Mon avis personnel sur les disques de Napalm Death
- Napalm Death - Scum (1987) ★
Au fil de mes explorations variées dans le petit monde du metal, j'ai
fini par me familiariser avec les plus extrêmes des sous-genres ayant
essaimé lors des dernières décennies. Il est donc logiquement temps pour
moi de tenter le pire du pire : le grindcore, style caractérisé par un
son abominable et des chansons ultra courtes où on ne comprend
strictement rien aux éructations du "chanteur", souvent dominées par une
batterie en mode blast-beat bordélique. Le genre s'est développé au
Royaume-Uni au début des années 80, et Napalm Death en est un des
principaux précurseurs. En tout cas, ce Scum est un des albums cultes
ayant contribué à sa popularisation. 28 pistes pour 33 minutes de
musique, y a pas de doute, on ne s'est pas trompé d'adresse, la palme
revenant à You suffer qui dure littéralement une seconde. On est
plus ici dans la posture artistique que dans la tentative de création
musicale, mais en fait, malgré sa très courte durée, l'album est séparé
en deux moitiés bien distinctes (et d'ailleurs enregistrées par des
line-up différents). Autant la seconde, uniquement constituée de titres
courts hurlés extrêmement laids, n'a strictement aucun intérêt, autant
la première contient curieusement quelques titres plus classiques qui ne
sont pas désagréables (Scum, Siege of power). Certes le
son est ignoble, mais il y a de vrais riffs (je n'irai pas jusqu'à dire
qu'ils sont mélodiques, mais pas si loin), et le chant primaire associé
à la rapidité d'exécution donnent à ces moments un caractère d'urgence
qui montre qu'il y avait de quoi faire quelque chose de bon sur cette
base. Pas de chance, c'est plutôt la piste inaudible qui sera creusée
par le groupe dans ses albums suivants (au moins dans un premier temps,
car il y a dans leur discographie des trucs pas si affreux, je
reviendrai sûrement sur d'autres disques un peu plus tardifs).
- Napalm Death - Fear, emptiness, despair (1994) ★ ★ ½
Après avoir lancé un gros pavé dans la mare avec un Scum qui
posait les bases douteuses du grincore, assez curieusement, Napalm Death
a relativement rapidement évolué vers des choses beaucoup plus audibles
et même assez intéressantes ! J'ai quand même sauté en passant un
deuxième album encore pire que le premier, un troisième où nos compères
sont allés enregistrer un album de death lambda aux Etats-Unis sans
intérêt particulier, et un quatrième où un lineup d'une assez
remarquable stabilité s'est mis en place (presque aucun changement
pendant une vingtaine d'années, c'est assez rare pour mériter d'être
souligné) pour commencer à explorer vraiment dez horizons personnels. Et
sur ce cinquième disque où je reprends donc mon aventure avec eux,
Napalm Death propose vraiment quelque chose de personnel et qui n'a plus
grand chose à voir avec le grind. Pas de blast-beat à tout va, de bordel
total au niveau des guitares, de son inaudible ou de pistes de moins de
dix secondes, on reste certes dans du très brutal (avec un chanteur qui
grogne de façon bien extrême), mais c'est assez posé niveau tempo et
c'est finalement le son incroyablement massif et grave des guitares qui
assure le côté extrême du disque (et c'est très réussi). Des sonorités
industrielles et un riffing assez hypnotique basé sur les répétitions
ajoutent encore au côté "fin du monde pas cool" de l'ensemble, et au
moins sur les deux premières pistes (Twist the knife et
Hung), c'est franchement impressionnant. Là où le bât blesse,
c'est quand même que tout se ressemble un peu (une dizaine de pistes qui
durent toutes entre 3 et 4 minutes, des petits breaks aérés en cours de
route pour souffler un peu, mais on reste toujours dans la même
ambiance), et dès que le riff de base est un peu moins bon, c'est trop
primaire pour ne pas lasser. Mais en tout cas, on tient ici un "vrai"
album de metal, prometteur pour la suite.
- Napalm Death - Diatribes (1995) ★ ★
Après avoir pris un virage intéressant sur Fear, emptiness,
despair, Napalm Death continue ici à explorer les tendances modernes
du metal de l'époque pour l'incorporer à son style sans concession, mais
désormais écoutable. Le problème ici, c'est que lesdites incorporations
ont une forte tendance à aller chercher du côté du nu metal, avec
notamment quelques passages scandés (marquant du coup l'apparition du
chant clair dans les morceaux du groupe) vraiment vilains (sur Cursed
to crawl notamment). Bon, en même temps, le chant n'a jamais été la
raison première d'écouter Napalm Death, et le reste du temps, on
continue à avoir droit à du growl bien primaire qui n'est pas non plus
d'une séduction évidente. Côté instrumental, on est dans la lignée du
disque précédent, souvent brutal mais parsemé de motifs assez mélodiques
qui rendent le tout assez intéressant. On aurait quand même aimé plus de
pistes à l'ambiance torturée comme Cold forgiveness, ou même
retrouver un peu plus les influences indus qui sont ici en arrière-plan
(on en retrouve un peu sur la bonne conclusion Corrosive
elements), et un peu moins de bourrinage bas du front. Disons que
malgré les signaux positifs, Napalm Death n'a pas encore trouvé
complètement un style qui me permette personnellement de le qualifier de
très bon groupe.
- Napalm Death - Inside the torn apart (1997) ★ ★ ★ ½
Après quelques tâtonnements, Napalm Death semble enfin avoir trouvé sa
voie dans ce septième album qui regroupe le meilleur de ce qu'il avait
produit précédemment. Si le chant reste pour moi le point faible du
disque, on n'a pas droit ici aux expérimentations scandées de
Diatribes (c'est juste beugle/growlé de façon assez moche et
uniforme), tout ce qu'il y a autour est vraiment réussi, dans un genre
qui reste évidemment très bourrin mais loin du grindcore des débuts du
groupe. Guitares aux sonorités indus, basse qui claque souvent mise en
avant, batterie qui abuse un peu du mode tabassage mais sans se
contenter de blast-beats fatiguants, et surtout des motifs volontiers
mélodiques (mais oui) voire dansants (encore plus inattendu !) qui,
quand ils sont intégrés à des ambiances suffisamment variées, donnent
des titres vraiment excellents (Breed to breathe qui ouvre
l'album entre autres). L'ensemble reste un peu trop uniforme pour ne pas
lasser sur la fin (pourtant, l'album n'est pas très long, 12 pistes
calibrées autour des trois minutes chacune), mais terminer sur
l'inquiétant (quasi) instrumental The Lifeless alarm est une
bonne idée et prouve une fois de plus la capacité de Napalm Death à
produire une musique vraiment bien fichue sans se baser uniquement sur
la brutalité. Pour le coup, il ne manque vraiment pas grand chose pour
que ce disque soit un incontournable, tous genres confondus.
Réenregistré avec un chant moins clivant, il ne serait d'ailleurs
probablement pas considéré comme plus extrême que certains disques de
groupes mainstream.
- Napalm Death - Words from the exit wound (1998) ★ ★ ★ ½
Après avoir enfin trouvé un style vraiment convaincant avec Inside
the torn apart, Napalm Death confirme dès l'année suivante avec son
frère jumeau. On croirait presque avoir remis le même disque dans la
platine par erreur : même production, mêmes sonorités de guitares indus,
même style un peu bourrin mais redoutablement efficace (The
Infiltraitor, Devouring depraved), mais aussi les mêmes
baisses de régime par moment (quelques titres très courts qui n'ont
franchement rien à dire semblent être là uniquement pour faire le
nombre), et le retour de tentatives de voix claire dont on se serait
très bien passé (même si c'est à doses homéopathiques, ça gâche par
exemple la fin de Repression ouf of uniform). Pas encore parfait
donc, mais tout de même très recommandable pour quiconque cherche un
album de metal moderne agressif sans être inaudible (encore une fois, à
part le chant growlé, peu de marqueurs du metal extrême ici).
- Napalm Death - Enemy of the music business (2000) ★ ½
En farfouillant sur le web, je me suis rendu compte que, chez les fans
les plus convaincus de Napalm Death, les albums de la fin des années 90
(ceux que j'ai appréciés donc) étaient souvent considérés comme les plus
mauvais de la discographie du groupe, car pas assez conformes à l'idéal
d'utra-violence professée par les anglais. De fait, à partir de ce Enemy
of the music business (et ce sera confirmé sur les albums suivants), on
a droit à un nouveau virage qui est un retour en arrière partiel. Ouf,
on n'a pas non plus le droit à quelque chose d'aussi moche que
Scum, et les riffs restent même souvent intéressants voire
mélodiques (Vermin par exemple a un très bon riff), montrant que
les expérimentations des disques précédents n'ont pas été complètement
oubliées. Mais le groupe a clairement voulu durcir le ton : production
volontairement moins bonne (histoire de donner un côté plus brut à la
chose, mais j'avoue que c'est le genre de procédé qui me paraît toujours
assez aberrant), c'est parfois confus sans être inaudible (loin de là)
mais la batterie très envahissante n'arrange pas les choses non plus. Le
but est clairement de nous mettre en face d'un mur de son ne laissant
aucune échappatoire, et de mon point de vue, c'est vite assez fatigant.
On est de toute façon prévenus dès le premier titre Taste the
poison, avec son chant hyper laid. À la trois ou quatrième écoute,
une fois qu'on est habitué, on se rend compte que les compositions
restent en fait assez intéressantes (et les musiciens assurent
sacrément, mine de rien), mais la surcharge sonore fait qu'on a ici
basculé pour moi au-delà de la frontière de l'agréable à écouter, d'où
ma note sévère. Les albums suivants de Napalm Death seront exactement
dans le même style, je vais donc probablement me permettre s'en sauter
un ou deux.
- Napalm Death - Smear campaign (2006) ★ ★ ★
Bon, j'étais en train d'achever une critique assez longue quand une
fausse manip m'a fait tout perdre, donc je vais en faire un rapide
résumé :
- cette critique vaut, à un petit copier-coller près, pour tous les
albums sortis par Napalm Death ces 20 dernières années, très similaires
les uns aux autres.
- une fois passé le rejet initial (la piste Sink fast, let go avec ses
piaillements de goret qui se mêlent au growl énervé habituel est
difficile à avaler), on se rend compte qu'à part le chant ce n'est pas
si extrême (durée des chansons raisonnable, tempos pas si rapides, riffs
souvent mélodiques), juste de la bonne musique bien exécutée en fait.
Par exemple, Warped beyond logic est un très bon titre.
- malgré tout, ça reste assez monolithique et donc trop rapidement
lassant. Les improbables tentatives de rupture ne fonctionnent pas
(qu'est-ce que c'est que ce In Deference avec un passage parlé faisant
intervenir Anneke van Giersbergen ??). Dommage, car ça empêche ce disque
(et tous les autres donc) d'être une réussite incontestable, mais
franchement, c'est quand même pas mal du tout si on n'est pas allergique
à la brutalité.