Mon avis personnel sur les disques d'Anthrax
- Anthrax - Fistful of metal (1984) ★ ★
Anthrax c'est un peu la cinquième roue du carrosse du thrash, le groupe
qui a été été intronisé comme un "Big Four" du genre aux côtés des
légendes Metallica, Megadeth et Slayer, mais dont personne ne comprend
plus bien pourquoi trente ans plus tard, et qui traîne une réputation
plutôt incongrue dans ce style de groupe "fun". Pour son premier essai
discographique, le groupe nous propose en tout cas une pochette assez
grotesque (qui fait forcément penser à une autre un peu plus tardive et
célèbre d'un certain Pantera), mais surtout un thrash bien dans
son jus avec production datée et chanteur totalement incompétent. Bon,
on sait bien que ce genre de détail n'a jamais empêché un groupe de
percer, mais là quand même, ça gâche pas mal le disque. Une
remasterisation ne ferait vraiment pas de mal tant le son est étouffé et
la batterie fait de la bouillie, et le chanteur fait vraiment mal aux
oreilles (il disparaîtra avant que le groupe n'enregistre un second
album), notamment dès qu'il tente de partir dans l'aigu. Bon ok, mais la
musique dans tout ça ? Eh bien c'est vraiment du thrash très classique
(c'était probablement plus novateur à l'époque), avec une ou deux intros
vraiment réussies (celle de Panic), et quelques riffs qui donnent
envie de bouger (Metal thrashing mad, sûrement le sommet du
disque), mais rien d'exceptionnel non plus et une homogénéité qui donne
l'impression que ça tourne en rond alors que l'album ne fait qu'une
grosse demi-heure. Rien de très fun là-dedans, mais surtout rien qui
mérite de se replonger dans cet album si on n'est pas un adorateur du
thrash des débuts.
- Anthrax - Spreading the disease (1985) ★ ★
Hasard du calendrier je chronique aujourd'hui un disque dont le titre
est le même que celui d'une chanson de Operation : Mindcrime,
album sujet de ma précédente chronique. Le genre, lui, en est assez
éloigné, mais depuis sa première tentative, Anthrax a changé des choses,
avec un chanteur très différent qui paraît même un peu déplacé (chant
bien clair et très net, très en avant par rapport aux guitares toujours
aussi fouillis en fond, ça ne fonctionne pas vraiment, mais au moins lui
sait chanter) et une plus grande assurance de tous les musiciens. Est-ce
suffisant pour faire de cet album le classique dont il a la réputation ?
En fait non, c'est un peu mieux mais ça reste trop basique (quand il y a
un bon riff ou un refrain efficace, comme sur A.I.R. ou Stand
or fall, il est répété sans variations tout le long de la chanson)
pour vraiment intéresser à long terme (et puis bien sûr, le son daté
n'aide pas). Et puis bon, si le côté soi-disant fun du groupe c'est la
fin complètement ridicule de Gung-ho, on va espérer qu'ils ne
feront pas trop d'autres blagues sur les albums suivants. Restent
quelques intros sympathiques et un Armed and dangerous pas si
mauvais même si l'influence du Metallica de Fade to black
est bien trop présente (et que c'est un très gros cran en-dessous). Pas
de quoi s'emballer donc.
- Anthrax - Among the living (1987) ★
Après deux premiers essais pas franchement concluants, cette troisième
tentative ressemblait à un rendez-vous de la dernière chance entre
Anthrax et moi-même, puisque ce disque est assez unanimement considéré
comme le sommet de la carrière des new-yorkais. Eh bien, comme
rendez-vous manqué, on peut difficilement imaginer mieux, tant les
défauts de cet album me sautent à la figure tandis que ses qualités me
semblent bien maigres. Déjà, la production reste assez problématique, le
son des guitares n'est pas net et manque cruellement de puissance mais
elles sont surtout totalement bouffées par le chant mis très en avant,
ce qui est évidemment gênant quand le chant en question est atroce tout
le long. Non pas que le chanteur soit nul (j'ai déjà dit qu'il était
nettement meilleur que le précédent), mais il adopte ici un style scandé
(limite rappé !) systématique sur les couplets qui le rend
insupportable. Il aurait donc fallu que la musique en fond soit
spectaculairement inspirée pour que je puisse être emballé, et elle ne
l'est pas. Tout au plus du riff thrash potable mais sans imagination,
pas mélodique pour deux sous et trop souvent répétitif. La fin de
l'album est un peu meilleure (One world est même un vrai bon
titre) mais le fait que la chanson titre ou I am the law puissent
être considérés comme des classiques est pour moi totalement
incompréhensible.
- Anthrax - State of euphoria (1988) ★ ★
Les fans de la première heure d'Anthrax considèrent que ce quatrième
album marque le début de la fin pour le groupe. En ce qui me concerne,
c'est au contraire le premier où je commence à trouver leur musique
intéressante, quoique seulement par intermittences. L'album commence
pourtant vraiment bien, avec un Be all, end all à l'intro au
violoncelle surprenante (mais une fois de plus de toute façons, les
intros sont souvent ce qu'il y a de mieux dans les chansons de cet
album) mais surtout un côté plus mélodique qu'à l'habitude qui me
convient bien. Le chant est pour moi nettement moins problématique que
sur Among the living (même si ça se gâte ensuite, notamment sur
Now it's dark), et la bonne tendance est confirmée par les deux
titres suivants, même l'assez déjanté Make me laugh me semble
assez réussi. Et puis il y a cette curieuse reprise d'Antisocial
plantée au beau milieu de l'album. Déjà, c'est une idée étrange (c'est
inévitablement moins bon que l'original de Trust même si assez
fidèle, le refrain notamment ne passe pas du tout aussi bien), mais
surtout, ça semble complètement couper les jambes du groupe, qui retombe
ensuite dans la médiocrité, entre un Who cares wins beaucoup trop
long et les titres finaux franchement ratés. Bon, dommage, l'album
vraiment réussi ne sera pas encore pour cette fois, mais au moins il y a
ici la démonstration d'un certain potentiel, suffisant pour que je
continue l'aventure encore un peu.
- Anthrax - Persistence of time (1990) ★ ★ ½
Ce cinquième album sera le dernier à être enregistré avec le chanteur
Joey Belladona, et à l'écoute on comprend facilement pourquoi un
changement de vocaliste est apparu nécessaire. En effet, il y a une
grosse évolution de style ici, Anthrax délaissant son côté festif et
sautillant pour proposer un thrash nettement plus sérieux (on pense
souvent à Metallica niveau instrumental), avec des titres plus longs,
alors même que ce disque est sorti à une date où ce genre de musique
battait de l'aile (pas très en phase avec leur époque, les musiciens
d'Anthrax puisque jusque-là ils étaient plutôt en avance sur leur temps
!). C'est d'ailleurs fait de façon plutôt correcte, sans génie mais avec
une efficacité certaine (Time, One man stands), mais le
chant de Belladona est clairement à côté de la plaque pour ce genre de
musique, beaucoup trop clair et pas assez agressif. À la limite, le
chant quasi rappé de Blood serait plus adapté, c'est dire...
- Anthrax - Sound of white noise (1993) ★ ★ ★ ½
Encore un groupe qui a changé de chanteur à mon programme aujourd'hui.
Mais ici, ce changement est vraiment largement audible, et accompagne de
façon logique l'évolution stylistique du groupe. Pour ce premier disque
avec John Bush au chant, Anthrax propose en effet un metal beaucoup plus
mélodique qu'à l'habitude, qui laisse un peu de côté le thrash technique
au point de donner parfois dans la facilité. Bon, ok, disons-le
clairement, le groupe a fait son Black Album avec quelques années
de retard sur leurs comparses de Metallica. Il y a là
certainement de quoi énerver les fans de la période Balladona, mais pour
quelqu'un comme moi qui n'a au contraire pas aimé les albums précédents
et qui adore le disque culte de Metallica, c'est franchement une bonne
nouvelle ! Et d'ailleurs, sans atteindre les sommets de son modèle, on a
là un disque franchement sympa, avec des riffs qui fonctionnent très
bien (Room for one more, 1000 point of hate), une
inévitable ballade réussie (Black Lodge), et même quand le groupe
part dans du n'importe quoi festif qui ressemble plus à son ADN je suis
cette fois-ci assez conquis (Burst et sa basse galopante). Si
l'évolution du groupe le pousse à produire d'autres albums de ce
calibre, franchement, je suis prêt à changer d'avis sur Anthrax !
- Anthrax - Stomp 442 (1995) ★ ½
Avec ce septième album, Anthrax continue sa mue vitesse grand V : le
passage par un metal simplifié et mélodique sur l'album précédent n'aura
finalement été qu'une étape, là on est passé carrément à autre chose,
avec une influence très forte de la nouvelle scène américaine (vous
savez, les bourrins de chez Pantera et Machine Head).
Voila qui n'est pas forcément pour me plaire, et je trouve de fait ce
disque très moyen. Certes le son est impressionnant et la section
rythmique envoie du pâté, mais c'est d'une linéarité qui fait que ça
lasse très vite, le groupe n'ayant manifestement pas les moyens dans ce
style de faire grand chose d'autre que bourriner sans variations pendant
trois quarts d'heure. Ce n'est d'ailleurs pas forcément mal réalisé,
mais bon, quand on n'est déjà pas un fan absolu des groupes cités plus
haut, une copie des dits groupes en moins bien, ça ne peut qu'être assez
décevant. Et puis conclure sur un titre acoustique sans aucun lien avec
ce qui précède est une idée curieuse (surtout que le titre en question
est clairement mauvais).
- Anthrax - Volume 8 : The Threat is real (1998) ★
C'est gentil de la part d'Anthrax de préciser qu'il s'agit là de leur
huitième album, ça m'évite de perdre le fil. On est en donc au troisième
avec John Bush, et il faut bien admettre qu'après un Sound of
white noise très prometteur, Stomp 442 avait bien douché mon
enthousiasme naissant. Cette nouvelle tentative ne fera pas grand chose
pour remonter la pente. En fait, Anthrax y fait ce qu'il veut,
c'est-à-dire assez souvent n'importe quoi, sans aucun souci de
cohérence. On a donc quelques morceaux très teintés neo metal (les riffs
ne sont vraiment pas très recherchés) mais plutôt sympathiques (le début
de Crush, Killing box), au milieu desquels sont insérés
des titres nettement plus bordéliques (l'incompréhensible Inside
out), des délires "country metal" risibles (Toast to the
extras) et des intermèdes où le groupe se tape juste un délire sans
intérêt. Un album qui aura bien du mal à provoquer un intérêt chez
d'autres que les fans absolus du groupe.
- Anthrax - We've come for you all (2003) ★ ½
Cinq ans après le précédent, et alors que le groupe est entré dans une
période de turbulences dont il aura bien du mal à sortir, Anthrax sort
un dernier disque avec John Bush au chant. En ayant lu pas mal de bien
j'espérais qu'il remonte effectivement la pente par rapport aux
précédents, mais en fait ce n'est guère le cas. Certes, on évite ici les
pistes complètement délirantes du disque précédent, mais n'empêche que
ce qui reste est beaucoup trop long (pas moins de 16 titres dans la
version complète), et surtout que le chant de Bush y est extrêmement
pénible, en permanence crié sur des lignes vocales grossières. Comme le
fond instrumental donne lui aussi bien souvent dans la facilité malgré
quelques bonnes idées (l'intro de Any place but here, le côté
plus vintage de Taking the music back), ça suffit à faire une
nouvelle fois passer l'album du côté de la médiocrité. Ceux qui aiment
les productions bien puissantes des années 2000 admireront tout de même
le rendu sonore assez impressionnant.
- Anthrax - Worship music (2011) ★ ★ ★
Pas moins de 8 ans séparent ce dixième album studio d'Anthrax du
précédent. Entre temps, beaucoup d'agitation au sein du groupe, des
changements de line-up à ne plus savoir où donner de la tête, et
finalement Joey Belladonna qui reprend du service côté chant. Pas
forcément une bonne nouvelle en ce qui me concerne, mais bon, vu le
niveau des derniers disques avec Bush, ça aura au moins le mérite
d'apporter un peu de renouvellement. Mieux, ça semble même avoir redonné
de l'inspiration à tous les musiciens, qui font preuve d'énergie et
d'envie tout au long de l'album malgré le caractère très inégal des
compositions proposées. L'inaugural Earth on hell laisse entendre
un retour à un thrash agressif (encore amplifié par le son aussi énorme
que sur les disques précédents du groupe), mais c'est une illusion car
la suite navigue plus entre heavy mélodique musclé (Fight 'em 'till
you can't) et carrément du hard popisant d'assez mauvais goût (mais
pas forcément si mauvais, The Devil you know fonctionne assez
bien malgré ce côté racoleur ; par contre avec The Constant on
tombe assez bas). Comme si Anthrax ne pouvait pas s'empêcher de tomber
dans la facilité, ce qui est manifeste aussi dans le nombre élevé de
morceaux proposés, donc certains s'étirent d'ailleurs plus que de raison
(Judas Priest). Dommage, car ça vient un peu plomber un album qui
reste quand même globalement de bonne tenue, et qui est surtout éclairé
par quelques tentatives assez inclassables qui montrent que le groupe
reste capable de fort bonnes choses : I'm alive est très
intéressant malgré son refrain horriblement pop, et surtout In the
end (avec son Hymn 1 introductif aux violoncelles !) crée une
ambiance épique assez exceptionnelle, chose qu'on n'imagine guère chez
Anthrax. De mon point de vue de "pas fan du tout du groupe", il ne
manquait pas grand chose à ce disque pour devenir tout simplement le
meilleur de leurs auteurs.
- Anthrax - For all kings (2016) ★ ★
Depuis le retour de Belladonna au chant, Anthrax s'est trouvé un nouveau
style assez éloigné de celui qui a fait sa réputation il y a quelques
décennies (quand on écoute un Breathing Lightning, difficile de
reconnaître un des piliers du thrash). Pourtant, leur album précédent
était vraiment sympa et contenait quelques titres vraiment inspirés.
Celui-ci lui ressemble... sans les titres vraiment inspirés. On vaque à
nouveau assez souvent sur les rivages d'un hard rock mélodique qui
s'écoute gentiment mais dont l'intérêt est fort limité, avec quelques
pistes un peu plus brutales pour vaguement sauver la face (mais même un
titre comme Suzerain qui démarre violemment est affublé d'un
refrain mielleux au possible). L'ensemble est très acceptable en musique
de fond, mais ça ne mérite pas vraiment plus d'attention que ça.