Mon avis personnel sur les disques d'Avenged Sevenfold
- Avenged Sevenfold - Sounding the seventh trumpet (2001) ★ ★
Allez, aujourd'hui, entamons la discographie d'un groupe de "djeunz" qui
ne l'est plus tant que ça (un peu plus de 20 ans de carrière désormais)
qui a de fait déboulé à une époque où le metal allait assez mal, et qui
est souvent catalogué "metalcore pour ados", bref le genre d'étiquette
qui a tendance à faire fuir avant même d'essayer d'écouter la musique
proposée. Pourtant, sur ce premier disque, les influences sont vraiment
beaucoup plus nombreuses et variées que ce qu'on pourrait imaginer : un
fond de riffs heavy qui fait souvent penser à Iron Maiden, mais
accompagné de chant hurlé très laid la plupart du temps (bon, en même
temps, le peu de chant clair entendu est assez pénible), lui-même
secondé par des choeurs clairs hyper niais (sur Darkness
surrounding, c'est assez terrible), d'une batterie hyper
envahissante (on a vraiment l'impression que si le batteur passe plus
d'un quart de seconde sans taper sur un truc il va pas survivre), de
piano mielleux sur certaines pistes, et de breaks et autres changements
de rythme permanents. Tout ça constitue d'ailleurs le principal défaut
du groupe : il y a des idées, et même de bonnes idées, mais il y en a
tellement dans chaque morceau, avec un sens de la structure aux abonnés
absents, qu'on ne sait plus où donner de la tête... Un véritable album
de groupe débutant finalement, fort de l'énergie juvénile de ses
musiciens et d'un sens certain de la mélodie, mais qui propose trop peu
de titres convaincants du début à la fin (Lips of deceit est
probablement mon préféré). Je suis quand même curieux de voir leur
évolution sur les disques suivants, ça peut devenir vraiment intéressant
si c'est un peu mieux canalisé.
- Avenged Sevenfold - Waking the fallen (2003) ★ ½
Après un premier album débordant d'énergie mais trop brouillon,
j'espérais une suite qui tienne mieux la route de la part d'un groupe
encore en recherche d'équilibre. J'ai été à moitié entendu, mais pas
forcément de la façon que j'espérais... La profusion d'idées et le côté
fourre-tout difficile à appréhender de la plupart des chansons reste
hélas intact, mais le style musical, lui, prend une direction plus
claire, en s'éloignant des tendances extrêmes du premier album (on a
encore droit à du chant hurlé assez systématique sur les couplets, mais
les refrains font systématiquement intervenir un chant clair très typé
FM, avec des choeurs bien niais pour couronner le tout) pour se
rapprocher d'une sorte de variétoche métal avec insertion de tout et
n'importe quoi (violons synthétiques sur quelques pistes, notamment).
Heureusement, le fond instrumental reste assez musclé et sympathique,
mais l'ensemble est peut-être encore plus bancal que sur le premier
essai du groupe, et on retient surtout le côté cheap de l'ensemble, ce
qui est un peu fâcheux. En exagérant à peine, on a souvent l'impression
de musique calibrées pour servir de fond à un jeu video type Guitar
Hero, et pas de vraies chansons à la hauteur de leur ambition. Dommage,
une fois de plus, car le matériel proposé par le groupe serait largement
suffisant pour produire deux ou trois excellents albums en étant mieux
exploité.
- Avenged Sevenfold - City of evil (2005) ★ ★
Avec ce troisième album, Avenged Sevenfold continue à évoluer et semble
avoir trouvé une sorte de point d'équilibre après les expérimentations
de ses débuts : exit les tentations extrêmes (la voix est claire tout le
temps ou presque désormais, et les choeurs bien sucrés extrêmement
présents), on est clairement dans un heavy très vitaminé et mélodique
qui se vautre régulièrement dans la facilité. En fait, même si ça se
laisse écouter, ça manque encore une fois de l'ambition de faire quelque
chose de vraiment marquant, on se contente d'aligner douze mille idées à
la suite (ça, la profusion, elle reste bien présente), souvent sans
grande logique (la fin aux influences tribales de Sidewinder, les
choeurs elfmaniens et autres touches orchestrales de The Wicked
end), mais avec le sourire aux lèvres et un enthousiame juvénile (on
sent par moments une influence des groupes de speed orchestral type
Rhapsody, mais sans le côté épique, simplement en mode "happy
nunuche"). Pourquoi pas hein, mais personnellement je continue à trouver
ça bien décevant par rapport à ce que ça pourrait donner. Je crois que
le "guimauve metal" c'est pas trop mon truc finalement.
- Avenged Sevenfold - Avenged Sevenfold (2007) ★ ★ ★
Un album sans titre, une couverture blanche sur laquelle est simplement
apposé l'emblème du groupe, faut-il voir ici l'affirmation de la part du
groupe d'une sorte d'accomplissement dans leur jeune carrière ?
Probablement, et il faut bien admettre, même quand on apprécie
modérément leurs efforts comme c'est mon cas, qu'ils n'ont pas
totalement tort. On a ici une sorte d'apogée de leur metal easy
listening aux influences diverses, avec des échappées encore plus
imprévisibles que sur l'album précédent (les influences country de
Gunslinger et de Dear god, l'ambiance cabaret fantasque de
A little piece of heaven, mais aussi des choses qu'on aurait
préféré ne pas entendre, comme les voix enfantines à la fin de
Unbound et surtout les voix trafiquées façon Daft Punk de
Lost), mais une volonté appréciable de raccourcir les morceaux et
de simplifier leur structure (l'album a une durée nettement plus
raisonnable que son prédécesseur). Et il faut bien admettre que ça
débouche sur une suite de morceaux souvent agréables à défaut d'être
mémorables (j'aime bien, entre autres, Scream et
Afterlife). Il ne faut toujours pas y chercher les chefs-d'oeuvre
que le groupe ne cherche manifestement pas à composer, mais dans ce
style un peu facile, c'est au-dessus d'une bonne majorité des albums de
pop-rock qui sortent par dizaines chaque semaine.
- Avenged Sevenfold - Nightmare (2010) ★ ★ ½
Ce disque, dont le titre et la pochette peuvent surprendre pour un
groupe qui proposait jusqu'ici une musique plutôt joyeuse, est sorti peu
de temps après le décès du batteur du groupe (remplacé pour l'occasion
par Mike Portnoy !), qui était manifestement aussi l'une des têtes
pensantes de l'entreprise. Du coup, faut-il s'attendre à un effondrement
complet ? À un changement d'ambiance pour tirer plus du côté du
sombre/douloureux/émotionnel ? Pour la deuxième question, la réponse est
plutôt oui, avec beaucoup de titres au tempo très mesuré et des intros
volontiers dépressives. Mais trop souvent, ce ne sont que des pétards
mouillés qui débouchent sur des titres heavy pop ressemblant en tous
points à ce que le groupe proposait sur ses albums précédents
(Victim en est un exemple frappant, avec son superbe glas
initial, qui contraste de façon assez douloureuse avec les petits
choeurs nunuches qui émaillent les refrains ensuite). Pas d'effondrement
en vue par contre, tout ça est toujours fait avec un grand
professionnalisme, même si on sent une certaine prudence chez le groupe
cette fois-ci (pas de chansons allant explorer des contrées
invraisemblables comme on pouvait en avoir sur l'éponyme précédent).
Bref, ça tourne un peu en rond, et ce n'est pas encore pour cette fois
qu'Avenged réussira à créer des titres qui prennent vraiment aux tripes.
L'ensemble reste toutefois loin d'être désagréable à écouter, notamment
la chanson titre et ses guitares épiques qui a une certaine gueule.
- Avenged Sevenfold - Hail to the king (2013) ★ ★ ★ ★ ½
Beaucoup de fans du groupe considèrent cet album comme l'un des plus
faibles de sa discographie, lui reprochant des structures trop
prévisibles et des influences trop flagrantes, à la limite du plagiat.
Pour moi, au contraire, il s'agit d'une véritable révélation pour un
groupe qui n'arrivait jusqu'ici pas à m'emballer vraiment. Alors oui,
c'est vrai, les américains ont énormément épuré leur style ici (jusqu'à
proposer un album très court pour eux dépassant de peu les 50 minutes),
et les influences ressortent plus nettement qu'avant (le
Metallica du Black album notamment, sensible jusque dans
le mimétisme vocal complètement assumé par le chanteur sur certains
titres, mais aussi le côté épique volontiers pompier d'un Requiem
qui lorgne plus du côté de Rhapsody et consorts). En même temps,
Avenged n'a jamais prétendu réinventer l'eau chaude, et quitte à
reprendre des styles déjà explorés, autant ne pas en faire un mélange
indigeste (ce qui était un peu le cas de certains albums antérieurs)
mais en proposer une redite de qualité et cohérente. Mine de rien,
arriver à faire un "plagiat" du Black Album qui soit presque à la
hauteur de l'original, c'est loin d'être donné à tout le monde, et c'est
plus ou moins ce qu'on a ici. Mélodies redoutablement efficaces et
accrocheuses, son nickel, touches orchestrales vraiment réussies (les
cuivres de Shepherd of fire, j'adore !), c'est irrésistible de
bout en bout... ou presque, les ballades Crimson day et Acid
rain manquant pour le coup vraiment de fraîcheur. Mais c'est à coup
sûr un album qui fait plus que me réconcilier avec Avenged Sevenfold !
- Avenged Sevenfold - The Stage (2016) ★ ★ ★ ★
L'album précédent du groupe, que j'avais tant aimé, n'aura été qu'une
parenthèse. Exit l'hommage appuyé à une forme de heavy assez classique
(mais très classe), le groupe retourne ici à quelque chose de beaucoup
plus varié, avec des titres à rallonge (surtout le dernier) à la
construction volontiers alambiquée. En fait, disons-le franchement, cet
album est le plus prog du groupe (pour le coup, les références à
Metallica sont bien loin malgré un ou deux titres qui remuent
bien). Mais contrairement à leurs premiers disques qui souffraient d'un
trop-plein d'idées pas toujours bien agencé, ici la maîtrise est au
rendez-vous, on sent vraiment que leur musique est désormais assez mûre
pour proposer des choses construites et cohérentes sans renoncer à
surprendre (les cuivres improbables de Sunny disposition, le
chant choral de Creating god). Et c'est vraiment réussi, dès la
chanson-titre qui ouvre assez magistralement l'album, et... presque
jusqu'au bout. J'avoue que, si la plupart des titres précédents me
convainquent presque sans réserve (on note quand même encore ici ou là
un refrain un peu facile, sur Paradigm et Creating god
notamment), j'ai du mal avec Exist, le morceau de bravoure d'un quart
d'heure essentiellement instrumental qui conclut le disque. Je n'ai
pourtant rien contre les nappes de synthés qui y sont très présentes
(oui, on vous a dit que cet album était prog), mais j'ai simplement du
mal à accrocher sur la longueur, à mon sens pas vraiment justifiée (les
passages techniques ne sont pas palpitants), et le discours collé à la
fin sonne plus prétentieux qu'autre chose. Mais, à ce bémol près, c'est
tout de même à nouveau un très bel album de la part du groupe, dans un
genre très éloigné du précédent.
- Avenged Sevenfold - Life is but a dream (2023) ★ ★ ★ ½
Avec The Stage, Avenged Sevenfold avait quitté la sphère du heavy
metal classique pour proposer un album assez aventureux. Il était
pourtant bien sage en comparaison de leur dernière proposition (sept ans
après la précédente !), qui laisse cette fois-ci assez loin derrière
elle l'univers du metal dans son ensemble (et pourtant, la guitare
saturée a une place proéminente dans ce disque). Impossible d'ailleurs
d'évoquer tout les styles et influences évoqués ici, parfois au sein
d'une même chanson, tant l'album semble vouloir être une somme de tout
ce que le groupe a touché de près ou de loin depuis sa création : chant
speed façon System of a down sur Game over, samples et
motfs électroniques par dizaines, jusqu'à retrouver les voix trafiquées
à la Daft Punk par endroits (sur Easier notamment), mais
aussi un retour fugace au growl des tous premiers disques du groupe (sur
Mattel), une intro technico-prog que ne renieraient pas
Haken et consorts (sur G), sans compter le chant de
crooner et les cordes synthétiques voluptueuses en fond de
(D)eath. Le plus surprenant dans tout ça, c'est que ce mélange
particulièrement riche arrive à éviter l'écueil de la dispersion, ça se
tient plutôt bien, et l'odyssée musicale à laquelle on est conviés a
quelque chose de fascinant. Pour autant, je ne crie pas au chef-d'oeuvre
car il y a quelques pistes irritantes dans le lot (We love you
est assez insupportable), et quelques idées qu'il aurait été plus sage
de laisser de côté (la dernière piste et son improbable pastiche
chopinien au piano). Mais la prise de risque et l'effort fourni pour
produire un tel disque méritent vraiment d'être salués. Quand on pense
qu'Avenged Sevenfold a longtemps traîné une réputation de groupe de
suiveurs pour midinettes, leur évolution récente laisse pantois.