Mon avis personnel sur les disques de Dimmu Borgir
- Dimmu Borgir - For All Tid (1995) ★
Encore un groupe de black venu du Nord au programme, avec les norvégiens
de Dimmu Borgir. Il ne s'agit toutefois pas de la même chose que ce
qu'on imagine habituellement sous cette appellation, puisque Dimmu
Borgir est surtout connu pour quelques albums de black "symphonique"
hauts en couleur (voire en mauvais goût) sortis à l'apogée de la
carrière du groupe. Mais il s'agit ici des débuts un peu oubliés du
combo, et ce premier disque est ... assez surprenant. L'introduction
Det nye riket s'ouvre avec quelques sons électroniques assez
aléatoires, enchaîne sur un passage de clavier symphonique qui se veut
noble et triste, puis sur une déclamation sur fond de piano qui fleure
bon l'heroic fantasy. Une première piste qui donne vraiment envie
d'entendre la suite. Hélas, on déchantera assez vite, le groupe ne
semble pas trop savoir dans quelle direction se lancer, et le mélange de
guitares grésillantes qui ne servent à rien (le son est très mauvais),
de clavier planants (eux, curieusement, on les entend distinctement)
donnant une atmosphère pseudo gothique incongrue, et de chant guttural
moyennement maîtrisé passe assez mal (en même temps, pour le chant, on
est presque rassuré que ce soit guttural les trois quarts du temps quand
on entend le chant clair proposé sur Over bleknede blaner til
dommerdag, à mourir de rire tellement c'est faux et mal chanté). Sur
le fond, on sent la volonté de proposer une musique mélodique et
atmosphérique qui tranche un peu avec les thèmes du black de l'époque,
mais c'est tout simplement trop mal réalisé pour être intéressant.
- Dimmu Borgir - Stormblast (1996) ★ ★ ½
Ce deuxième album de Dimmu Borgir a une curieuse particularité : il a
été intégralement réenregistré par le groupe neuf ans plus tard (sous le
titre particulièrement inspiré de Stormblast 2005) avec un son
nettement plus clinquant (plus conforme à ce que le groupe produisait
comme musique à ce moment-là quoi). Enfin, intégralement ou presque
puisqu'on y perd notamment le bel interlude au piano Sorgen
kammer qui avait apparemment été pompé par le claviériste de
l'époque sur une musique de jeu video (mouarf). De toute façon, autant
écouter la version originale pour mieux appréhender l'évolution du
groupe. Ce deuxième essai est déjà nettement plus convaincant que le
premier, même si tout à fait dans le même style. En fait, l'habillage
black metal est vraiment là pour donner le change aux copains
norvégiens, parce qu'à part le chant guttural et la batterie bourrine
(mais qu'on entend assez peu), on est bien loin des ambiances sombres du
genre : c'est très mélodique, souvent mélancolique même, et encore
dominé par les claviers (qui louchent un peu vers le symphonique par
moments). Rien de transcendant (ça manque vraiment de contrastes et de
moments vraiment marquants, d'ailleurs aucune piste ne sort du lot à
part le fameux interlude plagié) mais si on aime ce type de musique, ça
s'écoute.
- Dimmu Borgir - Enthrone Darkness Triumphant (1997) ★ ★ ★ ★ ★
Ce troisième album du groupe est généralement considéré comme le
véritable point de départ de leur discographie. On comprend pourquoi dès
les premières notes tant le changement est radical par rapport aux deux
précédents. Alors que jusqu'ici Dimmu Borgir proposait un black très
atmosphérique aux ambiances brumeuses, là on part d'un seul coup vers un
style ultra spectaculaire (le groupe inaugure d'ailleurs une série de
titres d'albums en mode triptyque ronflant histoire de bien marquer le
coup), qui semble prendre un malin plaisir à proposer une sorte
d'"anti-true black metal" : production hyper brillante, claviers
symphoniques virevoltants, mélodies hyper accrocheuses, on conserve
certes du chant extrême (mais souvent sous forme de choeurs ajoutant
encore à la puissance dégagée par l'ensemble) et une batterie hyper
brutale, mais le but est avant tout d'en foutre plein la gueule. Pas
surprenant que Dimmu ait souvent été classé aux côtés d'un Cradle of
Filth dans la catégorie des groupes pratiquant un black hyper
accessible. Sauf que là où Cradle propose du grand guignol parfois
horripilant, Dimmu Borgir se rapproche plus des derniers albums d'un
Septicflesh en arrivant à conserver un esprit sombre (malgré les
claviers parfois un brin kitsch, il faut quand même l'admettre). Très
peu de pistes faibles dans ce disque (allez, Entrance avec son
espèce de carillon est assez spéciale) et un enchaînement de tueries
impressionnant (les deux premières pistes, Mourning palace et
Spellbound, sont absolument énormes). C'est vraiment le type de
metal que j'adore (ceux qui ont du mal avec le symphonique grandiloquent
risquent par contre de détester), mais quand même, quel choc par rapport
à leur album précédent !
- Dimmu Borgir - Spiritual Black Dimensions (1999) ★ ★ ★
Pas de raison de changer une formule gagnante : après un Enthrone
Darkness Triumphant dantesque, Dimmu Borgir persiste dans le titre
en mode triptyque pédant, mais surtout niveau musical, en proposant à
nouveau un black symphonique bien grandiloquent, avec grand renfort de
claviers. On a d'ailleurs l'impression que ces derniers sont de plus en
plus dominants, laissant souvent aux guitares le rôle de faire-valoir
chargées de créer un simple fond musical. Peut-être est-ce un peu trop,
ou peut-être tout simplement le groupe n'arrive-t-il pas à proposer un
disque de la même intensité que le précédent, je trouve en tout cas
qu'il y a un assez net recul. Pas de pistes aussi marquantes et
percutantes que les deux qui ouvraient l'album précédent, on a un peu
l'impression que le groupe se contente de créer de belles atmosphères à
coups de claviers (l'intro mystérieuse de The promised future
aeons, par exemple, assez réussie), de broder une mélodie efficace
par-dessus, puis de laisser faire les choses avec certes un
professionnalisme indéniable mais sans éclat de génie particulier. On
notera tout de même l'introduction encore discrète de chant clair (pas
seulement sur les choeurs, bien présents toutefois sur The Insight
and the catharsis, on a aussi quelques rares interventions solistes)
qui confirment que le groupe cherche de plus en plus à produire une
musique accessible au plus grand nombre. Mais si c'est pour produire
quelque chose de moins fort c'est un peu dommage. Le disque précédent
était une tuerie, celui-ci est simplement très correct.
- Dimmu Borgir - Puritanical Euphoric Misanthropia (2001) ★ ★ ★ ★
Si on ne devait juger les albums de metal qu'à leur titre ou leur
pochette, celui-ci ne serait certainement pas très haut classé dans
l'échelle du bon goût. Bizarre d'ailleurs pour un groupe qui par
ailleurs semble vouloir produire une musique plutôt commerciale et grand
public (enfin, tout est relatif bien entendu, c'est pas franchement de
la pop non plus). Mais cette contradiction apparente est finalement
assez en phase avec l'évolution musicale du groupe, qui sur ce disque ne
semble pas trop réussir à choisir entre quelque chose de plus doux que
sur ses propositions précédentes (de plus en plus d'intrusions de chant
clair, utilisation de vrais instruments à cordes, la lente intro Fear
and wonder qui sonne très "bande originale de film" est d'ailleurs
fort réussie), et au contraire une radicalisation nettement audible dans
le choix d'une production beaucoup plus acérée (je préférais le
clinquant des deux disques précédents) et des compositions qui donnent
souvent dans le brutal (le nouveau batteur n'y est pas pour rien, son
jeu étant pour le moins viril). Le côté sombre l'emporte assez
largement, mais même si on frise parfois le passage en force, il y a
aussi un regain d'inspiration qui rend cet album certes plus éprouvant à
écouter, mais aussi plus mémorable que le précédent. Les pistes où le
groupe arrive à trouver un équilibre intéressant entre ses différentes
composantes (notamment les cordes) sont les plus intéressantes,
notamment Hybrid stigmata et Indoctrination. Et la
conclusion orchestrale Perfection or vanity est presque aussi
belle que l'introduction.
- Dimmu Borgir - Death Cult Armageddon (2003) ★ ★ ★ ★ ★
Dans son album précédent, le groupe semblait hésiter entre le clinquant
et la noirceur. Sur celui-ci, il a clairement (c'est le cas de le dire)
choisi, en revenant à une production Technicolor du meilleur goût et en
étoffant son orchestre de quelques cuivres qui donnent un côté
terriblement hollywoodien à quelques pistes (les fanfares de
Progenies of the great apocalypse fleurent bon leur John
Williams). Les fans de black les plus obtus n'apprécieront pas, mais
pour ceux comme moi qui aiment le grand spectacle, on est servis, et
sacrément bien qui plus est. Dimmu Borgir retrouve une inspiration
quasiment constante qu'il n'avait pas eue depuis Enthrone Darkness
Triumphant et aligne les tubes irrésistibles : après la belle montée
en puissance d'Allegiance, le titre Progenies of the great
apocalypse déjà cité est absolument énorme, et ce ne sera pas le
seul de l'album, Vredesbyrd et son motif aux claviers, le binôme
Cataclysm Children/Eradication instincts defined qui fait
à nouveau la part belle à l'orchestre (oui, tout l'intro de la deuxième
citée est totalement "cinématographique" à nouveau, mais quand les
guitares et le chanteur déboulent, quel pied !), plus de la moitié des
chansons du disque sont des réussites monumentales. Alors on pardonnera
sans problème un léger abus de samples et bruitages qui n'apportent rien
(c'est déjà assez dense comme ça d'un point de vue strictement musical)
et deux ou trois titres inévitablement moins marquants (Lepers among
us, plus frontale, qui aurait plus eu sa place sur l'un des deux
albums précédents), et on se repaît avec délices de ce "black metal"
festif qui en met plein la vue. Non, vraiment pas ? Ben moi j'y retourne
illico.
- Dimmu Borgir - In Sorte Diaboli (2007) ★ ★ ★ ½
Après un Death Cult Armageddon épique, il aura fallu quatre ans
aux norvégiens de Dimmu Borgir pour proposer un véritable nouvel album
(entre temps, ils ont réenregistré Stormblast), un temps
inhabituellement long pour eux. Le signe qu'ils ne savaient plus trop
quoi nous proposer ? Peut-être, en tout cas les titres emphatiques
semblent abandonnés, et le disque dans son ensemble fait preuve d'une
certaine sobriété (tout est relatif hein, mais en comparaison avec le
précédent on sent la différence). The Serpentine offering ouvre
pourtant à nouveau les hostilités sur un gros délire bien spectaculaire
avec orchestre très présent, mais ensuite ce dernier se fera franchement
discret (sauf évidemment dans l'interlude purement orchestral The
Fallen arises, sympa mais pas transcendant), le groupe préférant
miser sur des titres assez classiques faisant intervenir avec parcimonie
le chant clair (très peu sur cet album), le piano, les choeurs, bref
tout ce qu'on trouve habituellement chez Dimmu Borgir. Une certaine
retenue, combinée avec quelques pistes construites de façon assez
décousue (The Sacrilegious scorn mélange trop de choses en 4
minutes, par exemple), qui rendent le disque nettement moins inoubliable
que son prédécesseur. Mais ça reste quand même très solide et maîtrisé,
avec quelques belles réussites (The Sinister awakening, The
invaluable darkness). Dimmu Borgir reste une valeur sûre du genre.
- Dimmu Borgir - Abrahadabra (2010) ★ ★ ★ ★ ½
Manifestement, Dimmu Borgir a toujours quelques hésitations sur la
direction à faire prendre sa musique, entre show orchestral
spectaculaire et retour aux sources du black metal dont il est issu.
L'album précédent avait fait un pas en arrière, proposant un disque plus
so(m)bre avec une présence relativement sporadique de l'orchestre,
celui-ci repart plein gaz dans la direction opposée, convoquant grand
orchestre et choeurs pour une sorte de grande kermesse du black metal où
les voix gutturales et autres blast beats de batterie semblent vraiment
là uniquement pour justifier l'étiquette metal du projet, tant le reste
prend de place (on entend beaucoup plus l'orchestre que les guitares,
ici on est carrément au niveau des albums les plus orchestraux d'un
Nightwish !). Du coup, le fait que le groupe ait perdu son
chanteur "clair" (un autre l'a remplacé, mais il a un chant beaucoup
moins typé que le précédent) et surtout son claviériste passe à peu près
inaperçu. Quant au côté glauque ou inquiétant qu'est censé véhiculer
cette musique, malgré quelques rares tentatives dans ce sens (l'intro de
Endings and continuations), on repassera, il y a même pas mal de
riffs assez bondissants dans le lot (ceux de Born treacherous ou
de The demiurge molecule). Et d'ailleurs, on s'en fout
complètement, du moins si (comme moi) on adore ce genre d'improbable
choucroute, car c'est hyper entraînant, joyeusement divertissant, et
surtout car il y a à nouveau quelques titres bien monumentaux dans le
lot (l'introductif Wibir avec son chant presque tribal en intro,
puis son orchestre quasiment elfmanien, Dimmu Borgir et son refrain des
choeurs plus typé John Williams, Ritualist et son orchestre qui
déchire tout dans la seconde moitié, je vous l'avais dit, c'est vraiment
l'orchestre qui fait tout sur ce disque). On n'est pas tout à fait au
niveau des tout meilleurs albums du groupe, mais personnellement, je
trouve ça vraiment jouissif et j'en redemande, encore et toujours !
- Dimmu Borgir - Eonian (2018) ★ ★ ½
La productivité de Dimmu Borgir s'était déjà légèrement émoussée depuis
quelque temps, mais là, c'est carrément un trou de huit ans depuis
l'album précédent. Le signe d'un manque d'inspiration ? Peut-être, en
tout cas il y a encore eu du changement au niveau du line-up, de plus en
plus instable autour du noyau dur présent dans le groupe depuis les
débuts. On note notamment le retour d'un claviériste, pas du tout anodin
dans la mesure où il nous gratifie de sons rétro assez "spatiaux" qui
sont d'un goût assez discutable et se mêlent très moyennement au style
du groupe. Ledit style a toutefois encore évolué, l'orchestre est moins
présent que sur l'opus précédent (mais les choeurs le sont par contre
encore plus !), et surtout le spectre des influences s'est déplacé vers
des choses franchement inattendues (les éléments tribaux dans Council
of wolves and snakes sont à la limite du ridicule, et l'écoute de
Interdimensional summit remet une fois de plus sur la table la
question de l'étiquette black metal encore collée au groupe, tant le
titre est dansant et positif). Bref, la grande kermesse des norvégiens
est pas loin de tourner au grand n'importe quoi, mais la deuxième moitié
de l'album resserre un peu les vis (Lightbringer propose enfin un
riff qui accroche vraiment) et montre que le groupe sait encore composer
de la musique qui s'écoute tellement agréablement qu'on pardonnera les
sorties de route passagères (même si Archaic correspondance est à
nouveau flingué par des claviers insupportables). L'album reste quand
même le plus bancal du groupe depuis qu'ils se sont mis au symphonique
sur Enthrone Darkness Triumphant 20 ans auparavant. Si la barre
n'est pas vite redressée, on risque de tomber dans le mauvais au
prochain essai.