Mon avis personnel sur les disques de Nightwish
- Nightwish - Angels fall first (1997) ★ ★
Autant prévenir tout de suite, concernant Nightwish, je risque de ne pas
être très objectif, car le groupe a été ma principale porte d'entrée
dans le monde du metal dans la mesure où ses premiers albums faisaient
partie des musiques les plus diffusées dans la mythique K-Fêt de l'ENS
quand j'y était étudiant (ça devait passer presque aussi souvent que
Renaud ou les Fatals Picards, c'est dire !). Qui plus est, j'étais une
cible idéale pour ce groupe qui fût l'un des premiers à introduire dans
le metal un élément très mélodique "classicisant" et surtout une
chanteuse "lyrique" (pas besoin ici de détailler pourquoi j'ai mis des
guillemets, laissons le metalleux de base continuer à croire qu'à
l'opéra tout le monde chante comme Tarja Turunen) qui lancera la mode du
metal à chanteuse. Près de 20 ans ont passé, et j'aime toujours autant
Nightwish, mais je n'avais jamais écouté leur tout premier album, qui
n'en est d'ailleurs pas vraiment un puisqu'il s'agit en fait d'une démo
commercialisée à l'arrache. Autant le dire tout de suite, ça s'entend :
compositions pas toujours bien construites, grande hétérogénéité, et les
moments qui annoncent déjà les succès futurs sont difficiles à juger
pour leurs qualités propres dans la mesure où certaines lignes
mélodiques semblent avoir carrément été réutilisées plus tard (le
refrain de Tutankhamen par exemple). Pourtant, il y a déjà
indiscutablement de belles réussites, notamment le Elvenpath
introductif (qu'on croirait vraiment déplacé d'un album ultérieur !) ou
la chanson-titre, sorte de ballade où la flûte joue un rôle sympathique.
Quasiment que des titres lents par contre, et ça se termine sur une
espèce de suite en quatre parties aux influences folklorisantes qui a de
quoi laisser franchement circonspect (dans la deuxième partie, les
claviers kitschouilles font horriblement penser à du Jean-Michel
Jarre...). Mais surtout, il y a quand même un énorme défaut à ce premier
essai qui suffit à le plomber irrémédiablement : le compositeur Tuomas
Holopainen chante sur quelques pistes, et c'est atroce (mou, moche et
faux, la totale). Heureusement, ce sera la dernière fois qu'il le fera
sur les disques de son groupe...
- Nightwish - Oceanborn (1998) ★ ★ ★ ★ ★
J'avais prévenu, concernant Nightwish, je ne serai pas très objectif. Ce
deuxième album est une sorte d'album doudou pour moi, la note maximale
est quasi obligatoire malgré les défauts plus qu'évidents à la réécoute.
Mais commençons par les bons points : après un premier disque hésitant,
le groupe a effectué des progrès fulgurants en un an, et la recette est
désormais parfaitement au point et brillamment exécutée. Synthés
virevoltants, tempi allants, mélodies accrocheuses à défaut d'être
subtiles, et bien sûr la voix inimitable de Tarja pour emmener le tout,
si on aime le genre, c'est irrésistible, et on le sait dès les premiers
accords du tubesque Stargazers (rien que pour cette piste, je
peux mettre l'album en boucle). Alors bien sûr, on est parfois (même
pour moi !) franchement loin dans le mauvais goût, que ce soit dans les
influences orientalisantes dispensables, les pistes plus calmes qui
tombent dans un mielleux vraiment écoeurant (Swanheart), ou les
"hey" franchement ridicules qui ponctuent le sautillant instrumental
Moondance, mais c'est pas grave, ça fait partie du show et on en
redemande quand même. Même le fait que l'"orchestre" (car il y en a des
instruments convoqués, de la harpe au clavecin en passant par les
flûtes, au point que les guitares paraissent parfois presque
décoratives) soit matérialisé par des claviers qui sonnent franchement
kitsch parait naturel et bienvenu dans un album de Nightwish. Un
incontournable du genre !
- Nightwish - Wishmaster (2000) ★ ★ ★ ★ ★
Après l'explosion médiatique du groupe à la sortie d'Oceanborn,
l'attente était forcément très forte concernant leur disque suivant.
Allaient-ils réussir à se renouveler, ou faire un petit frère forcément
moins inspiré à leur album référence ? Eh bien, en fait, ni l'un ni
l'autre. Le renouvellement, il est extrêmement minime, Holopainen
continuant à composer dans le même style ultra mélodique et alternant
épique et mielleux, allant même jusqu'à renforcer encore les points
forts de l'album précédent : les quelques pistes où une voix masculine
intervenait sur Oceanborn ont ici disparu (on entend juste un gars
parler sur The Kinslayer et c'est tout), et les tempi sont
quasiment tout le temps trépidants. D'ailleurs, le titre d'ouverture
She is my sin est structurellement un copier-coller du
Stargazers qui ouvrait le disque précédent. Mais là où c'est très
fort, c'est que l'album n'a absolument pas à rougir face à son
prédécesseur, réussissant même l'exploit d'être probablement encore plus
réussi, enchaînant les tubes irrésistibles quasiment sans interruption
(si je devais en sacrifier un, ce serait probablement Dead boy's
poem et ses passages parlés), avec des sommets qui en ce qui me
concerne fonctionnent toujours aussi bien à la centième écoute (She
is my sin, la mélodie inoubliable de Come cover me,
l'incontournable chanson titre, les sonorités aquatiques de Deep
silent complete ou le clavecin trépidant de Fantasmic). Bien
sûr, les claviers sont toujours kitsch (même s'ils laissent plus de
place aux guitares que sur l'opus précédent) et la musique proposée peut
être qualifiée de simpliste, mais quelle importance quand ça emporte
tout sur son passage ?
- Nightwish - Century child (2002) ★ ½
Après deux monumentales tueries, c'est le début des changements pour
Nightwish. Pour l'instant, il ne s'agit "que" du bassiste, mais l'album
apporte quand même son lot de nouveautés nettement audibles : un son
beaucoup plus agressif et métallique (les guitares sont accordées plus
bas, et ça s'entend vraiment, comme si le groupe voulait se défaire du
côté très brillant un peu kitsch qui le caractérisait jusque-là), un
chant plus posé chez Tarja (les envolées lyriques se font rares), et
surtout le retour de la voix masculine, puisque le nouveau bassiste
donne de la voix sur plusieurs titres, mais pas très bien hélas (sur le
violent Slaying the dreamer, c'est même franchement moche), sauf
sur la reprise de The Phantom of the opera où le duo fonctionne
vraiment bien. Ce serait déjà une raison suffisante pour moi pour mettre
le disque un bon cran en-dessous de ses prédécesseurs, mais ce n'est pas
tout : l'inspiration au niveau des compositions en recul, on cherche en
vain les tubes irrésistibles de Wishmaster, et même simplement
les chansons qui déménagent (le tempo a globalement nettement ralenti).
De bons moments quand même avec un début d'album réussi (Bless the
child fonctionne bien, End of all hope est le seul titre qui
rappelle vraiment le style nightwishien classique), mais aussi de vrais
ratages (la ballade Forever yours qui a d'horribles relents de
My heart will go on...) et une longue Beauty of the beast
conclusive qui s'étale sans que la sauce ne prenne réellement. C'est
vraiment trop peu, l'album est souvent considéré comme le vilain petit
canard de l'époque Tarja, et il faut bien l'avouer, c'est mérité.
- Nightwish - Once (2003) ★ ★ ★ ★ ½
Après un album de transition peu convaincant, Nightwish est de retour en
pleine possession de ses moyens, et même peut-être un peu plus ! En
effet, si on retrouve le son plus métallique des guitares et le chant du
bassiste déjà présents sur Century Child (ceci dit, le chant
masculin est nettement mieux intégré ici !), on a surtout droit cette
fois à un orchestre symphonique tonitruant (il y avait déjà un orchestre
sur l'album précédent, mais beaucoup moins présent) pour un feu
d'artifice qui sent bon le carton-pâte hollywoodien. Ceux qui sont
allergiques à la guimauve s'enfuiront après les premières notes d'un
Dark chest of wonders qui met choeurs et orchestre très en avant,
tout en retrouvant le tempo rapide et les mélodies irrésistibles qui
rendent Nightwish incontournable pour les amateurs. Clairement, j'en
suis ! Même l'inattendue piste suivante, Wish I had an angel,
avec sa rythmique à la Rammstein et son mélange réussi entre voix
masculine et féminine, est une vraie tuerie. Ensuite, le côté musique de
film devient franchement assumé, Tuomas Holopainen n'a jamais caché son
admiration pour Hans Zimmer et compagnie (heureusement, il compose un
peu mieux) mais c'est le premier album où ça s'entend aussi clairement,
notamment dans un Ghost love score qui ne dépareillerait pas en
BO d'un Pirates des caraïbes. On a aussi droit à un titre "indianisant"
sur Creek Mary's blood, à mon goût un peu moins convaincante, et
à des mélismes orientalisants ultra clichés sur The Siren
(j'avoue que ça j'aime plutôt). Toujours à la frontière extrême du
mauvais goût, le groupe réussit à remonter brillamment la pente avec cet
album enthousiasmant, même s'il est un peu trop décousu et a un peu trop
de moments plus faibles (curieusement, les chansons plus metal comme
Dead gardens ou Romanticide sont un peu plates, par contre
Planet hell et ses choeurs est absolument monstrueux) pour être
tout à fait au niveau des premiers chefs-d'oeuvre du groupe.
- Nightwish - Dark Passion Play (2007) ★ ★ ★
Après le déchaînement pyrotechnique de Once, gros psychodrame
chez Nightwish qui s'est séparé avec fracas de son emblématique
chanteuse Tarja Turunen. Faut-il craindre le pire du premier album après
cette rupture ? Très honnêtement, au premier abord, la nouvelle
chanteuse choisie, Anette Olzon, ne convainc pas franchement : jolie
voix certes, mais qui est à mille lieux de la profondeur que Tarja
pouvait apporter aux compos du groupe (on l'imagine très mal tenir la
route sur un album comme Wishmaster), et qui pousse un peu plus
le groupe sur la pente très glissante menant à une sorte de pop-metal à
minette qui a essaimé ... suite au succès des premiers albums de
Nightwish justement ! Et de fait, on ne peut pas nier que ce disque
tombe un peu trop souvent dans la facilité, les singles Amaranth
et Eva ou le peu inspiré For the heart I once had sonnent
vraiment cheap avec cette chanteuse (pas sûr que c'eût été beaucoup
mieux avec une autre ceci dit). Mais rien de catastrophique malgré tout,
la grande partie de l'album (bien long, on est à 75 minutes de musique)
reprenant avec une certaine efficacité les mêmes recettes que le
précédent : orchestre ultra présent, jusqu'à ce qu'on se demande par
moments où sont passées les guitares, grande fresque cinématographique
(The Poet and the pendulum, en ouverture de l'album, qui frise le
mauvais goût sur les passages choeurs+violoncelles bien mielleux, mais
est quand même bien entraînant), quelques tentatives pour renouveler le
style du groupe (Master passion greed très orientée metal
agressif, The Islander ballade acoustique aux accents
folkloriques), et une inspiration mélodique qui suffit à faire passer le
temps très agréablement (7 days to the wolves fonctionne très
bien par exemple). Attention tout de même à ne pas trop abuser des idées
douteuses (la fin du Meadows of heaven qui clôt le disque est,
euh, spéciale) et à retrouver une qualité plus constante si le groupe ne
veut pas tomber dans l'auto-caricature la prochaine fois.
- Nightwish - Imaginaerum (2011) ★ ★ ★ ½
Quelque part, il fallait s'y attendre : à force de composer une musique
qui se rapprochait de plus en plus d'une bando originale de film
imaginaire, les finlandais de Nightwish ont franchi le pas et créé en
parallèle un album et un film. Si j'ai bien compris, l'album n'est pas
exactement la BO du film (dont je n'ai fait que regarder quelques
extraits par curiosité, ça n'a pas l'air extraordinaire), mais ça s'en
rapproche quand même, on a même droit à un deuxième CD reprenant toutes
les pistes en mode instrumental, parfait pour une musique de fond
agréable. Au niveau du style, on pouvait s'attendre à retrouver du "Hans
Zimmer bis", mais c'est un poil plus compliqué que ça, puisque Tuomas
Holopainen, qui est un copieur manifestement très doué, nous pond
également du Elfman (l'introduction Taikatalvi et une bonne
partie de Scaretale) et du Morricone (sur Turn loose),
avec à chaque fois un talent assez bluffant (j'ai vraiment vérifié s'ils
n'avaient pas invité Danny Elfman à leur écrire le titre d'ouverture !).
On a aussi droit à quelques titres beaucoup plus classiquement
nightwishiens avec des refrains un peu faciles mais rudement efficaces
(Story time, Ghost river, le très épique Last ride of
the day), mais (hélas) également à du moins inspiré qui ne survit
que grâce à ses effets orchestraux et se rapproche dangereusement de la
mauvaise chanson Disney (The Crow, the owl and the dove), et à
des tentatives de renouvellement pas forcément de mon goût (la très
jazzy Slow, love, slow). Ah, et puis la récitation de poèmes
interminable de Song of myself plombe complètement le titre,
heureusement suivi d'une piste-titre qui récapitule le tout à
l'orchestre (ça reprend juste les principaux, en soi ça n'a rien de
transcendant). Au final, un disque qui s'écoute tout seul, même si on
oublierait facilement qu'on est censés être en train d'écouter un album
composé pour un groupe de metal, les guitares jouant à peine plus que le
rôle d'un instrument de l'orchestre comme un autre. Un bon point quand
même, la chanteuse s'intègre très bien dans ce type de musique...
- Nightwish - Endless forms most beautiful (2016) ★ ★ ½
Quelques années ont passé depuis l'album précédent, et Nightwish a de
nouveau bien évolué, avec notamment un nouveau changement de chanteuse
(la deuxième n'aura donc duré que deux albums), mais aussi le
recrutement en tant que membre permanent d'un joueur de flûtes, ce qui
pousse le groupe à se diriger un peu plus vers des titres d'inspiration
folklorique qui ne sont pas vraiment parmi les plus inspirés du disque
(My Walden, Edema ruh). D'autant plus dommage que la
nouvelle venue a un chant nettement puis puissant que la précédente et
aurait bien mérité un ou deux titres qui lui permettent d'envoyer un peu
plus, là elle est vraiment sous-exploitée dans la mesure où les autres
pistes continuent à miser énormément sur les effets orchestraux et les
mélodies un peu faciles. Pourtant, le Shudder before the
beautiful initial, bien épique, laissait présager autre chose que le
recyclage assez paresseux auquel on a droit la majorité du temps. Rien
de très mauvais non plus, mais on a vraiment l'impression que Nightwish
peine à se renouveler, et que la qualité est quand même sur la pente
descendante. Il n'y avait en tout pas vraiment de quoi remplir le CD
jusqu'à 78 minutes, en infligeant une piste finale de 24 minutes qui
cumule les maladresses : longue intro au piano très répétitive, passages
dans une espèce de parlé chanté très spécial, même une citation de Bach
complètement incongrue, et surtout les dernières minutes qui achèvent le
disque sur un discours édifiant pseudo-écolo franchement lourdingue.
Bref, ça reste correct, mais on s'éloigne de plus en plus des bons
albums du groupe.
- Nightwish : Human :||: Nature (2020) ★
Holopainen nous avait fait le coup de la BO de film avec
Imaginaerum avant de revenir à un album plus classique, il n'est
pas très surprenant qu'il se livre à nouveau à des expériences bizarres
et s'éloignant beaucoup du metal sur cette dernière livraison. Ici, on a
carrément un double album (ça y est, on a dépassé les 80 minutes de
musique) dont la seconde moitié n'est rien d'autre qu'une espèce de
longue ode à la nature (oui, l'écologie bon teint prend de plus en plus
de place dans les thématiques du groupe) purement symphonique. Eh oui,
carrément, plus l'ombre d'une guitare, et à peine quelques "oh oh oh" de
la chanteuse, au point qu'on se demande franchement ce que ça fout
publié sous l'étiquette Nightwish. Sans surprise par ailleurs, ce n'est
pas une idée géniale : alternance de longs passages contemplatifs sans
intérêt et de quelques moments plus animés largement pompés sur Hans
Zimmer (pomper un spécialiste du plagiat, c'est un peu douloureux quand
même) en moins bien (on n'a pas l'accroche qu'il y avait quand le groupe
dans son ensemble faisait du Zimmer avec guitares et chant), ça s'écoute
d'une oreille distraite mais n'importe quelle BO de film hollywoodien
récent pas trop bâclée est aussi intéressante.
Reste donc à voir ce que donnent les 40 premières minutes plus
"normales" de l'album. Eh ben malheureusement c'est pas folichon, on
sent un groupe très fatigué (la seule chanson où le bassiste Marco
Hietala chante, Endlessness, on a l'impression qu'on l'a forcé
tellement c'est poussif, on comprend qu'il se soit depuis mis en
retrait), qui au mieux tourne en rond (Pan est sauvable par
exemple, et le passage lyrique à la fin de Shoemaker inattendu et
bienvenu), au pire pique des idées ailleurs (franchement, le thème de
Noise repris de Game of Thrones, et réutilisé en plus à la
fin de Harvest, si on veut faire une référence on l'assume au
lieu de prétendre que c'est "pas fait exprès"), ou évolue toujours plus
vers un côté folk franchement pénible (le joueur de flûte chante aussi,
et sur Harvest notamment, on a très fort envie de lui filer des
baffes pour qu'il arrête). Bref, ça bouge un peu, mais pas dans le bon
sens, et en comparaison avec le reste de la discographie du groupe, je
suis obligé d'être bien sévère avec cet album de trop.