Mon avis personnel sur les disques de Bon Jovi
- Bon Jovi - Bon Jovi (1984) ★ ★ ★ ★
Quand on est un "vrai métalleux", il y a des expressions qui sonnent
comme des insultes, qu'on se sent obligé de prononcer avec une grosse
pointe de mépris dans la voix : musique commerciale, mélodie facile,
vocaux pop, tout ça ne saurait être tenu en haute estime. Et pourtant,
ce sont bien les ingrédients à la base d'un genre (souvent nommé hard
FM) dont l'italo-américain Jon Bon Jovi est l'empereur auto-proclamé,
écoulant les dizaines de millions de disques depuis 40 ans assez
indépendamment du contenu musical, sa notoriété et sa belle gueule
fournissant une carte de visite suffisante. Mais en 1984, pour son
premier album, il est encore un inconnu, et si cet inconnu a réussi à
percer, c'est aussi parce que ce disque est vraiment bon ! Il pose avec
une sacrée assurance les bases d'un genre certes hyper calibré, mais qui
peut se révéler redoutablement efficace : guitares acérées (on a même
droit à des petits solos sur quelques titres) souvent dominées par des
claviers qui sonnent indubitablement 80's sans être kitsch, refrains
faciles à mémoriser très souvent repris par des choeurs gentiment
mielleux, on navigue souvent à la dangereuse frontière du mauvais goût
(et She don't know me la dépasse même allègrement), mais une
pointe de fièvre (l'excellent Runaway qui ouvre l'album) ou
d'inquiétude (l'intro de Shot through the heart) suffisent à
donner au tout une consistance inattendue. Sur une durée limitée (moins
de 40 minutes), ça s'écoute vraiment tout seul.
- Bon Jovi - 7800° Farenheit (1985) ★ ★ ½
Ils sont très fort chez Bon Jovi : avec leur premier album ils avaient
contribué à donner ses lettres de noblesse au genre du hard FM. Avec
leur deuxième, à peine un an plus tard, ils en montrent déjà les limites
: hymnes hard-rock un peu trop simplistes à gueuler en choeur dans un
stade (une fois ça passe, mais c'est presque la moitié du disque qui est
dans ce style, In and out of love, King of the mountain,
Tokyo road), accompagnement musical bien pauvre (les claviers
sont très en retrait par rapport à l'album précédent, la batterie en
service minimum la plupart du temps), et quelques fautes de goût bien
voyantes (l'intro "Obao" de Tokyo Road, la terrible ballade
Silent night où pour le coup on se serait bien passés d'entendre
ces nappes de clavier sirupeuses à souhait). En fait, on a la forte
impression que ce deuxième essai a été enregistré beaucoup trop vite et
que, sans être indigne (ça reste globalement efficace et bien fichu
malgré le manque d'ambition du propos), il pâtit fortement de la
comparaison avec son prédécesseur (le supplément de fièvre qui en
faisait tout le sel a disparu ici). Mais ça n'a pas du perturber
beaucoup l'ami Bon Jovi, puisque ce deuxième disque s'est mieux vendu
que le premier et lui a permis de continuer son ascension vers les
sommets des charts, à défaut de sommets musicaux...
- Bon Jovi - Slippery when wet (1986) ★
Trouvant apparemment que son accession à la gloire n'était pas assez
rapide, Bon Jovi décide de mettre toutes les chances de son côté avec sa
troisième tentative : une pochette d'un goût plus que douteux, et
surtout une collaboration avec Desmond Child, faiseur de tubes qui
cosigne plusieurs titres de l'album. Musicalement aussi, absolument tout
est fait pour enclencher la machine à fric : on trouve comme dans le
disque précédent quelques hymnes simplistes (Let it rock,
Raise your hands, la consigne étant manifestement "pas plus de
trois notes sur le refrain"), des ballades d'une niaiserie absolument
insupportable (les sonorités de claviers sont terribles sur Never say
goodbye), et donc des soi-disant tubes qui trahissent complètement
le style développé par Bon Jovi dans ses deux premiers disques (ça y
est, on est très nettement plus du côté "FM" que du côté "hard", et même
franchement côté pop, avec des choeurs bien grotesques), mais surtout
sont loin d'être irrésistibles malgré des refrains qui fonctionnent
(Livin' on a prayer, une des chansons les plus connues de Bon
Jovi, ben franchement ça casse pas trois pattes à un canard...). Bref,
on oscille entre le tapageur et le putassier, et à une ou deux
exceptions près (Social disease et ses accords cuivrés aux
claviers, ou I'd die for you>, mais celle-ci est une auto-repompe
du premier hit de Bon Jovi, Runaway), les chansons n'arrivent pas
à faire plus qu'agacer très franchement. Et dire que ce disque a été
l'un des plus vendus du genre, ça fait un peu mal quand même. Dans la
mesure où Bon Jovi a ensuite persisté dans ce style, je ne suis pas sûr
de m'embêter à chroniquer les albums suivants (dommage, le premier était
si bon !).
- Bon Jovi - These days (1995) ★ ★ ★
Un dernier Bon Jovi pour la route finalement. Après avoir volontairement
sauté deux albums trop dans la ligné du mauvais Slippery when
wet, je retrouve le beau Jon à un tournant. Au milieu des années 90,
il décide d'alléger un peu sa musique et de ralentir le tempo, ce qui va
rapidement le conduire à une série de disques de pop-rock
interchangeables et à l'intérêt très limité. Mais avant cela, cet album
charnière présente un équilibre inattendu et rafraîchissant : certes il
y a trop de ballades sucrées, mais les quelques titres animés sont
vraiment inspirés (à commencer par le Hey god qui ouvre le
disque), sans la boursouflure des albums précédents. En fait, on a
l'impression que le groupe vient de se rendre compte que tout calibrer
en fonction du pognon qu'il y avait à amasser derrière chaque chanson
n'était pas la seule voie possible, et que proposer un rock classique
(et déjà plus vraiment hard) mais surtout sincère pouvait produire un
bon album. Pas un chef-d'oeuvre certes, mais une dernière preuve qu'il y
avait de vrais musiciens derrière le phénomène Bon Jovi.