Mon avis personnel sur les disques de Blut aus Nord
- Blut aus Nord - Ultima Thulée (1995) ★ ★ ★
Il faut bien que je le dise pour commencer, en démarrant l'exploration
de la longue discographie de Blut aus Nord (une quinzaine d'albums en
près de trente ans d'existence, tout de même), j'avais un peu peur de ce
que j'allais y trouver. Ou plutôt, je craignais de le deviner à l'avance
: un gars qui se fait appeler Vindsval mais qui cultive volontiers
l'anonymat aux manettes d'un "groupe" reposant en pratique quasi
exclusivement sur ses épaules et qui s'est toujours refusé à distiller
la moindre note de musique hors disques, une musique justement réputée
difficile d'accès, à laquelle les fans les plus inconditionnels
n'hésitent pas à accoler régulièrement les qualificatifs "glauque" ou
"inhumaine", ça sent très fort le machin underground, bien extrême, qui
peut donner envie de fuir autant qu'être une expérience inoubliable. Les
premières secondes de cet album fondateur confirment totalement cet a
priori : The Son of Hoarfrost débute avec une petite mélodie au
clavier, très vite enfouie sous une bouillie de guitares au son
abominable et de gargouillis censés servir de chant, à ce moment-là je
me dis qu'aller au bout de la discographie du groupe est un objectif
délirant d'ambition. Et pourtant, on aurait vraiment tort de se limiter
à cette première impression, car Blut aus Nord ne se limite pas, loin
s'en faut, à ce black cradingue caricatural. Tout au long des huit
pistes qui constituent l'album, ils proposent même une variété de décors
vraiment intéressante (même au niveau du son des guitares, si on
n'atteint certes jamais quelque chose de vraiment propre, ce n'est pas
uniformément dégueulasse), avec des claviers planants faisant
régulièrement des irruptions franchement inattendues (sur From
Hlidskjalf par exemple), mais surtout deux titres partant dans des
directions vraiment différentes : les cinq minutes de chant choral
"chamanique" a cappella de My Prayer beyond Ginnungagap, et
surtout The Plain of Ida, assez longue piste pratiquement
purement instrumentale construite sur des motifs mélodiques entêtants, à
l'ambiance glaciale (soyons honnêtes, ça respire quand même rarement la
joie et le plaisir chez Blut aus Nord) mais absolument fascinante. Ce
titre suffirait à lui seul à me faire recommander au moins une écoute du
disque. La fin de l'album est un peu plus pénible pour moi (on revient
trop souvent à des sonorités black difficiles), mais la conclusion
The Last journey of Ringhorn a une tonalité presque épique qui ne
manque pas également de faire dresser l'oreille. Me voila en tout cas
convaincu d'aller écouter sans rechigner les albums suivants du compère
Vindsval (qui, rappelons-le en passant, est français, pour une fois que
du metal extrême ne vient pas du grand Nord !).
- Blut aus Nord - Memoria Vetusta I - Father of the Icy Ages (1996) ★ ½
Pour ce deuxième album avant une longue période sans rien publier, Blut
aus Nord propose un disque nettement moins surprenant et inspiré que le
premier. Les claviers sombres qui ouvrent le disque sont pourtant plutôt
prometteurs, mais ce n'est qu'une illusion, tant les guitares dominent
complètement ce nouvel opus (on a bien quelques petites irruptions de
claviers, mais trop courtes pour vraiment rompre la monotonie de
l'ensemble). Mur de guitares peu audibles en fond, mais aussi des
éléments nettement plus mélodiques qui se détachent au premier plan, le
chant reste très primaire mais agrémenté de choeurs plutôt intéressants,
la volonté générale semble être de proposer quelque chose de nettement
plus narratif et "classique" que sur Ultima Thulée. Le problème,
c'est que, si la musique tient plutôt correctement la route, c'est quand
même extrêmement uniforme, et bien sûr plombé par un son black
particulièrement fatiguant à la longue. On n'est pas au niveau des pires
productions du genre, mais ça transforme un voyage potentiellement
intéressant en disque qu'on n'a pas vraiment envie de réécouter pour
l'explorer en détail, dommage.
- Blut aus Nord - The Mystical beast of rebellion (2001) ★ ★ ½
Cinq ans après son deuxième album (laps de temps inhabituellement long
pour le groupe, qui depuis a enchaîné les disques, EP et autres splits
au rythme d'au moins un tous les deux ans), Blut aus Nord revient avec
une proposition assez différente, qui s'approche probablement plus des
qualificatifs que j'avais pu citer dans mon introduction à leur premier
disque (glauque, expérimental, et autres joyeusetés). On quitte en effet
le black narratif et presque épique de Memoria Vetusta pour une
expérience sensorielle assez extrême aux confins de terres
inhospitalières et particulièrement désolées : espèces de glissandi de
guitares lents et sinistres sur fond de blast-beats effrénés, rares
motifs plus ou moins mélodiques répétés jusqu'à l'hypnose, et toujours
ce chant extrême qui se fait relativement discret sur cet album. On
lorgne clairement vers l'expérimental (les notes graves longuement
tenues ou autres sons peu identifiables servant de transition entre les
différentes pistes du disque, qui ne portent d'ailleurs plus vraiment de
nom, ce sont de simples chapitres numérotés), et il faut probablement un
état d'esprit particulier pour vraiment "apprécier" (mais est-ce le but
?) cette musique sur une durée de 40 minutes (ou même deux fois plus si
on est assez maso pour tenter la version complétée de l'album) tant les
procédés sont répétitifs (le son, lui, est brut mais pas du tout
inaudible, c'est toujours ça de pris). On aurait aimé plus d'échappées
comme celle de la fin du Chapitre III avec ces notes de piano
intriguantes. Pourtant, on ne peut pas nier un certain pouvoir de
fascination à cette oeuvre, le Chapitre I notamment réussit à
créer une atmosphère vraiment prenante, je n'irai pas jusqu'à dire que
c'est beau mais ça fonctionne franchement bien. J'ai quand même du mal à
ne pas décrocher avant la fin du disque, même si la réécoute m'a déjà
semblé plus aisée. Du coup, je ne me mouille pas trop au niveau de la
note, mais dans un genre forcément à part, c'est assez réussi (je n'en
écouterais pas tous les jours quand même, hein...).
- Blut aus Nord - The Work which transforms God (2003) ★ ★
Après un troisième album qui poussait loin dans la direction de
l'inconfort et de l'expérimentation, que pouvait bien nous réserver de
nouveau Blut aus Nord ? Clairement, on reste dans la même veine, avec
ces guitares torturées et ces gémissements (quand ce n'est pas pire) en
guise de chant qui ne sont pas vraiment là pour essayer de vous remonter
le moral. Mais le groupe semble vouloir proposer un album un peu plus
classique sur la forme : douze pistes de durée variable mais globalement
raisonnable (avec des vrais titres !), des tempi nettement plus variés,
on pourrait presque s'attendre à un album "classique". Mais en pratique
je le trouve nettement plus agaçant que le précédent (dont l'extrême
linéarité était au fond justifiée par le propos) : intermèdes bruitistes
poseurs, boîte à rythme assez insupportable en guise de batterie, mais
surtout une volonté de faire toujours plus expérimental (énormément de
bruitages douteux) qui finit par donner des trucs tout simplement moches
(The Choir of the dead) ou carrément ratés (The Supremem
abstract), on s'approche dangereusement de l'album pédant à fuir
absolument. Heureusement, le disque est sauvé par une deuxième moitié
qui retrouve de l'inspiration, propose de nouvelles ambiances
intéressantes (Our blessed frozen cells et ses bruitages
industriels, très bon), et conclut (après une piste vide dont on se
serait bien passé...) par une Procession of the dead clowns
lancinante, inexorable, et carrément fascinante. Ouf, Blut aus Nord a
encore des choses intéressantes à dire. Mais ce disque est quand même
énervant.
- Blut aus Nord - MoRT (2006) ★ ★ ★
Après un The Work which transforms God qui m'avait finalement
plus énervé qu'il ne m'avait convaincu, Blut aus Nord revient en arrière
en proposant un disque à la structure très proche du très expérimental
The Mystical Beast of rebellion (très bon point pour le groupe,
le nouveau venu a un titre nettement plus court) : huit plages sobrement
intitulées Chapter I jusqu'à Chapter VIII, ou plutôt en
fait une longue suite ininterrompue de musique, les pistes s'enchaînant
sans pause, à peine coupées par des transitions plus calmes.
Musicalement, le groupe continue son exploration de la déliquescence en
musique, proposant une oeuvre à nouveau extrêmement linéaire : guitares
tordues, très peu de "chant" (plutôt des borborygmes qui s'intègrent à
l'ambiance générale bien délétère), des bruitages qui vont des sons
industriels (sur le Chapter III notamment) à des espèces de
claquements d'origine indéterminée, et une batterie en mode déglingué
(les blast-beats semblent avoir été abandonnés, un bon point en ce qui
me concerne). Pendant trois quarts d'heure, c'est pratiquement tout le
temps la même chose, le même tempo retenu, la même ambiance glauque, à
quelques infimes variations (bienvenues) près (le beau motif de guitares
à la fin du Chapter V, l'apparition d'un motif entêtant sur la
dernière piste), mais cette "musique" a encore une fois quelque chose
d'assez prenant et fascinant. Si on arrive à rentrer dedans, on peut
même sûrement trouver ça extraordinaire (je n'irai personnellement pas
jusque-là, ça reste trop uniforme pour moi), sinon on risque fort de
trouver le temps très long...
- Blut aus Nord - Odinist - The Destruction of reason by illumination (2007) ★ ★ ★ ½
Se rendant peut-être compte que sa recherche de l'illustration de la
déliquescence en musique ne pouvait pas être poussée beaucoup plus loin
que dans ses précédentes propositions, Vindsval revient avec ce sixième
album de son groupe Blut aus Nord à quelque chose de nettement plus
abordable et moins expérimental. Le disque est court (36 minutes, et
même un peu moins si on en retire les deux pistes qui ouvrent et
referment l'album, morceaux de claviers planants d'ailleurs très
réussis), mais surtout, même si on reconnaît bien le son de Blut aus
Nord (et notamment ces guitares toujours aussi glissantes), on retrouve
aussi une assise black nettement plus traditionnelle, avec un chant
nettement plus standard (enfin, pour du black hein) et quasi continu sur
une grande partie des pistes, et une batterie qui aligne du blast rapide
en fond assez régulièrement (ceci dit, elle est mixée très en retrait,
ce qui n'est pas pour me déplaire). Même les guitares sont nettement
plus mélodiques qu'à l'accoutumée (sur Odinist par exemple, c'est
d'ailleurs ma foi fort beau). Je dois l'avouer, au premier abord, j'ai
presque été déçu par ce virage, le disque étant clairement beaucoup
moins aventureux et ambitieux que les précédents et pouvant du coup
sembler manquer de personnalité. Mais finalement, je me rends compte
après quelques écoutes que j'apprécie plus facilement cette musique
moins torturée mais bel et bien inspirée. C'est donc, pour l'instant, au
disque du groupe le moins représentatif (mais qui n'est peut-être au
fond qu'une parenthèse avant de se lancer vers d'autres
expérimentations) que j'attribue la meilleure note, ça me chagrine un
peu mais c'est indiscutablement celui que je réécouterai le plus
facilement.
- Blut aus Nord - Memoria Vetusta II - Dialogue with the stars (2009) ★ ★ ★ ★
Leur précédent album le laissait entendre, celui-ci le confirme encore
beaucoup plus clairement, Blut aus Nord a décidé d'arrêter d'explorer
les tréfonds de l'âme humaine. Le titre de l'album laisse entendre qu'il
s'agit d'une suite (13 ans plus tard !) à leur deuxième album, mais je
n'ai pas vu tant de similitudes que ça entre les deux : là où le premier
opus était très épique et sale (au niveau du son), celui-ci est beaucoup
plus aérien (le son n'a vraiment rien de black pour le coup !),
proposant une ambiance globalement douce et onirique (oui, oui, on parle
toujours de Blut aus Nord). Il n'y a d'ailleurs qu'à écouter l'interlude
Translucent body of air (les titres des pistes ont repris de la
longueur, et surtout sont bien incompréhensibles...), avec ces arpèges
de guitare acoustique sur fond de claviers légers, pour s'en convaincre.
On a bien droit à quelques relents de black old school (le chant bien
sûr, mais aussi la boîte à rythmes qui blaste-beat la plupart du temps,
c'est d'ailleurs le gros point noir de l'album à mon sens, mais comme
elle est mixée très en arrière des guitares, ça ne dérange pas trop),
mais l'essentiel est vraiment dans ces envolées de guitares très
mélodiques (beaucoup de passages purement instrumentaux), qui sont tout
simplement fort belles (la fin de Disciple's libration, celle de
The Formless sphere avec son côté orientalisant, et surtout la
superbe The Meditant qui démarre de façon presque exubérante et
constitue pour moi le sommet du disque, qui est malgré tout d'une
qualité très homogène). Cette invitation au voyage-là, je la suis
quasiment sans réserve, et suis d'autant plus curieux de voir la suite
de l'évolution du groupe.
- Blut aus Nord - 777 - Sect(s) (2011) ★
Blut aus Nord a presque toujours été un groupe très productif, mais il
met les bouchées doubles en 2011 avec le projet 777, trois albums devant
sortir la même année (en fait le dernier attendra 2012). Eh bien à
écouter le premier volet, j'ai presque envie de dire que malheureusement
ça s'entend. On retrouve ici un Blut plus nettement plus orienté
"expérimental tordu" que sur ses deux précédents disques (encore que ça
dépende pas mal des pistes), mais surtout un Blut en manque
d'inspiration : six pistes intitulées Epitome (c'est bien,
parfois on apprend de nouveaux mots en écoutant du metal), trois quarts
d'heure de musique mais ça parait quand même long tant il y a de
répétitions (l'Epitome IV, le plus long des six, contient des
idées intéressantes mais qu'est-ce que ça traîne en longueur...) et de
choses déjà entendues en mieux dans la discographie du groupe. Les
pistes rapides (en gros les numéros impairs) sont simplement moches,
avec blasts sans intérêt et guitares très dissonantes, la facette noire
du groupe mais sans le côté fascinant des ambiances qu'ils avaient su
créer sur leurs disques les plus glauques. Il y a du mieux sur les
pistes paires, globalement plus atmosphériques (et même un peu
mélodiques par moments), mais dans un genre pas si éloigné, c'est très
en-deça du Memoria Vetusta II qui a précédé ce Sect(s). On verra
ce que donnent les deux opus suivants (qui partent encore dans d'autres
directions), mais la trilogie démarre mal pour moi.
- Blut aus Nord - 777 - The Desanctification (2011) ★ ★ ★ ★
Avec une telle productivité, on pourrait craindre que Blut aus Nord ne
finisse par franchement tourner en rond (surtout pour un groupe a priori
tenu à bout de bras par un seul homme), mais ce n'est vraiment pas le
cas. Alors que le premier volet de la trilogie 777 m'avait laissé de
côté, le deuxième propose des ambiances bien différentes qui me
convainquent nettement plus. Si on reconnaît bien le son typique du
groupe (ces guitares dissonantes et glissantes, les claquements utilisés
de temps à autre), le voyage auquel nous convie une fois de plus le
groupe nous emmène dans des contrées nettement moins désespérées que
d'habitude, et à vrai dire pas faciles à décrire : il y a une petite
touche d'orientalisme qu'on avait déjà décelée quelques fois dans les
productions de nos amis normands, un chant qui semble de moins en moins
présent , une batterie beaucoup plus variée (avec un côté assez pulsé
sur Epitome VII qui surprend au premier abord, mais cette piste
est en fait vraiment très bien construite), des passages vraiment
créatifs (la fin du disque avec ces espèces de tremolos de guitares sur
un fond rythmique qui lorgne presque du côté des musiques urbaines) et
même un court interlude (Epitome IX) assez aérien qui n'a plus
rien de métallique mais que je trouve fascinant. Après, on retrouve
quand même, à la base de tout ça, des riffs simples souvent très
répétés, mais cette fois-ci je passe un moment très agréable à l'écoute
du disque. Oui, ça parait invraisemblable, mais Blut aus Nord est aussi
capable de produire de la musique agréable.
- Blut aus Nord - 777 - Cosmosophy (2012) ★ ★
Après deux premiers volets où Vindsval semblait pousser Blut aus Nord
dans des directions encore peu explorées (enfin, surtout sur le second),
la tendance est plus que confirmée dans un dernier tome regroupant les
six derniers Epitome et comportant son lot de susprises pour le
moins inattendues. La première, et de taille, c'est l'apparition d'un
chant clair qui semble carrément incongru au sein des ambiances (à
nouveau plus atmosphériques que morbides, mais quand même) créées par le
groupe. Dans l'Epitome XVII, on se rapproche même niveau vocal
d'un "Blut aus Nord s'essaye à la pop britannique" et, bizarrement, ça
ne marche pas très bien. Pire, l'Epitome XV est
quasi-intégralement constitué d'une sorte de slam absolument minable
(pour une fois qu'on comprend les textes sur un album de Blut aus Nord,
on le regrette très vite), vraiment l'impression que le groupe se met à
faire n'importe quoi pour innover. Et puis quand même, Blut aus Nord est
encore capable de produire de la musique aux ambiances travaillées
(l'Epitome XIV notamment), et à avoir des fulgurances (sur le
fameux Epitome XV, un break aux choeurs épiques qui déboule sans
crier gare) qui suffisent à rendre l'écoute nettement moins vaine, à
défaut d'être vraiment fascinante. On se demande quand même à la fin du
disque où cette trilogie était censée nous mener, et Vindsval lui-même
laisse planer un gros doute en achevant son oeuvre par une coda
énigmatique et minimaliste qui ne conclut strictement rien et semble
demander à l'auditeur "Bon, et maintenant on fait quoi ?". La réponse au
prochain album ?
- Blut aus Nord - Memoria Vetusta III - Saturnian Poetry (2014) ★ ½
Je m'interrogeais à la fin de ma chronique précédente sur la direction
qu'allait prendre Blut aus Nord après une trilogie 777 qui
l'avait emmené assez loin de ses terres de prédilection. Au moins pour
cet album, la réponse est claire : on mise sur un retour en arrière et
une valeur sûre en proposant un troisième volet de Memoria
Vetusta (après tout, le deuxième sorti 5 ans auparavant était très
bon). Mais en fait de retour en arrière, c'est même beaucoup nettement
du côté du premier volet de la série que penche ce nouvel opus :
oubliées les superbes ambiances aériennes, les tempi sont
systématiquement rapides (avec pas mal de blasts de batterie pénibles),
le ton est globalement épique (le chant se limite quasiment à des
interventions chorales) et surtout on a en continu un mur de guitares
très dense dans les oreilles. Pas un moment de répit, ça fatigue assez
vite et ça ne permet hélas pas de profiter pleinement de l'aspect
mélodique pourtant encore une fois très présent (on a même des éléments
d'inspiration folklorique par moments). Le son est pourtant loin d'être
dégueulasse, mais après avoir été séduit par les dix premières minutes
du disque, j'ai rapidement décroché pour ne garder finalement qu'une
sensation de gros gâchis, un peu comme sur le premier Memoria Vetusta...
- Blut aus Nord - Deus Salutis Meae (2017) ☆
On m'avait pourtant bien prévenu, ces derniers temps, Blut aus Nord
pratique l'alternance entre albums mélodiques et expérimentaux. Après le
troisième volet des Memoria Vetusta, le groupe enchaîne donc
(enfin, façon de parler, le rythme des sorties est revenu à quelque
chose de raisonnable après le tryptique de 2011) avec un album qui
pousse très fort dans la direction de l'expérimental. Mais il s'gait
ici, hélas, d'un expérimental particulièrement moche. Le son est
probablement le plus dégueulasse de toute la discographie du groupe,
sorte de bouillie grésillante aux relents indus d'où émergent
difficilement quelques motifs de guitare qui pourraient être
intéressants si on les entendait vraiment (le début de Chorea
Macchabeorum est prometteur) et des choeurs inquiétants (ah, et
aussi un peu de chant black très "vomi" dont on se passerait bien) qui
donnent au tout un côté cérémonie occulte repoussante qui aurait une
fois de plus pu être fascinante si elle n'était pas aussi désagréable à
écouter. Les bonnes nouvelles dans tout ça : malgré la présente
d'interludes bruitistes sans intérêt, ça ne dure qu'une grosse
demi-heure. Le choix de titres en latin (et même en grec
!) de cuisine est presque rigolo. Et, tout de même, Abisme, avec ses
choeurs sur fond de guitares bien lourdes, propose deux bonnes minutes
vraiment réussies. D'assez loin le pire disque du groupe pour moi.
- Blut aus Nord - Hallucinogen (2019) ★ ★ ½
Après un album dont le son dépassait mon seuil de tolérance, Blut aus
Nord revient donc à du plus classique avec ce disque à l'apparente
influence fongique. En fait, malgré le titre et la pochette, c'est
plutôt une ambiance cosmique à laquelle on a droit, une sorte de suite
indirecte au deuxième volet des Memoria vetusta. Les guitares
sont mélodiques et très aériennes (souvent dans le très aigu), même si
c'est en partie compensé par les blasts de batterie (fatigants et sans
l'ombre d'un intérêt, d'ailleurs), et surtout par l'emploi de choeurs
aux sonorités plutôt médiévales (essentiellement aucun chant à part ces
choeurs). L'ambiance créée est réussie, c'est assez beau, mais aussi
très homogène pendant une bonne partie du disque, avec des ruptures en
fin de piste pour proposer un passage très calme assez systématiquement.
Bref, c'est du Blut aus Nord en pilotage automatique qui tourne
gentiment en rond, avant quand même de retrouver un peu plus
d'inspiration sur les derniers titres (Mahagma propose quelque
chose de beaucoup plus varié, Haalucinählia a un côté plus
psychédélique qui justifie enfin le titre, et la conclusion de Cosma
procyiris est vraiment réussie). Suffisant pour atteindre la
moyenne, mais pas plus pour ce disque relativement anecdotique. À noter
quand même, au milieu des titres pseudo-latin, la présence d'une piste
intitulée Sybelius. De quoi attirer quelques curieux amateurs de
classique ? Pas sûr !
- Blut aus Nord - Disharmonium - Undreamable Abysses (2022) ★ ★ ★ ½
Eh ben voilà, j'arrive au bout de la copieuse discographie de Blut aus
Nord (et encore, j'ai zappé tous les EP et autres splits du groupe,
relativement nombreux également), et je dois dire que dans l'ensemble
j'ai effectué des voyages très intéressants avec eux, même si certains
disques m'ont franchement déplu et que je n'ai pas non plus trouvé de
chef-d'oeuvre incontournable dans le lot. Pour ce dernier album en date,
le groupe se met sous un patronage lovecraftien qui semble presque
naturel pour lui, et revient de fait à des ambiances bien glauques qu'on
n'avait plus tellement croisé depuis quelques albums. Toutefois, le son
est très propre (presque trop !), on se concentre vraiment sur la
création d'ambiances morbides et/ou fantômatiques (les choeurs féminins
de Into the woods), et à ce jeu là, Blut aus Nord est assez
insurpassable. Les deux pistes qui ouvrent et ferment l'album, Chant
of the deep ones et The Apotheosis of the unnamable, sont
très réussies, et le reste est suffisamment varié pour ne jamais lasser
(très curieuse ambiance sur That cannot be dreamed). Les bémols
de mon côté, ce sera le fait que l'effet de surprise ne peut plus jouer
tant Blut a déjà travaillé sur ce type d'atmosphères, et surtout une
batterie qui continue à me fatiguer quand elle blaste en continu (ce qui
n'est heureusement pas toujours le cas, mais encore bien trop souvent).
Mais on est assez clairement dans le haut du panier de ce que le groupe
a proposé depuis ses débuts.