Mon avis personnel sur les disques de Lunar Aurora
- Lunar Aurora - Weltengänger (1996) ★ ★ ★
Les terres sombres du black metal allemand n'étaient a priori pas
destinées à m'accueillir à bras ouverts. Sans grande surprise, le
premier contact avec cette musique assez peu hospitalière a été
difficile : batterie en mode mitraillette continue (y a vraiment pas une
seconde sur tout le disque où ça se calme, je me dis que ça doit être
absolument épuisant d'être batteur dans ce genre de groupe...), son de
guitares hyper dense et grésillant (même si ça reste écoutable),
chanteur qui croasse de façon lugubre, la tentation était forte de
mettre ce disque dans la pile "bouses inaudibles à la Emperor".
Eh bien, je dois maintenant l'avouer, j'aurais eu tort de ne pas
insister un peu, car il y a un élément en plus de tout ça qui change
tout, ce sont les claviers. Alors qu'on aurait pu s'attendre pour
accompagner le reste à de simples nappes d'accords sinistres, pas du
tout, c'est là que se trouve la touche mélodique non négligeable du
groupe, qui se mêle de façon surprenante au fond black (parmi les bribes
mélodiques , on a des passages limite folklorisants ou primesautiers,
c'est vraiment inattendu et sympa) et lui donne un rendu finalement très
intéressant. Sur Grabgesänge et Conqueror of the ember
moon, on atteint même une réelle beauté musicale. Bon, ça ne marche
pas tout le temps non plus, ce qui rend quand même certaines pistes
fatigantes (Rebirth of an ancient empire), et l'écoute d'un seul
bloc des trois quarts d'heure que dure le disque est un poil éprouvante
tant c'est monolithique, mais franchement, c'est à tenter.
- Lunar Aurora - Seelenfeuer (1998) ★ ★
Pas de changement de cap par rapport au premier album, mais de subtils
ajustements tout de même : un son un peu plus étouffé et sale (un point
négatif pour moi, mais quand on écoute la piste bonus Auf einer
Wanderung présente sur la version deezer du disque, on se dit que ça
aurait pu être encore très largement pire), mais surtout une volonté de
laisser quelques instants de respiration dans cette musique généralement
oppressante. On a ainsi droit à une intro pseudo-orchestrale inquiétante
et assez sympa, à quelques passages de guitare sèche (l'excellent break
de Mein Schattenbruder, l'intro de Der Geist der
Grausamen), et à quelques interruptions de clavier pendant
lesquelles la batterie arrête de mitrailler. Mais en même temps, ces
mini-breaks sont plus frustrants qu'autre chose dans la mesure où ils
sont la plupart du temps coupés après à peine quelques notes par un
déferlement de sauvagerie, comme si le groupe n'assumait pas totalement
de proposer des plages plus calmes. Franchement dommage, car du coup on
a l'impression que le groupe se cherche un peu sur cet album, qui
convainc moins que le précédent. Tout de même, la première "vraie" piste
Schattenbruder est à nouveau très réussie, et il y a beaucoup de
choses intéressantes dans la très longue Kerker aus Zeit (un bon
quart d'heure).
- Lunar Aurora - Of Stargates and bloodstained celestial spheres (1999) ★ ★ ★ ½
L'intro Kampfork de ce troisième album donne immédiatement le ton :
espèce de délire bruitiste aux sonorités spatiales, il annonce l'ajout
à la musique déjà assez chargée du groupe d'une composante "fumette
d'outre-espace" qui ne risque pas vraiment de la rendre plus accessible
! Ca donne parfois franchement n'importe quoi, notamment dans les
quelques intermèdes instrumentaux qui parsèment le disque (Moorleiche,
avec ses espèces de samples de cris d'oiseaux, c'est vraiment fascinant
!), mais, un peu comme dans leur premier album, les allemands arrivent
régulièrement à transcender ce mélange improbable pour en tirer des
ambiances franchement prenantes (Blutbaum, Der Leidensweg,
ou le quasiment épique Drachenfeuer). Les claviers ont repris une
place plus importante, la batterie est beaucoup plus variée
qu'auparavant (il y a eu un changement de batteur, très bénéfique de mon
point de vue), et même si les guitares continuent à se contenter de
créer une espèce de brouillard hyper saturé, c'est quand même
globalement moins frénétique, probablement pour laisser la place aux
nombreuses expérimentations sonores du disque (les voix souvent très
trafiquées, jusqu'à l'espèce de geignement halluciné en fond sur
Gebirgsmystizismus, ça va quand même assez loin). Encore un album
trop inégal pour prétendre au statut de chef-d'oeuvre, mais quand même,
c'est sacrément original et souvent inspiré.
- Lunar Aurora - Ars Moriendi (2001) ★ ★
Après un troisième album vraiment très original, on était en droit
d'attendre avec une grande curiosité la suite des évènements pour Lunar
Aurora. Autant l'avouer tout de suite, c'est un peu décevant. Après une
intro sympatique au clavier qui sonne bon le film d'horreur désuet, on
retrouve plutôt le côté brutal du deuxième album du groupe que les
délires du troisième. Claviers trop souvent en retrait, grosse densité
du son, ça reste assez bien fichu, mais bon, ils ont déjà fait la même
chose en mieux (un titre comme Kältetod est vraiment décevant).
Heureusement, on retrouve un peu plus de couleurs et de mélodies dans la
deuxième moitié de l'album, nettement meilleure (à partir de Beholder
in sorrow). La batterie mitraille moins dans Flammen der
Sehnsucht, et le derniers tiers de Aasfresser et de Geist
der Nebelsphären, avec les claviers qui retrouvent le devant de la
scène, arrivent à créer ces ambiances oniriques fascinantes qui font
tout l'intérêt du groupe. La piste finale, curiosité bruitiste avec
quelques notes de clarinette, intrigue, mais c'est un peu tard. Dommage,
le disque dans son ensemble laisse une impression de régression, sans
être franchement raté, l'absence de prise de risques par rapport aux
opus précédents déçoit forcément.
- Lunar Aurora - Elixir of sorrow (2004) ★ ★ ★ ½
Après un quatrième album un peu en retrait, Lunar Aurora retrouve de
l'inspiration et nous invite une fois de plus à un voyage halluciné vers
des contrées qu'on n'est jamais totalement sûr de vraiment vouloir
visiter. L'introduction donne le ton, beaucoup de bruits étranges (même
des grognements !) pour créer une ambiance résolument flippante, parfait
pour se mettre en condition. D'ailleurs, d'autres intermèdes parsèmeront
le disque, à l'intérêt parfois discutable (Gesteir, c'est
vraiment juste du bruit, la piste conclusive Irrlichter aussi).
L'un d'entre eux sort nettement du lot, l'inattendu A wandering
winterdream avec ses mélodies de piano ! Après tout, pourquoi pas,
sur un album à l'ambiance gothique assumée. Le reste du temps, Lunar
Aurora fait du Lunar Aurora, guitares denses et claviers en folie de
rigueur (ils ont une place vraiment prépondérante sur ce disque,
globalement assez mélodique), ça tourne parfois au n'importe quoi
(Kerkerseele) mais quand ça fonctionne, c'est vraiment prenant
(Augenblick, Hier uned jetzt). encore une fois, sans que
ce soit à mon sens un chef-d'oeuvre incontournable (car inégal et par
moments vraiment trop space), c'est franchement réussi dans son genre.
- Lunar Aurora - Zyklus (2004) ★
Pour ce sixième album, les allemands franchissent un pas en proposant
une sorte d'album concept consacré aux quatre périodes de la journée (le
disque est constitué de seulement quatre pistes sobrement intitulées en
allemand "Le matin", "Le jour", "Le soir" et "La nuit") mais aussi, plus
allégoriquement, les quatre âges de la vie humaine. Bon, pourquoi pas,
ils ont déjà prouvé par le passé être capables de produire de la musique
inspirée en créant des atmosphères improbables, ça peut être
intéressant. Pourtant, je ne sais pas si j'étais mal luné (ah ah), mais
cet album est le premier du groupe à vraiment m'ennuyer au plus haut
point. Chacune des quatre pistes débute par environ deux minutes de
bruitages clichés (le chant des oiseaux pour le matin, les insectes au
soleil pour le jour...), puis enchaîne sur une musique typique de ce que
propose le groupe depuis ses débuts, mais version peu de mélodie et
claviers discrets, il faut vraiment accrocher à l'ambiance pour ne pas
s'endormir (et ça n'a donc pas été mon cas). Seules les dernières
minutes de Die Nacht (à partir de 10 minutes en gros, au moment
du break apaisé) réussissent enfin à créer quelque chose d'assez
fascinant, mais il est vraiment trop tard. Un album raté à mon goût.
- Lunar Aurora - Mond (2005) ★ ★ ★ ★
Les plus attentifs d'entre vous auront peut-être remarqué qu'il s'agit
là du troisième album sorti par le groupe en moins de deux ans (les deux
précédents dataient de 2004). En fait, ils n'ont pas été soudain pris
d'une frénésie créatrice sans précédent, mais ont simplement gardé sous
le coude quelques années une partie de leur production faute de trouver
un distributeur qui leur convienne. Comme quoi, quand on donne dans les
sous-branches un peu exotiques du metal, se faire entendre est déjà une
belle performance. En tout cas, après un Zyklus expérimental qui
m'avait laissé sur le bord de la route, Lunar Aurora revient à un format
plus standard (les titres restent en nombre limité et assez longs tout
de même), et surtout une musique nettement plus rapide (pas de longue
plage complètement atmosphérique ici, ça avance tout le temps), directe,
mélodique, en un mot accessible. Surtout, nouveauté assez notable, les
guitares quittent leur registre habituel de "on fait un fond bien saturé
et puis voilà" pour contribuer à la mélodie, ce qui est fort appréciable
et laisse accessoirement de la place pour que les claviers proposent des
choses plus inattendues (les appels de cuivres du début de
Rastlos, c'est assez excellent !). Le groupe retrouve également
un côté presque optimiste par moments (la piste finale Grimm
démarre de façon presque bondissante) qu'on avait un peu perdu de vue
depuis leur tout premier album, et c'est vraiment une bonne chose. Peu
de choses à jeter dans cet album de toute façon, à part un Welk
un peu bouche-trou, les autres pistes sont toutes réussies et prenantes,
Aufgewacht et Heimkehr en tête. À mon sens le meilleur
album du groupe à ce jour.
- Lunar Aurora - Andacht (2007) ★ ★ ★ ★ ½
En 2007, alors qu'il semble à son pic de créativité, et qu'il a
désormais son propre label pour diffuser sa musique sans difficultés,
Lunar Aurora prend l'étonnante décision de tout arrêter, non sans avoir
gratifié ses fans d'un dernier disque (il y en aura en fait un autre
plusieurs années plus tard). Décision assez rare mais au fond courageuse
dans le petit milieu du metal (d'habitude, les groupes ne disparaissent
pas vraiment, on a juste droit à une recomposition hasardeuse avec de
nouveaux membres), qui rend d'autant plus précieux cet album testament.
Le groupe se conforme ici à des structures classiques de leur part
(intro bruitiste relativement longue sur chaque titre, avec des
sonorités bien sinistres pour ne pas dire carrément glauques, il y a
même des samples assez dégueu qui interviennent au milieu des morceaux
par moments), avec comme principale nouveauté l'insertion de quelques
bribes de chant grégorien en fond. L'effet parait initialement assez
raté mais en fait ça ajoute encore au côté étrange et malsain qui fait
nettement plus qu'émaner de cette oeuvre (c'est pas le genre de
promenade dans les bois à laquelle on aurait vraiment envie d'être
convié). Mais de ce marasme se détache une musique à la fois simple (les
longues pistes sont souvent basées sur deux ou trois motifs basiques et
très répétés), très mélodique, mais surtout et tout simplement
magnifique. Glück qui ouvre le bal et Dunkler Mann (avec
une sorte de refrain bien identifiable, chose rare chez Lunar Aurora)
sont deux joyaux noirs étincelants, Findling impressionne avec sa
montée en puissance, d'un début assez désenchanté jusqu'à une conclusion
frénétique. Les allemands maîtrisent vraiment parfaitement leurs
ambiances, et auraient mérité la note maximale sans un gros bémol à mon
goût : la piste finale, subtilement intitulée Das Ende, semble
vouloir tenter une conclusion grandiloquente mais se plante complètement
avec son chant criard très pénible, c'est vraiment triste de finir comme
ça alors que le reste du disque est un sans faute (à mon sens, une fin
apaisée aurait été nettement plus adaptée). Malgré tout un album à
découvrir absolument.
- Lunar Aurora - Hoagascht (2012) ★ ★ ★
Cinq ans ont passé, et Lunar Aurora décide de se reformer ... le temps
d'un unique album, avant de disparaître à nouveau. Pourtant, pour ce
disque, les deux membres les plus importants du groupe ne s'étaient
entourés de personne et avaient géré toute la musique à eux seuls. Du
coup, changement de son assez net pour le "groupe", avec une batterie
très parcimonieuse qui n'a plus rien à voir avec les blast beats furieux
des premiers albums (à vrai dire, la batterie ne serait pas là que ça
s'entendrait à peine sur certains titres), et des claviers en mode
planant qui prennent beaucoup de place (mais proposent peu d'envolées
mélodiques). Bref, on s'éloigne vraiment du black initial pour se
rapprocher d'une musique très atmosphérique, contemplative, qui prend
souvent son temps (ça s'anime un peu plus vers la fin de l'album, avec
Habergoass et Wedaleichtn). Pas vraiment la facette de
Lunar Aurora que je préfère, ça manque pour moi d'accroche mélodique,
mais certaines pistes sont quand même très belles (celle qui ouvre le
disque, Im Gartn, où les guitares mettent 2'30 à pointer le bout
de leur nez, et celle qui le ferme, Reng), et créent un sentiment
curieux d'inéluctabilité. Moins accessible que les deux qui le
précèdent, ce dernier album reste quand même une réussite.