
morceaux de choeur vraiment dispensables. Et comme si ça ne suffisait
pas à s'assurer un public suffisamment large, on a même des chansons
complètes en chant bien clair, qui vont parfois chercher une espèce de
guimauve pour midinettes (j'ai pensé à Type O Negative sur
Gehenna, c'est vraiment pas bon signe) à des années-lumière de
l'univers du groupe. Pas de titres expérimentaux pour nous perturber
cette fois-ci, dommage, car le fond musical est toujours en progrès,
mais c'est frustrant de ne pas l'exploiter mieux et de ne proposer qu'un
disque qui s'écoute tranquillement, mais au fond très passe-partout et
vite oublié.
- Slipknot - .5 : The Gray chapter (2014) ★ ★
Après un nouveau break de plusieurs années, Slipknot se décide à sortir
un nouvel album en hommage à l'un de ses anciens membres récemment
décédé (ils ont aussi perdu leur batteur dans l'intervalle). Comme
d'habitude, on a droit à 14 titres, ce qui est sûrement trop, mais le
disque s'ouvre de façon très encourageante avec un XIX à faire
pleurer les pierres. La promesse d'un album émotionnellement fort ne
sera pas vraiment tenue puisque le groupe alterne ensuite sans prendre
le moindre risque entre des titres rapides au chant agressif
(Sarcastrophe ou The Negative one, un peu dans le style de
leurs premiers albums, c'est toujours aussi mauvais) et d'autres
nettement plus easy listening lorgnant même franchement vers la pop,
avec un succès variable (Killpop, c'est vraiment horrible, mais
Nomadic par exemple est vraiment sympathique). Bien sûr, on a
aussi droit quelques fois à la facilité de la dichotomie couplets
énervés / refrain mielleux qui est devenu un classique du groupe
(AOV s'en sort assez bien dans ce genre). En fait, une sorte de
compilation de ce que le groupe sait faire de mieux (le titre final,
If rain is what you want, très atmosphérique, conclut l'album en
beauté) mais aussi de moins bon, à peu près au niveau de leurs deux
productions précédentes. Toujours pas de quoi justifier le statut de
groupe majeur de Slipknot, mais ça s'écoute gentiment.
- Slipknot - We are not your kind (2019) ★ ½
Dernière résurrection en date pour Slipknot avec cet album à la pochette
sympathique. Corey Taylor aurait prétendu à propos de cet opus vouloir
revenir aux sources de la musique produite par le groupe (ce qui, pour
moi, ressemble à une très mauvaise nouvelle !), mais c'est en fait
plutôt à un résumé de toute leur carrière auquel on a droit :
hétéroclite, souvent agaçant, et au fond musicalement trop limité. On se
pose quand même des questions en entendant l'intro de Unsainted
(précédé comme d'habitude par une piste bruitiste sans intérêt), ses
choeurs angéliques et ses lignes de chant clair très pop, vite
interrompus par des passages nettement plus agressifs au chant pseudo
rap complètement insupportable (Taylor n'avait pas totalement menti, il
arrive hélas à être pratiquement aussi horripilant au niveau du chant
que sur les deux premiers disques du groupe), où cela est-il censé nous
mener ? On n'aura pas vraiment de réponse puisque le groupe continuera
tout du long à alterner chant slammé ignoble (sur Critical
darling ou Orphan, on touche vraiment le fond) et chant clair
(parfois sur une même chanson, en réservant comme d'habitude le chant
clair aux refrains), et à entrecouper le tout d'interludes qui ne
semblent avoir été insérés que pour atteindre le compte habituel de 14
pistes (ils ne sont pas désagréables, mais la cohérence du tout laisse à
désirer). Et finalement, là où le groupe me convainc le plus, c'est
quand il part tellement en cacahouète qu'il propose des choses qui n'ont
plus rien à voir avec le metal (le début de la ballade de rigueur A
Liar's funeral, l'amusant Spiders, ou même My pain
qui pour le coup part vraiment complètement en vrille). Quelque part, ça
prouve une fois de plus que le fond de commerce de Slipknot est vraiment
une musique qui ne m'intéresse pas, ce qui explique en partie le fait
que je n'ai trouvé aucun de leurs albums vraiment satisfaisant. Mais je
suis quand même allé jusqu'au bout de l'aventure...