Mon avis personnel sur les disques de Meshuggah
- Meshuggah - Contradictions collapse (1991) ★
Si Meshuggah est aujourd'hui un groupe reconnu comme à la pointe de
l'innovation en termes de metal technique, on se rend compte en
remontant jusqu'à leur assez confidentiel premier album que leurs débuts
se sont fait sous grosse influence. On est au début des années 90, le
thrash est au bout de ses heures de gloire, et Metallica trône au
sommet de la planète metal. Et c'est bien à du Metallica déviant que
nous convie le groupe pour ce premier album. Au niveau vocal, la
similitude est même plus que frappante, mais c'est plutôt côté
instrumental qu'il faut aller chercher l'intérêt de l'album. Là, pour le
coup, si on a bien un fond thrash classique (avec un son assez brut pas
hyper plaisant), on a vraiment l'impression que le but de Meshuggah
était de ne garder que le côté technique un peu rebutant du style (c'est
très dense, mélodiquement à peu près nul et pas accrocheur pour deux
ronds) et de pousser le curseur encore nettement plus loin, en lui
adjoignant des jeux de rythmes syncopés permanents sur la section
rythmique, et des bribes de solos souvent surprenants (c'est parfois
limité à quelques notes qui partent dans le décor). C'est extrêmement
maîtrisé, ça a même un côté fascinant, mais il faut bien avouer qu'on
commence à s'emmerder avant la fin de la deuxième piste, et que ça
n'évolue jamais (c'est vraiment ultra uniforme, et les pistes durent
toutes de l'ordre de six minutes). Les quelques titres un peu plus aérés
(Choirs of devastation notamment) ne sont pas inintéressants,
mais je n'ai quand même que bien peu accroché sur la durée.
- Meshuggah - Destroy Erase Improve (1995) ★
Deuxième album du groupe, on s'éloigne de la copie de Metallica
niveau vocal (on tend vers une sorte de beuglement presque guttural
assez uniforme, heureusement coupé régulièrement par des interventions
chorales) mais pour le reste Meshuggah reste fidèle au style mis en
place dans son premier opus... Le riffing est toujours très technique,
basé essentiellement sur des bribes de rythmes syncopés, et surtout sans
l'ombre d'un début d'élément mélodique intéressant. Il y a certes
quelques tentatives de breaks donnant un peu plus de variété aux
structures, et même un instrumental presque atmosphérique en plein
milieu du disque, mais ça suffit à peine à le rendre audible d'une seule
traite. Qu'est-ce qu'on se fait chier quand même ! S'il n'y a pas
d'évolution rapide dans les albums suivants, je ne vais pas tarder à
laisser tomber...
- Meshuggah - Chaosphere (1998) ☆
Troisième album du groupe, on continue à évoluer niveau vocal (on a en
gros droit désormais à une espèce de hurlement très uniforme sans aucun
intérêt, sauf sur The Exquisite machinery of torture... où c'est
carrément pire avec une sorte de chant parlé vraiment moche), mais pas
vraiment du point de vue instrumental, hélas. En même temps, la pochette
et le titre du disque sont assez bien vus : c'est en effet assez
chaotique (le début de la première piste Concatenation...), et ça
prend sévèrement la tête. Toujours des riffs très syncopés pas beaux et
qui se ressemblent tous répétés en presque continu sur chacune des
pistes, et histoire de faire semblant de donner de l'intérêt à la chose,
quelques solos qui ne ressemblent à rien en guise de breaks (ça sonne
curieusement un peu jazz par moments sur ces solos). Seule
Neurotica apporte un peu plus de variété à l'album, mais c'est
largement compensé en sens inverse par le véritable foutage de gueule
que constitue la dernière piste Elastic : quelques minutes
classiques pour le groupe, puis ça tourne à l'expérimentation débile
(des notes graves saturées tenues une minute, passionnant), et enfin au
n'importe quoi sur les dernières minutes. Apparemment, renseignements
pris, cette fin est constituée des premières pistes du disque mélangées
et passées à l'envers. Ah ah, quelle bonne blague ! C'était pour voir si
ce serait encore plus moche qu'à l'endroit ? Eh bien, à la surprise
générale, oui. Ce naufrage aurait probablement du me convaincre
définitivement que Meshuggah n'est pas fait pour moi, mais en fait, même
si je vais ignorer quelques-uns des disques suivants, il y en a au moins
un qui m'a vraiment plu à la première écoute, dont je vais donc sûrement
dire quelques mots.
- Meshuggah - Catch Thirty Three (2005) ★ ★ ★ ½
Casé à peu près au milieu d'une discographie déjà globalement difficile
d'accès, ce disque est considéré comme une sorte de sommet de nébulosité
même par les amateurs du groupe. Il est vrai qu'ils ont fait assez fort
ici, mais c'est justement ça qui le rend à mon sens nettement plus
intéressant que tout ce qu'ils ont produit d'autre : près de 50 minutes
de musique enchaînées sans pause (mais pas sans temps mort), évidemment
toujours aussi pointue techniquement parlant (au point d'avoir nécessité
l'utilisation de sons de batterie pré-enregistrés), ça peut faire peur.
Mais si les premières pistes (l'album est quand même découpé en treize
tronçons de longueur très variable) ressemblent fort à ce que le groupe
avait l'habitude de produire dans ses premiers albums (et dans les
suivants aussi, en fait), une rupture se fait sentir à partir de
Mind's mirrors. Une fois qu'on a réussi à digérer le risible
passage avec voix robotisée, Meshuggah nous convie à une sorte de voyage
halluciné avec de longs passages instrumentaux souvent très clairsemés,
c'est étrange (franchement, on est ici dans de la musique expérimentale
à laquelle le son métallisé ne fournit qu'un support qui en vaut bien un
autre), on termine aux frontières du néant, mais, enfin, le groupe ne se
contente pas d'étaler vainement sa technique, il nous raconte des
choses, et c'est même assez palpitant une fois qu'on est entré dans leur
délire. Certainement pas un disque facile à appréhender, mais qui laisse
une trace indélébile sur l'auditeur et, même quand on n'est pas sûr de
l'avoir vraiment aimé, donne envie de revenir tenter l'aventure.