Mon avis personnel sur les disques de Faith no More
- Faith no more - We care a lot (1985) ★ ★ ★ ★
Encore une fois, je débute l'exploration de la disco d'un groupe avec un
album qui n'en est même pas vraiment un, puisque les musiciens eux-même
l'ont à moitié renié et en ont repris le premier titre éponyme dans leur
"vrai" premier album à suivre, Introduce yourself. De fait, on
est par ailleurs plus ici dans le délire entre copains qui font joujou
avec grattes et synthés que dans quelque chose de très sérieux, les
parties vocales en particulier étant pitoyables (le chanteur principal
est une espèce de mixture improbable entre un crooner et le chanteur
d'Indochine, mais avec une notion de justesse extrêmement rudimentaire,
et quand il y a des choeurs, c'est pas du tout en place en plus d'être
largement faux). Quant à la musique elle-même, on ne peut guère parler
de metal tant les synthés occupent une place importante et tant ça
lorgne vers, euh, un peu et n'importe quoi en fait, mais majoritairement
une espèce de pop vaguement disco). Autant dire que ma notation est
complètement disproportionnée, mais je n'y peux rien, malgré les défauts
plus qu'évidents, je trouve ça assez jouissif, ces gars-là mélangent
vraiment tout et n'importe quoi sans se préoccuper de l'étiquette qu'on
pourra bien leur coller, ils se font plaisir et c'est très communicatif.
Des titres comme We care a lot et son refrain simpliste scandé,
Arabian disco (rien que le titre...) ou le foutraque Why do
you bother (attention ils essayent de chanter ensemble sur celui-là,
ça fait assez mal, et la fin avec un effet grotesque de ralentissement
des synthés suivis d'une espèce de péroraison orchestrale qui part en
eau de boudin, c'est absolument fabuleux !), je dois être un peu maso,
mais j'en redemande !
- Faith no more - Introduce yourself (1987) ★ ★ ★
Voici donc le premier véritable album du groupe, et curieusement, je le
trouve moins convaincant que leur effort précédent. En fait, on a un
truc qui est un peu intermédiaire entre le délire foutraque et la
volonté de faire quelque chose de plus sérieux, et on récupère un peu
les défauts des deux approches : manque de précision de l'ensemble (le
chanteur n'a pas encore été remplacé, il s'en sort mieux ici mais ça
reste approximatif, notamment sur l'intro de The crab song), et
en même temps la perte de la spontanéité qui rendait We care a
lot si immédiatement séduisant. De fait, le début du disque est
assez inégal, avec des titres comme Anne's song qui forcent le
trait sur le côté "différent" (voire carrément parodique par moments),
qui alternent avec de vraies bonnes idées (la vignette rigolote qui
donne son titre à l'album, ou le passage rappé de Chinese
arithmetic). On retrouve une carburation plus régulière ensuite,
avec une utilisation à nouveau prédominante des synthés et une dernière
piste assez déjantée. Un album de transition pas totalement convaincant
mais souvent intéressant quand même.
- Faith No More - The real thing (1989) ★ ★ ★ ½
Voilà un album particulièrement raccord avec quelques-unes de mes autres
écoutes récentes (ND Roupoil : jétais en train d'écluser la discographie
de Black Sabbath et de RATM au moment de taper cette
critique). D'abord parce que le groupe y reprend le War pigs de
Black Sabbath (très bonne piste, mais bon, peut-on rater une
telle chanson ?), mais aussi parce que, quelques années avant
l'explosion de RATM, l'album fait la part belle à un chant très
clairement influencé par le rap sur une majorité de pistes. Très bonne
nouvelle, le groupe a changé de chanteur et le nouveau venu (en plus de
chanter juste) a tout ce qu'il faut pour assurer sans problème à la fois
côté rap et côté pop, avec en plus une personnalité indéniable. Si je ne
suis pas entièrement emballé par le disque, c'est parce qu'il est à
nouveau trop inégal, entre les sommets vraiment excellents que sont
Epic (couplets rappés et refrain avec synthés en mode orchestral,
ils nous ont un peu refait le coup de We care a lot mais en
encore plus jouissif) et l'instrumental barré Woodpecker from
Mars, et d'autres pistes qui naviguent entre le sympathique
(Zombie eaters et son début en mode romance acoustique dont on se
demande vraiment s'il n'est pas complètement parodique, la chanson titre
qui traîne quand même en longueur), et le remplissage peu marquant
(Falling to pieces, Underwater love). Quand même, en me
refaisant la liste des pistes de l'album, quelle variété, jusqu'à la
chanson finale jazzy accompagnée au piano, on est vraiment très très
loin du metal formaté !
- Faith No More - Angel Dust (1992) ★ ★ ★ ★ ★
Non, n'insistez pas, je ne serai pas objectif concernant cet album, que
je connais depuis quelques décennies (je serai bien incapable de dire
qui me l'avait fait écouter, mais c'était une bonne idée puisqu'il
s'agit de l'un des rares disques "non classiques" qui traînent dans mes
CD-thèques à la maison ; bizarrement, ça ne m'avait jamais poussé à
écouter les autres albums du groupe !). Je ne l'avais d'ailleurs pas
écouté depuis un certain temps, mais c'est toujours excellent ! Assez
déjanté et inclassable comme il se doit avec Faith No More, mais là,
tout ce qu'ils tentent réussit, et Mike Patton passe d'un style à un
autre sans effort apparent, c'est bluffant. On a ainsi droit à de courts
passages d'orgue façon vieux film d'horreur, à un Malpractice qui
sonne industriel avec des violons grinçants en fond, à des pistes
presque "publicitaires" tant la musique y est décontractée (RV ou
A small victory), à des passages rappés (sur Everything's
ruined), mais aussi à du plus musclé (Caffeine) ou sombre
(Smaller and smaller), le tout sans faute de goût (non, non,
Be aggressive et son chorus ridicule n'est pas une faute de goût,
c'est une des pistes les plus géniales du disque !), et, encore plus
surprenant, sans qu'on ait l'impression que l'album ne tienne pas
debout. Ah si, quand même, niveau faute de goût, le reprise sirupeuse du
Easy de Lionel Ritchie qui a été ajoutée en fin d'album est à
fuir absolument. Et dire que c'est ça qui a fait vendre le disque alors
qu'on a à l'autre bout un Land of sunshine que personnellement je
peux écouter dix fois de suite sans me lasser...
- Faith No More - King for a day, fool for a lifetime (1994) ★ ★ ½
Le principal défaut de cet album, c'est tout bêtement de succéder à la
réussite exceptionnelle qu'était Angel dust. On ne peut pas
s'empêcher de se dire que c'est un peu la même chose, mais en (beaucoup)
moins bien. De fait, les ingrédients n'ont pas vraiment changé : un fond
metal (dans l'assez bon The Gentle art of making enemies par
exemple) largement agrémenté de digressions qui partent dans tous les
sens (le côté funfy/jazzy de Star A.D. avec sa trompette,
l'ambiance bossa de Caralho voador, et d'autres choses moins bien
identifiées). Le problème, patent dès le début de l'album, c'est que
l'inspiration s'est sensiblement tarie, et que le côté hétéroclite de la
chose s'en ressent nettement. D'ailleurs, comme pour compenser les
faiblesses musicales, Patton, plus caméléon que jamais, en fait vraiment
des tonnes niveau chant, quitte à tomber parfois dans le n'importe quoi,
les hurlements de Cuckoo for caca (quel titre !) ou les
bizarreries de Ugly in the morning me font presque préférer les
titres où il repasse en mode crooner (plutôt en fin d'album). L'ensemble
reste très écoutable, mais plus comme on écouterait une radio alignant
des titres de styles différents que comme un album vraiment riche et
consistant.
- Faith No More - Album of the year (1997) ★ ½
On sentait bien déjà sur l'album précédent que Faith No More avait eu du
mal à enchaîner après Angel Dust, mais c'est encore plus
manifeste sur cet album franchement plat qui ne peut que décevoir de la
part du groupe. Malgré la durée assez réduite, c'est presque déjà trop
long, les titres s'enchaînent avec toujours une variété appréciable,
mais bien peu accrochent vraiment l'oreille (citons quand même le rigolo
Mouth to mouth avec sa rengaine orientalisante au synthé, ou
l'efficace mais bien court Home sick home) et certains tombent
même dans le vraiment sans intérêt (la dernière piste Pristina
par exemple). S'il n'y avait pas Mike Patton pour animer un peu tout ça,
il ne resterait pas grand chose à se mettre sous la dent. Une
constatation d'ailleurs probablement partagée en partie par le groupe,
qui a décidé après cet album de se séparer pour une longue période.
- Faith No More - Sol invictus (2015) ★ ★ ★ ½
Il est loin d'être rare, surtout dans la sphère metal, qu'un groupe,
après plusieurs changements de line-up, revienne faire un album dans une
formation identique à celle qu'il avait eue dix ou quinze ans avant.
Mais refaire un album, sans changement de formation, après 18 ans sans
rien (le groupe ayant simplement cessé d'exister pendant une grande
partie de cette période), ça doit être un petit record que détient là
Faith No More. Du coup, la question de l'intérêt de cette résurrection
se pose forcément, surtout au vu du niveau franchement pas
enthousiasmant des derrières sorties du groupe dans les années 90.
Première bonne nouvelle, le style n'a pas du tout changé, c'est à peine
si on se rend compte que le temps a passé, et Patton chante toujours
tout et n'importe quoi avec la même aisance. Mais surtout, eh bien
l'album est loin d'être mauvais ! Varié comme il se doit, des refrains
efficaces, quelques incursions vers des domaines encore inexplorés (le
côté "western désabusé" de Cone of shame, le piano très présent
dès la première chanson titre), des progressions dynamiques assez
impressionnantes (sur Rise of the fall notamment), ça fonctionne
vraiment pas mal. Petite déception quand même : c'est assez court (à
peine 40 minutes) et à part peut-être Superhero, il y a peu de
titres qui envoient vraiment. Mais bon, pour un retour, c'est
franchement encourageant !