Mon avis personnel sur les disques de Mayhem
- Mayhem - De Mysteriis Dom Sathanas (1994) ★ ★
Je ne pouvais décemment pas effectuer un tour d'horizon de la scène
black norvégienne sans évoquer le plus culte de ses groupes. Certes,
culte pour des raisons souvent extra-musicales, mais le simple fait que
cet album soit le seul enregistré par (une partie des) membres
fondateurs, et que l'enregistrement lui-même ait été fortement compliqué
par la soudaine indisponibilité pour longue durée (emprisonnement après
avoir trucidé un collègue) ou même définitive (suicide, trucidage par le
collègue) d'une proportion non négligeable des musiciens du groupe lui
donne forcément un statut à part. Toutefois, les délais subis lors de
l'enregistrement auront au moins deux effets néfastes pour le disque.
Déjà, il sortira un certain temps après d'autres albums de la scène
black (notamment le A Blaze in the Northern Sky de
Darkthrone démoli par votre serviteur sur cette même page, qui
lui est antérieur de deux ans) qu'il est censé avoir contribué à créer,
et qui pousseront encore nettement plus loin le style dans ses
retranchements, ce qui écorne forcément son statut d'album fondateur.
Mais surtout, il a fallu recruter des musiciens pour terminer l'album,
et le groupe a subi l'invasion d'Attila Csihar pour gérer le chant. Le
gros problème, c'est que le compère hongrois n'a pas du tout la même
vision de cette musique que ses camarades norvégiens. Là où les
instrumentistes s'appliquent très sérieusement à créer une atmosphère
glauque (et y parviennent d'ailleurs plutôt bien, ici le son est moche
mais c'est écoutable et ça contribue même aux bons moments de l'album,
avec notamment des descentes de toms qui sonnent lugubres comme il
faut), lui joue la carte du grand-guignol en faisant dans la parodie
outrancière en permanence. Grognements grotesques, pseudo-chant lyrique
qui ne ressemble à rien, c'est un peu comme si Clavier en mode
Jacquouille débarquait dans un film historique sérieux, ça ne colle pas
du tout (franchement, il faut l'écouter dans la chanson-titre qui
conclut l'album, c'est vraiment du grand n'importe quoi !). Et c'est
dommage, car côté instruments, même si ça reste très primaire (des riffs
répétés jusqu'à plus soif, zéro développement vaguement technique), il y
a vraiment quelque chose au niveau de l'ambiance (sur Freezing
moon ou Pagan fears notamment). Un album qui mérite quand
même d'être écouté, au moins à titre de curiosité.
- Mayhem - A Grand Declaration of War (2000) ★ ½
Au tournant du millénaire, voilà que Mayhem refait son apparition, avec
un lineup forcément renouvelé, mais quand même constitué de musiciens
ayant déjà une histoire avec le groupe. Fort heureusement, Attila Csihar
n'en fait pas partie. Pas sûr ceci dit que celui qui le remplace chante
beaucoup mieux mais (ça tombe bien), il chante en fait très peu sur
l'album. Un peu de cris, beaucoup de passages scandés ou simplement
parlés, voix robotiques trafiquées, et même un peu de rap, ça
expérimente beaucoup niveau vocal. D'ailleurs, du côté des instruments
non plus, on ne retrouve pas la moindre trace du "premier Mayhem"
fondateur du black norvégien. On a une production relativement standard,
avec une batterie bien mise en avant (bonne idée d'ailleurs, car ça
assure bien à ce niveau), mais surtout une musique qui oscille entre
metal très martial (le titre de l'album n'est pas mensonger) comme sur
la chanson titre qui ouvre le disque, et des choses nettement plus
expérimentales et franchement peu convaincantes (les sonorités électro
de A Bloodsworth and a colder sun ou les délires de
l'interminable Completion in science of agony). Tout ça donne un
album peu cohérent qui laisse franchement perplexe malgré quelques
excellentes pistes (j'aime beaucoup To Daimonon). Surtout, on se
pose franchement la question : pourquoi avoir sorti ça sous le nom de
Mayhem alors que ça n'a pas le moindre rapport avec les antécédents du
groupe ? Est-ce un nom suffisamment mythique pour simplement permettre
de gagner plus de pognon ? En tout cas les fans de black ont du être
sacrément déçus...
- Mayhem - Chimera (2004) ★ ★ ★ ★
Après un album expérimental finalement décevant, Mayhem revient avec un
nouveau disque nettement plus cohérent et centré sur ce qu'on attend
d'eux : huit pistes pour à peine trois quarts d'heure de musique, et une
concentration d'atmosphères lourdes et mortifères assaisonnées de
nombreux blastbeats, y a pas de doute, on est revenu à quelque chose de
beaucoup plus clairement black (le seul détail qui change c'est que la
production est soignée, je ne m'en plaindrai pas). Accessoirement, ça
chante "normalement" sur ce disque. Encore mieux, alors que je ne suis
pourtant pas vraiment fan de ce style, j'ai trouvé la plupart des
compositions fort convaincantes, il y a certes un côté un peu fatiguant
à la longue, mais un titre comme My Death réussit vraiment à
imposer son côté glaçant et, encore plus fort, Slaughter of
dreams m'a définitivement convaincu que le blastbeat bien employé
pouvait être très efficace. Globalement, l'album monte en puissance,
Impious leper lord et la chanson titre conclusive étant aussi
d'une efficacité redoutable. Ce n'est pas le type de metal que
j'écouterais tous les jours, mais dans son genre, c'est vraiment une
excellente surprise.
- Mayhem - Ordo ad chao (2007) ★ ★ ½
Si le précédent album de Mayhem avait vu la résurgence d'une grosse
composante black metal, celui-ci va encore nettement plus loin, en
revenant à une production bien sale quoiqu'encore audible (le son des
toms de batterie !), mais aussi en rembauchant le terrible Attila Csihar
au chant ! Argh, vite, fuyons ! Ou pas en fait, car pour le coup, son
style inimitable essentiellement fait de grognements convient bien à
l'épure (si on peut dire) à laquelle nous convie le groupe : de longues
plages lentes et très répétitives, une atmosphère uniformément glauque,
c'est à une sorte de messe noire angoissante que nous assistons, au
point même que l'invention musicale passe franchement à l'arrière-plan.
À écouter comme un disque standard, ça mérite sûrement une note proche
du zéro (on est vraiment proche du foutage de gueule sur les parties de
guitare), mais à se mettre dans les oreilles dans le noir, après avoir
légèrement abusé de substances illicites, l'effet peut être saisissant.
Bon, je n'ai pas vraiment testé l'écoute dans ces conditions là, mais il
y a quand même un côté lancinant et hypnotique loin d'être désagréable
dans cette "musique". Quelque part, on est beaucoup plus proche ici
d'expériences bizarres de musique contemporaine que de musique
"commerciale". Je ne me suis pas mouillé au niveau de la note mais c'est
plutôt un "j'adore ou je déteste selon mon humeur du moment".
- Mayhem - Esoteric warfare (2014) ★ ½
Cinquième album après vingt bonnes années de carrière (et le premier
depuis 2007), on ne peut pas dire que Mayhem risque la surchauffe. En
l'occurrence, il y a (encore) du changement au niveau du lineup, puisque
c'est le guitariste et unique compositeur des trois précédents disques
qui s'est fait la malle. Curieusement, alors que les trois albums en
question étaient très différents les uns des autres, cette nouvelle
tentative composée donc par un nouveau venu est quant à elle la suite
directe du disque précédent du groupe, au point même que le titre
introductif Watchers est quasiment un auto-plagiat. Mais il y a
quand même ensuite une volonté de varier un peu, notamment en ajoutant
quelques sonorités plus modernes. Curieusement, ça ne fonctionne pas
vraiment comme prévu, car le disque perd en intensité ce qu'il gagne en
variété, et finit quand même, après quelques titres intéressants (le
premier est le meilleur, en fait) par tourner terriblement en rond dans
une deuxième moitié où les blastbeats fatiguants se succèdent sans qu'on
y décerne grand chose d'intéressant. À la fois trop proche du disque
précédent mais beaucoup plus plat, c'est un effort insuffisant.
- Mayhem - Daemon (2019) ★ ★ ★ ½
Sixième album (et dernier en date) pour le groupe qui garde son rythme
de croisière "un album tous les cinq ans". On garde quasiment le même
lineup que pour le précédent, mais il y a du mieux au niveau des
compositions : plutôt que de jouer sur une production sale et des
atmosphères lugubres, c'est ici tout en puissance que le côté malsain
(qui est toujours bel et bien présent !) est créé. Un peu trop même,
j'ai toujours du mal avec les pistes qui jouent uniquement le bourrinage
speed sur fond de batterie qui blastbeate en permanence (donc j'aime
moyennement Worthless abominations destroyed ou Of Worms and
ruins). Mais l'album est largement sauvé par d'autres chansons
vraiment réussies au coeur de l'album : Malum avec un Attila
d'outre tombe très convaincant, Falsified and hatred et son motif
de trois notes repris... aux claviers, et Aeon demonium avec sa
très efficace montée en puissance. Un album tout à fait correct et
finalement plus classique que les précédentes tentatives du groupe.