Mon avis personnel sur les disques d'Edguy
- Edguy - Kingdom of madness (1997) ★ ★
L'Allemagne, comme chacun le sait, est le pays d'Helloween,
groupe fondateur du speed metal, il n'est donc pas surprenant d'y
trouver quelques héritiers dans ce style que j'affectionne
personnellement. Le plus productif d'entre eux est probablement Tobias
Sammet, qui a produit depuis maintenant plus de 25 ans une ribambelle
d'albums sous la double casquette de son groupe Edguy (quel drôle de
nom...) et de son projet d'opéra metal Avantasia, que je vais a
priori traiter en parallèle (cf critiques plus haut dans cette liste).
Ici, il s'agit donc plus ou moins du premier album d'Edguy (il y en a en
fait eu un autre avant qui n'a pas pu être publié et sera repris par le
groupe quelques années plus tard), et on est totalement dans le style
attendu, avec des guitares qui galopent, de la mélodie en pagaille, du
chant clair et quelques choeurs niais pour accompagner. Le tout est joué
avec un enthousiasme appréciable, mais souffre très clairement de
limitations techniques compréhensibles pour un groupe débutant : le son
est médiocre (la batterie assez terrible, et les quelques touches
orchestrales aux claviers sonnent affreusement cheap), le chant de
Sammet pas franchement assuré, et ça manque globalement de souffle,
quand on ne tombe pas carrément dans la mièvrerie (la ballade When a
hero cries est assez effrayante). En fait, le groupe n'a tout
simplement pas (encore ?) les moyens de son ambition, comme en témoigne
The Kingdom, piste finale de 18 minutes qui n'atteint jamais la
dimension épique souhaitée. Quelques titres bien sympathiques malgré
tout, mais à réserver aux fans du genre (et même sûrement aux fans du
groupe).
- Edguy - Vain glory opera (1998) ★ ★ ★
Après un premier essai qui pêchait probablement par une ambition trop
élevée, Edguy revient avec un album nettement plus raisonnable (pas de
titre à rallonge ici), mieux produit (même si le manque de moyens est
encore flagrant dans l'emploi de claviers atroces qui rendent notamment
l'introduction de la chanson-titre risible alors que ce n'était sûrement
pas l'effet escompté), et tout bonnement mieux maîtrisé. Des choeurs
épiques, des titres souvent très speed portés par des refrains
fédérateurs (sur Out of control entre autres) et des mélodies
efficaces, que peut demander de plus l'amateur du genre que je suis ? Je
ne peux même pas me plaindre du manque flagrant d'originalité de la
chose puisque l'album est sorti au moment où le speed mélodique
refaisait surface et n'était pas encore usé jusqu'à la corde (le
Symphony of Enchanted Lands qui a propulsé Rhapsody sur
les devants de la scène, et qui est certes quelques crans au-dessus de
cet album, date de la même année). Ah si quand même, un gros bémol sur
les ballades qui n'arrivent absolument pas à faire décoller leurs
mégatonnes de guimauve (Tomorrow est d'une niaiserie
terrifiante). Sans être le haut du panier, on a là un bon petit album.
- Edguy - Theater of salvation (1999) ★ ★ ★
Ce troisième (ou quatrième, cf le suivant) album d'Edguy est censé être
celui de la maturité, un classique du speed metal qui a en tout cas
ouvert grand les portes de la célébrité au groupe en-dehors de
l'Allemagne. Autant le dire tout de suite, avec une telle réputation,
j'ai été assez déçu. Non pas que ce soit mauvais, on tient là un bon
album, farci d'hymnes speed très efficaces à défaut d'être originaux
(l'enchaînement de Babylon et The Headless game en début
d'album, The Unbeliever vers la fin). Mais il a encore trop de
défauts pour être considéré comme un classique indéboulonnable : chant
parfois pénible (Tobias Sammet abuse du vibrato chevrotant, et les
choeurs vont souvent chercher des aigus disgracieux), ballade
terrifiantes de nunucherie (et qui sonnent affreusement vieillotes par
rapport à la date de sortie du disque, Land of the miracle on se
croirait dans un mauvais trip années 70 avec ces guirlandes de piano
vintage), et tout simplement une incapacité à vraiment créer un souffle
épique qui emporte l'auditeur (non, les choeurs médiévaux et les
"Alleluia" risibles dans la chanson-titre de près d'un quart d'heure qui
conclut l'album ne produisent pas l'effet escompté). Après, même si
c'est parfois un peu au second degré, on passe quand même un bon moment
à écouter ce disque quand on est fans du genre.
- Edguy - The savage poetry (2000) ★ ★ ★
Après trois albums qui les ont propulsé au sommet du speed mélodique,
les allemands d'Edguy décident de sortir un quatrième album... qui est
en fait leur premier, qu'ils n'avaient pas pu diffuser à l'époque de son
enregistrement et qu'ils ont entièrement repris. Oui, il s'agit ici
d'une recréation, avec tous les moyens dont dispose désormais le groupe
et des arrangements complètement revus (bon, je n'ai pas écouté la démo
d'origine pour comparer). Et ils ont eu là une très bonne idée, car il y
a du bon dans la musique de ce disque. On commence même avec un
Hallowed qui est une vraie tuerie, puissant et prenant, le genre
de titre hyper accrocheur qui manquait à leurs albums précédents (et du
coup, à mon avis, la meilleure chanson de leur début de carrière). Tout
le reste n'est pas parfait, avec quelques fautes de goût (les ballades,
comme d'hab, sont inintéressantes au possible, et l'utilisation du
suraigu qui sent un peu trop l'influence Helloween peut faire mal aux
oreilles, notamment au démarrage de Misguiding your life, qui
comporte par ailleurs une citation risible de Vivaldi dans son solo),
mais avec beaucoup de titres sympathiques (le Power and majesty
final, entre autres). Rien de révolutionnaire là-dedans (mais c'est la
première tentative de gamins de moins de 20 ans), mais franchement
prometteur, et à vrai dire plus réussi que leurs classiques suivants !
- Edguy - Mandrake (2001) ★ ★ ★ ★ ½
Après la parenthèse Avantasia, Tobias Sammet retourne à Edguy et
lui fait prendre un tournant qui sera confirmé sur les albums suivants.
Nettement moins speed (même si Golden dawn ou Fallen
angels perpétuent cette tradition), une seule ballade (ouf !), et
une majorité de titres mid tempo qui sonnent résolument heavy, avec une
attention particulière portée à la mélodie. Eh ben, voilà une nouvelle
orientation qui me convainc énormément, d'autant plus que le disque est
enfin porté par quelques titres vraiment géniaux qui ressortent du lot,
ce qui manquait aux précédents efforts d'Edguy : Tears of a
mandrake est une ouverture exceptionnelle au refrain inoubliable, et
The Pharaoh, sur un thème pourtant rebattu, un morceau de
bravoure qui tient toutes ses promesses (quelle superbe utilisation des
choeurs encore une fois). On a même droit à un Nailed to the
wheel qui, après une intro acoustique trompeuse, se déchaîne avec
une agressivité inattendue pour le groupe (quel refrain monstrueux !).
S'il n'y avait pas quelques titres nettement plus faibles (le Save
us final se veut probablement comique, il est juste raté), on
tiendrait là un monument. Tel quel, c'est déjà le sommet évident de la
carrière d'Edguy.
- Edguy - Hellfire club (2004) ★ ½
Le changement de cap amorcé avec Mandrake est encore plus clair
ici : gros son, tempo ralenti (à quelques exceptions près), et une
influence Iron Maiden de plus en plus envahissante (The
Navigator, entre autres...), Edguy cherche clairement à se faire de
nouveaux auditeurs. Hélas, si la transition était plus que convaincante
sur l'album précédent, l'inspiration se tarit rapidement, et Sammet
force autant qu'il le peut pour combler les vides de façon lourdingue,
ce qui rend l'album rapidement pénible. Malgré une intro risible,
Mysteria démarre pourtant très bien l'album, c'est un titre
direct et très efficace. Mais on enchaîne immédiatement avec les 10
minutes de The Piper never dies, morceau de bravoure supposé de
l'album. Ce titre aurait été très correct... s'il avait duré cinq
minutes, mais il est rallongé de façon totalement artificielle, à coups
de refrain répété ad nauseam et de modulations foireuses (de toute
façon, il doit y avoir sur l'ensemble du disque autant de modulations au
demi-ton supérieur que dans un Goldman quelconque, c'est vraiment pas
bon signe). Le reste confirmera ce côté "passage en force permanent" :
chant outré, refrains répétés, tentatives d'humour pitoyables
(l'interlude Lucifer in love, heureusement que ça ne dure que 30
secondes), et ballades avec orchestre synthétique carrément abyssales
(finir sur The Spirit will remain fait vraiment mal). Les bonnes
nouvelles sont en fait à chercher du côté des quelques titres speed qui
montrent que les musiciens restent plus que compétents, mais le groupe
est quand même sur une pente très glissante.
- Edguy - Rocket ride (2006) ★ ★ ½
Je dois bien l'avouer, à la première écoute, ce disque m'avait
particulièrement horripilé, et je m'apprêtais à le descendre en flamme
encore plus brutalement que le précédent du groupe. Mais après posé mes
oreilles de façon un peu plus attentive sur la chose, j'ai un peu révisé
mon jugement pour faire preuve de plus d'indulgence (et je me dis que
Hellfire club mériterait peut-être que je lui donne une dernière
chance, du coup). Certes, il y a des moments très agaçants, notamment
quand Sammet essaye de faire preuve d'humour et tombe systématiquement
dans le super-lourdingue (la pochette donne le ton, en même temps) : le
solo de guitares "hilarant" de Return to the tribe, le délire
final de Catch of the century, et la pochade Trinidad sont
à mettre dans la poubelle la plus proche. Mais le reste de l'album, bien
que tombant trop souvent dans la facilité, est loin d'être désagréable à
écouter. Il y a même un effort pour proposer des titres assez
construits, avec des sonorités variées (le Sacrifice qui ouvre le
disque notamment). Si on accepte le fait qu'Edguy a définitivement
laissé tomber le metal speed pour proposer quelque chose de beaucoup
plus consensuel avec encore quelques soupçons de heavy sous influence
Iron Maiden, on peut passer un bon moment à écouter ce disque.
Mais ça ne va quand même pas chercher très haut.
- Edguy - Tinnitus sanctus (2008) ★ ★
S'il y a bien une chose qu'on ne peut pas reprocher à Tobias Sammet,
c'est de faire languir ses fans. Bien que gérant en parallèle son projet
opératique Avantasia, il continue malgré tout à sortir tous les
deux ans un nouvel album de son groupe de base. Bon, après, pas besoin
d'être très mauvaise langue pour affirmer qu'un peu moins de frénésie
créatrice ne nuirait pas à la qualité des albums, tant la routine semble
désormais installée (pour les deux projets d'ailleurs). Ce Tinnitus
sanctus ne fait pas exception à la règle : il démarre plutôt bien avec
un Ministry of saints classiquement heavy mais efficace, et
s'enfonce petit à petit dans le confort de titres trop faciles, trop
orientés rock FM (un truc comme Dragonfly), souvent très
répétitifs, et trop proches de choses déjà entendues des dizaines de
fois. Bref on sent que tout ça a été bouclé (bâclé ?) un peu trop vite,
même s'il reste assez de métier à Sammet pour qu'on ne s'ennuie jamais
totalement (un titre comme Dead or rock est même franchement
sympa). Un album trop paresseux pour être mieux qu'anecdotique.
- Edguy - Age of the joker (2011) ★ ★ ½
Tiens, Edguy nous ferait-il le coup classique du "retour aux sources" ?
En tout cas, la pochette (et le titre) de cet album fait une allusions
plus qu'évidente à Mandrake, dix ans après la sortie de ce
dernier (non, on ne va pas non plus pousser jusqu'à évoquer la première
période speed d'Edguy, définitivement révolue). Dans la mesure où il
s'agit de mon album préféré du groupe, c'est une bonne nouvelle en ce
qui me concerne, mais il faut bien avouer qu'à l'écoute, on ne voit pas
trop de différences avec les dernières propositions de Sammet et de sa
bande : un heavy passe-partout, du refrain choral anesthésié à la
guimauve sur une majorité de titres, une ballade atroce pour terminer,
et un titre celtisant un peu perdu au milieu de tout ça (Rock of
cashel, qui a le mérite d'explorer des pistes assez peu fréquentées
jusque-là par le groupe). Ah si, quand même, il y a de la nouveauté :
Sammet a manifestement récupéré au fond de son grenier une collection de
vieux claviers, et il en fout partout, avec la subtilité et le bon goût
qui l'ont toujours caractérisé (on a l'impression par moments qu'il a un
peu trop réécouté Europe période The Final countdown). Ça
donne un côté vaguement anachronique au son de ce disque, pas
désagréable dans son ensemble (Nobody's hero, par exemple, c'est
pas mal du tout) mais qui n'arrive une fois de plus pas vraiment à
dépasser le stade du divertissement sympathique. En fait, Sammet a une
fois de plus l'air de beaucoup s'amuser, mais peine à nous convaincre de
l'accompagner dans ses délires (au moins, ça fait quelques albums qu'il
a laissé l'humour de côté, et ça c'est une très bonne nouvelle).
- Edguy - Space police - Défenders of the crown (2014) ★ ★ ★
Drôle de destin que celui d'Edguy, groupe qui a révélé son leader Tobias
Sammet avant d'être peu à peu délaissé par celui-ci pour privilégier son
projet Avantasia. Même si le groupe n'a pas officiellement
disparu, il est en état de mort cérébrale depuis un certain temps,
puisque ce disque constitue sa dernière sortie (ah non, une petite
compilation pour meubler, il y a quand même 7 ans...). Après, je ne me
plaindrai pas non plus que Sammet ait un peu ralenti la cadence vu
l'inspiration pas toujours au rendez-vous de ses productions des années
2000. En tout cas, je ne sais pas si le fait qu'il s'agisse du dernier
en date qui a joué sur mon état d'esprit, mais j'ai trouvé cet Edguy
meilleur que ses prédécesseurs immédiats. Loin d'être parfait, c'est
sûr, avec ses claviers pas toujours judicieux, ses wohoho un peu niais
des choeurs qui polluent trop souvent les refrains et quelques pistes
très dispensables (Rock me Amadeus, reprise d'un tube autrichien
dont je n'avais jamais entendu parler, est une bouse assez impensable),
mais avec son lot de titres accrocheurs qui fonctionnent bien
(Sabre&Torch, The realms of Baba Yaga), et même un
Eternal wayfarer conclusif qui ose revenir à un style épique
ambitieux (près de 9 minutes) sans se casser la gueule. Tout ça n'en
fait pas un album indispensable, bien entendu, mais ça mérite un petit
encouragement.