Mon avis personnel sur les disques de Metallica
- Metallica - Kill'em all (1983) ★ ★ ★ ★
Entre deux disques de black metal, intéressons-nous donc à un autre
groupe particulièrement undergound... Bon, pas la peine de faire
semblant, il est impossible, près de quarante ans après sa sortie, de
juger ce premier album de Metallica sans tenir compte du phénomène
planétaire que deviendra le groupe peu de temps après. Pourtant, sur ce
premier effort, Metallica n'est pas encore vraiment Metallica : son
assez brut, chant particulièrement hargneux (et pas toujours
convaincant) de Hetfield, et quelques morceaux dans le lot qui ne
semblent pas vraiment tenir de l'esprit thrash metal (même si le terme
n'existe pas encore à l'époque). Jump in the fire et
Whiplash notamment sonnent encore 70's, même si je suis très loin
de connaître suffisamment le paysage musical de l'époque pour déceler
les influences précises. En même temps, même si le disque peut paraître
imparfait en comparaison avec les monuments qui vont suivre, il serait
plus pertinent de le comparer aux premiers disques sortis à la même
époque par Megadeth ou Slayer, qui pour le coup tiennent
du bordel total. Pas du tout de ça sur Kill'em all, c'est déjà très
construit, maîtrisé, avec des titres souvent assez développés (No
remorse, l'excellent Seek and destroy), des riffs qui
s'enchaînent parfaitement, des solos rapides mais qui ne tombent pas
dans la démonstration, tout est à sa place et les dix titres qui
constituent l'album forment déjà une suite presque ininterrompue de
classiques instantanés (quand on démarre avec Hit the lights
suivi de The Four horsemen, ça pose quand même les choses). Même
le curieux solo de basse saturée Pulling teeth trouve une place
cohérente en offrant une respiration bienvenue entre deux titres speed
et énervés. Bref, tout ça est déjà (très) bon. C'est un peu facile
aujourd'hui d'affirmer que Metallica avait déjà conscience qu'ils
allaient grimper très vite au sommet, mais en tout cas, ils avaient déjà
le talent, et surtout la ferme volonté de l'assumer.
- Metallica - Ride the lightning (1984) ★ ★ ★ ★ ★
Sorti un an après un premier album qui sentait encore bon l'enthousiasme
juvénile, le deuxième disque de Metallica démontre une évolution
stupéfiante de rapidité chez le groupe. Là où Kill'em all était
relativement facilement identifiable comme un premier jet (déjà très
maîtrisé certes), on a ici l'impression d'avoir sauté directement bon
nombre d'étapes pour retrouver un groupe au sommet de sa créativité,
maîtrisant à la perfection tous les paramètres d'un genre qu'il est
pourtant en train de contribuer à créer. Le son est beaucoup plus
brillant (et en même temps assez froid), les riffs tous plus mythiques
les uns que les autres s'enchaînent avec un naturel confondant, les
quelques mesures d'intro parfois ajoutées en début de titre sont
systématiquement géniales (les quelques notes acoustiques sur Fight
fire with fire, les cloches inoubliables de For whom the bell
tolls). Quasiment aucun titre faible sur les huit qui composent
l'album (je sais que Trapped under ice et Escape ont moins
bonne presse que les autres mais, même s'ils ne se hissent pas à la
hauteur des autres monuments, je les aime beaucoup quand même), une
première tentative de ballade de la part du groupe qui transcende
complètement le genre pour aboutir sur un chef-d'oeuvre absolu (Fade
to black, probablement mon titre préféré de l'album), et, cerise sur
le gâteau, un instrumental fabuleux pour terminer le disque en apothéose
(même si je préfère encore l'Orion de Master of puppets à
ce Call of Ktulu). Que dire de plus ? C'est l'album qui m'a grand
ouvert les portes du metal il y a quelque temps maintenant, et ça
restera probablement à jamais un de mes préférés du genre.
- Metallica - Master of Puppets (1986) ★ ★ ★ ★ ★
Deux ans après un Ride the lightning phénoménal, Metallica prend
le risque de nous proposer un frère jumeau de ce dernier, puisque leur
troisième album a une structure quasi-identique au second : huit pistes
assez développées, une première plage bien rentre-dedans précédée d'une
intro acoustique (l'énorme Battery), la chanson-titre qui arrive
juste après, une sorte de ballade en milieu d'album (même si Welcome
home a droit à une belle accélération de tempo sur la fin), et un
instrumental à la fin. Ah non, gros changement, cette fois-ci l'album se
conclura sur un titre rapide qui vient donc juste après l'instrumental
de rigueur. Ce qui est impressionnant, c'est que le risque pris de
décevoir en ne proposant qu'un clone d'un album difficilement dépassable
est payant, Master of Puppets réussissant même l'exploit de faire encore
mieux que son prédécesseur sur certains points (titres rapides plus
percutants, Orion encore plus sublime que Call of Ktulu)
en n'ayant pratiquement aucun moment faible (à l'époque où j'ai
découvert ce disque, il y a bien longtemps maintenant, j'avais
curieusement eu un peu de mal à rentrer dans la chanson titre, dont je
trouvais le riff pas assez direct, mais elle a depuis rejoint pour moi
comme pour beaucoup le catalogue des classiques incontournables).
J'adore particulièrement Disposable heroes et son refrain. Même
si je garde une très légère préférence personnelle pour Ride the
Lightning, voici encore un album monstrueux de la part des californiens.
- Metallica - ...And Justice For All (1988) ★ ★ ½
Depuis que j'ai découvert les premiers classiques de Metallica, ce
quatrième album a toujours été celui qui m'a posé problème, et je crains
que les choses ne soient pas près de changer. Mon souci principal, et je
suis loin d'être le seul à l'avoir, concerne le son très particulier de
cet opus. Après deux disques à la production assez éclatante, Metallica
a choisi de revenir pour celui-ci à quelque chose de nettement plus
brut. Mais pas brut dans le genre un peu crado de Kill'em all,
non, un son volontairement asséché, avec cette batterie très présente,
comme s'ils avaient voulu mettre mal à l'aise l'auditeur (ce qui est de
fait probablement le cas, le groupe étant en train de se remettre plus
ou moins difficilement de la mort de Cliff Burton). On pourra argumenter
qu'il y a une certaine cohérence avec le contenu assez énervé de
l'album, mais y a rien à faire, pour moi ça diminue fortement le plaisir
de l'écoute. Et pourtant le disque contient bel et bien quelques
morceaux de bravoure qui ont toute leur place parmi les classiques du
groupe : Blackened impeccablement construit en ouverture, la
chanson-titre et ses nombreuses bifurcations (même si elle ne justifie
peut-être pas totalement ses quasiment 10 minutes au compteur), un
Harvester of sorrow plus basique mais diablement efficace, ou
encore la conclusion Dyers Eve, d'une rapidité et d'une brutalité
rarement entendues chez Metallica (mais c'est bon !). Le reste, et
notamment les titres plus calmes qui souffrent vraiment trop du problème
de production, passe moins bien (To live is to die n'est vraiment
pas à la hauteur des instrumentaux précédents malgré une très belle
introduction, hommage à Burton ou pas, et même One, souvent cité
comme un des sommets du disque, ne me convainc pas vraiment avec son
opposition trop facile entre la douceur du début et la violence de la
fin). Un bilan mitigé donc, mais surtout un auditeur frustré, car on ne
pourra probablement jamais savoir quel effet aurait fait le disque
enregistré autrement. Oui, je sais, il y a des Live (mais c'est encore
autre chose), et même des bizarreries trouvables en farfouillant sur le
web (une version évidemment non officielle avec basse ré-enregistrée
par-dessus par un fan), mais le "vrai" disque, lui, restera en partie
mal-aimé pour moi.
- Metallica - Metallica (1991) ★ ★ ★ ★ ★
Plus connu sous le nom de Black Album, le cinquième disque de Metallica
va constituer un point de basculement non seulement pour le groupe, mais
pour l'ensemble de la galaxie metal en devenant l'un des disques les
plus vendus de l'histoire, tous genres musicaux confondus. Pour une
partie des fans, il marquera le début de la fin de Metallica, pour
d'autres ce sera plutôt la fin du début (je fais donc partie de ceux qui
considèrent que c'est leur dernier grand album). Il faut bien dire
qu'ils ont fait à l'époque tout ce qu'il fallait pour renforcer un
sentiment de trahison légitime des racines thash du groupe : publicité
sur tous les fronts, changement de producteur (et même de look, exit les
cheveux longs !) pour embaucher une star qui les affublera d'un son
particulièrement clinquant, et bien sûr une évolution musicale qui peut
choquer quand la dernière proposition du groupe était le Dyers
Eve concluant ...And Justice For All. C'est sûr, ce n'est
plus la même chose ici : tempi modérés (avec les deux célèbres ballades
insérées au coeur de l'album), structures simplifiées, technique
nettement revue à la baisse, et le curseur mis au maximum sur le côté
mélodique qui ceci dit a toujours fait partie des préoccupations de
Metallica, la volonté de créer une musique qui puisse plaire à un public
nettement plus large que les seuls fans de thrash acéré est évidente. Et
pour autant, je suis incapable de ne pas dire le plus grand bien de ce
disque, car il reste à mon sens, dans un genre différent, aussi
incontournable qu'un Ride the Lightning ou un Master of
Puppets. Les tubes s'enchaînent sans baisse de rythme (contrairement
à beaucoup, je ne trouve pas que l'album s'essouffle sur la fin, j'aime
énormément My friend of misery par exemple), Enter sandman
et Sad but true forment un duo d'ouverture exceptionnel, et les
ballades sont superbes (oui, j'aime Nothing else matters et je le
clame haut et fort, mais je préfère encore The Unforgiven). Un
album outrageusement commercial, ce Black Album ? Oui, totalement. Et
c'est assumé. Et c'est excellent.
- Metallica - Load (1996) ★ ★ ½
Il aura fallu cinq ans à Metallica pour se décider à sortir un
successeur au Black Album. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ceux
qui avaient été déçus par le virage pris sur ce dernier ne risquent pas
de se réconcilier avec le groupe. À défaut d'être un album de thrash,
l'éponyme était encore un album de metal. Pour celui-ci c'est beaucoup
plus douteux, Metallica proposant un drôle de disque très rock et
surtout très roots allant puiser dans le terroir américain des riffs qui
swinguent de façon inhabituelle pour eux (sur 2*4 ou Poor
twisted me par exemple) et même par moments une ambiance plus folk
qu'énervée (la ballade Mama said). De toute façon, pour qui
cherche les pistes rapides ou brutales, c'est vite vu, il n'y en a plus
du tout. Pour un groupe qui continue à s'appeler Metallica, on peut
légitimement considérer qu'il y a tromperie sur la marchandise. Mais si
c'est bien fait et musicalement réussi, en ce qui me concerne, je n'y
vois pas spécialement d'inconvénient. Sauf que l'album est trop bancal :
déjà les lignes vocales d'Hetfield encore trop proches de ce qu'il
proposait sur les albums précédents se marient mal à ce nouveau style,
créant une sorte de déséquilibre permanent. Mais surtout le disque est
mal construit, beaucoup trop long (14 chansons pour quasiment 80
minutes) et inégal, naviguant sans grande cohérence entre de vrais
ratages (The House that Jack built et ses effets foireux, le
ridicule Hero of the day qui lorgne outrageusement vers la pop,
ou encore le pénible Ronnie) et tout de même une majorité de
titres qui tiennent la route (car, quoi qu'on en dise, Metallica sait
faire de la bonne musique), et même deux longues pistes (Bleeding
me et The Outlaw torn) à l'ambiance vraiment prenante qui
tirent l'album vers le haut. Album qui n'est donc pas du tout le ratage
infâme souvent décrit, mais une sympathique et inégale tentative de
faire vraiment autre chose, qu'on aurait envie (même s'il s'agit ici de
compositions originales) de ranger à côté du disque de reprises
Garage Inc que Metallica enregistrera un peu plus tard.
- Metallica - Reload (1997) ★
Load, s'il ne manquait pas de qualités, était indiscutablement
trop long. Et pourtant, il faut croire que ça ne suffisait pas à
Metallica, qui remet le couvert l'année suivante avec une sorte de
jumeau de l'album précédent constitué de titres qui n'avaient pas passé
le premier tour. De quoi craindre le pire ? Fuel, qui ouvre
énergiquement l'album, laisse pourtant la porte ouverte à une bonne
surprise (c'est direct et efficace, ça ne se prend pas la tête, bref ça
fonctionne). Ce ne sera en fait qu'un feu de paille, tant la suite du
disque va rapidement s'enliser, entre titres intéressants mais gâchés
par une mauvaise réalisation (sur The Memory remains, quelle idée
d'avoir invité Marianne Faithfull à coasser ridiculement...), notamment
par un Hetfield qui commence à sérieusement agacer en en faisant des
tonnes niveau chant (faut dire qu'une bonne partie des titres sont
carrément insipides), tentative minable de surfer sur les anciens succès
(The Unforgiven II n'aurait jamais du voir le jour), ballade aux
accents celtiques incongrue (Low man's lyric), ou tout simplement
chansons fatiguées et fatigantes qu'on n'a pas envie de réécouter
(l'interminable Fixxxer en conclusion). Dans le lot, je sauverais
bien Better than you et son énergie positive, peut-être
Attitude malgré un chant encore assez médiocre, mais le groupe
n'avait clairement pas le matériel pour faire un bon album...
- Metallica - St Anger (2003) ★ ★ ½
Après avoir surpris tout le monde avec Load en 1996, Lars Ulrich
l'avait promis, Metallica sortirait désormais des disques beaucoup plus
régulièrement pour que les fans "puissent suivre l'évolution artistique
du groupe". Résultat des courses, on a eu le droit à de la bouse
(Reload) puis à un disque de reprises et un show symphonique plus
que dispensable. En fait d'évolution artistique, le groupe semblait
surtout enclin à se remplir les poches sans trop se fatiguer. Et c'est
finalement après quelques nouvelles années de silence que sortira ce St
Anger par ailleurs motivé par une grosse crise au sein du groupe. Ils
ont perdu leur bassiste (mais cette fois-ci au moins il a pas fini sous
les roues du camion), et comme à chaque fois, ça produit un disque
énervé avec options radicales. De ce point de vue d'ailleurs, Metallica
a fait fort dans le genre "on va tout faire pour se faire démolir" (ce
qui n'a pas manqué, bien entendu) : titre risible, pochette à l'avenant
et surtout des options artistiques plus que douteuses, avec une
influence "nu metal" bien trop évidente (les guitares sous-accordées,
les refrains de la chanson titre ou de Shoot me again), des
lignes vocales plus que paresseuses (sur Invisible kid, j'ai
l'impression d'entendre Offspring que j'écoutais quand j'étais
ado), et, au-dessus de tout ça, Ulrich qui a troqué ses fûts contre la
batterie de cuisine de sa tata Georgette. Sans compter bien sûr que les
titres s'éternisent tous sans raison (Some kind of monster est
vraiment pas mal, mais 8 minutes 30 ça fait beaucoup) pour que le disque
atteigne les 75 minutes qui semblent être devenus la norme pour le
groupe depuis quelques années. Bref, cet album est complètement
indéfendable. Et pourtant je lui voue une sympathie assez irrationnelle,
au moins pour la première moitié du disque (ensuite, ça finit quand même
par vraiment lasser). J'aime beaucoup Frantic malgré la batterie,
j'aime encore plus le motif purement rythmique qui ouvre Dirty
window (pour le coup, on aurait presque un côté tribal renforcé par
le son si particulier), j'aime bien également les titres plus classiques
comme My World ou Sweet amber, bref je passe encore des
moments agréables avec ce disque foireux, comme si le groupe n'avait pas
réussi à totalement planquer sa capacité naturelle à composer des tubes
derrière son sabordage volontaire.
- Metallica - Death Magnetic (2008) ★ ★ ★
Cette fois, c'est promis, Metallica arrête les conneries et revient au
thrash de ses origines. D'ailleurs le groupe fait plus que multiplier
les signaux en direction de son noyau dur de fans de la première heure,
en mode "regardez, cet album on l'a fait rien que pour vous" :
changement de producteur pour revenir à un son plus agressif (peut-être
même trop d'ailleurs, ce n'est pas totalement réussi), et surtout une
structure repompée sur celle des albums mythiques du groupe, avec 10
titres dont deux ballades stratégiquement placées, un instrumental en
avant-dernière position, une dernière piste brutale, bref retour aux
classiques rassurants. On ne peut objectivement pas en vouloir aux
musiciens pour ce retour en arrière après avoir râlé à chaque fois
qu'ils proposaient autre chose mais c'est un peu voyant, et outre
l'aspect probablement commercial de la chose, une question délicate
reste en suspens : sont-ils encore capable de faire un bon album de
thrash 20 ans après ...And Justice For All ? Eh bien oui, mais
pas plus. Le disque est probablement ce qu'on pouvait en espérer de
mieux et déçoit malgré tout. C'est un copier-coller des albums des
années 80, en moins inspiré, et comme Metallica a tout fait pour, on ne
peut pas s'empêcher de jouer au jeu des comparaisons : The Day that
never comes est correcte mais n'arrive pas à la cheville d'un
Fade to black (ou même de Nothing else matters auquel elle
ressemble plus), Suicide & Redemption est un instrumental très
sympathique mais à des années-lumière d'Orion, on prend vraiment
plaisir à entendre Kirk Hammett refaire des solos mais c'est un peu
bordélique, Lars Ulrich n'a plus grand chose à raconter à la batterie,
bref à tous points de vue "c'était mieux aaaaavant". Et pourtant on ne
peut pas dire que le disque soit raté, il comporte même son lot habituel
de très bonnes chansons (The End of the line et All nightmare
long notamment), et pas vraiment de bouses, beaucoup de passages
instrumentaux réussis (avec une influence classique bienvenue par
moments), et aussi, hélas, des longueurs évitables (comme c'est
maintenant devenu la norme pour Metallica, on atteint les 75 minutes
pour seulement 10 pistes). Mais, tout "correct plus" qu'il soit (je ne
pouvais décemment pas lui mettre une note pire qu'à St Anger,
hein ?), le disque aura probablement remué le couteau dans la plaie des
fans plus qu'il ne les aura vraiment réconciliés avec leur groupe
fétiche.
- Lou Reed et Metallica - Lulu (2011) ☆
J'ai hésité avant d'inclure cet album dans mon parcours de la
discographie de Metallica : ce n'est pas vraiment du metal (enfin, assez
rarement du moins), et surtout ce n'est pas vraiment du Metallica
puisque Lou Reed prend une part importante dans cette collaboration.
Mais comme il s'agit d'une oeuvre originale enregistrée en studio, ça me
paraissait cohérent de le laisser quand même. Sur le papier, le projet a
de quoi emballer ou effrayer selon son attirance pour les associations
improbables : un sujet pour le moins ambitieux (peu d'auditeurs devaient
avoir en tête la version de Berg en écoutant le disque, mais quand
même), un rapprochement peu évident entre une icône rock vieillissante
et un mastodonte du metal presque aussi vieillissant, et au final un
machin qui n'aura convaincu ni les fans de l'un ni ceux des autres.
Peut-être fallait-il être à la fois fan de Lou Reed et de Metallica pour
vraiment apprécier, mais je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de
mélomanes dans cette catégorie.
À ce sujet d'ailleurs, quelques précisions me concernant : avant de me
lancer dans cette écoute, je ne connaissais Reed que de nom, n'ayant
jamais écouté une seconde de sa musique (oui, je sais, ma culture
musicale a de gros trous) mais ayant notamment entendu dire beaucoup de
bien de son album Berlin, pour me faire une idée, j'ai écouté ce
fameux Berlin et... j'ai détesté. Voix insupportable (le gars ne chante
d'ailleurs pas vraiment, c'est souvent à moitié parlé) qui ne peut pas
être sauvée par des arrangements très minimalistes, c'est vraiment un
style que je ne comprends pas du tout (le seul truc qui s'en approche
dans ce que je connaissais déjà, ce sont quelques Gainsbourg qu'on m'a
fait écouter il y a un certain temps et que j'apprécie tout autant). Du
coup, forcément, la composante "Lou Reed" de ce Lulu risquait de mal
passer, et de fait ça n'a pas raté. Il "chante" encore plus mal qu'il y
a quelques décennies (les rares fois où il essaye vraiment de chanter,
c'est moche et faux), et rend à lui tout seul le disque à peu près
inécoutable, d'autant plus que c'est vraiment lui le coeur du projet
(c'est plus un "Lou Reed accompagné par Metallica" qu'autre chose).
L'accompagnement par les métalleux est soit trop minimaliste pour
mériter une mention (sur l'extrêmement chiant Little dog par
exemple), soit trop répétitif pour ne pas lasser très vite (d'autant
plus que ça dure quand même une heure et demie, avec des plages
dépassant allègrement les dix minutes). Quelques bons riffs quand même
(celui bien mammouth de Frustration), mais bien trop rares et mal
exploités pour qu'il y ait vraiment quelque chose à sauver de ce ratage.
Bon, si on veut rigoler, on peut quand même aller lire les textes, ça
vaut son pesant de cacahouètes. I'm the taaaable !! Comme si le côté
poseur de l'ensemble n'était pas suffisamment prononcé...
- Metallica - Harwired... to self-destruct (2016) ★ ★ ★ ★
Les sorties de Metallica se raréfiant de façon de plus en plus
inquiétante (cinq disques lors de leur première décennie d'activité,
trois sur la suivante, et, si on oublie Lulu, seulement deux
disques de nouveautés depuis 2003), ce dernier album en date avait de
quoi provoquer l'évènement à sa sortie, surtout après un Death
Magnetic qui amorçait un retour aux sources sympathique. En fait de
retour aux sources, la chanson-titre qui ouvre l'album fait encore
mieux, c'est du Metallica speed et rentre-dedans comme on ne l'avait pas
entendu depuis quelques décennies (le titre fait à peine plus de 3
minutes !), et c'est excellent ! Mais c'est en fait un leurre, puisqu'on
ne retrouvera pas de piste très rapide avant la toute dernière,
l'excellent Spit out the bone, le reste étant plutôt axé sur du
heavy pépère (au niveau du tempo en tout cas) façon Black Album,
les ballades en moins et quelques minutes sur chaque chanson en plus.
C'est d'ailleurs à nouveau le gros défaut de cette sortie, ça traîne
encore trop souvent en longueur et le double-album proposé ne se
justifie aucunement (on reste à en gros 75 minutes de musique comme sur
les précédents albums du groupe). Et c'est dommage, car niveau musical,
c'est vraiment très bon ! Le premier CD est même à un niveau inespéré,
avec une majorité d'excellents titres (Atlas, rise ! et surtout
l'excellent Moth into flame). Franchement, même s'il n'y a
peut-être pas de tube mythique prêt à rivaliser avec les plus grandes
chansons du groupe, ça tient largement la comparaison avec l'album de
1991. Le deuxième disque, soyons honnête, est un peu plus poussif et
inégal, avec de bons titres (Here comes revenge) mais aussi
quelques idées discutables (l'intro "martienne" de Confusion) et
du remplissage moyen (ManUNkind notamment). Mais le défouloir
Spit out the bone en conclusion suffit à nous réconcilier une
fois de plus avec un groupe qui prouve qu'il est encore loin d'avoir
perdu la main, finalement.
- Metallica - 72 seasons (2023) ★ ★
La sortie d'un nouveau disque de Metallica en 2023 (soit 40 ans tout
juste après leur premier album) peut-elle encore être considérée comme
un évènement ? Médiatiquement oui, la notoriété du groupe et la rareté
de ses (nouveaux) enregistrements depuis 20 ans suffisant largement à
créer le buzz (et à provoquer des réactions délirantes dans les deux
sens de gens qui n'ont même pas pris la peine d'écouter ce qu'ils
avaient à proposer). Musicalement, c'est nettement plus discutable, mais
faisant partie de ceux qui avaient beaucoup apprécié Hardwired... to
self-destruct, j'attendais quand même de bonnes choses de ce nouveau
disque. Attentes essentiellement décues, je dois bien l'avouer. Certes
le groupe se conforme, comme dans ses deux dernières sorties, à un
thrash classique (bon, niveau tempo c'est quand même globalement très
tranquille) qui fait plus que lorgner vers les mythiques premiers
disques du groupe (les lignes vocales notamment ont régulièrement un
gros air de déjà entendu), mais en beaucoup plus délayé et moins
inspiré. Encore une fois, 77 minutes de musique (exactement autant que
leur double album précédent) pour douze titres, un peu d'élagage
n'aurait pas fait de mal (Chasing light par exemple, pas mal mais
tellement répétitive). On culmine d'ailleurs à 11 minutes, un record
pour Metallica, pour le titre final Inamorata (pas le pire mais
rien de transcendant non plus). C'est d'autant plus rageant que le seul
titre court de l'album (Lux Aeterna et ses trois minutes) est un
des meilleurs. Encore plus gênant, les compositions ne sont jamais
ratées, mais jamais emballantes non plus, on atteint le très correct sur
la chanson titre ou sur l'étonnante Crown of barbed wire, à
l'ambiance particulièrement recherchée, mais on reste la plupart du
temps dans du mid-tempo appliqué qui s'écoute bien sans être le moins du
monde mémorable. Et pour un groupe de cette trempe, on ne peut
évidemment pas s'en contenter.