Mon avis personnel sur les disques de Rhapsody (et des divers groupes dérivés)
- Rhapsody - Legendary tales (1997) ★ ★ ★ ½
Vous l'attendiez tous avec impatience depuis des mois, il est enfin
temps que je consacre quelques semaines à éplucher la discographie de
Rhapsody (oui, ça prendra du temps, car l'historique du groupe est un
peu compliquée depuis quelques années), mythique groupe de metal
symphonique qui laisse rarement indifférent. Il faut dire que la force
de Rhapsody (ou ses limites, selon le point de vue), c'est le côté
complètement premier degré de leur entreprise, là où beaucoup auraient
joué la carte de la parodie. Ils ont donc mis au goût du jour à la fin
des années 90 (ils seront copiés par une quantité invraisemblable de
groupes ensuite, notamment du côté de la Finlande, même si eux-même sont
italiens) un nouveau genre de metal qu'ils ont eux-même baptisé
"Hollywood metal", ce qui est pour le moins révélateur. Univers fantasy
hyper balisé (les cinq premiers albums du groupe racontent l'histoire du
chevalier de Glace parti tataner les vilains et sauver les princesses,
il vaut mieux ne pas trop faire gaffe aux textes si on ne veut pas être
affligé par la quantité de clichés niais débités au mètre carré),
alternance de titres speed épiques (avec grand renfort de choeurs, de
claviers mais aussi de vrais instruments classiques, violon et flûtes en
tête) et de ballades hyper mielleuses, avec un soupçon de folk par
moments, et des influences qui mêlent musique classique (sur ce premier
album, on a du clavecin, des choeurs bien orffiens, mais aussi une
citation des Danses slaves de Dvorak assez incongrue) et musique de film
(sans surprise, on peut penser par exemple à celle de Conan le
barbare...). Tout ça sent le carton-pâte à plein nez, mais c'est
complètement assumé, et assez irrésistible car les gugusses ont du
talent à revendre. Bon, ce premier essai souffre quand même d'un
équilibre précaire et de compositions parfois très bizarrement
construites (Rage of the winter ou Flames of revenge, ça
fait plus juxtaposition d'idées plus ou moins sympa qu'autre chose), et
surtout de passages vraiment ratés (le break folk de Forest of
unicorns tombe complètement dans la ridicule). Mais ça reste un
premier album assez fascinant, tant tous les éléments constitutifs de
l'univers rhapsodiesque sont présents et dans l'ensemble maîtrisés :
intro monumentale qui débouche sur un titre speed imparable (Warrior
of ice, mais dans le genre speed, Land of immortals et
Lord of the thunder déboîtent bien aussi), instrumental médiéval
en cours de route (Virgin skies), belle utilisation du piano et
du clavecin, et une longue dernière piste narrativo-épique qui deviendra
une marque de fabrique sur les albums suivants, les fans se régaleront
déjà, et les autres détesteront déjà !
- Rhapsody - Symphony of Enchanted Lands (1998) ★ ★ ★ ★ ★
Un an après un premier opus remarqué, Rhapsody enfonce violemment le
clou en proposant l'un des albums incontournables du genre qu'il a
contribué à ressusciter. C'est très simple, on a ici droit à un
Legendary tales puissance mille. Le principe reste le même, une
sorte de BO imaginaire d'un film d'heroic fantasy bien carton-pâte (ici,
le héros part à la recherche des trois clés de la sagesse qui lui
donneront accès à la légendaire épée d'émeraude, aidé en cela d'un fier
dragon auquel il a laissé la vie sauve et qui devient son fidèle allié,
le sauvant plusieurs fois d'une mort certaine avant de succomber
lui-même à ses blessures à la fin de l'épopée, on se demande vraiment
comment ils ont fait pour créer une histoire aussi originale !), dopée
par un orchestre et des choeurs toujours plus présents (la star du
disque est clairement l'orchestre beaucoup plus que le groupe de metal
qui joue avec, c'est d'ailleurs le plus symphonique des cinq disques
constituant la première saga illustrée par Rhapsody). Mais alors que
leur premier album était encore un peu bancal, celui-ci emporte tout sur
son passage, alignant les titres speed épiques imparables avec un
naturel confondant (Emerald sword, Beyond the gates of
infinity), usant des flûtes et du clavecin avec justesse (bon, ok,
la ballade Wings of destiny risque de ne pas passer pour ceux qui
n'aiment pas le supplément de crème), et arrivant même à insérer
bruitages grotesques (pépiements d'oiseaux, cavalcades) et autres
passages narrés (ah, les "mighty warriors" chers à Rhapsody !) sans que
ça ne tombe dans le n'importe quoi (bon, ça reste évidemment très
subjectif comme affirmation, mais l'album dans son ensemble tient
vraiment incroyablement bien la route si on rentre dans le trip, il n'y
a vraiment aucun titre qui sonne faux). Les amateurs de musique baroque
apprécieront (ou pas) The Dark tower of abyss et son côté
"Vivaldi revu à la mode metal", et le motif épique qui conclut la très
longue piste éponyme finale conclut de façon inoubliable un disque que
j'ai du écouter quelques centaines de fois (j'exagère à peine) en 20
ans, sans jamais m'en lasser.
- Rhapsody - Dawn of victory (2000) ★ ★ ★ ★ ½
Après un Symphony of Enchanted Lands qui semblait être une
référence quasiment insurpassable (et qui, de fait, n'a probablement
jamais été surpassée dans ce genre), le troisième album de Rhapsody
pouvait difficilement faire autre chose que décevoir ses fans de plus en
plus nombreux. C'est (un tout petit peu) le cas, mais les italiens ont
été assez malins pour ne pas donner dans la surenchère symphonique,
orientant beaucoup plus nettement leur nouvelle proposition du côté d'un
heavy metal certes encore largement agrémenté de touches symphoniques
(on a toujours droit à quelques touches de clavecins et autres flûtes
aussi), mais beaucoup plus direct, avec des guitares qui reprennent
clairement le dessus sur l'orchestre (il faut dire aussi que le tournant
pris par l'histoire le justifie, on est dans l'épisode médian de la
série, donc comme il se doit celui où le côté obscur semble prendre le
dessus de façon irréversible, et comme d'habitude on a fait dans la
subtilité côté textes, avec mort brutale de moult héros et autres
atrocités). Cette tendance atteint même son paroxysme dans un Holy
thunderforce où le groupe se fait manifestement plaisir, Fabio Lione
forçant même pas mal côté vocal. Le reste du temps, on reste sur une
majorité de titres speed très mélodiques, avec une intro symphonique
spectaculaire mais pas de vraie ballade cette fois-ci (à la place, on a
un Village of dwarves en mode gigue revue à la sauce Rhapsody et
un Trolls in the dark instrumental nettement plus intéressant que
le premier cité à mon sens), et une dernière piste de plus de dix
minutes épico-narrative (même si les interventions parlées sont réduites
au strict minimum sur ce disque). Et le moins qu'on puisse dire, c'est
que Rhapsody maîtrise sacrément bien son sujet, les mélodies sont
imparables, les interventions du choeur font mouche à chaque fois, pas
un seul titre faible dans le lot, c'est de la très belle ouvrage. En
fait, le seul petit défaut de cet album, c'est d'arriver juste après un
chef-d'oeuvre dont il n'arrive pas à égaler le côté magique. C'est
"seulement" un excellent album, qui prend probablement moins de risques,
mais d'une efficacité absolument redoutable.
- Rhapsody - Rain of a thousand flames (2001) pas de note
Une fois n'est pas coutume, je vais dire quelques mots d'un album sorti
sous le format EP (mais pas de note, pour les raisons expliquées
ci-dessous : il n'y a en fait pas assez de Rhapsody là-dedans à juger).
Un EP certes, mais quand même 42 minutes de musique, et un nouvel
épisode de la saga de l'épée d'émeraude (comme le titre peut le laisser
penser, il s'agit ici essentiellement de raconter les massacres
perpétrés par Gros Méchant qui a récupéré l'épée que le gentil s'était
pourtant cassé le cul à chercher pendant tout un CD). Pourtant, le
format se comprend dans la mesure où il y a en fait très peu de contenu
réellement composé par Rhapsody dans le disque, puisque les deux
morceaux de bravoure sont des adaptations d'oeuvres préexistentes. Au
niveau du contenu original pour commencer, on a la chanson-titre qui
nous propose du speed plus brutal qu'à l'accoutumée, pas mal mais ça
force un peu par moments (notamment au niveau du chant), deux titres
instrumentaux très dispensables (un machin folk sans intérêt et un autre
avec du piano sirupeux), et surtout une piste quasiment exclusivement
constituée d'une narration en mode "j'en fais des tonnes" franchement
ridicule (Tears of a dying angel). Pour la première fois, hélas,
Rhapsody tombe dans le piège de l'auto-parodie qu'ils avaient jusque-là
parfaitement su éviter. Les amateurs de classique auront d'ailleurs
probablement le même avis sur la piste finale, The Wizard's last
rhyme, qui reprend le dernier mouvement de la Symphonie du nouveau
monde à la mode Rhapsody, ce n'est pas si mal fichu mais bon, l'intro au
clavier ça ne peut pas éviter un côté nanar. L'autre adaptation (ce ne
sont pas des reprises à proprement parler, le groupe se base entièrement
sur le matériau mélodique d'origine mais en fait une revisite dans son
style si particulier) est plus intéressante, il s'agit de la musique
composée par les Goblins (groupe italien surtout connu pour ses
collaborations avec Dario Argento) pour Phenomena (n'allez
surtout pas regarder le film, Argento dans les années 80 c'est vraiment
pitoyable, par contre la BO qui utilise aussi du Maiden pour les scènes
de meurtres est assez énorme). Le titre, long tout de même de 13
minutes, est vraiment bon, mais on ne peut s'empêcher de penser que
c'est surtout grâce aux qualités de la composition originale, les ajouts
de Rhapsody consistant surtout en adjonctions de parties orchestrales et
chorales bien peu subtiles. Finalement, vous l'aurez compris, voila un
disque qui n'ajoute pas vraiment une ligne essentielle au CV du groupe,
même si ça reste tout à fait sympathique à écouter à la suite des
précédents.
- Rhapsody - Power of the dragonflame (2002) ★ ★ ★ ½
Après un EP un peu trop bouche-trou, voici venir le quatrième véritable
album de Rhapsody, et on est en droit d'attendre un beau feu d'artifice
puisqu'il s'agit tout simplement de la conclusion de la saga de l'épée
d'émeraude ! Dans cet épisode final, à la surprise générale, le héros
triomphe au dernier moment, quand Dark Vador, pardon Dargor, le bras
droit du gros méchant, se rend compte in extremis que le Mal c'est mal
et se retourne contre son boss. Hum, passons donc sur le scenario
toujours aussi recherché, niveau musique ça donne quoi ? Du symphonique
magique façon Symphony of Enchanted Lands ou du heavy ultra
efficace à la Dawn of victory ? Eh bien, le nouveau venu mélange
plus ou moins les deux styles, hélas sans égaler ses deux prédécesseurs.
Il faut bien avouer que, sur cet album, Rhapsody commence à s'essouffler
et ça s'entend, notamment quand Knightrider of doom démarre sur
un riff qui est à peine une variation de celui de Emerald sword.
En fait, tous les titres de l'album sont bons mais sentent un peu le
réchauffé, et les efforts du groupe pour tenter de le cacher à coups
d'innovations hasardeuses ne fonctionnent que rarement : When demons
awake est excellent instrumentalement, mais Lione qui essaye
d'éructer façon metal extrême c'est mauvais; la ballade Lamento
eroico chantée en italien pèse quelques gigatonnes (les choeurs
lyriques...); et les 19 minutes du Gargoyles final ne se
justifient pas du tout, l'intro à la guitare sèche hispanisante est à
côté de la plaque et la deuxième moitié s'éternise en sections inutiles
(un solo technique sans âme, des interruptions de chanteurs lyriques
déplacées, et un petit bout de narration grand-guignolesque), comme
s'ils avaient absolument voulu battre leur record de longueur juste
parce que c'est le disque final de la saga et qu'il faut bien marquer le
coup. Bref, à trop vouloir en faire, le groupe a un peu raté sa sortie.
Et pourtant le disque reste très écoutable, et même au-dessus d'une
grosse proportion de productions du genre. Mais venant d'un groupe qui a
mis aussi vite la barre aussi haut, on est forcément un peu plus
exigeants !
- Rhapsody - Symphony of Enchanted Lands II - The Dark Secret (2006) ★ ★ ★ ★
Après l'achèvement de leur brillante première saga d'heroic fantasy, la
rumeur est allé bon train pour essayer de deviner ce que Rhapsody allait
bien pouvoir trouver comme nouvelle source d'inspiration pour la suite
de leurs aventures. Autant dire que la déception fût grande quand ils
ont décidé... de raconter la suite de la sage de l'épée d'émeraude, avec
un premier épisode qui reprend carrément le titre de leur album le plus
mythique. Euh, attendez deux secondes, comment dit-on "foutage de
gueule" en italien déjà ? Bon, pour compenser, ils ont mis en oeuvre une
débauche de moyens révélatrice du statut acquis en quelques années :
orchestre symphonique et choeur au complet (jusque-là ils n'avaient
jamais disposé de plus que quelques instruments en plus des synthés
d'Alex Staropoli), et même Christopher Lee pour assurer les narrations,
ça a de la gueule. Mais ne serait-ce pas qu'une façon un peu facile
d'amadouer les fans déçus du manque d'ambition du projet ? À l'époque de
sa sortie, en tout cas, j'avais rejeté en bloc ce disque, estimant que
Rhapsody en faisait cent fois trop pour un contenu musical pas à la
hauteur. Je suis en partie revenu sur mon jugement initial. Certes, le
groupe en fait des caisses et ça devient parfois pénible : l'orchestre
et les choeurs bouffent complètement l'espace disponible (en dehors de
quelques solos, les guitares sont quasiment invisibles), les narrations
(l'espèce de voix trafiquée de démon, ouille ouille ouille) et surtout
les bruitages divers (galopade de cheval et autres bruissements de
rivière) sont plus énervants qu'utiles, et les titres les plus longs
manquent de cohésion (l'album dans son ensemble est probablement trop
long avec 72 minutes au compteur, et on a tellement de
citations/allusions à un peu tout et n'importe quoi qu'on a parfois du
mal à y retrouver son latin). Mais malgré tout ça, eh bien, je retombe
immanquablement sous le charme de la musique proposée par les italiens,
qui restent les maîtres pour aligner les titres épiques irrésistibles et
mélanger les influences classiques et les touches orchestrales à leur
speed généreux. Never forgotten heroes, le début de Erian's
mystical rhymes (après la narration !) et une bonne partie de
Sacred powers of raging winds, c'est quand même énorme. Du coup,
je pardonne même un final un peu plat et surtout des ballades très
médiocres (pour le coup, celle en italien, Guardiani del destino,
est la moins moisie des trois). Mais la prochaine fois, les gars, même
si on sait que ça vous démange terriblement, faites un vrai album de
metal et pas une BO de film mal déguisée. Ou alors, à la rigueur, faites
une vraie BO, en supprimant les guitares et le chanteur, et en filmant
quelques scènes tant qu'à faire. Hum, en fait, vu la qualité des clips
produits par Rhapsody à l'époque, c'est sûrement une très très mauvaise
idée...
- Rhapsody of fire - Triumph or agony (2006) ★ ★ ½
Avec ce sixième album commence chez les italiens une assez longue
période de soucis judiciaires (qui sera plus ou moins suivie de
l'éparpillement du groupe en petits morceaux, autant dire qu'il s'agit
vraiment d'un moment charnière marquant pour eux la fin d'une époque
dorée). Rien de trop méchant pour eux pour l'instant, ils ont juste du
modifier quelque peu le nom du groupe pour lui rajouter un appendice
tout de même assez ridicule. Mais ce premier disque de Rhapsody of fire,
donc, est surtout pour moi le premier du groupe à susciter autant de
doute, si ce n'est plus, que d'enthousiasme. On est certes dans la
lignée de l'album précédent, avec un orchestre plus présent que jamais
(il y a encore des guitares saturées en fait ?) mais les quelques
défauts qui pointaient le bout de leur nez sur The Dark Secret se
font ici nettement plus visibles : titres speed qui tournent toujours
sur les mêmes recettes (d'ailleurs peu nombreux cette fois-ci), ballade
en italien bien creuse, plus généralement un abus de chansons mid tempo
qui n'ont vraiment rien à dire (sur The Myth of the holy sword,
Lione en fait des tonnes pour essayer de rattraper le coup mais c'est
franchement voyant), passages pseudo-folk avec ambiance médiévale vus et
revus (Old age of wonders, avec les inévitables flûte et
clavecin, c'est vraiment très cucul la praline), et pour couronner le
tout une piste épique finale (ou presque, il y a une dernière chanson
après), The mystic prophecy of the demonknight, qui enchaîne sur
plus d'un quart d'heure les maladresses (rythmique trop répétitive sur
la partie "classique", puis surtout quelques passages de dialogues façon
"scène de film de fantasy" complètement à côté de la plaque, la volonté
de se rapprocher d'une BO de film pousse vraiment les italiens à faire
complètement n'importe quoi ici), avant une conclusion grandiloquente
avec narration ampoulée qui laisse franchement circonspect sur ce que
pourra donner l'album suivant du groupe. En fait, c'est simple, on a
souvent l'impression d'entendre un groupe de petits jeunes qui admirent
Rhapsody depuis leur plus tendre enfance et qui ont décidé de faire un
disque en les copiant, sans en avoir tout à fait le talent. Et de fait,
venant d'un groupe débutant, ce disque serait un premier jet assez
remarquable, auquel j'aurais mis au-dessus de la moyenne sans hésiter
(car il reste tout de même un savoir-faire et une inspiration mélodique
certains sur une bonne majorité des pistes). Mais venant après cinq
albums quand même très convaincants, on ne peut que constater que
Rhapsody est sur la pente descendante sur ce disque. Allez, la moyenne
quand même, parce qu'on prend quand même du plaisir (un peu coupable,
comme d'habitude) à l'écouter et le réécouter.
- Rhapsody of Fire - The Frozen tears of angels (2010) ★ ★ ★ ½
Comme les italiens sont particulièrement friands d'originalité au niveau
de la construction de leurs albums, la deuxième saga du groupe reprend
exactement la structure de la première pour ce qui est de l'enchaînement
des disques : quatre vrais albums avec un EP apéritif entre les deux
derniers. Et bien sûr, celui-ci qui est le troisième de ce deuxième lot,
est celui où tout va mal. En soi, c'est plutôt une bonne nouvelle, ça
pourrait donner un coup de fouet musical bienvenu après un album assez
mou. Mais en fait de coup de fouet, c'est un gros coup de frein que
Rhapsody va subir à la fin des années 2000. Après avoir du changer de
nom, c'est leur boîte de production qui leur pose des problèmes, au
point d'aller au procès et de rester quatre ans sans sortir de nouveau
disque. Vu la productivité habituelle du groupe, et la quantité de
concurrents prêts à s'engouffrer dans la brèche, quatre ans c'est une
petite éternité. Mais ce silence forcé, et surtout une relative perte de
moyens liée au changement de maison de disque (exit le gros orchestre
symphonique tchèque), seront finalement un mal pour un bien, dans la
mesure où le groupe revient à une formule plus directement centrée sur
le speed metal traditionnel (on entend à nouveau les guitares, on a même
droit à des bouts de solos fréquents, et les claviers aux sonorités
kitsch sont aussi présent que les violons, d'ailleurs tout aussi
synthétiques sur cet album). Et même si on tombe un peu dans la facilité
(les choeurs sur le refrain de Crystal Moonlight, les narrations
de plus en plus dispensables de Christopher Lee, le morceau pseudo-folk
médiévale qui semble devenu indispensable pour le groupe), une majorité
de morceaux sont réussis (Sea of fate, On the way to
Ainor), et l'album contient une improbable tuerie d'un mauvais goût
monstrueux (Reign of terror avec ses choeurs lyriques et son
déchaînement sans retenue de Lione au chant), comme on n'en avait pas
entendues depuis quelques albums de la part de Rhapsody, mine de rien.
Si la chanson-titre finale n'était pas aussi moyenne (non, je ne compte
pas les deux bonus, dont l'un est d'ailleurs un instrumental d'une
laideur sans nom qui n'aurait jamais du être gravé sur disque !), on
tiendrait même une très franche réussite. En l'espèce, c'est déjà
vraiment pas mal, on remonte à un niveau plus conforme aux standards du
groupe.
- Rhapsody of Fire - The Cold embrace of fears (2010) pas de note
Eh oui, Rhapsody nous a refait le coup : pour faire patienter le chaland
entre les deux derniers volumes de sa saga The Dark secret (dont la
sortie ne sera pourtant espacée que d'à peine plus d'un an, alors qu'ils
sortent de quatre années de silence forcé), un petit album
supplémentaire sous forme d'EP, exactement comme pour leur première saga
quelques années plus tôt. Mais autant Rain of a thousand flames
proposait un contenu réellement original par rapport aux albums qui
l'entouraient (pas forcément très convaincant, mais ça c'est une autre
histoire), autant le nouveau venu sent très fort l'attrape-pigeon.
Pourtant, le groupe italien avait promis un truc énorme, une grande
oeuvre symphonique de 35 minutes d'un seul tenant (à peine découpée en
quelques chapitres), on allait voir ce qu'on allait voir (l'EP est
d'ailleurs sous-titré, avec l'habituel manque de tenue de nos copains
italiens, A Dark romantic symphony...). En fait, c'est plutôt "circulez,
y a pas grand chose à voir" (en même temps, quand on connaît Rhapsody,
on sait que les effets d'annonce sont à prendre avec de grosses
pincettes). Il s'agit bel et bien de sept pistes distinctes, dont une
bonne partie de remplissage (dialogues complètement surjoués avec
quelques passages orchestraux qui débitent les clichés les plus éculés
de la musique de film hollywoodienne, même si c'est proprement réalisé),
une ballade en italien qu'ils n'ont pas du oser mettre sur le disque
précédent, et, quand même, un morceau de bravoure avec un titre de 16
minutes (The Ancient fires of Har-Kuun) varié et dans l'ensemble
réussi (celui-ci, pour le coup, il aurait eu sa place sur un "vrai"
album de Rhapsody), mais qui n'a rien de plus symphonique que ce que
propose habituellement le groupe (ok, on a une intro à l'orchestre
synthétique, mais c'est tout). Bref, un contenu pas déshonorant mais
tout de même assez maigre, et surtout l'impression tenace que le disque
a surtout été fait pour forcer ceux qui suivaient encore les déboires du
père Dargor (le héros de la saga en cours, j'ai arrêté de bous bassiner
avec le scenario depuis un ou deux albums, je vous rassure, c'est
toujours aussi cliché) à débourser quelques euros pour ne pas rater
quelques étapes majeures de sa quête (les fameux dialogues font autant
avancer le schmilblick que tout un album traditionnel), et ça c'est tout
de même assez mesquin...
- Rhapsody of Fire - From chaos to eternity (2011) ★ ★ ★ ½
À peine quinze ans après l'avoir entamé, mais surtout à peine plus d'un
an après être revenus aux affaires après leur imbroglio avec leur maison
de disque (avec tout de même un EP et un autre album depuis cette
reprise), les italiens de Rhapsody concluent définitivement la saga
d'heroic fantasy qui les accompagne depuis leurs débuts, et qui aura
marqué l'histoire du genre. Faut-il voir dans cette rapidité (habituelle
pour eux ceci dit) un regain d'inspiration et la volonté de conclure sur
un feu d'artifice cette épopée ? Probablement pas, puisqu'il filtrera
ensuite que les désaccords ayant mené à la rupture des deux principaux
compositeurs du groupe, qui interviendra après cet album, était déjà
latente au moment de sa composition. Les musiciens étaient donc
prosaïquement plutôt pressés de passer à autre chose... Mais, et c'est
tout à leur honneur, ils n'en ont pas profité pour bâcler ce dernier
disque, qui nous propose une musique tout à fait dans la moyenne de
celle de ses prédécesseurs (ce qui pour les premières années de Rhapsody
est tout de même signe d'une qualité très élevée !). Pas de grosses
surprises même si le groupe tente parfois d'innover un peu (Ghosts of
forgotten worlds et son ambiance étrange, titre toutefois trop
décousu, et surtout les choeurs très envahissants de I Belong to the
stars, que je ne suis pas sûr de vraiment aimer), c'est un disque
qui propose un tour d'horizon assez fidèle de ce que Rhapsody sait faire
de mieux, en se concentrant sur l'aspect heavy (l'orchestre est discret,
comme sur le disque précédent), et on a donc droit à un hymne speed
efficace (la chanson-titre qui ouvre le disque, après une intro presque
sobre pour du Rhapsody), un titre néoclassique rigolo (Tempesta di
fuoco), une chanson "dark" vraiment sympa (Aeons of raging
darkness, même si côté vocal ça part un peu dans le décor), et bien
sûr à une piste finale épique de 20 minutes parce quand même on est en
train de finir notre saga, faut bien qu'on batte notre record hein. Mais
ne nous plaignons pas, c'est réussi, et l'idée d'accompagner le passage
narratif d'une sorte de récitatif de guitare surprend (dans le bon sens
du terme). On n'en dira pas autant de l'extrêmement dispensable ballade
en italien Anima perduta, mais on est rassurés : Rhapsody (of
Fire) nous quitte donc sur une bonne note, avant de revenir très
rapidement sous... deux autres formes dont je parlerai bientôt.
- Luca Turilli's Rhapsody - Ascending to infinity (2012) ★ ★ ½
Après avoir bouclé leur deuxième saga, les deux têtes pensantes de
Rhapsody, Luca Turilli le guitariste et Alex Staropoli le claviériste
ont donc décidé de se séparer à l'amiable. Le second cité garde les
rênes de Rhapsody of fire (et conserve en gros tous les membres du
groupe, en premier lieu le chanteur Fabio Lione), tandis que Turilli
s'en va donc fonder... un autre groupe Rhapsody (auquel il colle très
simplement et modestement son patronyme), avec le même logo et même
pendant un temps le même batteur. Les italiens ne peuvent décidément pas
s'empêcher d'être grotesques, mais le bon point (ou pas ?) c'est que ça
nous promet une double dose de Rhapsody pour le même prix. Et c'est sans
surprise le guitariste qui a tiré le premier. Sans surprise car le sieur
Turilli avait déjà pondu auparavant plusieurs albums en solo, qui
proposaient une copie conforme de la musique de Rhapsody, avec quelques
sonorités plus électroniques, mais surtout en beaucoup moins subtil
(j'en vois qui froncent les sourcils, mais je vous assure que c'est
largement possible !) et avec un chanteur médiocre. Bonne nouvelle ici,
il en a embauché un autre plutôt compétent (ça part un peu plus dans
l'aigu qu'avec Lione toutefois, faut aimer). Pour la subtilité par
contre, on repassera. Le disque conserve une structure qui rassurera les
fans (intro orchestrale suivie d'un titre speed, chanson épique de plus
d'un quart d'heure pour conclure l'album), mais débarrassé du carcan
heroic fantasy imposé par les albums de Rhapsody (et qui contribuait
mine de rien à maintenir une certaine unité stylistique), Turilli se
donne le feu vert pour absolument tout et n'importe quoi, sans aucune
retenue : orchestrations bien lourdes évidemment, des touches
néoclassiques sans surprise, mais aussi quelques inspirations orientales
qui déboulent comme un cheveu sur la soupe, des apparitions incongrues
de chanteurs lyriques, des sons électroniques, et des moments
complètement pop. Le tout pouvant cohabiter au sein d'un même titre, ça
devient donc très rapidement bancal (Excalibur par exemple a une
construction absolument incompréhensible). Mais si on dénombre une
certaine quantité de gros ratages (la voix de l'introduction façon
bande-annonce hollywoodienne est risible, la reprise de pop italienne
Luna est d'une terrible médiocrité, et le long titre final est
tellement confus qu'on s'en lasse avant d'en avoir atteint la fin), ça
reste souvent suffisamment bien fichu (surtout point de vue mélodique)
pour qu'on prenne un plaisir quand même assez clairement coupable à
écouter le tout. Parmi les vraies réussites, la chanson-titre efficace
et un Dante's inferno vraiment bon. Parmi les trucs que je ne
peux pas défendre mais que je réécoute quand même en cachette,
l'inénarrable Tormento e passione, duo lyrique avec intro de
piano qui vire à la pop sans crier gare, c'est absolument énorme de
mauvais goût ! Ce qui est sûr, c'est que ceux qui ne supportaient déjà
pas le Rhapsody des débuts ne risquent pas se réconcilier avec le groupe
en écoutant ce genre de disque.
- Rhapsody of fire - Dark wings of steel (2013) ★ ★
Quelques moins après le disque de son ex-confrère Luca Turilli, c'est
donc au tour d'Alex Staropoli (toujours accompagné du reste de la bande,
et notamment de Fabio Lione au chant) de sortir son album estampillé
Rhapsody. Lui aussi reste d'une certaine manière fidèle à l'ADN du
groupe, mais les deux albums reflètent tout de même énormément la
personnalité des deux musiciens : là où Turilli en faisait des tonnes
niveau orchestrations et visait manifestement à créer le disque le plus
spectaculaire possible, Staropoli joue nettement plus sur la sobriété,
puisant dans les racines les plus heavy du groupe pour proposer une
suite de titres assez homogène, la plupart du temps mid tempo, avec bien
sûr une grosse base mélodique, et la présence inévitable de quelques
choeurs et touches orchestrales. Et là où son pote pêchait par excès de
zèle, c'est sûrement un excès de prudence (matérialisé entre autres par
l'abandon complet de la grosse piste épique en fin d'album) qui pourra
être reproché au claviériste, qui rend une copie certes propre mais trop
gentillette, qui manque justement de la flamme débordante des
compositions de Turilli. On démarre pourtant bien avec un Rising from
tragic flames efficace (comme le sera d'ailleurs un peu plus loin la
chanson titre, les deux titres sont d'ailleurs les plus rapides du
disque), mais assez rapidement on s'enlise dans des compositions certes
travaillées, mais trop scolaires, peinant à vraiment décoller (surtout
sur les titres lents, la ballade My Sacrifice est terriblement
laborieuse et s'étire sur plus de 8 minutes). Les orchestrations sont
discrètes, les choeurs manquent de puissance, et les tentatives de créer
des choses un peu inattendues niveau synthés (notamment un peu de saxo
sur les dernières pistes) ne convainc pas totalement. Sans être vraiment
mauvais, l'album ne peut que décevoir au regard du reste de la
discographie du groupe, n'arrivant pas vraiment à la cheville du moindre
album de la grande époque de Rhapsody. À tout prendre, je préfère encore
le délire de Turilli à la tiédeur de Staropoli, mais aucun des deux n'a
vraiment réussi à reprendre le flambeau Rhapsody de manière à le laisser
brûler au sommet de la hiérarchie du speed symphonique.
- Luca Turilli's Rhapsody - Prometheus - Symphonia ignis divinus (2015) ★
Avec son premier album sous la bannière de "son" Rhapsody, Luca Turilli
avait produit un disque pas inintéressant mais vraiment trop boursouflé
pour être totalement convaincant. Avec le suivant... eh ben c'est la
même chose en cent fois pire. Toute notion de mesure ou de sobriété a
définitivement disparu de l'univers musical du guitariste italien, qui
annonce d'ailleurs tout à fait sérieusement la couleur en prétendant un
changement de style : il ne fait plus du "Hollywood metal" (ce qui était
déjà assez révélateur) mais du "cinematic metal"). Sans compter bien sûr
le titre et la pochette qui augurent du pire. Le pire, on l'a
effectivement assez souvent dans ces compositions tellement noyées sous
les choeurs et l'orchestre que le côté metal en devient à peine
perceptible, et qui n'hésitent pas à tenter des mélanges pour le moins
douteux : chant grégorien-techno-speed héroïque sur Rosenkranz,
choucroute égypto-symphonique sur l'hilarant King Solomon and the 72
names of god (à côté, Ketelbey fait de la musique orientalisante
tout à fait sérieuse), et comme summum une adaptation du 19ème nocturne
de Chopin avec duo lyrique (la qualité de l'original suffit à sauver le
morceau du naufrage total, mais le simple fait que personne n'ait
empêché Turilli de mettre un tel truc sur son disque montre bien qu'il
n'y a plus personne à ses côtés pour freiner ses délires). Bien sûr, il
reste quelques belles mélodies et un certain savoir-faire, mais
l'ensemble est tellement incohérent qu'on ne peut plus adhérer, même à
moitié comme pour le disque précédent (celui-ci sera d'ailleurs le
dernier de cette formation, mais on recroisera toutefois Turilli dans
ces chroniques). Quand on compare au kitsch naïf et sincère des premiers
albums de Rhapsody, ça fait mal.
- Rhapsody of fire - Into the legend (2016) ★ ★ ★
Pendant que son compère Turilli se vautre dans le n'importe quoi, Alex
Staropoli continue d'essayer de faire survivre le Rhapsody "historique"
en restant plus fidèle aux fondamentaux du groupe. Et si la copie
précédente était un peu trop sage, celle-ci est déjà beaucoup plus
convaincante. On retrouve ici une musique beaucoup plus symphonique (on
a même droit pour la première fois depuis un petit moment chez Rhapsody
à de vrais instruments classiques), des choeurs présents, et une grosse
piste épique finale qui dépasse joyeusement le quart d'heure (même si
elle est trop morcelée pour être totalement convaincante, il y a de
bonnes idées, notamment le passage à la guitare acoustique typé
flamenco). Bref, du Rhapsody pur jus, avec ses hymnes épiques attendus
(Distant sky enchaîné après l'intro symphonique comme au bon
vieux temps), sa ballade ultra crémeuse (Shining star, dont
l'absence ne m'aurait pour le coup pas du tout gêné), et les tentatives
folk ici matérialisées par des sortes de cornemuses plutôt sympathiques.
Et puis, on a de vraies pistes ambitieuses qui atteignent plutôt bien
leur objectif, comme ce Winter's rain avec ses choeurs assez
inspirés. Bref, sans atteindre au chef-d'oeuvre (on reste loin des plus
grands disques du groupe, ça manque d'une ou deux pistes vraiment
mémorables), on passe un bon moment avec un groupe qui semble simplement
avoir à nouveau pris du plaisir à composer et à jouer, sans trop se
soucier du poids du passé.
- Rhapsody of Fire - The Eighth mountain (2019) ★ ★ ★ ★
Ce qui est bien avec nos copains italiens, c'est que même quand leur
musique commence à ronronner, on peut toujours se rattraper avec
l'agitation en coulisses : après un Into the legend pourtant
encourageant, le chanteur Fabio Lione a décidé de se barrer du groupe
pour aller rejoindre Angra, et le batteur a disparu aussi. Autant
dire que Staropoli s'est vraiment retrouvé tout seul aux commandes du
groupe. Le temps de tirer sa révérence ? Pensez-vous ! On recrute un
nouveau chanteur ayant fait ses classes sur The Voice (mais si...), et
on repart ! Le premier projet de cette nouvelle formule du groupe, une
reprise à l'identique des plus grands tubes historiques de Rhapsody,
laissait craindre le pire (on sentait qu'ils voulaient juste se rassurer
eux-même avec un album n'ayant strictement aucun intérêt), autant dire
que la grande réussite de cette "huitième montagne" est une excellente
surprise ! Rhapsody a un peu modernisé son approche (son plus dense et
un côté plus énergique que réellement speed dans le très bon Seven
heroic deeds), tout en conservant des marqueurs clairs de l'identité
du groupe (des titres vraiment classiquement speed comme Master of
peace ou Clash of times, mais aussi les ballades pas
franchement emballantes...), mais propose surtout des titres ambitieux
vraiment très réussis, comme The courage to forgive ou March
against the tyrant. Au rayon des petits nouveaux, le chanteur
Giacomo Volli est en fait très bon, par contre la batterie prend
vraiment trop de place (surtout quand c'est de la double en continu
comme sur les quasiment tous les titres rapides), c'est même le
principal point noir du disque avec les ballades foirées. Mais
indiscutablement, le groupe a retrouvé un niveau qu'il n'avait pas
atteint depuis bien longtemps, et ça fait plaisir ! Même Christopher
Lee, qui fait une apparition d'outre-tombe à la fin de la piste épique
qui conclut le disque (censé être le début d'une nouvelle saga, d'où le
clin d'oeil) sera sûrement d'accord.
- Turilli/Lione Rhapsody - Zero Gravity (Rebirth and Evolution) (2019) ★ ★
Quoi, encore un nouveau groupe, avec un nom encore plus grotesque que
tous les autres réunis, dans la galaxie Rhapsody ? Eh ben oui. En 2017,
pour fêter les 20 ans d'existence du groupe, les musiciens d'origine ont
décidé de faire une grande tournée anniversaire. Ou plutôt, uniquement
les musiciens ayant quitté le navire en cours de route, puisque tout le
monde est là sauf Staropoli qui continue toujours à essayer de faire
vivre le Rhapsody historique dans son coin. Une curieuse conception de
la fête, mais ils pousseront le bouchon un peu plus loin ensuite en
décidant d'enregistrer un nouvel album ensemble (alors même qu'un an
plus tôt Turilli jurait qu'il abandonnait définitivement le metal), et
de le faire sous la bannière Rhapsody (avec toutefois un sous-titre qui
laisse clairement entendre qu'ils n'assument pas complètement). Tout ça
ne donne guère envie d'apprécier l'album, mais essayons de le juger d'un
point de vue strictement musical. C'est simple, on est dans la droite
lignée des précédents efforts de Turilli : zéro gravité peut-être, mais
surtout zéro discernement et zéro subtilité, on fait beaucoup de bruit
et on mélange tout et n'importe quoi, avec choeurs et orchestre
obligatoires sur chaque piste. Au rayon des incongruités cette fois-ci,
des bouts de Queen repompés à l'identique et des citations de
l'Otello de Verdi sur la piste finale. Pour le reste, l'univers Rhapsody
est maintenant assez lointain, on est clairement dans une ambiance SF
futuriste, avec grand renforts de sons électroniques (dès fois que tout
le reste ne suffirait pas à saturer les oreilles de l'auditeur). C'est
parfois franchement nul (la ballade Anima immortale où Lione
force de façon ridicule au chant, le gloubi-boulga I am et son
saxo complètement perdu), souvent gentiment divertissant malgré tout
(Phoenix rising ou le bon duo Origins/Multidimensional).
Nul doute que Turilli pourra à nouveau composer de vrais bons albums le
jour où son melon aura un peu dégonflé...
- Rhapsody of Fire - Glory for salvation (2021) ★
Eh ben voilà, on en arrive au bout, de cette discographie à rallonge du
meilleur groupe de metal italien de l'histoire (y a-t-il énormément de
concurrents sérieux d'ailleurs ?) ! Les disques précédents l'ont
clairement fait comprendre, c'est bel et bien Staropoli avec son line-up
entièrement refondu qui détient vraiment les clés pour continuer
l'aventure en restant fidèle à l'esprit du Rhapsody originel. Mais si
The Eighth mountain avait laissé espérer que Rhapsody puisse même
retrouver la superbe de ses débuts, il faut bien avouer qu'on déchante
très vite cette fois-ci. Les ingrédients sont là, l'esprit aussi, mais
ce qui manque cruellement, c'est tout simplement l'inspiration. Les
titres bateaux et poussifs, avec refrain choral nunuche de rigueur,
s'enchaînent les uns aux autres sans qu'aucun ne retienne véritablement
l'attention. Pourtant, Son of vengeance lançait les hostilités de
façon tout à fait correcte, mais ensuite on s'enlise pour ne plus jamais
revoir le jour, la seule autre piste convaincante étant (heureusement)
la plus ambitieuse, Abyss of pain II (le titre ridicule étant du
au fait que le groupe a "développé" sur plus de dix minutes l'intro de
40 secondes de l'album précédent, un concept surprenant). On navigue
même pas loin du fond avec un Terial the Hawk dont les teintes
folk sont à la limite de la musique d'ambiance Disneyland, ou un
Magic signs très pop qui a droit à pas moins de trois versions
différentes en comptant les bonus du CD (une en italien, une en
espagnol, ils auraient pu au moins mettre du mandarin ou du tamoul pour
donner plus d'intérêt à la chose). Bon, du coup, on est bien obligés
d'espérer que le groupe ne s'arrêtera pas là, ce serait dommage de
partir sur une note pareille.