Mon avis personnel sur les disques de King Diamond
- King Diamond - Conspiracy (1989) ★ ★ ★ ½
J'ai finalement bien fait de persévérer un peu avec King Diamond malgré
mon allergie initiale pour son chant si particulier. Après deux albums
avec Mercyful Fate, il a lancé un projet solo (et alternera
d'ailleurs un bon moment entre les deux après la reformation de son
premier groupe dans les années 90) qui va lui permettre d'évoluer
sensiblement musicalement : on passe petit à petit d'un style heavy à
tendance sombre à quelque chose de beaucoup plus clairement gothique et
théâtral (la plupart de ses albums solo sont des concepts albums centrés
sur une histoire qui fleure bon le film d'horreur un peu désuet), avec
adjonction progressive de claviers (sur cet album ils ne sont encore
qu'assez rarement sur le devant de la scène) et utilisation différente
de la terrible voix aiguë du King. Les changements permanents et abrupts
de registre ont été oubliés (ouf, ça devient supportable pour moi après
quelques albums encore trop piaillants), désormais le suraigu est plus
souvent utilisé sur les refrains ou de façon très mélodique pour
accentuer l'ambiance de certains passages, et ça passe mieux (même si ça
reste un point noir du disque, sur Sleepless nights ou The
Wedding dream notamment). C'est en tout cas suffisant pour que je
puisse enfin m'attarder sur le fond instrumental, et là il faut bien le
dire, c'est bon, et même souvent très bon, guitares incisives (malgré
une production pas terrible), mélodies efficaces, ambiances recherchées,
il y a plusieurs titres vraiment excellents dans le lot : les neuf
minutes d'At the graves (et son intro au clavier), A visit
from the dead (probablement mon préféré du disque) et bien sûr
l'instrumental final Cremation qui réussit à bien intégrer sa
citation du motif principal du Mars de Holst (y en a combien, des
groupes de metal qui ont repris Mars ?). Bref, un vrai bon disque qui
serait un classique immédiat si le chant n'était pas encore repoussoir
par moments (mais je crains que King Diamond ne se soit jamais vraiment
totalement assagi de ce point de vue, faudra bien que je fasse avec pour
la suite !).
- King Diamond - The Eye (1990) ★ ★ ★ ★
Pour ce nouvel album concept, King Diamond s'empare d'une histoire de
nonnes possédées s'adonnant à des cérémonies sataniques et lubriques
orchestrées par un confesseur lui-même manifestement sévèrement atteint
(histoire vraie très proche de celle des Diables de Loudun de
Penderecki, mais l'illustration musicale n'est pas vraiment dans le même
style). Un sujet en or pour lui, bien entendu, qui s'en donne par
exemple à coeur joie en rejouant à lui tout seul une scène de procès où
il interprète tour à tour tous les personnages. S'il en fait
probablement un peu trop, il faut quand même bien reconnaître que le
style musical pratiqué par son groupe s'adapte à merveille au récit, les
passages atmosphériques sont parfaits (le vraiment inquiétant Two
little girls, l'emploi intelligent des claviers, notamment la
ritournelle au clavecin qui démarre Behind these walls), ça reste
mélodiquement très solide, et les titres excellents s'enchaînent presque
sans discontinuer (l'instrumental Insanity est en-dessous du
reste, mais il met encore mieux en valeur l'énorme 1642
Imprisonment qui lui succède et reprend son thème). Franchement,
j'en viendrais presque à oublier la voix du King (elle colle
parfaitement au thème, sans que ça la rende spécialement agréable pour
autant !). Un très bon album, encore un peu au-dessus du précédent à mon
sens.
- King Diamond - The Spider's Lullabye (1995) ★ ★ ★ ½
Alors que son projet solo semblait avoir pris son rythme de croisière à
la fin des années 80, les quelques années qui vont suivre montreront un
King Diamond hésitant sur l'évolution à donner à sa musique :
dissolution du projet solo en question pour reformer Mercyful
Fate (deux albums sortiront, mais je préfère définitivement la
facette King Diamond à Mercyful Fate), puis reformation du projet, et
finalement alternance entre les deux, avec parfois une influence
manifeste de l'un sur l'autre. Justement, pour ce premier disque après
cinq ans d'absence sous ce nom, King Diamond semble ne pas vouloir
prendre trop de risques et scinde son disque en deux : une première
moitié constituée de titres heavy (presque speed par moments) sans grand
rapport entre eux, où Diamond essaye de donner de la personnalité en
abusant de sa voix aiguë, ce qui bien entendu a plutôt pour effet de
gâcher un peu les choses (Moonlight notamment), même si ça reste
très correct. Mais il faut attendre l'espèce de suite constituée des
quatre derniers morceaux (où on retrouve une sorte de mini-album concept
centré sur les araignées qui ont donné son titre à l'album) pour
retrouver le côté atmosphérique et les ambiances géniales propres au
groupe, et là, malgré le début de la chanson titre (où Diamond chante
aigu et faux de façon insupportable), c'est du très très bon, notamment
les 8 minutes de Room 17 avec son clavecin, et l'étonnante To
the morgue finale (qui parait presque joyeuse malgré le thème). Ouf,
Diamond n'a pas perdu son savoir-faire, et comme les albums suivants
vont revenir à du véritable album-concept, ça promet de bien belles
choses.
- King Diamond - The Graveyard (1996) ★ ★ ★ ★ ★
Avec ce nouvel album, King Diamond renoue avec le principe d'un album
concept entièrement dédié à une histoire gentiment horrifique (on nage
dans les clichés du genre, à l'image d'ailleurs de la première piste
gothique à souhait du disque), où il interprète bien entendu à lui tout
seul tous les personnages (ceci dit, c'est surtout le personnage central
qui chante sur une grosse majorité des pistes). Niveau accompagnement,
on alterne comme d'habitude entre de bons titres heavy très mélodiques
(Black hill sanitarium, I'm not a stranger), tous solides
à défauts d'être géniaux, et titres plus atmosphériques avec claviers
très en avant qui dominent notamment la fin de l'album. Et là, la barre
est mise très haute, Diamond est à fond dans son histoire et livre une
prestation hallucinante (les 'Die' concluant I am !!), qu'on
pourra certes juger légèrement exagérée, mais qui personnellement me
fait plonger complètement dans l'ambiance exceptionnelle du disque (les
très tristes Sleep tight little baby et Daddy, mais
surtout Heads on the wall et l'extraordinaire Digging
graves avec son motif obsédant et sa marche inexorable sont pour moi
les sommets de l'album). De façon assez irrationnelle (les recettes
restent les mêmes que d'habitude), je suis vraiment séduit sans réserve
par ce disque-là, au point même que je ne puisse pas l'imaginer mieux
servi par une autre voix que celle de King Diamond (quand on sait
l'allergie initiale que j'ai eu pour son chant, c'est quand même assez
fort). Il va d'ailleurs rejoindre illico ma liste de classiques à
réécouter régulièrement.
- King Diamond - Voodoo (1998) ★ ★ ★ ½
Après un The Graveyard particulièrement réussi, King Diamond nous
embarque pour un voyage en Louisiane sur fond de malédictions vaudou
(vous ne l'auriez pas deviné) mais tente de rester dans la lignée de son
album précédent : une histoire plus ou moins horrifique qu'on est pas
vraiment obligé de prendre la peine de suivre en détail, beaucoup de
titres heavy narratifs où Diamond fait le spectacle sans trop abuser de
son chant aigu, des claviers atmosphériques un peu partout, et des
mélodies qui restent dans la tête par dizaines. Mais, sans surprise vu
le coup de coeur que j'avais eu la dernière fois, je trouve ce disque-là
en tous points moins bon que sans prédécesseur, tout en restant
largement recommandable : un peu trop de titres "simplement heavy"
(d'ailleurs plus bourrins que d'habitude) qui finissent presque par
lasser (et c'est dommage, quand Diamond joue plus sur l'ambiance, le
niveau remonte immédiatement, comme sur le très bon Life after
death), une chanson titre où les percussions ethniques s'intègrent
relativement mal, mais surtout très peu de passages qui jouent la carte
du "triste/inquiétant". On passe quand même un très bon moment, mais
rien d'inoubliable cette fois-ci.
- King Diamond - House of God (2000) ★ ★ ½
Si Mercyful Fate est mort avant d'avoir atteint l'an 2000, le
projet solo de King Diamond, lui, continuera pendant encore quelques
années à aligner des disques dans lesquels, il faut bien l'avouer, la
prise de risque frise le néant absolu et l'inspiration commence aussi à
manquer quelque peu. Pas l'ombre d'une surprise donc, il s'agit encore
ici d'un album concept centré sur une histoire contée par un King
Diamond qui s'évertue toujours à créer de l'ambiance avec ses
changements de registre. Même s'il en fait un peu trop par moments
(Catacomb par exemple est un peu pénible), on ne peut pas dire
que ce soit superflu car l'accompagnement instrumental est un peu en
mode routine sur cet album. Rien d'affreux non plus, ça reste du bon
heavy bien mélodique, mais on a quand même un peu trop souvent
l'impression d'avoir déjà entendu des choses extrêmement ressemblantes
sur les disques précédents du groupe. Par ailleurs, les claviers qui
donnaient une partie du sel à sa musique semblent ici avoir un peu été
oubliés, c'est dommage. Restent une majorité de titres efficaces malgré
tout (Follow the wolf, Just a shadow), mais aussi cette
impression d'avoir fait plaisir à un vieux copain en écoutant sa
dernière oeuvre tout en sachant très bien qu'elle est assez mineure par
rapport à ce qu'il a produit auparavant.
- King Diamond - Abigail II - The Revenge (2002) ★ ★ ★ ½
Curiosité pour moi aujourd'hui, je chronique un disque qui est la suite
d'un autre... que je n'ai pas chroniqué auparavant puisqu'il fait partie
de la période où je ne supportais pas encore les piaillements de l'ami
King Diamond (il faudra quand même que je redonne une chance à ces
premiers disques). Peu importe d'ailleurs, cet album pourrait tout aussi
bien (quitte à changer un peu l'histoire racontée) être la suite de
n'importe quel autre disque commis par le King, tant il y recycle une
nouvelle fois des thèmes et procédés déjà utilisés cent fois les années
précédentes. Absolument rien de nouveau sous le soleil donc, mais du
mieux par rapport à House of God : au lieu de se contenter
d'écouter avec une oreille bienveillante un disque qui tournait un peu
en rond, on est à nouveau pris par les talents de conteur de Diamond, et
surtout par quelques titres heavy vraiment bien troussés : The
Storm malgré ses bruits d'orages téléphonés, Broken Glass
(superbe ambiance sur celle-ci) ou The Wheelchair. Quelques
tentatives timides aussi pour renouveler légèrement, avec des sonorités
orientales par moments (plus anecdotiques qu'autre chose) et un More
than pain très étrange. Bon, en fait, c'est aussi bien quand on
reste dans la routine habituelle, tant que c'est bien réalisé, et c'est
globalement le cas ici.
- King Diamond - The Puppet master (2003) ★ ★ ★
Ecouter un des derniers albums de King Diamond (ça fait une quinzaine
d'année qu'il n'a plus rien sorti de nouveau), c'est un peu comme
s'installer devant sa télé pour revoir un épisode d'une vieille série
légèrement démodée qu'on a adoré étant jeune : le scénario ne sera guère
surprenant, la musique non plus, mais on se laissera prendre quand même
et on passera un bon moment. Ce disque-ci n'échappe pas à cette sorte de
routine, même s'il tente de nous surprendre en ajoutant pour la première
fois des voix féminines (c'est en fait assez anecdotique, Diamond
propose à lui tout seul un échantillon vocal suffisamment varié pour ne
pas avoir besoin de ça, mais c'est cohérent avec l'histoire racontée, et
le duo de So sad est tout de même sympa). Pour le reste, la
recette n'a pas changé, beaucoup de heavy mélodique dans l'ensemble
inspiré (Blue eyes, Blood to walk), quelques titres plus
atmosphériques avec claviers (Emerencia) même si ces derniers
sont relativement discrets sur l'ensemble de l'album, tout ça est assez
inattaquable même si on a toujours l'impression d'avoir déjà entendu les
trois quarts des morceaux dans les disques précédents. C'est pour cela,
mais aussi parce que la fin d'album pêche un peu plus (Darkness,
Living dead) que je mets une note un peu plus basse qu'à la
majorité des disques précédents de King Diamond. Mais le néophyte qui
débuterait sa découverte de la discographie du groupe par cet album ne
serait sûrement pas déçu.
- King Diamond - Give me your soul... please (2007) ★ ★ ½
Vous en reprendrez bien un dernier pour la route ? Sorti quelques années
après le précédent, ce disque est le dernier à ce jour publié par King
Diamond, et il propose à nouveau une sorte de tour d'horizon de procédés
déjà vus et revus dans les albums précédents du groupe (au point que les
lignes vocales semblent souvent recopiées telles quelles). Même si cette
paresse finit par devenir problématique à la longue, force est de
constater que ça marche encore une fois relativement bien, avec même
quelques titres vraiment réussis, comme The girl in the bloody
dress (même si cette conclusion brutale laisse perplexe) ou
Mirror mirror. Mais on a aussi droit à d'autres chansons moins
convaincantes, comme ce Cold as ice peu convaincant
mélodiquement. L'ensemble reste agréable à écouter, sans plus (surtout
en comparaison avec les meilleurs disques des années précédentes),
Diamond a probablement eu raison d'en rester là (freiné par des
problèmes de santé), sans prendre le risque de décliner complètement.