Mon avis personnel sur les disques de Black Sabbath
- Black Sabbath - Black Sabbath (1970) ★ ★ ★ ★ ★
Un sinistre glas sur fond d'orage, un motif de trois notes lourdement
asséné, la voix inimitable d'Ozzy Osbourne qui se lance par-dessus tout
ça, et le metal pouvait décoller vers de nouveaux horizons. Bon, ok,
l'album est historiquement incontournable, mais le néophyte qui le
découvrirait plus d'un demi-siècle (!) après sa sortie (ce n'est pas mon
cas pour le coup) ne risque-t-il pas d'être justement déçu par un
contenu musical pas à la hauteur de l'importance que le disque a eu pour
des dizaines de groupes par la suite ? Eh bien, non, pas de déception à
l'horizon. Black Sabbath (la chanson) prouve de façon éclatante
qu'il n'y a pas besoin d'en faire des tonnes pour créer une ambiance
crépusculaire, Black Sabbath (l'album) est une tuerie qui réserve
bien d'autres belles surprises (l'harmonica faussement guilleret de
The Wizard, les riffs indémodables de N.I.B et de
Wicked world), et Black Sabbath (le groupe) montre une maîtrise
impressionnante pour un premier album explorant des pistes à peine
entrevues auparavant. La voix d'Ozzy est incroyable (en tout cas, moi
j'aime beaucoup) et le seul temps faible de l'album se trouve dans un
Warning dont les développements instrumentaux ne mènent pas à
grand chose de vraiment notable. Encore et toujours d'actualité !
- Black Sabbath - Paranoid (1970) ★ ★ ★ ★ ★
Quelques mois à peine après leur première livraison, revoilà déjà Black
Sabbath avec un deuxième album qui leur vaudra à la fois le prix de la
pochette la plus laide de l'année et le respect immortel de générations
de fans. Peut-être encore plus que le disque précédent, une succession
de tubes impressionnante, du War pigs d'ouverture au Fairies
wear boots de clôture, en passant par le plus planant Planet
caravan et les efficaces en diable Paranoid (malgré des
effets de réverbération sur la voix d'Ozzy qui ne me semblent pas
apporter grand chose) et Iron man. Je suis un tout petit moins
fan de Hand of doom (de petites longueurs à mon goût) et le
Rat salad qui complète le disque n'a pas grand intérêt, mais il y
a largement assez de contenu mythique pour rendre l'album plus
qu'indispensable malgré ça.
- Black Sabbath - Master of reality (1971) ★ ★ ★ ★ ★
Continuant sur son rythme effréné d'un album tous les six mois, le
groupe sort en effet un troisième disque dans la lignée des précédents
et (presque) aussi incontournable. La nouveauté vient du son encore plus
grave et lourd manifeste dès le riff introductif de l'excellent Sweet
leaf, à la hauteur des classiques du groupe. Contraste ensuite avec
un After forever beaucoup plus "spatial" mais très bon également,
mais les riffs bien lourds reviendront en force dans Children of the
grave (peut-être le sommet de l'album, quel morceau une fois de plus
!), et les peut-être un peu moins convaincants Lord of this world
et Into the void (où le côté répétitif commence selon moi à
vraiment se faire sentir). Mais bon, je fais la fine bouche, il n'y a
pas vraiment de point faible dans ce nouvel album, même la ballade
Solitude avec son accompagnement de flûte a le mérite de révéler
un Ozzy capable de s'adapter en-dehors de son environnement naturel. En
fait, le principal défaut du disque ... c'est qu'on en a déjà fait le
tour ! Six chansons (plus deux interruptions instrumentales sympathiques
mais extrêmement courtes), à peine plus d'une demi-heure de musique, eh,
c'est un peu facile de faire deux albums par an en les remplissant aussi
peu ! J'ai failli baisser la note rien que pour ça...
- Black Sabbath - Vol.4 (1972) ★ ★ ★
Après avoir produit en à peine plus d'un an trois albums majeurs d'un
genre qu'ils avaient plus ou moins inventé, on pouvait se poser la
question : le groupe pourra-t-il continuer à tenir le rythme, et
sera-t-il capable d'évoluer de façon intéressante quand l'usine à riffs
ultra efficaces verra sa production se tarir (ce qui arrivera forcément
tôt ou tard) ? Ce quatrième album donne une partie des réponses à ces
angoissantes questions. Un temps de gestation un peu plus long (et un
album plus long aussi, ça c'est cool !), mais surtout beaucoup de
sorties de pistes par rapport à ce qui est déjà devenu "le son Black
Sabbath", il y a manifestement de l'expérimentation dans l'air. La
première chanson, Wheels of confusion, sème déjà le trouble avec
sa construction nettement plus recherchée et moins immédiate que
d'habitude, j'étais dubitatif au premier abord mais en fait c'est plutôt
convaincant (la fin est assez bien fichue quand même). Il y aura en fait
beaucoup plus étrange et discutable dans la suite du disque : une
ballade avec piano (Changes) assez entêtante, dont on se demande
comment elle s'est perdue sur un album de Black Sabbath, l'instrumental
Laguna sunrise qui, comme son nom l'indique, est une évocation
détendue de décor paradisiaque (là encore, la pertinence de cette piste
est discutable) et surtout FX, improbable instrumental
expérimental qui aurait pu être remplacé par un extrait d'oeuvre de
Boulez pour à peu près le même effet. Entre temps, des pistes plus
classiques pour le groupe, mais on sent un léger manque d'inspiration,
les riffs n'ont plus la même évidence et la même efficacité que sur les
albums précédents (sur Tomorrow's dream ou même Snowblind,
qui restent malgré tout assez efficaces ; le meilleur riff de l'album
est peut-être celui de Supernaut mais là c'est un break
instrumental dansant assez incongru qui laisse perplexe), et les
transitions pas toujours heureuses (l'espèce de montée de gamme
bizarroïde de Under the sun par exemple). Malgré tout ça, et
peut-être bizarrement à cause de ce côté complètement hétéroclite,
l'album s'écoute très agréablement. Je reste quand même nettement moins
fan que pour les trois premiers.
- Black Sabbath - Sabbath bloody sabbath (1973) ★ ★ ★ ★ ★
Après un quatrième album plus expérimental et à mon sens moins
convaincant que les précédents, retour aux affaires pour Black Sabbath
avec un nouveau disque qu'on peut sans hésitation ranger aux côtés des
trois premiers en tant que grands classiques du genre. En fait, dès les
premières secondes de la chanson-titre qui ouvre l'album, on est
rassurés : l'usine à tubes et à riffs mémorables a repris du poil de la
bête. La première moitié du disque est simplement un enchaînement de
morceaux imparables, qui n'hésite pas à jouer crânement la carte de la
mélodie (et globalement à proposer des ambiances nettement moins sombres
qu'à l'habitude, Sabbra cadabra étant même pas loin de
l'exubérance), à proposer comme d'habitude un instrumental
(Fluff) qui tranche avec le reste, mais aussi à faire une grosse
place aux claviers, qui déboulent en fanfare dans Sabbra cadabra
pour ne plus disparaître avant la fin de l'album, par ailleurs un poil
moins réussie (les bziou-bziou de Who are you font un peu daté,
et Looking for today, sans démériter, est un peu plate par
rapport aux autres chansons de l'album), avant un final en apothéose
orchestrale dans The spiral architect. Bon, là, les
applaudissements intégrés sont quand même très dispensables, mais on
pardonne tant l'ensemble du disque est de très très haute tenue. Seul
petit bémol pour moi, la tendance toujours plus affirmée à trafiquer la
voix d'Ozzy à coups d'effets qui ne me semblent pas vraiment utiles.
- Black Sabbath : Sabotage (1975) ★ ★ ★ ★
Pour leur sixième album en cinq ans (et pour beaucoup, si j'ai bien
compris, le dernier vraiment valable), nos amateurs de sabbat font une
espèce de synthèse de tout ce qu'ils ont introduit dans leurs albums
précédents : des vrais gros riffs sombres (Symptom of the
universe), un instrumental acoustique court et détendant (Don't
start), des titres très développés et ambitieux (Megalomania
et sa longue introduction atmosphérique), mais aussi du plus court qui
lorgne vers une espèce de pop-rock un peu démodé (Am I going
insane) et même un invraisemblable Supertzar qui convoque des
choeurs grandiloquents (c'est pas de très bon goût, mais j'aime beaucoup
!). Tout cela est fort bien réalisé et donne un disque net et sans
bavure, mais je trouve quand même qu'il navigue à des hauteurs moins
impressionnantes que ses prédécesseurs, peut-être la faute à des lignes
vocales moins recherchées (ça crie pas mal dans l'aigu, ce qui ne change
pas forcément énormément de d'habitude, mais ça me frappe plus sur cet
album-ci) et à l'absence de chanson vraiment monstrueuse. On reste quand
même dans le domaine du très bon cru.
- Black Sabbath - Technical ecstasy (1975) ★ ★ ★ ★ ½
Considéré comme le premier album à éviter du groupe, eh bien je persiste
et signe, c'est une réputation imméritée ! Peut-être parce qu'il arbore
dans son ensemble une tonalité plus "dépressive" que "sombre et lourde"
comme on en avait jusqu'ici l'habitude, je l'aime même beaucoup. Après
une ouverture sans grand risque avec un Back street kids efficace
mais pas spécialement mémorable, première grosse claque avec un You
won't change me superbe, les synthés sont de sortie, la guitare de
Iommi également (des solos plus développés qu'à l'habitude parsèment
tout l'album), mais surtout c'est très beau. Certes, la suite de l'album
est un peu plombée par une ou deux sorties de pistes évitables (le
beatlesien It's all right qui suit, même pas chanté par Ozzy, est
complètement à côté de la plaque, et un peu plus loin le Rock'n roll
doctor avec son piano sautillant façon piano bar jure un peu aussi),
mais il se termine sur deux nouvelles perles, avec la ballade She's
gone et ses violons bien lacrymaux (ok, peut-être un poil trop, mais
moi je me laisse faire), et Dirty women qui revient à un riff
plus clairement sabbatien, mais garde ce ton mélancolique que je trouve
vraiment sympa (enfin, si on peut dire). Si tous les albums ratés du
groupes sont de ce niveau-là, j'en veux bien encore quelques-uns !
- Black Sabbath - Never say die (1978) ★ ★
Me voilà donc arrivé au dernier album de la période historique, juste
avant qu'Ozzy ne s'en aille vraiment voir ailleurs. Cet album, comme le
précédent, voit clairement le groupe explorer des rivages assez éloignés
du metal lourd qu'il avait lui-même inventé quelques années plus tôt. Et
autant la direction prise dans Technical ecstasy m'avait beaucoup
plu, autant là j'accroche beaucoup moins. Beaucoup de rythmes syncopés,
voire d'ambiances jazzy qui ne m'intéressent pas, un piano soudain
envahissant (ce qui donne d'ailleurs avec Air dance, qui ne
ressemble absolument à rien, une piste qui a le mérite d'être marrante,
mais sur Over to you, on a limite l'impression que le piano joue
dans son coin sans se préoccuper du reste...), et même un
Breakout orientalisant avec cuivres pétaradants (là encore, au
moins c'est rigolo). Mais surtout, le problème c'est que les titres plus
classiques sont franchement mous du genou, les riffs manquent de
puissance, on écoute tout ça d'une oreille distraite, ce n'est pas
totalement mauvais mais ça n'est pas vraiment digne de Black Sabbath
malgré le savoir-faire encore manifeste du groupe.
- Black Sabbath - Heaven and hell (1980) ★ ★ ★ ★
Changement de décennie, mais surtout changement de chanteur, Ozzy a
vraiment quitté le groupe et ... eh ben je dois bien l'admettre, je fais
partie de ceux qui considèrent qu'il est assez irremplaçable. Avec Dio
au chant, c'est vraiment autre chose qu'on écoute, et je suis
personnellement nettement moins fan, au moins vocalement. Pour le reste,
plus trop d'expérimentations sur ce nouvel album, on revient à du
classique solide, sans le côté sombre des premiers albums du groupe, et
avec même un penchant plus "maidenesque" sur un titre comme Children
of the sea (c'est peut-être aussi la voix assez aiguë de Dio qui me
fait dire ça). Quoi qu'il en soit, il y a du très bon, à commencer par
l'incontournable chanson titre, l'un des classiques immédiats du groupe,
ou la piste inaugurale Neon knights, qui envoie du bois pour
commencer en beauté. Quelques titres également un peu moins réussis, je
ne suis pas fan de Lady evil ou même des changements de tons
assez bizarres de Die young, mais on ne peut pas nier que,
globalement, Black Sabbath a repris du poil de la bête, même si on se
doute bien qu'on ne retrouvera jamais l'ambiance des tout premiers
albums du groupe.
- Black Sabbath - Mob rules (1981) ★ ★ ★ ★ ½
Deuxième album avec Dio au chant ... et ce sera le dernier avant un bon
moment puisque Black Sabbath va rentrer dans une période assez troublée
niveau line-up. En attendant, c'est du très très solide et maîtrisé qu'on
tient là. J'ai pourtant craint la déception avec Turn up the night, qui
a un côté trop optimiste pour moi et sur lequel la voix de Dio me semble
assez peu adaptée. Mais ce dernier se rattrape largement dans un Sign of
the southern cross épique (ça me fait encore une fois penser à du Maiden
par anticipation !) qui tient à nouveau du chef-d'oeuvre. On pardonnera
la transition instrumentale bizarroïde qui mène à la chanson-titre
(c'est quoi ces fonds de voix trafiqués, c'est censé foutre la trouille
??), elle aussi très réussie et qui convoque pour le coup plutôt les
manes d'un Mötorhead (ce qui n'est pas nécessairement un défaut pour moi
!). La deuxième moitié de l'album tombe un peu plus dans la facilité
(même si Falling off the edge of the world et son intro lente
saturée de synthés a le mérite de sortir un peu du cadre), voire dans le
larmoyant pour le dernier titre, mais l'album dans son ensemble est une
franche réussite, que je trouve même plus convaincante que Heaven and
hell. Bon, par principe, je laisse quand même la plupart des albums
avec Ozzy au-dessus.
- Black Sabbath - Born again (1983) ★
Dio ayant quitté le navire après seulement deux albums pourtant très
réussis, voilà donc un troisième chanteur qui déboule chez Sabbath, qui
a à nouveau pioché parmi les grands noms de la scène rock en la personne
de Ian Gillan, chanteur emblématique de Deep Purple (et donc, en
ce qui me concerne, un gars que je n'ai à peu près jamais entendu).
Hélas, son style très très "showman" colle extrêmement mal avec celui du
groupe, il en fait des tonnes en permanence à coups de hurlements,
ricanements et autres trucs qui n'ont rien à faire là, il gâche à lui
tout seul plusieurs pistes de l'album (le début de Disturbing the
priest ou Hot line, et puis accessoirement il prononce le mot
'again' de façon très perturbante pour moi dans le refrain de Born
again). Pire encore, une production absolument désastreuse achève de
faire couler le bateau, c'est à la fois brouillon et saturé, franchement
moche, à se demander comment un ratage pareil est possible pour un
groupe de cette renommée. Vraiment dommage car musicalement (pour ce
qu'on entend...), Iommi n'a pas totalement perdu la main, un titre comme
Zero the hero a même un vrai potentiel, il est d'ailleurs à peu
près la seule raison pour ne pas mettre un zéro pointé. Ah, j'oubliais
un dernier point négatif : les pistes de remplissage avec délires
bizarres au synthé dont je ne comprends toujours pas l'intérêt. Bref,
pas grand chose à sauver...
- Black Sabbath - Eternal Idol (1987) ★ ★ ★
Ayant volontairement sauté un Seventh star dont personne ne sait
trop s'il faut le considérer comme un album de Black Sabbath ou un album
solo de Iommi, j'arrive au premier disque enregistré avec le chanteur
Tony Martin (pour une fois, Iommi a été chercher un inconnu pour
reprendre le flambeau vocal) et me rends compte qu'il est dans la droite
ligne de Seventh star pour ce qui est de l'orientation musicale !
Le bon point, c'est qu'on a retrouvé une production digne de ce nom
après l'horrible Born again, le mauvais c'est qu'on s'éloigne
clairement du côté sombre des débuts de groupe et qu'on lorgne fortement
vers une espèce de hard rock FM commercial pas très plaisant. Son un peu
trop clinquant, batterie en mode tchac-ploum sans l'ombre d'un intérêt,
nappes de claviers franchement datées et un chanteur qui ne démérite pas
mais sans grande personnalité, on pourrait même craindre un nouveau
naufrage. Mais encore une fois, l'album surnage largement car Iommi sait
encore composer de la bonne musique : The shining est une
ouverture efficace, le riff de Nightmare est inspiré, et,
miracle, on retrouve même une composition vraiment sabbathienne avec la
chanson titre qui conclut le disque. Du coup, malgré ses défauts, un
album qui s'écoute malgré tout très bien.
- Black Sabbath - Headless cross (1989) ★ ★ ★
Ce soir, j'ai écouté un assez bon album de Scorpions, mais, je ne
comprends pas pourquoi, c'était écrit Black Sabbath sur la pochette...
Plus sérieusement, Martin est toujours au chant sur cette nouvelle
livraison, et surtout la direction "rock commercial" prise par le groupe
est toujours assez nettement affirmée. Après une intro inquiétante aux
claviers, on a même très peur quand on entend la batterie introduire la
chanson titre, c'est stéréotypé et franchement mauvais. Et puis,
miracle, quelques minutes après, on s'est rendus compte que Martin
assurait franchement au chant (il a pris ses marques depuis l'album
précédent, et il est vraiment loin d'être ridicule par rapport aux
mastodontes qui l'ont précédé au poste), que les claviers étaient moins
kitsch que dans Eternal Idol, et que la chanson elle-même
arrivait presque à être épique malgré un refrain choral un peu
maladroit. Le reste de l'album sera plus ou moins du même tonneau,
beaucoup de titres gentiment calibrés avec des choeurs gentillets (du
Scorpions quoi, comme je le disais plus haut), un
Nightwing final qui tire même sur le gnangnan, mais aussi et
surtout un When death calls qui commence comme une ballade triste
et qui sort la grosse artillerie ensuite, superbe titre qui ne
déparerait pas dans un best-of du groupe. Ok, on est bien d'accord, tout
ça ne vaut pas ce que Sabbath a proposé dans les années 70, mais les
albums de l'ère Martin me semblent quand même assez injustement oubliés,
c'est loin d'être mauvais. On ne boxe simplement plus dans la même
catégorie.
- Black Sabbath : Tyr (1990) ★ ★ ★
Début des années 90, Sabbath n'est toujours pas mort, et Tony Martin
semble même solidement installé aux commandes vocales du groupe. Pour
cet album, un fond de mythologie nordique en arrière-plan donne lieu à
une résurgence d'un style épique pas tant que ça exploré par le groupe,
mais qui lui réussit plutôt bien. L'introduction d'Anno mundi
n'hésite pas à tutoyer le kitsch pour lancer l'album sur de bonnes
bases, qui seront confirmés dans un Valhalla bien massif ou même
le curieux Jerusalem avec son synthé très présent et son choeur
un peu daté. Une énorme faute de goût tout de même en court de route
empêche de vraiment donner une très bonne note à l'album : Feels good
to me est une ballade complètement mièvre qui n'a absolument rien à
faire là, heureusement rattrapée par le Heaven in black final
bien pêchu. Au final, un album encore inégal, mais loin d'être
désagréable à écouter. Un peu comme les précédents avec Martin,
finalement.
- Black Sabbath - Dehumanizer (1992) ★ ★ ★ ½
Surprise surprise, alors que Tony Martin semblait bien accroché à son
poste, voilà Dio qui revient faire un album avec Black Sabbath, qui
retrouve pour l'occasion le line-up des très bons Heaven and hell
et Mob rules. Mais, au risque d'en faire hurler certains, je ne
suis pas sûr que ce retour de Dio soit une si bonne nouvelle d'un point
de vue purement vocal (Martin assurait très bien sur les albums
précédents), car on sent qu'il force pour bien marquer son retour, et il
en fait parfois franchement trop (sur Computer god ou sur
I notamment), même s'il faut admettre que sur d'autres titres il
est excellent (la ballade Too late, qui serait probablement assez
anecdotique sans sa performance). En fait, peu importe, l'essentiel est
ailleurs : dans cette formation, les musiciens semblent naturellement
enclins à revenir un peu aux sources, avec une production moins
clinquante et surtout le retour des riffs lourds et sombres qui ont fait
la célébrité du Sabbath des années 70. Même si on n'atteint pas les
mêmes sommets, After all (The Dead) ou Master of insanity
fleurent bon l'ancien temps, et rien que pour ça l'écoute du disque est
un petit bonheur. Même si d'autres titres sont simplement efficaces et
un peu routiniers, ça mérite quand même une note un peu supérieure aux
opus avec Martin, qui sera d'ailleurs de retour très rapidement...
- Black Sabbath - Cross purposes (1994) ★ ★ ½
Dio ayant reclaqué la porte aussi vite qu'il n'était revenu, le Sabbat
noir en est réduit à reprendre une nouvelle fois Tony Martin en temps
que vocaliste. Vu ce que j'avais dit sur l'album précédent, je ne
devrais pas spécialement m'en plaindre, mais j'avoue que sur cet
album-ci, Martin me convainc moins, il fait le boulot, mais manque quand
même de charisme pour porter certains titres il est vrai assez moyens,
notamment en fin d'album. Pourtant, ça commence assez bien avec un I
Witness très efficace, et peut-être encore plus avec la ballade
Cross of thorns qui n'est pas loin de tomber dans la caricature
(les claviers bien planants...) mais qui emporte in fine le morceau,
tout simplement parce que c'est beau. La caricature, on la frôlera à
nouveau dangereusement lors d'autres chansons (ou intro) lentes, le solo
introductif de Dying for love étant guimauvesque à souhait, et
The hand that rocks the cradle tombant franchement en-dessous des
standards du groupe. Le reste du temps, on navigue entre l'efficace
(Immaculate deception), l'inattendu (Cardinal sin qui ne
ressemble pas à grand chose de ce qu'a produit le groupe auparavant,
avec son riff "kashmiresque" mais en beaucoup moins lourd), et le
franchement décevant (la conclusive Evil eye, on a l'impression
que les musiciens n'ont plus grand chose à nous dire). Au final un album
qui s'écoute encore, mais qui penche dangereusement vers l'"album de
trop" pour le groupe.
- Black Sabbath - Forbidden (1995) ★ ★ ½
Dernier album du groupe avec Tony Martin au chant, ce qui n'est
peut-être pas une mauvaise nouvelle dans la mesure où le précédent
semblait déjà à bout de souffle, mais aura-t-on au moins droit à un
dernier effort suffisant pour ne pas lâcher l'affaire sur une mauvaise
note ? Eh bien, j'ai une nouvelle fois envie de dire "oui et non". Non
car de fait Martin semble un peu fatigué sur ce disque, tout comme
d'ailleurs les claviers de Geoff Nichols qu'on entend peu, et qu'on
aurait préféré ne pas entendre autant quand ils surnagent (sur la
chanson titre notamment où ils sonnent très datés). Mais oui quand même
parce qu'il y a des choses intéressantes malgré tout, et notamment (à ma
grande surprise !) la chanson d'ouverture The illusion of power
avec la partition d'Ice-T (et donc une composante rap) fonctionne
franchement bien et laisse imaginer une évolution intéressante de la
musique de Black Sabbath. Malheureusement, cette ouverture n'est pas du
tout exploitée dans la suite de l'album, tout ce qu'on garde c'est le
son médiocre (c'est très brouillon) et ça on s'en serait bien passé. On
restera ensuite dans un registre beaucoup plus classique, avec pas mal
de tempos lents menaçant de virer au lacrymal (c'est le cas d'ailleurs
de I won't cry for you malgré le titre) et quelques riffs
sympathiques dont Iommi a le secret, celui de Guilty as hell est
vraiment cool (dommage qu'il soit autopompé dès le Sick and tired
qui suit...) et la fin de Kiss of death est aussi bien fichue.
Après, il faut être honnête, tout ça reste un peu paresseux pour un
groupe de la trempe de Black Sabbath, c'est très écoutable mais on en
attend mieux. À propos d'attendre, c'est le prochain album du groupe
qu'il faudra attendre trèèès longtemps.
- Heaven and Hell - The devil you know (2009) ★ ★ ★ ★ ½
Il aura donc fallu attendre près de 15 ans après le dernier disque
enregistré par Tony Martin pour que Black Sabbath nous gratifie d'un
nouvel album. Et encore, même pas sous son vrai nom, puisqu'Ozzy a
entretemps réintégré le groupe mais se contente de tourner avec eux sans
rien produire de nouveau. Ne soyons pas dupes, avec Dio de retour au
chant pour une dernière pige, c'est bien un Sabbath sous couverture qui
est de retour (d'où la position de cet album qui n'est pas vraiment à sa
place dans ma liste aphabétique), et pour un retour c'est même un sacré
retour en forme ! Exit les mièvres ballades FM de la période Martin, dès
l'inaugural Atom and evil on a droit à un bon doom bien lent et
lourd comme on aime, magnifié par un son forcément plus moderne qu'à
l'habitude. Ca ne révolutionne rien, mais qu'est-ce que ça fait du bien
! Ce sera d'ailleurs le ton général de l'album, très peu de titres
rapides (à part le rigolo Eating the cannibals), à peine une
petite baisse de rythme en cours de route avec les plus convenus Rock
and roll angel et The Turn of the screw), et surtout
plusieurs pépites bien lourdes : Bible black, Double the
pain et son refrain entêtant, et la superbe Follow the tears
avec son intro sur fond d'orgue, ça penche franchement vers le
grandiloquent par moments, mais sans jamais tomber dans le kitsch. La
fin de l'album est à nouveau un peu moins réussie (Breaking into
heaven s'éternise un peu, même s'il est vrai qu'on n'a pas vraiment
envie que l'album se finisse !) mais c'est globalement une très très
belle réussite, qui n'a pas du tout à rougir face aux deux premiers
albums enregistrés avec Dio une trentaine d'années plus tôt.
- Black Sabbath - 13 (2013) ★ ★ ★
Allez hop, il est temps de passer au dernier album studio du Sabbat
Noir, le seul enregistré avec Ozzy au chant après les années 70.
Forcément, il est difficile de juger un tel dernier opus de façon
vaguement objective, surtout quand le côté "hommage à la grande époque"
est aussi manifestement assumé. Ce n'est pas uniquement Ozzy et Geezer
Butler qu'on retrouve sur ce disque, mais carrément l'atmosphère de
Planet Caravan (sur Zeitgeist), et un riff et une
construction qui rappellent fortement Black Sabbath (sur End
of the beginning). Et je ne parle même pas des mythiques bruits
d'orages insérés à la fin de la dernière piste. Le groupe joue à fond
sur la nostalgie... et au fond il n'a pas totalement tort, parce que ça
marche plutôt bien, malgré un Ozzy qui n'est plus vraiment le même (la
voix est fatiguée et honteusement trafiquée en permanence) et des
chansons qui s'étirent parfois sans que l'inspiration le justifie
(Damaged soul notamment). Mais bon, le son est bon, les riffs
restent corrects, on a même une ou deux très bonnes chansons (God is
dead ? ou Age of reason), et le plaisir de retrouver nos
sexagénaires capables de produire de la musique plus qu'écoutable
l'emporte sur toute autre considération. Bon, j'avoue, j'ai remis
Paranoïd dans la foulée, c'est quand même autre chose...