Mon avis personnel sur les disques de Shadow Gallery
- Shadow Gallery - Shadow Gallery (1992) note réelle ☆ nanar ★ ★
Suite aux bons conseils d'amis qui adulent ce groupe, je m'attaque
aujourd'hui à la (courte) discographie de Shadow Gallery, même si je
sens confusément que je ne vais pas leur faire extrêmement plaisir
concernant ce premier disque. Je dois en fait avouer que je suis
parfaitement incapable d'écouter ce disque sans qu'un irrésistible fou
rire s'empare de moi tant les clichés les plus caricaturaux d'un certain
prog (pas vraiment metal d'ailleurs, ceux qui espèrent de vraies
guitares accrocheuses seront très déçus) sont ici présents : claviers
festifs aux sonorités totalement improbables (le motif initial de
Darktown, il est tout droit tiré d'un vieux Castlevania, non ?),
chant crémeux, voix de tête et interventions du choeur (ou d'une flûte
sortie de nulle part) d'une niaiserie insupportable, on se vautre dans
une sorte de béatitude nunuche qui me rend vraiment l'écoute sérieuse de
cette musique impossible (en fait, les premières secondes de The
Dance of the fools sont déjà absolument rédhibitoires pour moi).
Après, au second degré, ça peut presque se défendre, il y a des mélodies
rigolotes (et les musiciens savent jouer), et ça a l'air tellement fait
au premier degré (ce qui me semble personnellement bien peu crédible,
mais bon) que le côté "nanar musical" en ressort encore plus. Mais même
sous cet angle, les 17 minutes de The Queen of the city of ice,
avec ses arpèges guillerets en boucle (à côté, Philip Glass, c'est de la
musique hyper variée) et sa narration qui se veut épique mais qui tombe
complètement à plat, sont bien difficiles à digérer. Du coup, même la
note nanar ne volera pas très haut. En tout cas, là, on touche vraiment
le fond concernant ce que je n'aime pas dans le prog.
- Shadow gallery - Carved in stone (1995) ★ ★ ½
Malgré un premier essai vraiment pas concluant, je continue la
discographie de Shadow Gallery, avec ce deuxième opus qui est pour moi
nettement plus écoutable que le précédent. Déjà il y a du mieux niveau
son, même si les claviers ont toujours une place prépondérante et que
les passages "orchestraux" font souvent mal aux oreilles (on n'a quand
même toujours pas l'impression que ça a été enregistré au milieu des
années 90 tout ça). Mais surtout, le côté "ravi de la crèche" est moins
omniprésent ici, avec des atmosphères plus sombres (rien que l'intro du
titre initial Cliffhanger est carrément dépressive en comparaison
de l'ouverture de l'album éponyme), et même une volonté de se lancer
dans une suite aux forts relents épiques avec le Ghostship
(découpé en huit sections) qui conclût l'album, et qui est dans
l'ensemble réussi malgré des passages, euh, discutables (les effets
foireux sur les voix, le solo de piano néoclassique incongru). C'est un
peu à l'image du disque en fait, qui est capable de faire côtoyer des
bouses innommables (Alaska, sommet de kitsch gnangan qui laisse
littéralement pantois) avec un titre hyper énergique et carrément
excellent comme Deeper than life. J'en viens même, en le
réécoutant, à me dire que le groupe pourrait faire un excellent album en
allant plus clairement dans cette direction heavy et en laissant tomber
les flûtes mièvres et autres interludes sans intérêt. Ce disque-là,
amputé de la moitié de son contenu, ferait même déjà l'affaire...
- Shadow Gallery - Tyranny (1998) ★ ★ ★
Après un deuxième album en nette progression mais qui conservait pour
moi pas mal de déchet, allais-je enfin être emballé par le troisième
disque de Shadow Gallery ? Eh bien oui, du moins l'espace de deux
minutes, celles de l'immense piste introductive Stiletto in the
sand qui, en quelques dizaines de secondes fait plus que tout le
reste de l'album réuni. La basse qui claque, les violons dissonants, les
idées de génie s'enchaînent sans répit, c'est vraiment une claque
monumentale. Forcément, après un tel démarrage, on ne peut qu'attendre
un disque phénoménal, et on sera donc déçu de n'entendre qu'une copie
correcte du Operation : Mindcrime de Queensrÿche (tout y
fait penser, tant dans le style que dans la construction de ce qui est
de fait aussi un concept album avec visées politiques), sans gros point
faible même si des relents de mièvrerie flottent encore par-ci par-là
(les titres avec piano Broken et Spoken words, on s'en
passerait très bien) et quelques fautes de goût sont encore audibles (la
batterie est globalement pas terrible, mais elle atteint des sommets de
vacuité sur Hope for us ?). Peu de points faibles donc, mais ça
manque tout simplement de titres mémorables, les chansons-fleuves ne
sont pas suffisamment emballantes, et je me rends compte au fil des
albums que j'apprécie de moins en moins le chanteur (faut dire que
j'avais la comparaison avec Geoff Tate en tête et ça ne lui fait pas du
bien). On reste sur la bonne voie donc pour Shadow Gallery, mais bien
que j'y aie cru un instant, le chef-d'oeuvre ne sera pas encore pour
cette fois-ci.
- Shadow Gallery - Legacy (2001) ★ ★ ★
Après un album-concept au format inhabituel pour eux, retour à l'album
prog pur et dur pour Shadow Gallery : 70 bonnes minutes de musique
pour... 6 titres, dont un dernier qui affiche pas moins de 34 minutes au
compteur (ils ont fait une reprise prog d'un mouvement de symphonie de
Mahler ?) ! En fait, c'est une (petite) blague, il ne dure qu'une
vingtaine de minutes, mais il est suivi d'une ghost track qu'il vaut
mieux éviter d'aller écouter si on n'est pas fan de niaiseries au
clavier. Oui, je sais, les ghost track devaient déjà être passées de
mode depuis un certain temps quand ce disque est sorti, mais la
modernité n'a jamais été l'objectif majeur du groupe : claviers datés,
production pas puissante pour deux sous, difficile de croire à l'écoute
que l'album a été enregistré dans les années 2000. Peu importe, il
contient une fois de plus de la bonne musique, notamment dans les deux
titres très développés situés aux extrémités du disque (Cliffhanger
2, qui reprend textuellement l'intro du titre du même nom de
Carved in stone, est vraiment pas mal du tout). Entre les deux,
un enchaînement étrange de deux sortes de ballade, dont un Colors
qui rentre dans la catégorie des chansons de Shadow Gallery que je ne
peux vraiment pas écouter, et deux titres courts, dont la chanson-titre,
sorte de tube heavy mélodique, fort sympathique au demeurant, mais qui
ne semble pas vraiment à sa place ici (bon si, les choeurs restent
typiques du groupe quand même). Bref, j'ai encore une fois un peu de mal
à comprendre la construction de l'ensemble (et à apprécier certaines
pistes...) mais il y a du bon planqué derrière le côté suranné de cette
musique. J'attends quand même encore le disque qui me convaincra
complètement.
- Shadow Gallery - Room V (2005) ★ ★ ★ ½
Après l'intermède Legacy, Shadow Gallery revient terminer la
grande oeuvre démarrée quelques années plus tôt avec Tyranny :
deux nouveaux actes de sept titres chacun, 75 minutes de musique
supplémentaire, on repart comme si de rien n'était à la suite du premier
disque. À tel point d'ailleurs que l'instrumental Manhunt qui
ouvre l'album tambour battant, enchaîné curieusement avec une ballade,
prend par surprise, on a vraiment l'impression de débouler au beau
milieu d'un disque déjà entamé. Une fois remis dans le bain, on a droit
à du Shadow Gallery classique, avec alternance de titres mélancoliques
souvent bien mièvres (Vow ou même Encrypted, très peu pour
moi) et de choses nettement plus animées (The Archer of Ben
Salem), avec une place plus grande que d'habitude laissée aux
nombreux développements instrumentaux. Et ça c'est une fort bonne
nouvelle, car le groupe assure vraiment dans ce domaine malgré quelques
fautes de goût côté claviers (dans la chanson titre notamment). Au point
d'ailleurs qu'un disque purement instrumental de Shadow Gallery aurait
vraiment pu être une tuerie. Mais contentons-nous de ce qu'on a, à
savoir un disque bien ficelé et peut-être un peu plus à mon goût que les
précédents. Non, ce n'est pas encore l'illumination qui ne viendra
jamais pour moi, mais quand même, ça commence à devenir vraiment très
bon.
- Shadow Gallery - Digital ghosts (2009) ★ ★ ½
Fin 2008, le chanteur Mike Baker décède d'une crise cardiaque. Pour une
groupe confidentiel comme celui-ci (musiciens semi-professionnels, pas
de tournées), cet évènement risquait fort de marquer la fin abrupte de
leur discographie. En fait, pas tout à fait, puisqu'ils ont décidé de
sortir dès l'année suivante un sixième album (qui sera par contre
probablement le dernier puisque le groupe, pourtant pas officiellement
dissous, n'a rien publié depuis) avec un nouveau chanteur. J'étais loin
d'être un fan de Baker, mais ça fait bizarre d'entendre un tout autre
type de voix (disons plus terre-à-terre) sur la musique de Shadow
Gallery, ça colle moyennement. Un peu à l'image finalement d'un album
qui semble ne pas trop savoir dans quelle direction partir : on a d'un
côté, et d'assez loin, le son le plus moderne qu'ait jamais eu le
groupe, avec un riffing inhabituellement agressif sur certaines pistes
(Venom en particulier, c'est sombre et grave, sans surprise
j'aime beaucoup cette tentative de renouvellement), et d'un autre côté
une overdose de choeurs (comme s'ils voulaient vraiment souligner que,
même sans Baker, ils continuaient à faire du Shadow Gallery) qui finit
personnellement par vraiment me gâcher le plaisir (sur Strong
entre autres). Dommage dans la mesure où il y a, comme d'habitude
finalement, de très bonnes choses parsemées dans les titres alambiqués
qui constituent cette dernière offrande (notamment With honor et
son étonnante citation de la Rhapsodie espagnole qui fera plaisir aux
fans de Ravel).