Mon avis personnel sur les disques de Candlemass
- Candlemass - Epicus Doomicus Metallicus (1986) ★ ★ ★ ★ ½
En 1970, avec la chanson du même nom, Black Sabbath a posé les
bases de la musique metal, mais aussi les caractéristiques d'un de ses
sous-genres aujourd'hui connu sous le nom de doom metal : tempo lent,
guitares graves et geignardes, atmosphères lugubres à mi-chemin entre
une religiosité mystique et un mal-être dépressif qui innervera plus
tard la tendance gothique chez les métalleux. Même si le monde du metal
évoluera ensuite plutôt vers des choses plus rapides, techniques ou
extrêmes, il y aura à intervalles réguliers des groupes reprenant ce
type de compositions, avec une influence directe du Sab souvent
parfaitement assumée. Les suédois de Candlemass sont dans cette
catégorie, et leur premier album, au titre et à la pochette
emblématique, est tout simplement un mètre étalon du doom, sorte de
quintessence absolue du genre : six titres longs et lents, des guitares
pleurnichardes assez minimalistes mais qui posent une ambiance géniale,
un peu de claviers pour pimenter le tout, et un chanteur aux vocaux
clairs très réverbérés qui semble évidemment prêt à se pendre à la fin
de chaque chanson (de ce point de vue, le premier titre,
Solitude, est, encore plus que le reste de l'album, un bon résumé
de la philosophie doom, quand on a entendu répéter une dizaine de fois
sur fond de riff inlassablement répété "Please let me die in solitude",
on a compris le message), et une conclusion d'album improbable avec
cette brève intervention de choeurs féminins. Un incontournable pour les
fans de ce genre de metal, les autres s'emmerderont probablement mais ça
n'a aucune importance.
- Candlemass - Nightfall (1987) ★ ★ ★ ½
Après un premier album remarquable, Candlemass a eu les moyens
d'embaucher un chanteur pour son deuxième essai (sur le premier, c'était
un pote qui était venu dépanner !). Le nouveau venu se fait appeler
"Messiah" (rien que ça...), et a une présente scénique assez imposante,
mais surtout un chant nettement plus emphatique que son prédécesseur,
qui contribue à tirer la musique du groupe vers un côté plus épique (qui
était déjà promis dans le titre de son premier album, finalement assez
mensonger de ce point de vue). J'avoue regretter personnellement ce
choix, qui met un peu au second plan la composante dépressive (bon, ça
reste assez peu joyeux comme atmosphères malgré tout). Surtout, le
Messiah a quand même tendance à bêler un peu par moments, on s'en
passerait bien. Mais niveau compositions, il y a encore du très solide
ici, The Well of souls ou Bewitched sont à la hauteur de
ce qui était proposé sur le premier disque du groupe. Les instrumentaux
qui servent de transitions, eux, naviguent de l'impressionnant (le
Gothic Stone inaugural) au dispensable (la reprise de la marche
funèbre de Chopin avec effets vocaux bizarres, forcément, parle assez
peu au fan de classique). On a l'impression que le groupe se cherche
encore un peu, ne sachant pas trop comment gérer son évolution après le
succès peut-être inattendu de son premier album, mais ce second opus
reste de fort bonne facture dans l'ensemble.
- Candlemass - Ancient dreams (1988) ★ ★ ★
Troisième opus en trois ans pour Candlemass, et ce nouveau disque
confirme que le groupe a trouvé une voie qui lui convient en recrutant
Messiah Marcolin au chant sur son album précédent. On a donc droit à une
musique dans la droite lignée de celle de Nightfall, à la
frontière du doom et d'un heavy assez épique, et on alterne à nouveau
les morceaux excellents (Mirror, mirror qui ouvre le disque,
Bearer of pain au tempo assez allant pour le genre) et d'autres
plus quelconques qui jouent un peu trop sur les ambiances sinistres
(sans compter quelques effets grotesques comme la voix sépulcrale
introduisant Incarnation of evil) sans proposer grand chose de
musicalement notable (Epistle No. 81 est même assez chiante, à
vrai dire). Un ensemble à nouveau très solide, mais il y a un "détail"
qui me force à diminuer encore un peu la note cette fois-ci : le
Black Sabbath Medley concluant le disque n'a strictement aucun
intérêt, et semble surtout là pour afficher le groupe comme un simple
suiveur sans personnalité. Candlemass mérite mieux que ça.
- Candlemass - Tales of creation (1989) ★ ★ ★
Pour son dernier album des années 80 (et donc dernier album de sa grande
période, puisque Messiah Marcolin va quitter le groupe ensuite et que
celui-ci connaîtra une période de flou), Candlemass reste sans surprise
dans la lignée de ses deux disques précédents, mais avec tout de même
une volonté de varier un peu le style, avec plus ou moins de réussite :
les petits interludes parlés sont sans intérêt, le son assez grésillant
en début d'album est clairement moins bon que sur leurs autres disques,
et l'instrumental Into the unfathomed tower tranche carrément
avec le style habituel du groupe (c'est rapide, technique, pas le moins
du monde dépressif, bon, ça a le mérite de proposer un gros contraste
mais ça laisse quand même un peu perplexe). En fait, les meilleurs
titres restent ceux qui respectent le plus la tradition doom : Under
the oak assez geignard, Tears franchement dépressif (et court
pour le style avec à peine plus de 4 minutes au compteur, ça semble être
une volonté sur ce disque de ne pas trop délayer le propos), et surtout
le conclusif A tale of creation, la meilleure piste de l'album.
Suffisant pour que l'album soit à nouveau très correct, mais, comme ses
deux prédécesseurs, pas non plus au niveau du premier disque de
Candlemass, qui restera probablement inégalé.
- Candlemass - Chapter VI (1992) ★ ★ ½
Après l'explosion du groupe et le départ du chanteur Messiah Marcolin,
il fallait que Candlemass prenne un nouveau départ au début des années
90. Départ légèrement laborieux si on en croit la production médiocre de
ce disque (on a l'impression d'entendre un groupe débutant en manque de
moyens), mais surtout départ surprenant au niveau du style, qui délaisse
le doom pour un heavy assez rapide et surtout introduit des claviers
bien kitsch dont les interventions sont pour le moins discutables (sur
The Ebony throne, c'est même franchement risible). C'est d'autant
plus dommage que, sur la seule piste où on reconnaît vraiment l'ancien
Candlemass, le long Where the runes still speak à l'ambiance
mystique assez inspirée, on constate que le groupe est toujours capable
de produire de la bonne musique. C'est d'ailleurs aussi le cas sur
d'autres titres plus classiques, comme Temple of the dead, mais
même si l'ensemble est loin d'être inaudible, on garde quand même
l'impression tenace que Candlemass est en train de se tromper de voie.
- Candlemass - Dactylis glomerata (1998) ★
Curieux titre pour un curieux album. Il faut dire que ce disque n'aurait
jamais du exister, ou du moins pas en tant que jalon officiel de la
discographie de Candlemass. Six ans après un Chapter VI qui
s'éloignait déjà fortement de l'esprit doom, le leader et compositeur du
groupe Leif Edling est en effet passé à autre chose, a formé un nouveau
groupe, et c'est bien pour celui-ci qu'il a écrit la plupart des
chansons de ce Dactylis Glomerata. Et malgré un titre doom ajouté après
coup (I Still see the black, le meilleur du disque d'ailleurs),
on a majoritairement droit à une sorte de rock expérimental aux
sonorités improbables (les claviers ont au moins de 20 ans de retard sur
la date de parution de l'album), artificiellement dopé aux guitares
saturées, mais qui laisse surtout bien trop souvent l'auditeur à quai
tant on peine à voir où tout ça veut en venir (Dustflow par
exemple, malgré quelques bons moments, laisse franchement perplexe). On
comprend à l'écoute de ce drôle d'album pourquoi le deuxième groupe
d'Eidling était nommé Abstrakt algebra (un nom très attractif
pour moi a priori !) : c'est de la musique essentiellement imbittable,
et qui ne risque en tout cas pas de convaincre l'amateur de doom.
- Candlemass - From the 13th sun (1999) ★ ★
Après un Dactylis glomerata franchement raté, Candlemass aura eu
le temps d'enchaîner un deuxième album "pas vraiment de Candlemass"
avant de se mettre de nouveau en sommeil (et de ressusciter de façon
inattendue quelques années plus tard, mais n'anticipons pas). La
pochette et le son assez brut laissent présager d'un nouveau disque
"underground", mais le groupe a quand même fait des efforts notables
pour le rendre moins indigeste que son prédécesseur. Certes, on a encore
des claviers en mode SF fauchée qui détonnent sérieusement (la fin du
bien nommé Arx/Ng 891 notamment), et la fin du disque tourne
hélas à nouveau à vide (l'interminable Cyclo-F cesse d'intriguer
pour ennuyer au bout de trois minutes), mais avant cela les suédois ont
casé quelques perfusions de Black Sabbath, à la frontière du
plagiat, qui montrent qu'ils n'ont pas perdu la main (le glas et les
bruits de pluie qui introduisent Tot, ils auraient quand même pu
éviter, mais le chant singé sur Ozzy de Blumma Apt m'amuse
plutôt). Suffisant pour mieux faire passer les bizarreries et rendre
l'album assez intéressant (l'instrumental Zog est une curiosité
qui vaut le coup d'oreille) sans être réussi, mais il restera très
mineur dans la discographie du groupe.
- Candlemass - Candlemass (2005) ★ ★ ★
Alors que, nonobstant les quelques disques sortis à la fin des années
90, Candlemass semblait mort et enterré, grosse surprise en 2004 : non
seulement le groupe renaît de ses cendres mais il semble vouloir
retourner à ses racines, en reprenant le line-up des plus gros succès du
groupe (Marcolin de retour au chant), et en annonçant la couleur avec
une pochette d'une remarquable sobriété. De bonnes intentions qui ne
dureront hélas pas longtemps, Marcolin se fâchant avec le reste du
groupe avant même la sortie de ce disque, puis revenant quand même
achever le travail déjà bien entamé avant de se barrer pour de bon.
L'album, lui, est un condensé assez prudent de ce que Candlemass sait
faire, alternant entre titres vraiment doom et d'autres au tempo
nettement plus rapide, prouvant que les expérimentations des disques
précédents n'ont pas totalement été oubliées (le titre d'ouverture
Black Dwarf, très bon par ailleurs, est plus à classer dans un
heavy assez standard). La voix inimitable de Marcolin rappelle forcément
des souvenirs, mais on n'est pas tout à fait à la hauteur des premiers
albums du groupe (et surtout de son tout premier disque, enregistré sans
Marcolin et qui reste pour moi le sommet incontesté de la discographie
de Candlemass). Mais tout de même, on aurait bien envie de voir là une
belle promesse pour un nouveau départ (sans être transcendants, des
titres comme Witches ou Seven silver keys sont bien
fichus), si on ne savait pas déjà que le groupe allait devoir à nouveau
repartir sur de nouvelles bases juste après. La bonne nouvelle tout de
même c'est que ce nouveau coup d'arrêt n'empêchera pas le groupe
nouvellement reformé de continuer à enregistrer, avec un nouveau
chanteur bien entendu.
- Candlemass - King of the grey islands (2007) ★ ★ ★ ★
Comme dit dans ma précédente chronique, la nouvelle rupture avec
Marcolin n'a pas freiné Candlemass, qui va désormais enchaîner les
albums à un rythme assez soutenu. Ils sont recruté au chant un certain
Robert Lowe, qui a certainement moins de personnalité que son
prédécesseur (c'est plus un chanteur de heavy "standard") mais qui
assure tout de même fort bien au micro, avec une voix puissante et
agréable. Il ne gâche en tout cas pas les compositions d'Eidling, et
c'est fort heureux, car le leader du groupe a été particulièrement
inspiré sur cet opus. Un prologue acoustique un peu facile mais qui met
dans l'ambiance, puis on enchaîne sur trois titres excellents, dans des
styles variés : rapide pour Emperor of the void, nettement plus
doom en mode obsédant pour Devil seed, et enfin mélancolique et
porté par un refrain sublime pour Of stars and smoke, qui est
probablement tout simplement le plus beau titre du groupe que j'aie
écouté jusqu'ici. La deuxième moitié du disque est moins
impressionnante, malgré de bon moments (la conclusion instrumentale de
Destroyer, complètement sortie de nulle part), on sent aussi la
répétition d'effets qui tournent au procédé (les ruptures brutales en
milieu de chanson pour introduire un court break très calme, notamment).
Cette baisse de rythme empêche à mon sens ce disque de sa hisser au
niveau du tout premier album du groupe, mais franchement, au moins pour
sa première moitié, c'est un disque marquant que l'on tient là.
- Candlemass - Death Magic Doom (2009) ★ ★ ★ ★
Le premier album de Candlemass avec son nouveau chanteur Robert Lowe
avait été une excellente surprise, le suivant confirme en restant dans
le même style (quelques titres un peu plus pêchus que d'habitude, on est
même pas loin de s'égarer sur un Dead angel au refrain surprenant
pour du Candlemass, et un fond de heavy/doom très classique mais hyper
maîtrisé), mais surtout avec la même inspiration, ce qui n'était pas
gagné d'avance. Encore une fois, les premiers titres du disque sont tous
excellents : le dépressif If I ever die, le caricaturalement doom
Hammer of doom (une note de guitare toutes les trois secondes sur
l'intro, à peu de choses près) et l'hypnotique The Bleeding
baroness forment un trio qui aurait mérité le 5 étoiles s'il avait
été isolé du reste de l'album. Car encore une fois, il faut bien
l'avouer, la deuxième moitié du disque peine à tenir le rythme, avec des
titres nettement plus quelconques souvent sauvés par un refrain réussi
(Clouds of dementia notamment), et trop semblables dans leur
construction (House of 1000 voices se détache du lot par un long
passage instrumental sympathique, on aurait aimé d'autres initiatives du
genre). Mais ne faisons pas (trop) la fine bouche, c'est à nouveau un
très bon disque pour Candlemass, qui confirme qu'il a retrouvé sa place
de cador du genre à la fin des années 2000.
- Candlemass - Psalms for the dead (2012) ★ ★ ½
Alors que Candlemass avait retrouvé une forme assez éclatante sur ses
deux albums précédents, voilà qu'ils font une drôle d'annonce à propos
de celui-ci : ce sera leur dernier, ensuite finito, plus de Candlemass,
on se met en retraite du metal au moins en studio) ! Une promesse qui ne
sera finalement pas tenue, mais ce disque sera de fait le dernier avec
Robert Lowe, forcément une déception après deux belles réussites (mais
bon, quels sont les groupes de metal qui ont su s'arrêter à temps, avant
que l'inspiration ne se tarisse ?). Au moins, pour un dernier album
annoncé, est-il à la hauteur ? Eh bien, pas totalement, on sent que le
groupe s'est mis une pression inutile avec cette annonce, et ils
surjouent un peu : les claviers prennent une place importante et ne
collent pas trop aux ambiances voulues (le côté mystérieux
habituellement présent chez Candlemass en prend un coup, on est plutôt
dans du kitsch un peu clinquant ici), les références inévitables à
Black Sabbath sont proches du plagiat (le riff de The Killing
of the sun) et les passages parlés de la piste finale Black as
time sont une fort mauvaise idée qui ajoute au côté légèrement
pédant de la chose. Bon, sur le fond, la musique reste bonne (et proche
de ce que Candlemass sert habituellement), mais il y a sur chacune des
neuf chansons de ce disque un détail qui fait qu'on n'est pas
complètement satisfait. Un coup de moins bien pour le groupe pour
conclure une période malgré tout très satisfaisante avec Robert Lowe.
- Candlemass - The Door to doom (2019) ★ ★ ★ ½
Dans la carrière d'un groupe de metal lambda, le "retour aux sources"
est un passage quasiment obligé, parfois pratiqué plusieurs fois par un
même groupe d'ailleurs. Mais là, Candlemass a quand même fait fort :
alors qu'ils avaient annoncé en 2012 qu'ils n'enregistreraient plus, les
voilà de retour en studio 7 ans plus tard, et ils retrouvent pour
l'occasion le chanteur de Epicus doomicus metallicus, leur tout
premier album, alors même que le gars n'avait rien enregistré depuis (ce
qui fait quand même une rupture d'une bonne trentaine d'années !). La
pochette est d'ailleurs un clin d'oeil plus qu'appuyé à ce premier
disque, mais qu'en est-il de la musique ? Eh bien, elle est clairement
dans la continuité des albums enregistrés avec Lowe au chant, ce qui est
plutôt une bonne nouvelle vu la qualité de ces derniers. Et on a de fait
à nouveau droit à du solide, alternant le doom pur jus (Astorolus -
The great octopus) et les titres plus rapides, avec toutefois une
innovation surprenante avec une vraie ballade en cours de route
(Bridge of the blind, qui propose une belle ambiance et évite la
guimauve). Le titre d'intro secoue bien, les refrains sont réussis, les
guitares appliquées, et sans qu'il y vraiment un titre à mettre
au-dessus du lot, le tout est indiscutablement très efficace. Un peu
trop prévisible peut-être par rapport aux autres productions récentes du
groupe, mais ça reste du bon boulot, bien exécuté.
- Candlemass - Sweet evil sun (2022) ★ ★ ★ ½
Après avoir surpris tout son monde en 2019 avec un retour aux sources
inattendu, Candlemass semble reparti pour un cycle avec le chanteur de
ses débuts. Ce qui est amusant avec cette dernière offrande en date,
c'est que le disque semble tout droit sorti des années 80 au coeur
desquelles le groupe avait percé : pochette vintage assumée, style doom
résolument hors d'âge, Candlemass n'est pas vraiment là pour innover
(même si l'insertion audacieuse de vocaux féminins sur When death
sighs fonctionne très bien une fois l'effet de surprise passé), mais
plutôt pour proposer une sorte d'auto-hommage soigné mais au fond
modeste, sans titre vraiment exceptionnel mais sans réelle faute de goût
(bon, la fin parlée de Black Butterfly n'était pas franchement
indispensable). Les refrains fonctionnent, les titres efficaces
s'enchaînent, notamment en fin d'album (Crucified,
Goddess), et on prend une nouvelle fois beaucoup de plaisir à
écouter ce disque. Candlemass ne vieillit pas, et c'est tant mieux !