Mon avis personnel sur les disques de Haggard
- Haggard - And Thou shalt trust... the seer (1997) ★ ★ ★
Bien que catalogué comme metal symphonique, ceci n'est pas un disque de
metal. Non, pas d'orchestre tonitruant ou de synthés cuivrés pour
accompagner des metalleux voulant sonner encore plus spectaculaire ici,
c'est plutôt le contraire. Haggard est un groupe allemand constitué d'un
orchestre de chambre (une quinzaine d'instrumentistes classiques, plus
voix et choeurs) produisant une musique néo-Renaissance mélancolique
(pas de cuivres ici, on est plus dans l'esprit clavecin et flûtiaux), et
ponctuellement soutenus par une guitare saturée et des growls assez
laids. Un mélange assez curieux qui ne fonctionne d'ailleurs pas
totalement, la volonté de créer une ambiance médiévale sombre se
heurtant au fait que les compositions sont très aérées et manquent à
vrai dire de nerf (le pastiche de musique ancienne est un peu scolaire).
C'est d'ailleurs le principal défaut de ce premier essai : c'est beau,
souvent prenant (De la morte noire notamment), mais ça sent un
peu trop le premier album, on aimerait que le compositeur lâche un peu
plus les chevaux de temps en temps (et les interprètes classiques ne
sont pas assez talentueux pour le faire à sa place) au lieu d'aligner
les jolies mélodies conjointes en alternant les instruments. Mais malgré
tout, probablement parce que je suis assez facilement sensible à ce
genre de musique, je trouve le disque très attachant. Au moins comme
curiosité, ça mérite de toute façon d'être testé (même si le public visé
ne doit pas être très fourni), et le groupe a sorti trois autres albums,
espérons qu'ils soient plus aboutis que celui-ci.
- Haggard - Awaking the centuries (2000) ★ ★ ★ ½
Après un premier album intéressant mais pas encore totalement abouti,
Haggard a-t-il progressé au moment de proposer ce deuxième essai ?
Clairement oui, les compositions sont beaucoup plus maîtrisées et
fluides, et le concept global (on part sans surprise pour un voyage du
côté du Moyen-Âge, plus précisément en période de peste) plus immersif,
avec des passages parlés (dont certains en français d'ailleurs !) pour
nous mettre dans l'ambiance. Niveau purement musical, on reste sur une
forte de base de néo-machin (plutôt néo-baroque cette fois-ci
d'ailleurs) agrémentée de choeurs et d'une pincée de metal, même si les
guitares saturées ont ici une place sûrement encore plus anecdotique que
sur l'album précédent. Il faut dire que, malgré l'insertion de nombreux
interludes (un choeur de Rachmaninov par-ci, un menuet par-là, en plus
des passages parlés), le disque ne dure que 37 minutes, ce qui laisse
bien peu de place pour les compositions développées, qui ne sont du coup
qu'au nombre de trois. Un choix curieux, combiné à quelques décisions
"anachroniques" discutables (pourquoi autant de piano quand on veut
créer une atmosphère médiévale ? Pourquoi Rachmaninov en intro et en
conclusion ?) qui tempère un peu mon enthousiasme. Mais Haggard nous
propose quand même à nouveau un voyage assez fascinant, et a
techniquement énormément progressé, ce qui peut laisser espérer un vrai
sommet pour l'album suivant.
- Haggard - Eppur si muove (2004) ★ ★ ★ ★
Pour son troisième album, Haggard ne change pas vraiment la recette, en
proposant à nouveau un album concept (basé, comme vous l'aurez compris,
sur le procès de Galilée) mélangeant metal extrême avec chant growlé et
musique néo-baroque (on a encore droit à quelques purs pastiches de
danses baroques, très courts d'ailleurs, une gavotte par-ci, un menuet
par-là). Mais il semble avoir mûri depuis l'album précédent, celui-ci
étant plus équilibré et classique dans sa construction : une durée
nettement plus standard (une cinquantaine de minutes), le côté théâtral
des interludes parlés a été mis de côté mais la section metal a gagné en
puissance (c'est même presque bourrin par moments, les guitares saturées
qui déboulent assez systématiquement en plein milieu des morceaux pour
faire un gros contraste avec le reste, c'est pas loin de tourner au
procédé un peu facile). Je regrette toujours que le piano, qui n'a pas
vraiment sa place dans l'équation proposée par Haggard, ait encore une
place de choix ici, mais malgré mes quelques réticences, ce disque est
clairement un bel aboutissement pour le projet du groupe. C'est unique,
surprenant, mais les compositions sont désormais vraiment joliment
travaillées, et c'est tout simplement très beau. Essayez au moins le
titre initial All'inizio e la morte, et peut-être serez-vous
aussi conquis.
- Haggard - Tales of Ithiria (2008) ★ ★ ½
Quatrième album de la discographie d'Haggard, et ça ressemble déjà un
peu au disque de trop. Le groupe essaye pourtant de renouveler un peu sa
recette après l'avoir fait mûrir lors de trois premiers opus de plus en
plus réussis, mais clairement pas de la bonne façon. La thématique de
l'album colle moins au style déployé (plus rien de basé sur des faits
réels ici, mais une histoire convenue de guéguerre entre gentils et
méchants) et les narrations en voix grave sur fond de violons
synthétiques hollywoodiens sont carrément à côté de la plaque. On a
aussi droit à une reprise incongrue de Hijo de la luna
(sympathique chanson du groupe pop espagnol Mecano, pour ceux qui
ne connaîtraient pas), et tout ça bouffe mine de rien une partie non
négligeable des 42 minutes que dure le disque. Le reste, c'est à nouveau
un savant mélange de metal extrême et de musique instrumentale
d'inspiration baroque, toujours aussi sympathique à écouter mais qui
peine à atteindre les sommets des deux albums précédents (The
Sleeping child est la meilleure piste du lot). Un groupe en perte de
vitesse donc, qui a peut-être cherché à s'ouvrir à de nouveaux auditeurs
avec ce disque, mais qui semble hélas avoir écrit là son dernier album
(17 ans passés depuis sa sortie, et malgré des rumeurs de nouveaux
projets, rien de nouveau depuis...).