Mon avis personnel sur les disques de Devin Townsend
- Devin Townsend - Ocean Machine : Biomech (1997) ★
Après avoir effectué ses premiers essais au disque en groupe, Devin
Townsend lance rapidement sa carrière solo avec cet album qui se veut
très aquatique, et qui est considéré par ses fans comme son premier
chef-d'oeuvre. Après plusieurs écoutes assidues, un constat s'impose :
je n'ai pas du écouter le même album qu'eux. Déjà, bien sûr, le
contraste est assez saisissant par rapport à ce que proposait
Strapping Young Lad, puisque l'ultra-violence a laissé la place à
une sorte de pop rock planant assez optimiste, nimbé de nappes de
claviers pour suggérer lourdement le côté marin. Le problème bien sûr,
c'est que pour réussir à impressionner dans ce registre-là, il faut une
bonne dose d'originalité et de talent, et Townsend en déploie bien peu :
aucune mélodie prégnante, des bruitages et autres samples qui
n'apportent rien d'autre qu'une touche d'agacement, et un chant
indiscernable de ce qu'on peut trouver dans le premier disque de brit
pop venu. Pire, sur la fin de l'album, le creux se transforme en
prétentieux avec un The Death of music expérimental totalement
foireux (et foiré) qui donne irrésistiblement envie de balancer le CD à
la poubelle plutôt que de le réécouter. Bon, je suis un peu trop
méchant, certains titres sont gentiment agréables (le Seventh
wave introductif, Bastard), mais le génie, sincèrement, je le
cherche toujours. Quitte à écouter de la soupe, autant se mettre un
album d'Oasis, c'est meilleur que ça (et pourtant, je suis très
très loin d'être fan !). Pour l'instant, le cas Devin reste donc un
grand mystère pour moi, mais je ne m'en tiendrai pas là, car j'ai trouvé
des choses qui me convainquent nettement plus dans la suite de sa
discographie (comme quoi il faut toujours persévérer).
- Devin Townsend - Infinity (1998) ★ ★ ★ ★
Devin Townsend est un génie. C'est un postulat relativement populaire
dans le petit monde du metal, mais auquel j'avais jusqu'ici bien du mal
à adhérer. Je le comprends nettement mieux à l'écoute de ce nouvel album
"solo" (je mets solo entre guillemets, parce que malgré la pochette, on
est bien loin ici d'une musique intimiste, et on a l'impression qu'il a
du y avoir quelques milliers de Devin en surchauffe pour jouer tout ce
qui nous passe par les oreilles). Du génie, il y en a en effet dans ce
bricolage improbable qui propose une alternance de titres ambiancés plus
ou moins dans l'esprit de son Ocean Machine précédent et de
délires en apparence totalement incontrôlés. Et c'est dans ces derniers
que Townsend me convainc sans réserve : l'orgue sautillant et la
trompette jazzy égarée de l'énorme Bad Devil, un Ants
survitaminé et indescriptible, le fond de valse déjanté de Wild
colonial boy, et même l'assez irrésistible Christeen (qui
joue pourtant le rôle du morceau pop de rigueur), tout ça semble n'avoir
ni queue ni tête mais on est complètement emportés par l'énergie et
l'imagination sans limites du diablotin. Et puis, hélas, entre deux, les
pistes qui devraient être plus aériennes sont plombées par un son mille
fois trop dense qui finit par fatiguer. Un exemple flagrant : les cinq
premières minutes de War font du bruit, ok, c'est cohérent avec
le principe de la chanson. Mais une fois que Devin a (littéralement !)
mis le holà à tout ça, le choeur angélique qui conclut le titre devrait
procurer un contraste saisissant. Eh ben pas du tout, le son cristallin,
c'est un concept qui échappe complètement au père Townsend. Je ne parle
même pas de Life is all dynamics qui sature carrément de façon
très laide. C'est vraiment dommage, l'album avait tout pour être un
chef-d'oeuvre unique en son genre, il ne sera qu'un disque hors-norme,
génial certes mais aussi un peu agaçant.
- Devin Townsend - Physicist (2000) ★ ★ ½
Quelques années auront suffi à Devin Townsend pour sortir plusieurs
disques qui auront marqué les esprits (à défaut de convaincre tout le
monde !). À l'orée du nouveau millénaire, il ressent le besoin de
simplifier sa musique, et propose donc un nouvel album beaucoup plus
direct et ramassé que les précédents : 40 minutes de musique, des
chansons courtes et directes à la construction lisible (on vire même
parfois au brutal, notamment sur la paire Death/Devoid, le fait que
l'album ait été enregistré avec ses comparses de Strapping Young Lad n'y
est probablement pas étranger), on oublie complètement les délires de
son disque précédent. Quelque part c'est dommage (puisque lesdits
délires étaient jusqu'ici ce qui m'avait le plus plu dans sa production
!), mais on y gagne indiscutablement en accessibilité, et il faut bien
admettre qu'une majorité de pistes sont très sympathiques :
Namaste, Material, ou même les 11 minutes nettement plus
ambitieuses de Planet rain, c'est du solide. Mais il y a quand
même un gros défaut dans tout ça, Devin a certes simplifié la recette
mais pas le moins du monde allégé la sauce, et les couches de claviers
qu'on entend en permanence tapent sur le système avant même d'arriver au
bout du disque. Encore une fois dommage, même si l'ensemble reste
agréable à écouter... à petites doses !
- Devin Townsend - Terria (2001) ★ ★
Après un Physicist nettement plus direct, Devin Townsend revient
à quelque chose de beaucoup plus alambiqué et atmosphérique, plus
directement dans la lignée d'un Ocean Machine. Je n'avais pas
aimé ce dernier, et mon avis ne sera pas très différent sur celui-ci
(qui est pourtant lui aussi considéré par beaucoup comme un des sommets
de la carrière de Townsend !). Le début du disque me convainc pourtant
assez : la curieuse intro Olives nous met dans l'ambiance d'un
voyage apaisé qui va prendre son temps, étirer les pistes (parfois de
façon déraisonnable) pour tisser des ambiances (sur)prenantes mais assez
peu intenses (il ne faut pas voir dans le titre du disque une annonce de
force tellurique, mais plutôt une sorte de communion avec la nature).
Malgré quelques maniérismes (les samples...), j'accroche donc assez aux
premières pistes, Mountain, Earth day qui pour une fois
utilise les synthés de façon raisonnée et efficace, et même Deep
peace et ses passages instrumentaux réussis. Mais je ne tiens
vraiment pas jusqu'au bout de l'album, la répétition de titres trop
longs finissant par me voir plonger dans l'ennui, notamment sur
Nobody's here et Tiny tears. Et puis, encore une fois, les
lignes vocales ne me semblent souvent pas à la hauteur de l'habillage
instrumental (sur le Stagnant conclusif, c'est même franchement
mauvais). Un album indiscutablement intéressant mais auquel je
n'accroche encore que trop peu.
- Devin Townsend Band - Accelerated evolution (2003) ★ ★
Léger changement de nom pour la reprise des activités solo (ou pas
vraiment, du coup) de Devin Townsend, qui adjoint ce "Band" à son
patronyme comme pour indiquer qu'il ne veut plus être seul au centre de
l'attention. Pourtant, sa patte est toujours plus que manifeste dans la
musique proposée et dans la production. On a même droit à une sorte de
petit Devin illustré, avec un son riche ultra typique (oui, oui, les
tonnes de claviers sont toujours présentes), un chant hyper présent, et
une exploration de diverses facettes de la personnalité musicale du
gugusse : assez grandiloquent sur Depth charge qui ouvre le
disque (pas mal), torturé sur le diptyque Deadhead/Suicide
(mais avec un son toujours aussi énorme), nombriliste sur Away
(où Devin s'écoute vraiment tripoter sa guitare, c'est pour le coup
vraiment trop long et franchement pas bon), pop presque guillerette sur
Traveller ou Slow me down. On échappe par contre aux
titres extrêmes ou délirants qui avaient eu droit de cité sur les
disques solos précédents, on vise assez clairement l'accessibilité au
plus grand nombre ici. Un bon tour du propriétaire finalement pour se
donner une idée de la musique du bonhomme. En ce qui me concerne, je le
savais déjà, je n'apprécie que modérément (après une petite dizaine
d'albums chroniqués en comptant ceux de son groupe, il n'y a toujours
que Infinity qui m'ait vraiment emballé), mais celui-là au moins
s'écoute facilement en fond et en zappant une partie des dernières
pistes.
- Devin Townsend Band - Synchestra (2006) ★ ★ ★ ★
Soyons honnête, au moment d'aborder ce deuxième et dernier album de
l'éphémère Devin Townsend Band, je n'y croyais pas du tout. Trop
d'expériences décevantes depuis ma découverte du bonhomme, un disque
composé au milieu d'une période quand même bien creuse pour lui, la
réputation d'album "bucolique" qui lui colle à la peau (pas vraiment ce
que j'aime à priori en metal !), tout laissait croire que j'allais
détester. Eh bien, à ma grande surprise, pas du tout ! C'est même un
album que, contrairement à Infinity (le seul qui m'avait
enthousiasmé jusque-là chez le canadien), je n'apprécie pas par à-coups,
mais vraiment dans sa globalité. Oui, il s'agit en effet d'un disque à
l'atmosphère assez douce (même si curieusement Devin y insère plus de
chant extrême que dans ses précédents projets solo), parsemé de
berceuses (qui n'en sont pas vraiment, certes), mais surtout d'un album
plus aéré qu'à l'habitude, ce qui permet enfin d'apprécier à leur juste
valeur les compositions. La musique y est d'ailleurs très variée, avec
même quelques délires typiques de Townsend (l'irruption impromptue d'un
passage au banjo dans Triumph, le duo
Vampolka/Vampiria qui est assez excellent), et surtout de
longues pistes basées sur les atmosphères, ce qui n'est certes pas
différent de ce qui était déjà proposé sur Ocean Machine ou
Terria, mais la différence c'est qu'ici ça me parle (même
l'orientalisme bizarre de Pixillate est assez convaincant). Il
reste, bien sûr, quelques ratés (les nappes de clavier de Mental
tap), et j'aurais aimé que Devin se lâche un peu plus souvent, mais
le côté tranquille de cet album le rend indiscutablement fort séduisant,
à l'image de sa très belle introduction Let it roll.
- Devin Townsend - Ziltoid the Omniscient (2007) ★ ★ ★ ★ ½
En 2006, nouvelle crise chez Devin Townsend, qui semble bien décidé à ne
carrément plus composer de musique. Mais il sortira quand même l'année
suivante un ovni dans lequel il a absolument tout fait (c'est lui qui
enregistre tous les instruments et les vocaux, la batterie étant
programmée), et où il nous narre les invraisemblables aventures d'un
extraterrestre à la recherche du meilleur café disponible sur Terre.
Comme on peut s'en douter avec pareilles prémices, on a droit à une
sorte de space opera complètement parodique, avec nombreux passages
narrés, pas mal de bruitages ridicules et une batterie le plus souvent
réduite à un martèlement martial (mais il y a quand même aussi de beaux
passages planants comme Devin les affectionne, notamment le superbe
début de Solar Winds). Si on ne rentre pas dans le délire, autant
le dire tout de suite, on risque de trouver le temps un peu long (ça
dure quand même plus de 50 minutes, et c'est un poil répétitif). Mais
personnellement, j'adore, et je passe un moment simplement jouissif en
écoutant ce machin, qui comporte par ailleurs de vrais bonheurs musicaux
(l'intro puissante, Solar Winds déjà cité, le rigolo Planet
smasher). Et puis quand même, un disque où les mots "formes
elliptiques" et "courbes modulaires" apparaissent dans le texte, ça ne
peut pas être totalement décevant, si ? Certainement pas l'album le plus
profond de son auteur, mais je n'y peux rien, en ce qui me concerne,
c'est tout simplement mon préféré.
- Devin Townsend Project - Ki (2009) ★
Après une nouvelle mise en retrait qui n'aura duré que deux ans, Devin
est de retour avec un nouveau projet (sobrement intitulé Devin Townsend
Project...) consistant initialement en une série de quatre albums prévus
pour sortir quasiment simultanément (en pratique il en sortira deux en
2009 et les deux derniers deux ans plus tard), et plus ou moins censés
retracer son tumultueux parcours personnel jusqu'à une sorte de sage
plénitude (une autobiographie musicale en quelque sorte). Mais ce qui
est certain c'est que ce Ki apéritif ne l'est pas franchement,
tumultueux. C'est même désarmant de calme et de minimalisme quand on a
en tête les disques précédents du bonhomme (oui, même en comparaison
avec un Synchestra par exemple, c'est très très calme) :
accompagnement de guitare réduit la plupart du temps à quelques arpèges,
chant quasiment susurré à la limite du soporifique sur une bonne partie
des pistes (on a quand même quelques hurlements par moments, mais aussi
l'irruption d'un chant féminin qui apporte au moins un peu de variété),
le tout dans une ambiance générale qui lorgne nettement plus vers une
sorte de jazz ou de blues cool que vers le métal. Bref, pas grand chose
pour me plaire a priori là-dedans, et a posteriori non plus. L'album
manque tellement de contrastes (on est vraiment en permanence dans une
espèce de demi-teinte cotonneuse) qu'on finit par s'endormir, malgré
quelques beaux moments (les premières minutes de Lady Helen, la
progression de Heaven send qui est hélas trop long), mais aussi
d'autres où la pauvreté du discours musical confine au foutage de gueule
(la chanson-titre notamment). Difficile de s'emballer pour le projet
dans son ensemble après un tel départ...
- Devin Townsend Project : Addicted (2009) ★
Deuxième volet du projet, après un Ki qui m'avait sérieusement
laissé sur ma faim, ce disque-là promettait a priori de se pencher sur
une facette nettement plus déjantée de l'ami Devin, ce qui avait a
priori tout pour me plaire. En fait non, le titre est un peu trompeur,
le Devin délirant ce sera pour l'album d'après, ici c'est le Devin
insouciant qui est à l'honneur, alignant au long d'un disque ramassé
(trois quarts d'heures, seule la dernière piste déborde du format
standard de 3-4 minutes typé radio) des titres simples et optimistes qui
se veulent joyeusement pop (avec tout de même une surcharge de claviers
et de son, comme il se doit sur un album de Townsend), mais qui en
pratique manquent assez sérieusement d'inspiration. On sait pourtant que
Townsend est capable de produire du tube sur ce modèle-là (je me suis
remis Christeen dans les oreilles ensuite, c'est vraiment autre
chose), mais là ça ne décolle jamais, et la contribution d'Anneke van
Giersbergen en chanteuse invitée ne fait qu'ajouter un côté crémeux qui
rend le tout encore plus pop et donc insipide (elle n'est pas mal sur la
reprise de l'Hyperdrive extrait de Ziltoïd curieusement
insérée en plein milieu de l'album). Je suis sévère au niveau de la
note, ce n'est pas non plus indigent (en musique de fond ça passe très
bien...) mais ça n'a, au sens tout à fait littéral du terme, aucun
intérêt. Si ce disque n'existait pas, il ne manquerait à personne.
Espérons que le volet suivant de la quadrilogie remonte un peu le
niveau, car mon bilan devinien penche de plus en plus vers le bas...
- Devin Townsend Project - Deconstruction (2011) ★ ★ ½
Pour le troisième volet de son projet plus ou moins autobiographique,
Devin avait prévenu, on aurait droit à l'album le plus monstrueusement
spectaculaire qu'il ait jamais produit. Et le moins qu'on puisse dire,
c'est qu'il n'a en effet pas lésiné sur les moyens : deux batteurs à
temps plein (les simili blasts permanents sont plus fatigants qu'autre
chose), un son plus énorme que jamais, un orchestre symphonique et des
choeurs omniprésents, et une liste d'invités prestigieux longue comme le
bras (mais assez dérisoire vu le rendu final, c'est à peine si on arrive
à les repérer). Le tout pour nous plonger dans une espèce de délire
fantasmagorique dont la pochette donne finalement une idée fidèle :
c'est très très dense, bruyant, avec beaucoup de sonorités
électroniques, et ça part volontiers dans tous les sens (avec des bouts
de solos franchement bordéliques), notamment dans les pistes monstres
que sont Planet of the Apes et The Mighty masturbator
(oui, oui, c'est bien le titre du plat de résistance de 16 minutes placé
au coeur de l'album). Plus que le Devin délirant (il faudra attendre
l'intro pétomane de l'ode au cheeseburger qu'est la chanson titre pour
le retrouver, et c'est d'ailleurs assez réussi dans le n'importe quoi),
c'est donc au Devin mégalomane auquel on a droit. On ne se pose même pas
la question de savoir s'il en fait trop, tant la réponse est évidente
(ne surtout pas se fier aux deux premières pistes assez tranquilles,
c'est après que ça commence vraiment), 70 minutes de musique aussi
riche, c'est pour le moins difficile à avaler. Et pourtant, on ne peut
pas nier que l'inspiration est plutôt au rendez-vous, il y a de bonnes
idées à la pelle, et l'auditeur assez courageux pour prendre le temps de
vraiment assimiler complètement le tout y trouvera probablement matière
à satisfaction. Il eût quand même été préférable que Devin fasse un peu
plus le tri par lui-même...
- Devin Townsend Project - Ghost (2011) ☆
Pour ce dernier disque de la quadrilogie de son projet autobiographique,
on était en droit de se demander à quoi allait aboutir notre ami Devin
(les trois premiers ayant été pour le moins différents). Eh bien, la
morale de l'histoire c'est apparemment qu'après moult errements, Devin
Townsend est devenu une sorte de gourou zen fasciné par la musique
d'ascenseur. Ce disque n'aurait d'ailleurs strictement rien à faire dans
une liste de disques de metal s'il ne faisait pas partie d'un projet
globalement axé metal (quoique, d'ailleurs, avec deux disques sur quatre
qui s'en éloignent très fortement, ça se discute) : bribes de flûte sur
fond de claviers planants, quelques notes de guitare sèche par-dessus,
un chant apaisé qui confine régulièrement à la béatitude, et des
atmosphères douces avec une vague teinte exotique, on étire ça sur un
peu plus de 70 minutes et ça donne cet improbable Ghost. Il vaut mieux
ne pas le lancer en fin de soirée si on ne veut pas risque de s'endormir
avant la fin (les longs passages instrumentaux notamment sont parfois
d'une vacuité assez désarmante), ce qui ne serait pas forcément une
mauvaise idée ceci dit si on ne veut pas être affligé par le côté
incroyable minimaliste et nunuche de la chose. Je ne peux même pas citer
un titre en particulier, il n'y a pas l'ombre d'une volonté de contraste
entre les différentes pistes constituant cette expérience soporifique.
Bon, si on ne veut pas être trop négatif, en fond pour accompagner une
activité calme, c'est gentiment joli. Mais en tant qu'oeuvre musicale,
ça reste totalement indéfendable.
Arrivé au bout des quatre disques, le bilan du Devin Townsend Project
est quand même franchement mauvais : un peu d'inabouti, pas mal
d'insignifiant, et une quantité non négligeable de bouse, y a pas de
quoi être emballé. Mais ça n'a bien sûr pas empêché Townsend de
continuer à sortir des (souvent doubles !) albums par pelletées depuis.
Comme je commence à avoir passé beaucoup de temps en sa compagnie, et
que l'intérêt moyen de ses disques ne va pas vraiment en croissant, je
me contenterai de faire une sélection très réduite sur la suite de sa
discographie, oubliant volontairement les albums trop pop
(Epicloud) ou expérimentaux (The Puzzle) dans la liste...
- Devin Townsend Project - Z² : Dark Matters (2014) ★ ★ ★
Exceptionnellement aujourd'hui, une critique d'un demi-album seulement,
ou plutôt d'un demi-double album. En effet le sieur Townsend a non
seulement continué à sortir des disques sous le label Devin Townsend
Project après les quatre initialement prévus, mais il a même pris
l'habitude d'en sortir deux d'un coup, et là il a la curieuse idée de
caser la suite de son génial Ziltoïd the Omniscient comme
complément d'un Sky Blue n'étant pas le moins du monde dans le
même style (et sur lequel je ne m'étendrai absolument pas). C'est
évidemment avec plaisir qu'on retrouve le compère Ziltoïd, mais aussi
avec une légère crainte vu le temps mis à composer cette suite et les
moyens employés (entre autres, des choeurs gigantesques enregistrés par
des milliers de fans). Devin n'aurait-il pas une fois de plus voulu trop
en faire ? Le début du disque confirme ces inquiétudes, on est vraiment
dans du grand spectacle qui manque de subtilité, c'est peut-être génial
sur scène, mais au disque ça ne passe pas très bien. Heureusement, assez
rapidement, l'histoire délirante concoctée par Devin reprend le dessus,
et le nouveau personnage central féminin (la "war princess" avec ses
"poozers" péteurs à sa suite) est rafraîchissant (bonne idée d'avoir
introduit une voix féminine dans le concept). Même s'il y a probablement
un abus de dialogues (vaut mieux comprendre l'anglais si on veut
vraiment profiter de l'album), on a aussi droit à de la bonne musique
(War princess, la March of the poozers, Earth),
suffisamment en tout cas pour ne pas se fâcher avec Devin, même si ce
deuxième opus n'a pas la magie enfantine du premier, et surtout est tout
simplement assez nettement moins bon.
- Devin Townsend - Empath (2019) ★ ★
Allez, un dernier petit tour avec le copain Devin avant de clôturer sa
discographie (j'avais prévenu, j'en ai laissé quelques-uns de côté), je
ne pouvais pas ignorer un album qu'un bon camarade a classé parmi ses
préférés de l'année 2019 et qu'il a lui-même qualifié de spectacle en
Technicolor. On peut difficilement le démentir en effet, et j'irai même
carrément plus loin : on a l'impression que Townsend a composé le disque
après une longue période de vacances en famille à Disneyland. C'est
hyper coloré et optimiste, une espèce d'énergie positive dégouline en
permanence comme une guimauve ultra sucrée, et orchestre et surtout
choeurs sont très sollicités (et les choeurs, c'est quelque chose, au
début de Borderlands on est quelques étages au-dessus de la
nunucherie), l'ensemble est d'une mièvrerie tellement hallucinante que
j'ai du mal à ne pas imaginer là-dedans une bonne dose de second degré
(ou plus ?). Franchement, Why ?, on croirait vraiment une chanson
Disney interprétée par Townsend. Dans ce contexte, forcément, les
quelques irruptions de violence ou de chant guttural paraissent pour le
moins incongrues, mais de toute façon la plupart des pistes sont un
patchwork assez décousu d'idées farfelues, donc on n'en est pas à ça
près. Un délire maximaliste qui a indiscutablement un certain charme
(j'aime bien le côté n'importe quoi total de Borderlands déjà
citée), mais que j'ai quand même bien du mal à le considérer comme plus
qu'une sucrerie amusante à écouter une ou deux fois sans la prendre
vraiment au sérieux.